Vers l'infini et au-delà!

Troisième ennéade de Karfias de l’an 17 : XI

Dua’Rhys était une estafette du Second Ost depuis deux siècles maintenant, il avait passé la majeur partie de sa vie à cheval et par conséquent lorsque quelqu’un voulait se moquer de lui il était souvent question de ses jambes arquées qui lui donnait un air ridicule lorsqu’il marchait. Aujourd’hui le messager était à cheval, le long de la Sente Noire, il se retint difficilement de faire passer sa monture au galop, le soleil commençait à se coucher et il ne voyait toujours pas le prochain fort. Il pensait avoir été plus rapide que ça et il commençait à devenir nerveux, ces temps-ci les voyageurs se faisaient attaquer de plus en plus souvent sans que le Cinquième Ost ne réussisse à attraper les coupables. Il avait une bonne mémoire, une mémoire régulièrement entraînée car sollicitée, il avait développée la capacité de retenir un message et de l’oublier une fois transmit ce qui était très apprécié par ses supérieurs alors il se souvenait très bien de ce qu’on racontait sur le tronçon de route qu’il parcourait actuellement.

Il se retourna brusquement mais il n’y avait rien derrière lui contrairement à ce qui lui avait semblé entendre. Sa main glissa lentement de la poignée de son arme alors qu’il se mit à regarder de nouveau devant lui. Si ses souvenirs étaient exacts, et souvent ils l’étaient, la prochaine garnison se trouvait de l’autre côté de ce virage alors il fit accélérer sa monture. Dans ledit virage il vit une escouade de soldats à pied, leurs chevaux non loin, mangeant quelques brins d’herbe, ils se retournèrent alors que Dua’Rhys approchait d’eux et ce dernier put voir un cadavre sur le bord de la route alors il s’arrêta.

« Bonsoir, de quoi est-il mort ? » Demanda le messager, la curiosité prenant le dessus grâce à un sentiment de sécurité né des guerriers du Cinquième Ost devant lui et du fort non loin. Le kyorl du groupe se retourna pour le saluer à son tour et s’approcher de lui.
« Un tir d’arbalète dans la tête. Au moins il n’a rien sentit. » Le messager fit la grimace, n’enviant pas du tout le sort du malheureux.
« Je vois. Vous savez qui a fait ça ? » Le sergent secoua tristement la tête.
« Il paraît que certains officiers ont une idée mais j’en sais rien, j’suis pas assez gradé. » Dua’Rhys hocha la tête, il s’y attendait un peu mais ça ne coûtait rien de demander. « Et toi tu vas où ? »

Le messager fut surpris d’entendre une pointe de suspicion dans la voix du sergent, certes le soldat du Second Ost avait une arbalète dans le dos et des carreaux à la ceinture mais de là à le soupçonner… cela dit il comprenait, l’escouade qu’il avait en face de lui devait se dire qu’ils pouvaient être les prochains. D’ordinaire il ne disait pas qu’il était messager, il préférait éviter de rajouter de la valeur à une cible déjà tentante, mais dans une vingtaine de minutes il serait entre les murs du prochain fort et il ne reverrait sans doute jamais ces soldats-là.

« J’ai un message pour l’Etat-Major à Sol’Dorn. »

Le sergent haussa un sourcil et Dua’Rhys remarqua que les soldats derrière leur supérieur s’étaient tournés vers lui. Le kyorl se jeta sur lui sans qu’il n’ait le temps de réagir, il attrapa son ceinturon d’arme d’une main et le désarçonna, il plaqua son autre main sur la bouche du messager. La chute expulsa l’air des poumons de Dua’Rhys tandis qu’il vit dans son champ de vision périphérique une silhouette s’approcher avec une lame en main, la lumière du soleil couchant se reflétait sur l’arme, aveuglant le soldat au sol.

« Ça tombe bien, nous aussi. »

La dernière chose que vit Dua’Rhys fut le sourire sadique du sergent.

Un autre rapport arriva directement au camp nord. Un autre rapport du Cinquième ost. Un autre rapport qui déplorait des morts sur les Sentes Noires. Mais ce rapport-là avait une différence notable pour Kerath car cette fois c’était un de ses soldats qui était mort. Ce n’était pas la première évidemment mais il sera le message dans sa main et jura que ce serait la dernière. Il se leva et sortit de la tente de commandement, passa par sa tente personnelle pour enfiler la première armure légère qui trainait, pour le coup il s’agissait de son armure d’apparat, puis il alla directement au camp sud. Une fois arrivé il ordonna aux premiers soldats qu’il voyait d’aller prévenir les membres de l’Etat-Major que Kerath les convoquait.

« Krish t’as pas choisi le bon moment pour t’en aller… » grogna-t-il en attendant ceux qu’il avait convoqué les bras croisé.

La statuette du haut prêtre de Tesso trônait fièrement sur le bureau de la Phor'dur. C'était un bureau de bois sans grande envergure si ce n'était par la taille. Installé sous l'auvent de la tente de l'actuelle titulaire du titre par intérim, elle l'avait choisi avec attention pour qu'il n'ait l'air de rien. La statuette était assez particulière, et le haut-prêtre, à moins que cela n'en soit pas un, car on parlait de Tesso, regardait le ciel, les mains en coupe, ses bras traversait son corps dans un trou creusé au milieu de la poitrine. Ses épaules en arrière, elle était à genou, inconfortablement cambrée. Sous le socle de la statuette, se trouvait un tas de documents.

Shyn'tae trouvait qu'elle faisait en définitive un excellent presse papier. Assise derriere le bureau, elle venait de recevoir le soldat qui l'informait que L'Obok du second Ost venait de convoquer l'état major.

Ils avaient déjà des reunions journalières, lesquelles étaient en général fatigantes moralement.  Elle faisait de gros efforts pour y rester professionnel, et ce plus encore en l'absence du feu d'Uriz. Parfois elle en ressortait avec l'envie de tuer quelqu'un. Quelqu'un en armure rouge plus particulièrement.

Etant donné qu'il appréciait ses reunions probablement autant qu'elle, la drow supposa que c'était important. Lui aussi avait de nombreuses tâches à accomplir, et il avait déjà probablement bien trop attendu. Elle se leva donc aussitôt le messager avait-il terminé d'énoncer la convocation, et le suivit d'un pas rapide.

***

Elle connaissait par cœur la tente de l'état major. Peut-être aurait-elle pu faire le trajet entre la sienne et cet endroit les yeux fermés. Ainsi donc, quelques minutes plus tard, elle écartait la toile d'un geste vif, et se glissait à l'intérieur.

Kerath l'y attendait, les bras croisés, l'air grognon, bien qu'il fallait reconnaitre qu'elle ne l'avait que rarement vu avec un autre air. Elle le connaissait néanmoins bien assez pour savoir que ce n'était pas là ca mine des bons jours.

Se figeant un instant, elle frappa sa poitrine pour saluer respectueusement l'illustre occupant. Elle n'était pas certaine que le haut prêtre de Tesso viendrait. Il était aussi difficile à prévoir qu'à cerner, et en faisant des yeux le tour de la tente, elle s'attendait à moitié à le voir surgir d'une ombre ou d'un coffre de stockage.

- Obok, vous m'avez fait convoquée?" Elle fronça les sourcils, ses oreilles s'abaissant légèrement dans un expression d'incomprehension. " Pourquoi…" Elle montrait de sa main valide l'armure d'apparait du vétéran.

Il fallait bien admettre que c'était inhabituel. A sa connaissance, aucune cérémonie n'était programmée ce jour là. Le visage de la drow se fit plus sombre et concentré. Pour que Kerath bouscule tant d'habitudes, il devait être vraiment soucieux.

- Que ce passe-t-il?" Conclut-elle très sérieusement.