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 l'Inexorable goût du sang [Terminé]

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Neo de Cléruzac
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MessageSujet: l'Inexorable goût du sang [Terminé]   l'Inexorable goût du sang [Terminé] I_icon_minitimeVen 7 Juil 2017 - 20:17

‹‹‹ La Fraternité du Roi
Son fil émoussé…? ›››



XIe Cycle • An 10 • Karfias d'Hiver
La veille au soir...


Allez Neo ! avait insisté pour la énième fois Raffik.
Eh mon con, j'en ai plein le cul de tes beuveries incessantes, avait répondu du tac au tac le guerrier. Et c'est littéralement qu'il s'était exprimé, car le virulent alcool ingurgité durant le mois de Verimios lui avait irrité les fesses, et gonflé les veines anales. Il souffrait de douloureuses et encombrantes hémorroïdes, hélas Kovù n'était plus là pour préparer ses petites crèmes apaisantes.

Apaisés aussi étaient les Aegypius, car ils avaient enfin dépassé le chagrin tiraillant qu'avait été causé par le suicide de leur chef. C'était malgré tout l'alcool qui avait abruti leurs sens, écarté la tristesse, fait glisser l'amertume au fin fond de leurs tripailles.
Et puis... Après tout, chacun était maître de son destin... Le guerrier qui présidait leur fraternité n'avait pas fait preuve de lâcheté, bien au contraire il avait été courageux, il avait fait un choix, celui de ne plus souffrir. Car lui aussi avait souffert de ne plus pouvoir guerroyer, Neo se gardait bien de juger feu son ami. Il fallait savoir de fait, que lui-même​ avait pensé au suicide lorsqu'il s'était fait déchiqueter la jambe par un bearog, car il avait cru que plus jamais il ne combattrait.

Mais il avait eu les meilleurs soins, et avait par chance évité la gangrène et ses complications. La convalescence avait été péniblement longue​, et voilà plus d'un an que pour seuls combats, il y avait les heures d'entraînements avec ses frères, ni plus, ni moins. Or la rage latente, pensait-il, finirait bien par vexer un jour ou l'autre son Dieu. C'est que plus aucun sang n'avait coulé par ses mains, plus aucune parcelle n'était par ses soins irriguée de vermeille. Il était hélas bien temps qu'il se retrouve, qu'il s'y remette, les combats étaient sa raison de vivre, et peu à peu il s'éteignait...

Depuis la mort de Kovù, un mois auparavant, la Fraternité avait à peine repris du poil de la bête. Ils avaient combattu dans les sous-sols de la Caze, puis tour à tour ils s'étaient affrontés pendant des jours, de longues heures durant. Plus de cents combats avaient eu lieu, échangeant de partenaires à chaque victoire, à chaque défaite. Les uns maniaient la hache, les autres le glaive et pendant près d'une semaine l'acier chauffait la pièce autant que l'ardeur qu'ils y mettaient. Leur atout majeur était la discipline, certes, mais aussi la camaraderie et l'honnêteté. Ainsi à chaque pas de traviole, à chaque mouvement raté, Neo qui était un des rares à savoir écrire, notait les gestes et les parades, étudiant en profondeur les combats. Le matin suivant, au café et avant l'échauffement, ils abordaient ensemble le pourquoi et le comment des chutes, des défaites, en bref un partage de critiques afin de faire évoluer leurs techniques. De cette façon les valeureux guerriers progressaient chaque jour un peu, mais surtout ils graissaient la machine qui parce qu'elle avait été délaissée, commençait à rouiller, implacablement... La Fraternité, bien que de grande renommée, commençait inéluctablement à disparaître des bouches estreventines.

Allez Neo ! avait reprit de plus belle le pénible mais adorable Raffik, entre deux entraînements effrénés. Si c'n'est point pour gigoter les guibolles avec quelque charmante demoiselle - pour ça point de crainte frérot je m'y colle pour deux - on trouvera peut-être bien un petit contrat salutaire, histoire de se remettre dans le bain hein, qu'en dis-tu gronchon ?

Deux choses étaient à remarquer dans les phrases de Raffik Toumanlé.
La première étant que les membres de la Fraternité du Roi n'avaient pas nommé de chef depuis la mort de Kovù, mais ils avaient tous, et tacitement, décidés qu'il incombait à Neo la tache de les présider. Ils savaient qu'il refuserait, alors ils s'étaient imaginés qu'ils l'auraient à l'usure.
La deuxième étant que Neo s'était enfin remi de sa blessure. Il avait en effet quelques jours auparavant laissé sous entendre que sa jambe était bientôt rééduqué, certes enquiquineuse mais elle avait reprit un peu d'aplomb. Il n'avait plus besoin de bâton pour marcher. Et le goût du sang se faisait inexorablement désirer... C'était donc à célébrer.

Très bien. J'y vais à ta fête de merde, avait-il enfin cédé. Ainsi les Aegypius s'étaient allègrement rendus sur les quais.


››› Nouvel An Thaari‹‹‹


Le lendemain...

Il y avait certes moult relent d'alcool qui embaumait la Caze, néanmoins Neo ne souffrait pas comme Caled ou Raffik qui avaient tous les deux rajouté un soupçon de vomi à l'atmosphère du salon. En fait la soirée n'avait été ni torride ni violente pour Neo.

En ce début d'année il s'était apprêté, avait ôté cette robe trop longtemps portée, et avait avec joie enfilé un pantalon robuste. Bien sûr il avait au préalable massé sa cuisse meurtrie avec une crème à base d'eucalyptus et de camphre. Il était fin prêt. Et au vu des nouvelles de la veille, son départ n'était qu'une question d'heures...



Dernière édition par Neo l'Irascible le Dim 13 Aoû 2017 - 17:07, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: l'Inexorable goût du sang [Terminé]   l'Inexorable goût du sang [Terminé] I_icon_minitimeLun 31 Juil 2017 - 15:55



Si les autres guerriers dormaient encore paisiblement, le courageux Neo s'était mit à fermenter depuis qu'il avait quitté le palais de Savarius. L'idée de reprendre un peu d'activité l'avait empêché de dormir si bien qu'il avait arpenté la Caze comme l'aurait fait un chat non seulement folâtre mais aussi insomniaque. La seule différence étant que Neo au lieu de courir derrière les souris et leurs ombres, il bondissait vers les possibles et potentiels scénarii qui s'offraient à la Fraternité. Où ? Comment ? Qu'en penseraient ses Frères ? Oh oui il avait bondit et rebondit toute la nuit, si bien qu'il lui avait fallut plus d'une bougie afin d'éclairer des heures durant la chambre, qui désormais ne serait plus une prison. La prison amère de sa convalescence ; l'antre de la frustration dix fois régurgitée, autant de fois ingurgitée, rumination exacerbée de petulance étouffée...

Ses tocs étaient réapparus avec plus de virulence que celle qu'on lui connaissait habituellement. Il avait rangé puis ordonné tous les objets présents dans la pièce. Bien sûr ce faisant il n'avait cessé de réfléchir, bien au contraire la réflexion était le ressort de sa manie. Les parchemins, les plumes, les babioles, tout avait trouvé une place certaine dans les étagères qu'il avait un jour confectionnés. Les bougies, les silex, tout avait rejoint l'emplacement précis qui lui était prédestiné. Cela allait sans dire que si tous les objets de la pièce étaient rentrés dans le rang, c'est que pendant des lustres ils avaient trainés ailleurs qu'au bon endroit, batifolant dans quelque recoin perdu, oubliés sous un lit, écrasés sous un tas de bures souillées, recouverts de poussière. Les vêtements avaient flirté avec la cire des bougies qui avaient laissé sur le tissu leur sève maintenant collée et séchée. À certains endroits l'encre avait de noir tâché de fastueux tapis d'Ys... Et sur ceux-là des bouts de verres éparpillés avaient menacé d'ouvrir les chairs d'intrepides visiteurs pendant des semaines, relatant les moments du fureurs qui avaient vu Neo fracasser ce vase contre l'armoire, détruire cette magnifique carafe en cristal - de rouge remplie - sur un mur jusqu'alors, immaculé. L'Irascible avait encore fait des siennes. Aujourd'hui il ramassait les bouts de verres...

Bref, la chambre, l'antre de Neo, avait sombré dans un capharnaüm sans nom depuis que l'homme avait été blessé à la cuisse par l'ursidé. Pendant plus d'un an il avait laissé la pièce devenir un royaume arachnide, où non seulement les acariens avaient investi les lieux, les fourmis en avaient fait un garde-manger mais les souris avaient établi un endroit  pour roupiller - et même déféquer !

Aujourd'hui l'endroit avait été nettoyé de fond en comble. Pendant trois heures il avait débarrassé, nettoyé, si bien que la pièce brillait par sa propreté. Dehors par contre, devant la porte close, en plein milieu du couloir, il avait balancé toutes les saloperies qui n'avaient pas leur place dans la chambre. Lorsque l'on toqua à sa porte, le soleil s'était à peine levé et les premiers rayons illuminaient qu'une partie de la cité. Il ouvrit la porte et bien sûr si la montagne d'immondices ne l'empêchait pas de voir le grand brun de blanc vêtu, elle empêchait ce dernier de pénétrer dans la chambre. De toute façon il avait interdit à quiconque de rentrer dans son dépotoir... Maintenant il ne pouvait pas même en sortir, alors que le couloir, lui, était obstrué par un tas d'immondices. Pas besoin de foi pour soulever des montagnes, juste un peu de temps et de motivation...

Si jamais je ne reviens pas... Ils auront moins de tri à faire, avait-il conclut son ménage de printemps même si l'hiver battait en fait son plein. Felix avait rit de la blague, sans toutefois comprendre​ pourquoi l'homme ne reviendrait il pas, Il revient pourtant bien tous les jours, s'était dit le serviteur.
Maître, désirez-vous une colla...
Combien de fois devrais-je te répéter que ton bourgeois de maître s'appelle Raffik, gronda Neo. Moi c'est Neo tout court. Si tu veux me traiter de connard tu peux. Seulement je ne te virerai pas, moi, juste une torgnole pour te remettre à ta place. Le bel éphèbe allait sans doute se confondre en milles excuses devant l'incompréhensible loghorrée de l'ami de son maître, mais Neo l'interrompit une deuxième fois.
Tiens...  Veux-tu bien m'aider au lieu de rester les bras ballants à me regarder ? Oui j'ai mis un pantalon, oui j'ai mon hache ceinte, alors si tu veux pas que je te fende le crâne avec tu vas fermer ta bouche. Je vois ta glotte, imbécile. Malgré le ton, Neo adorait Felix, bel éphèbe mais simple d'esprit. Il aimait le taquiner, mais jamais il n'avait osé lever la main sur lui ou l'insulter vraiment. Bien au contraire combien de fois avait-il défendu l'idiot que son maître menaçait de faire fouetter !
Je... Oui... Mai...
Mai-mai-mes couilles oui ! Bon, tu m'aide à prendre tout ce merdier on va tout cramer dans la cour.
Oh oui maître ! Comme... Un feu de joie ?
...

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MessageSujet: Re: l'Inexorable goût du sang [Terminé]   l'Inexorable goût du sang [Terminé] I_icon_minitimeDim 6 Aoû 2017 - 19:02




Eh oh ! Putain mais par les couilles du Coléreux ! t'en as pas eu assez d'la fournaise d'hier nuit  !? Chaque coin d'rue était tout feu tout flamme sans déconner Neo, et toi tu viens faire ça dans la cour ? T'es vraiment bizarre des fois ! s'était insurgé Raffik en apparaissant nu dans la cour de la Caze. L'homme s'était comme accoudé au montant de la porte et il se grattait impunément le sexe qui commençait inexorablement son rétrécissement dû au froid de l'hiver.

Le feu de Neo et de son acolyte Felix était encore une flamme vacillante d'un petit mètre de hauteur. Il resterait très certainement dans les cendres quelques clous noircis... De fait il y avait à brûler entre autre un siège qui avait été fabriqué dans un des ateliers les plus prestigieux de Qiryah. Neo en était le propriétaire et son jeune neveu fruit d'un inceste, et dernier membre de sa vraie famille y était apprenti. Son maître était un fabuleux ébéniste nommé Hossein Damar, mais le plus surprenant étant que cet artiste hors pair avait été Aegypius avant de perdre les deux jambes. Il avançait désormais sur un siège sur roues qu'il avait créé lui-même - quel atout d'avoir l'art de façonner le bois et la passion du bricolage ! Neo, altruiste avait trouvé bon compromis en faisait son seul et unique investissement en achetant la boutique et d'y installer ces deux êtres qui lui étaient chers.

Toujours est-il qu'en voulant enflammer le meuble qui trônait sur le feu hésitant, l'Irascible avait imbibé le siège avec un liquide qui finalement n'était pas inflammable. Félix et lui, amusés par l'étourderie du guerrier, avaient vu la fumée grisâtre s'épaissir quelques instants. Pendant que l'humide s'évaporait, un nuage importun avait filé droit dans la chambre de Luka. Quelques imprécations plus tard celui-ci était apparu trois secondes à sa fenêtre puis avait théâtralement claqué les volets de son antre. Raffik ne devait pas être le seul à avoir eu de la compagnie donc... Peut-être même que cette dernière était nombreuse, car ouvrir de cette saison sa chambre aux froids hivernaux, signifiait avoir chauffé sa chambre significativement. Soit par le feu, soit par l'exercice physique de plusieurs personnes. Pendant des heures.

Et toi tu en as pas eu assez hier soir coquin ! répondit alors Neo du tac au tac à Raffik. Il n'avait pas encore vu les petites jambes fines et immaculées qui tentaient de se cacher derrière l'homme, qui avait la carrure d'une armoire massive.

Tu vois ce canapé de misère ? Appréciant le faciès étonné du propriétaire des lieux il s'empara d'une bouteille d'alcool qu'il venait de déboucher avant l'irruption de son collègue. Après avoir bu une longue goulée il la fracassa contre l'accoudoir du siège qui commenca aussitôt à se faire lécher par les flammes ravivées. Eh bien je le brûle parce que j'ai trop posé mon cul dessus ces derniers temps. Je le répudie. Plus qu'un mauvais souvenir... Et les mauvais souvenirs, je les calcine avait-il fièrement annoncé.

Les deux amis avaient éclatés de rire. S'approchant de Raffik et sentant déjà les effluves qui émanaient de son corps, il remarqua les petits pieds nus qui frôlaient ceux du colosse.

Arrêtez de vous cacher derrière la bête, brave... demoiselle. Tenez, demandez à votre partenaire, si toutefois vous connaissez vos prénoms respectifs !, qu'il vous fasse déjeuner correctement puis il faudra par la suite, je le crains, que vous me laissiez quelques temps discuter avec... votre étalon. Il avait dit cela avec tout le sérieux du monde tout en s'approchant de son ami pour apprécier les courbes de la jeune femme. On aurait plutôt dit une jeune fille, elle ne devait pas avoir plus de seize ans. À observer les hématomes que lui avait fait Raffik sur les bras, on aurait pu croire à une intervention forcée... Seulement son petit air coquin et les griffures qui recouvraient les flancs et le dos du guerrier pouvaient confirmer un acte consentant. Alors il avait prié discrètement Felix de se rendre en cuisine et d'y grappiller quelque bon repas afin de la requinquer. Il avait fait comprendre au serviteur que le maître des lieux pouvait lui aussi bénéficier de ce traitement, car à estimer les cernes (des sillons) et la démarche (un navire qui tanguait), l'homme avait besoin de manger plus qu'un œuf et du pain pour pouvoir être d'une quelconque utilité aujourd'hui. Et un bon bain. Il attendrait que tous soient réunis.

Alors que rentraient de nouveau dans la demeure les joyeux lurons, Luka était arrivé avec une... deux ! femmes frôlant la quarantaine. Les jumelles - car elles n'avaient de différent que la couleur des cheveux - étaient accrochées à ses bras et elles semblaient aussi ivres que l'amphitryon de leur nuit.

Toi ! Tu nous as fais bouffer la fumée de ton feu d'joie !
Moi !? Mais je voulais juste me réchauffer ! Refuserais-tu, le Cadet, de laisser à ton ainé cette possibilité, alors que les matins d'hivers sont aussi froids que la sœur frigide de Matteo, de se réchauffer comme il le peut ?

Les rires s'envolèrent dans la cour intérieure puis allèrent se perdre dans l'immensité du ciel thaari. Lorsque Neo avait commencé à ouvrir la bouche, le jeune membre de la Fraternité avait d'emblée deviné que son frère avait quelque chose d'important à dire. Seulement le visage de Neo n'avait pas ou très peu changé, il semblait figé comme une statue d'argile. Ce n'était pas bien étonnant après tout, les Neufs ne se connaissaient​ que trop bien.

J'ai quelque chose de très important à vous annoncer, Aegypius. Mais il faudrait d'abord réveiller tous tes flemmards de frères ronfleurs. Tu voudrais bien me rendre ce service ? Kéno sera bientôt de retour, il était réveillé aux aurores, il est sensé revenir accompagné. Sans doute que Luka se demandait bien de qui pouvait être accompagné Kenopi.
Quant à elles... Il fixa les deux femmes qui elles avaient tout à envier à la beauté de la jeunesse et que l'alcool devait avoir ruiné avant l'heure... Mais qui était il pour les ignorer ? Quant à vous mes braves dames... Si vous voulez decuver... Ça sera dans la chambre de votre hôte, et vous n'aurez pas l'autorisation d'y sortir avant d'avoir dormi quelques heures. Puis s'adressant de nouveau au guerrier avant de revenir aux filles. Ça nous donnera le temps de discuter, et ne vous inquiétez pas mesdames il reviendra assez vite. Le jeune Aegypius qui n'avait pu qu'obéir à son aîné qu'il respectait énormément, tourna les talons toujours collé par les sœurettes ; toujours aussi un peu intrigué par cette étrange visite qu'ils étaient supposés recevoir.



Dernière édition par Neo l'Irascible le Lun 14 Aoû 2017 - 13:26, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: l'Inexorable goût du sang [Terminé]   l'Inexorable goût du sang [Terminé] I_icon_minitimeDim 13 Aoû 2017 - 17:06




Grôôin-grön-groïïïïnnn. Gruuuuuîîîî !! hurlait l'animal lorsque l'Irascible et Kéno le descendirent aux sous-sols de la Caze. C'était un sanglier domestiqué d'une soixantaine de kilos, ses poils rêches étaient encore croûtés de boue, et le bout de sa queue tressée frétillante​ d'anxiété. L'animal, adroitement ligoté par trois de ses pattes devait se sentir seul, attaché, sans défense, sans défenses. Celles-là avaient été coupées à la tenaille depuis quelques mois déjà. Force brute et force de jeux, l'animal avait de fait, fait parfois preuve de violence. Non il n'avait rien de méchant César le porc, beau sanglier de trois ans déjà et qui vous suivait hélas comme un petit chien. C'est qu'il avait du haut de son âge et, joueur, éventré trois chiens et quatre poules le petit marcassin...! Il avait été pardonné et l'ablation de ses dents acérées avaient été la condition sinequanone qu'avait imposée la grand-mère Sangsue qui de sa chambre régnait sur sa famille.

Mais... César avait refait des siennes.

César... s'était emparé du potager de tante Guërta ! Il avait envahi les lieux dans la nuit et s'était proclamé empereur du jardin et de ses légumes - d'hivers. César avait encore tout mangé, César avait tout retourné, mais que mangeraient ils cet hiver, à part César !? Non non il était hors de question de manger l'animal... les enfants s'y étaient trop habitués, puis son goût... Oh son goût serait là assaisonné de tendres souvenirs de ce porc si reche de poils mais si doux d'affection !

Et puis non, autant le vendre ! avait conclu la famille dont il était issu.

Son nom avait circulé près d'une matinée de coin de rue en coin d'avenue, atterrissant enfin nonchalamment sur le comptoir de Chez Maggy. Fatalement ensuite aux oreilles de Kenopi qui justement cherchait une bête depuis trois heures déjà, et que Neo devait maudire​ tant l'homme mettait du temps à trouver un cochon ! Finalement, que le hasard faisait bien les choses ! Aujourd'hui le destin de César s'achevait dans ce lieu si calme qu'était le quartier général des Aegypius. Et pour un sacrifice à Othar. Quel honneur !

Dans la salle, ou plutôt dans le salon martial que s'était au fil des ans aménagé la Fraternité, les exaltés d'Othar crurent bon de s'agenouiller lorsque les deux membres restants amenèrent​ la bête. Neo, qui avait revêtu sa toge afin de présider le sacrifice, hissa à l'aide du Doyen le docile animal, sur un chevalet qui avait depuis longtemps prit poussière. Le porcin s'était momentanément calmé et sa respiration doucement se rythmait. Il n'avait pas peur des humains après tout, même s'il trouvait la scène étrange, César attendait sereinement sa soupe d'orge quotidienne !

Tous s'étaient positionnés autour du guerrier religieux et attendaient qu'il entame le rituel. Il dégaina un couteau dont il avait au préalable aiguisé la lame. Était-ce une impression ou le regard du guerrier se reflétait sur celle-ci tant il avait prié Othar ? Impossible car la lame était noire comme le sang coagulé qui tapisserait plus tard le sol d'une petite auréole macabre. La scène prenait des airs sacrés, au fur et à mesure que les mots de Neo emplissaient les sous-sols.

Je prends les devants aujourd'hui mes Frères, sachant pertinemment que vous attendiez cela depuis que Kovù nous a quitté. En son honneur je me prononce aujourd'hui, pour être celui qui vous guidera, qui guidera vos pas à travers Miradelphia et ses combats ! Et ce... à travers l'adversité, à travers  toutes les difficultés que nous aurons à affronter, car nous sommes fils d'Othar !

Ils approuvèrent la sentence en frappant leurs torses à deux reprises. Leurs poings puissants restèrent quelques instants au niveau de leurs cœurs encensés.

Aujourd'hui mes Frères, nous sommes plus forts que jamais. Nous n'avons guère eu l'occasion d'œuvrer pour le Seigneur, et ce depuis voilà des lustres amers. Je m'engage aujourd'hui à faire évoluer notre condition. Il y avait là, dans l'amertume évoquée, le mal qui rongea Kovù et cette jambe de malheur qui maintenait leur nouveau chef au repos. Le Aegypius avaient aujourd'hui besoin de retrouver leur Dieu qu'ils avaient quelque peu délaissé...

Alors que le malheur n'incombait que ma personne, vous avez été justes et solidaires. C'est donc aussi, pour votre honneur échoué, que je me prononce aujourd'hui, afin de présider la Fraternité.

À ces aveux ils ne pipèrent mot, c'est qu'ilsils attendaient ce jour avec impatience. Les huits guerriers balayèrent l'air de leurs poings clos, puis tout en s'agenouillant ils vinrent heurter leurs torses à plusieurs reprises. Cette consécration n'avait nul besoin de consentement additionnel.

Peut-être que vous vous languissiez, et c'est avec stoïcisme que j'ai dû patienter, VOUS faire patienter !? Aujourd'hui je peux accepter fièrement ce devoir, que dis-je cet honneur que vous me faites, mais que me fait avant tout le Coléreux.

Neo était ainsi devenu chef des Aegypius.

Pour entamer une nouvelle ère
Voici en sacrifice ce sanglier
Puisses-tu accepter notre offrande
La première d'une longue série
Que nous inaugurons au jour d'hui

Nous, Aegypius
Dépositaires de tes Serments
Interprètes de tes Volontés

Notre père
Puisses-tu nous bénir
Othar, l'Aveugle
Puisses-tu nous voir
Et Voir
En ce sang versé
Le premier d'une longue série
Une offrande à toi
Seigneur de la Guerre
Seigneur de Longanimité
Père de nos combats
Père de nos Émois
Roi Sous la Montagne




Pendant plus de deux heures les Frères prièrent et chantèrent. Ce n'est qu'en fin de matinée que Neo leur annonça qu'incessemment sous peu ils seraient embauchés. Après avoir exprimé la joie et le contentement qu'avait occasionné l'abrupte promesse d'embauche, ils mangèrent le foie et le cœur de César.
Le sang qui s'était écoulé par le trou ornant désormais le corps de la bête morte, fut récupéré dans un seau. Ils se servirent ensuite le fluide de l'animal dans des coupes à l'effigie d'Othar. Sur l'une des coupes ses yeux étaient des flammes, sur une autre ils étaient bandés ; sur les autres coupes métalliques, le Dieu était symbolisé par le glaive ou le marteau ; sur la coupe de Neo était gravé un bouclier, symbolisant également son aspect protecteur maintenant qu'il avait endossé le rôle de chef. Toujours est-il que lorsque la force de l'animal fût consommée, il allèrent raviver le feu qu'avaient allumé plus tôt dans la journée Neo et Félix. Après avoir redonné vie au feu avec des branchages et des rondins, ils brûlerent en honneur d'Othar, la carcasse de César.
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