9eme jour de la 7eme ennéade de Favrius
(ce rp fait directement suite à
Marche vers la Mort)
Dans quel endroit était-il tombé ?
Grayle s'était documenté sur le Puy, et avait sagement écouté les lecons de T'sisra sur la perversité et le côté dérangé des drows, mais là... on pouvait dire que ca dépassait toutes ses espérances. Ou plutot, que c'était pire que ce à quoi il s'attendait.
La drow aux cheveux blancs, qui répondait au doux nom de L'Renor Crysto (il trouvait le nom très joli, mais préfererait se jeter du haut d'une falaise que le lui dire), avait lacéré le jarret de Grayle avant de le traîner par les cheveux, de l'insulter et de le traiter comme une merde tout en le caressant tendrement, pour finalement l'enchaîner et l'amener à sa suite.
* Coutume locale je suppose...* pensa t-il sombrement.
Ils marchèrent pendant une quarantaine de minutes au milieu des rues du puit. Le paysann, fatigué et de plus en plus proche de sa limite, fermait les yeux afin de reposer son corps au maximum, tête vers le bas, se contentant de suivre sans protester ni tenter de s'enfuir. Comme un bétail dirigé vers l'abbatoir. Il ignorait la ville, les gens, le bruit, la pierre, les maisons. Il resterait probablement un certain temps ici. Il s'y habituerait plus tard. Ses mains enchainées devant lui, il les gardait fermées.
Il faut dire que ses paumes abritaient quelque chose de précieux. Une rune. Une toute petite et guerre puissante rune, donnée par la dawi Grimeldha (cf
Le vent l'emportera ). Précieusement tenue contre lui, l'objet magique refermait doucement et imperceptiblement les blessures de Grayle. Déjà, son estafilade au jarret ne l'élancait plus. Ses plaies aux lèvres disparaissaient.
Il avait longuement pesé le pour et le contre sur utiliser cette rune maintenant ou non. Mais il se doutait qu'on allait le fouiller, invariablement trouver cette rune, et la lui prendre. Il ne voulait pas qu'elle finisse entre les mains d'un ou d'une drow. Alors, dans son état, autant en profiter.
Peu avant d'arriver près de leur destination, il sentit la douce chaleur de la rune s'épuiser. Le galet magique n'était plus que vulgaire cailloux. Un doux sourire aux lèvres, il le lâcha derrière lui. Quel destin ce cailloux gravé de rune allait connaître au Puy ? Il ne le saurait jamais.
* Merci Grimeldha... *Une fois arrivé, on lui mis un collier au cou, en plus de ses liens aux mains. Il était serré un peu trop fort, mais il n'osa pas protester.
Il sentait les regards des drows. Leur attitude.
Ils n'étaient pas tranquille. Pas uniquement à cause de L'Renor, non. Mais également lui. L'humain ne semblait pas passif, ni résigné, mais serein. Presque assuré. Et cela les troublait plus que ça ne les énervaient. Et puis...
Etait-ce eux, où il semblait plus en forme ? Moins éraflé ? Moins... mourant ? Un changement global notale, mais sur lequel il était impossible de mettre précisément la main dessus...
Ils ne dirent rien et le laissèrent dans une autre salle. Il continuait de regarder autour de lui. Une salle de torture. Il fronca les sourcils. Il savait que tous ces objets étaient de mauvais augure pour lui mais il ignorait comment il fonctionnaient.
*Je pense que je ne lui demanderait pas comment, elle est probablement du genre à me faire une démonstration sur moi-même... *Un bourreau attacha ses liens à un crochet au plafond, et on laissa la "laisse" reliée à son collier du cou entre les mains de L'Renor.
Le bruit de la porte se refermant sonnait comme une condamnation. Elle lui rappelait le bruit de la porte de la prison du village, où il était resté tout seul en isolement pendant des semaines après la mort de son père.
Les pires souvenirs de sa vie...
On avait arraché ses vêtements, qui étaient de toute facon sales et même en lambeaux. Il se trouvait nu. Musclé et maigre. De longues balafres et cicatrices sur le corps. Une autre ventre, une autre le long du bras droit, une autre au niveau de l'épaule, plus récente, aux couleurs des os brisés. Des traces de lames et de haches. Dans son dos, trois énormes griffures parallèles. Souvenir d'un ours. Une force de la nature.
Mais l'ours était mort, et Grayle était encore en vie. Ce corps jeune mais pourtant torturé par les coups de soleil, l'effort, la faim, la fatigue et les armes dégage une certaine beauté, une esthétique de violence et de douleur qui n'a pourtant pas percé jusqu'au coeur de son possesseur. Et qui tranche toujours plus avec ce visage jeune, bien que fatigué.
Il est nu. Pas un seul poil. Nul part. Même pas au niveau du sexe, pâle et maigrichon. La peau à l'origine pâle est bronzée par le soleil ici, rouge sur les parties exposées. Ses cheveux noirs sont devenus bruns. Ses yeux gris ressortent au milieu d'un visage brûlé et au menton rouge du sang séché. Les balafres encore violettes, parfois noires, parachèvent ce tableau étrange, tout en couleurs et en nuances.
Son visage d'ordinaire imperturbable se tordit d'un air soucieux lorsqu'il vit la drow tenir son urne entre ses mains fines. Elle fit tourner l'objet entre ses mains, avant de le déposer sur une table à l'apparence tellement banale qu'elle en était dérangeant au milieu des instruments de torture. Il toussa. Il demanda de l'eau et du pain.
On le lui apporta. Il fit les yeux ronds. Il ne s'y attendait absolument pas. On porta la gourde à sa bouche, et on fourra le pain entre ses lèvres sans aucun soin. L'eau était atroce, mais fraîche. Le pain... une horreur. Grayle avait travaillé à la ferme. Dans les champs. Il savait faire du pain. Bien meilleur que celui d'ici.
Il mâcha, lentement. Il luttait contre son instinct lui hurlant de tout dévorer le plus vite possible pour calmer sa faim. Mais ayant déjà connu la famine, il savait que se nourrir d'un coup, trop vite, allait rendre le calvaire encore plus invivable.
Alors, lentement, avec une retenue remarquable, il mangea le pain, petit à petit, mâchant jusqu'à en faire de la bouillie facile à avaler.
Puis, on lui posa les questions.
Elle montra la rune du doigt. Et lui demanda ce que c'était.
Pendant un instant, un bref, mais notable instant, il hésita à lui dire d'un air moqueur " C'est une urne ", comme s'il s'adressait à une parfaite idiote. Il n'en fit rien, mais vit dans le regard de la femme qu'elle avait deviné ce qui était passé par sa tête.
" Ce sont les cendres de ma famille. Mon père, ma mère, mes quatre frères et soeurs "
Réponse plus prudente, et plus polie. Etait-ce pour ne pas avoir cédé à sa première réponse qu'il n'avait pas été puni ? Ou se réservait-il le droit de punir des pensées qu'elle devinait, ou soupconnait, pour plus tard, afin de maintenir la pression ?
Il était fatigué, jeune, ignorant. Mais Grayle n'était pas bête. Son esprit, étrangement, était clair. Ca aussi, elle pouvait le noter.
" N'ai pas peur " souffla sa soeur jumelle. Cette apparition fantomatique, que seul Grayle pouvait voir, se tenait aux côtés de L'Renor Crysto. Réel fantôme, ou simple délire de l'esprit d'un enfant marqué à jamais par la mort de sa soeur jumelle, qui en avait créé une seconde personnalité distincte pour coopter avec la mort d'une partie de lui-même ?
Si elle existait vraiment, L'Renor pouvait-elle la sentir ? Quoi qu'il en soit, que Grayle regarde, pendant de longs instants
quelque chose, juste à côté d'elle, était impossible à manquer. Son attention revint sur la femme aux cheveux blancs.
" J'ai été exilé et chargé de disperser leurs cendres à l'endroit le plus dangereux du monde et le plus éloigné de chez moi. C'est ma punition pour avoir tué mon père. Alors je suis venu ici, seul. "Il se mit à sourire, masquant un rictus de fierté. Il avait survécu à la condamnation à mort. Même s'il était éxécuté ici et là, il se considérerait comme vainqueur. Il avait passé la tempête divine, après tout.
" J'ai gagné "Elle semblait aussi méfiante qu'un serpent dans une fabrique de sacs à mains.
Et que fit-il ?
Il la rassura.
" Je suis pas venu pour espionner, faire du grabuge... juste disperser les cendres, c'est tout. "
Il soupira.
" Je ne me suis pas vraiment soucié de la suite. De l'après. Si j'en aurais. "
Il lui parlait avec la joie de celui qui était resté seul pendant des jours et des jours dans le désert. Répondant plus pour se soulager le coeur que pour satisfaire une inquisitrice demande.
Il crut bon d'inverser les rôles.
" Chez moi, je serais tué. J'ai tué mon père. Je ne mérite pas la vie. Vous en pensez quoi ? "