Vers Nisétis et l'au-delà!

Tariho  81, neuvième ennéade de verimios 17 : XI.
Deux jours après les révélations de Sakâsh, le long des côtes des Terres Stériles.
D-11.

une fois de Marius de retour à bord du Katrian avec les provisions demandées, c’est-à-dire peu de temps après la fin des discussions à propos des prophéties de cet étrange zurthan dont ils n’avaient jamais entendus parlés. Lilyanna devait admettre que son dernier ajout, à propos d’une femme en bleu l’avait mis mal à l’aise mais, surtout, lui faisait penser que Nehril n’avait pas forcément tort d’aborder la chose avec un poil de scepticisme. De toute façon tout le monde avait eu le temps d’y réfléchir avec les deux jours et quelques de voyages qu’ils avaient dû faire. L’équipage avait fait escale à Esion, où la nécromancienne, contrairement aux autres villes, n’était pas descendue du navire et, à la place, était gentiment restée dans sa cabine à travailler son nissétien ce qui, elle n’en doutait pas, leur serait utile très prochainement. Si la ville était autrefois le repère d’une secte de nécromants, avant l’intervention du troisième ost eldéen, la prêtresse n’avait pas envie de prendre le risque qu’on la reconnaisse pour une raison ou une autre. Elle aurait bien évité la ville mais plus ils prenaient les animaux de traits tard et mieux c’était, leur odeur dans un espace confiné comme celui du navire n’était pas vraiment du goût de tout le monde. Si Lilyanna s’en moquait, il fallait dire que les goules étaient olfactivement bien plus redoutables et ce plus vite, certains s’assuraient pour cette exacte raison de se trouver le plus loin possible des ponts inférieurs ou les créatures avaient élu domicile ; ajouter des animaux n’aurait fait que rendre la chose plus difficile à faire encore. Une fois les bêtes embarquées le Katrian repartit voguer usr les flots de l’oliyenne.

Le capitaine, une main posée sur le gouvernail, les yeux plissés regardant la côté qui s’étendait devant lui, décida finalement de se tourner vers l’un de ses marins.

« Va me chercher Lily. » L’homme hocha la tête et descendit les marches de l’escalier du château arrière pour aller frapper à la porte de la cabine de l’intéressée qui ne tarda pas à ouvrir et rejoindre Azzelio.
« Je peux faire quelque chose pour toi? »
« On arrive pas loin des Monts Mozal. On va bientôt pouvoir débarquer. » Devant le grand sourire, un peu idiot, de la prêtresse, le capitaine fronça les sourcils. « Qu’est-ce que j’ai dit? »
« Les Monts Mozal ? Sérieusement? »
« Bah quoi? Ça y ressemble. »
« Vous avez bu mon capitaine? » Demanda-t-elle en prenant soin d’imiter l’un des nombreux mousses un peu trop lèche-bottes pour leur propre bien.
« Arrête de te foutre de ma gueule. J’te dis que ça y ressemble. »
« C’est l’eau de mer qui t’as rendu aveugle ? »
« Tu connais le nom de ces montagnes peut-être ? »
« Et bah... »
« C’est bien ce que je me disais. Ça ressemble à un mozal donc ce seront les Monts Mozals. »
« Tu sais que y’a pas de mozals dans l’Olienne ? »
« Est-ce que j’ai l’air d’en avoir quelque chose à foutre ? »
« Non, pas vraiment. »
« C’est normal. » Le capitaine plissa à nouveau les yeux avant de mettre une main en visière.
« T’as vu un truc? »
« Peut-être… où est ma longue-vue? » N’en sachant strictement rien, la nécromancienne ne répondit rien et l’aida à la chercher. Heureusement elle fut vite retrouvée, posée sur le sol, couchée, contre le bastingage. Il l’étendit et regarda à travers et après quelques secondes il la tendit à la prêtresse. « Ça te paraît pas bizarre ce truc? »

Curieuse, elle regarda dans la même direction mais sans rien trouver.

« De? Le sable? »
« Presque. La forme du sable » Après quelques secondes de silence Lilyanna haussa les épaules.
« Bah ce sont des grains, rien de bien fou, si? »
« Non mais je m’en contrefout que ce soit des grains ou pas. Regarde la forme de la plage. T’as déjà vu une crique aussi ronde sans roche ? Ça c’est la forme d’un ancien chantier naval ou je m’y connais pas. »

En effet au fur et à mesure que le navire approchait, il devint de plus en plus évident que la forme de croissant de lune n’était pas naturelle. De plus avec la distance qui se réduisait, des débris de digues étaient désormais visibles. A moins qu’il s’agisse là du travail d’un géomancien qui s’ennuyait comme un rat mort et qui se soit donc amusé à lancer des gros rochers dans l’eau pour former une barrière qui ressemblait étrangement à une digue. Sait-on jamais avec ces énergumènes qui pratiquent la magie comme dirait Azzelio. Et puis, afin de faire taire les plus sceptiques des aveugles, alors que le navire n’était plus très loin des côtes, il était possible de voir des formes jaillir des dunes de sables.

Maintenant qu’ils n’étaient plus qu’à une heure et quelque d’être à portée de débarquement, Lilyanna descendit à son tour les marches du château arrière du Katrian pour aller prévenir ses compagnons de voyage. Pour leur dire qu’ils allaient bientôt pouvoir à nouveau toucher terre.

Le voyage jusqu'à Esion fut d'une monotonie dégradante. De plus en plus habitué aux aléas de la navigation en mer, Ylas se risque à la bouteille puis à la bonne chère en compagnie des marins. Les parties de dés se succédant aux autres, ce fut presque sans le sou qu'il arriva à Esion. Par chance, son statut de demi-drow lui ouvrit la porte des tavernes du port et il s'y refit en moins d'une soirée. Les marins du Katrian étaient parmi les pire tricheurs des Trois Mers et avaient ouvert leurs mystérieuses arcanes à leur nouveau compagnon. Par chance, sa maladresse de néophyte était compensée par son air féroce et sa grande taille. Difficile de chercher des noises à un tricheur d'une toise de haut.

Ravi d'avoir pu remplir ses bourses à défaut de vider les autres, il se promit de mois jouer et économiser. A la moindre entourloupe, Ylas pouvait se retrouver abandonner ou séparer. Une somme rondelette d'or, d'argent et de cuivre saurait remplir son office. Par chance, l'odeur infâme des bêtes de traits firent fuir les marins des cales et ils se montrèrent plus travailleurs que jamais. Ils jouaient dans les bastingages, hors de vue du capitaine. Ylas passa son nouveau temps libre à l'escrime, notamment en enseignant quelques passes d'arme au mage, Galborix. S'il avait l'intelligence de ne pas essayer de s'empaler sur la lame de son adversaire à chaque passe d'armes, il restait un médiocre combattant. Le demi-Drow lui enseigna tout de même quelques postures d'épées et surtout des conseils de survie face à différentes armes. Coutelas, épée bâtarde et hache principalement.

Ce fut prenant le soleil en simple tunique et braies courtes que Lilyanna le trouva allongé, vautré dans des cordages soigneusement enroulés. Son épée posée non loin de lui, il avait délaissée sa cuirasse de cuir bouilli pour profiter des rayons qui le réchauffaient. Ce fut en grommelant qu'il déplaça sa lourde masse musculaire et rejoignit l'équipée. Saluant Galborix - et même Nehril - d'un geste de la tête, il se tourna aussitôt vers la sang-mêlée

C'est quoi la suite du programme cheffe ?

Le temps s’écoulant paresseusement jusqu’à Esion, cela permit à Nehril de réfléchir plus posément aux propos tenus par le soi-disant prophète Sakâsh. Après plusieurs heures de gymnastique intellectuelle, il en vint très vite à la conclusion que peu importait la manière dont il examinait ces paroles prosaïques, cela apparaissait davantage comme une vaste fumisterie que comme un véritable art de divination.
Dans une telle expédition, les mots étaient dangereux. Et les prophéties s’avéraient d'autant plus redoutables. Éloignés de tout repère familier et confronté à l’inimaginable, ceux qui croyaient en de telles prédictions pouvaient abandonner tout bon sens et tout désir de lutte. La volonté de se conformer aux paroles d’un autre devenait plus fort, car accomplir la prophétie revenait à naviguer en eaux connues. L’esprit humain était faible. Tout plutôt qu’endurer une longue errance dans le brouillard oppressant de l’inconnu.

Lorsqu’ils débarquèrent à Esion, Nehril décida de prendre la tête des marins qui avaient pour instruction d’acquérir des animaux de traits. Se souvenant de la conversation qu’il avait eue plus tôt avec Lilyanna, il épaula les matelots inexpérimentés et leur désigna les bêtes les plus robustes et en meilleure santé. Il dénicha ainsi quelques brebis galeuses dans le lot et entreprit de leur faire savoir. Encouragé par ses compagnons, le mercenaire négocia ensuite le prix des animaux et parvint à force de grognement et de répartie acerbe à en baisser drastiquement le prix. C’est avec un air satisfait qu’il retourna sur le Katrian.

Il passa le reste du voyage comme il l’avait fait depuis leur départ de Thaar. À l’avant, à examiner l’étrave franchir les flots, ses cheveux clairsemés d’argents virevoltant autour de lui. C’est ainsi que le trouva Lilyanna. Il avait aperçu au loin la digue étrange et le sable fin qui s’y amoncelait. Il se dégageait de cette vision une certaine mélancolie, comme une chanson lancinante s’emparant de voyageurs transis dès les premières notes. Ce sentiment était semblable à celui que l’on ressent face aux rayonnages enflammés d’une bibliothèque renfermant un savoir millénaire. Une perte, mais également un espoir de trouver dans ces vestiges, une connaissance autrefois oubliée.

Nehril se détourna et suivit Lilyanna sans un regard en arrière. Il rejoignit Galborix et Ylas, et les salua en retour avant de se tourner vers la sang mêlé. Il resta silencieux et attendit ses instructions.

« Vous êtes le roi du monde? » Demanda Lilyanna en pouffant, voyant Nehril, à l’avant du Katrian, les cheveux volant au vent dans le soleil couchant. Sans réponse du mercenaire, la nécromancienne supposa qu’il n’avait pas entendu ce qui n’était pas bien étonnant avec le vent et les marins qui s’affairaient partout autour. En effet pour débarquer ce qu’il fallait pour se mettre en route vers Nisétis demandait une certaine organisation et déjà l’équipage remontait les provisions et autre matériel nécessaire des cales du navire pour les mettre sur le pont. Une fois son groupe rassemblé l’hybride lança un coup d’œil aux quelques ruines qui étaient visible jusqu’à ce que la question de Galborix la ramène aux trois hommes en face d’elle.

« Aucune idée. » Répondit-elle en haussant les épaules, ce qui fit sursauter sa tresse blonde et blanche qui pendait sur l’une d’elles. « C’est un peu le problème de l’exploration. »

Un sourire accompagna sa seconde phrase avant qu’il ne disparaisse alors qu’elle se tournait vers Ylas.

« On va débarquer et voir si on arrive à découvrir si ce qu’on a trouvé a un nom. Et si possible se dégotter un bâtiment qui n’a pas trop de sable pour passer la nuit… j’aime pas le sable, c’est grossier, agressif, irritant et ça s’insinue partout. Et en plus ça recouvre les ruines qui m’intéressent. »

Les Terres Stériles n’étaient donc pas le meilleur endroit pour quelqu’un qui avait une telle opinion sur le sable mais comme on dit : on ne choisit pas toujours là où se trouvent les dragons et encore moins là où se trouve Nisétis. Ne pouvant aller contre la sagesse populaire, Lilyanna devait faire avec bien que ça lui en coûtait. Se rendant compte qu’elle avait légèrement dévié du sujet, la nécromancienne se racla la gorge avant de poursuivre.

« Dans une dizaine de minutes le Katrian va rentrer dans ce qui était, à en croire Azzelio, un chantier navale. » D’un geste de la tête elle désigna la crique artificielle, qui ressemblait à un petit lac à l’intérieur des terres. « On va débarquer et pendant que l’équipage descend tout ce dont on aura besoin pour poursuivre notre voyage jusqu’au but de notre expédition, on va explorer. Si possible sans se disperser, on ne sait pas ce qui se trouve dans les ruines et je préfère ne pas prendre de risques inutiles. »

En fait, vous n'êtes vraiment pas préparée à cette expédition ?

Ylas se frotta le haut du crâne et rejeta la tête avec un râle. Il fallait croire que les vacances étaient finies. Dans quelle aventure l'avait embarquée de force (et avec un très beau salaire à la clé) Ylas n'en savait rien mais il sentait que cela signifierait avaler des kilomètres de poussière, dormir dans le froid du désert et mourir à petit feu alors que les jambes lâcheraient. Si un aspic ou un autre cobra ne finissait pas de vous achever avant. Sans compter le Karkal qui passait pour hanter les environs, les tribus sauvages, les lions, les scorpions. Un vrai plaisir que de quadriller l'endroit.

Ne laissant rien paraître de la colère sourde qui battait dans son coeur, Ylas réajusta son équipement et s'éloigna quelque peu du groupe pour poser sa botte sur le bastingage et observer les environs. Mis à part quelques blocs de pierre, il n'aurait jamais deviné l'existence d'une cité ici, encore moins un chantier naval. Il était habitué aux énormes cales sèches d'Ashaï, à l'odeur de goudron et de vernis ainsi que la chaleur suffocante des corderies. La forêt de mât constante égaillait par les cris de ses inhabituels oiseaux diurnes, remplacés à la nuit par les mouettes et autres goëlands. Se tournant de nouveau vers le groupe, il interpella leur chef.

On essayerait pas de suivre la prophétie de Sakâsheuh, Rakach... de l'autre ? Au moins pour savoir où aller ?

S’accoudant au bastingage, Nehril balaya l’horizon de son regard d’argent. Ils se rapprochaient progressivement de leur destination. Ses yeux glissèrent vers l’étrave qui franchissait vigoureusement les flots avant de se poser sur le sable qui scintillait au loin telles des gemmes rutilantes. Au lieu de ressentir un certain soulagement à regagner la terre ferme, le mercenaire en éprouva de l'inquiétude. Il lui semblait qu’ils fonçaient tous droit dans un piège, les grains miroitants étant des multiples crocs qui finiraient par les avaler s’ils daignaient les fouler.

Trouver un bâtiment dans un état relativement salubre pour y passer la nuit semblait être une mauvaise idée. Au vu du soleil qui ne tarderait pas à décliner, le semi-elfe était d’avis de passer leur première nuit sur le Katrian en guise de prudence. Il aurait aimé savoir si leur présence passerait inaperçue ou si leur arrivée provoquerait des réactions de la part d’éventuelles créatures qui se tapissaient dans les ruines de la cité perdue. Il préféra ne pas s’en ouvrir à Lilyanna, jugeant qu’elle avait probablement un plan clairement défini dans la tête. Il était toutefois d’accord avec elle concernant le fait qu'il était souhaitable d’évoluer ensemble parmi les vestiges. Le fait de se séparer pouvait en effet leur permettre de parcourir une plus grande zone de recherches, mais elle multiplierait aussi les risques de voir l’un d’entre eux disparaître inopinément.

Vérifiant une dernière fois son équipement, il glissa son épée sur le dos et rangea sa longue cape noire jugeant qu’elle le gênerait plus qu’autre chose. Après avoir finalisé son paquetage, il le jeta sur son épaule avec désinvolture. À l’intérieur : provisions, eau et de quoi passer la nuit en territoire hostile. Nehril se sentit fin prêt et rejoignit Ylas à l’avant. Lorsque ce dernier fit mention du prophète, le mercenaire grimaça, mais ne commenta pas. Il ne servait à rien de suivre les paroles cryptiques d’un vieux prophète. À tâtonner pour en comprendre la signification, ils ne feraient que davantage s'égarer sur ces terres inhospitalières.

Elle poussa un long soupir à la question d’Ylas avant de répondre.

« Je le suis autant qu’on puisse l’être. »

Alors que le Katrian entrait dans l’ancien chantier naval abandonné aux éléments depuis… elle ne savait pas trop combien de temps, Lilyanna poursuivit son explication. Sans vraiment savoir pourquoi d’ailleurs. « Le souci c’est qu’on ne peut pas vraiment l’être, la ville a existé pendant… cinq cycles et huit siècles, plus ou moins. Ça fait deux-cent ans qu’elle est en ruine, qui sait ce qui a bien pu se développer autour ? De plus les eldéens n’étant pas vraiment portés sur la sauvegarde des accomplissements de leurs cousins, on ne sait rien de ce qui hante les Terres Stériles et donc s’y préparer n’est pas possible. »

S’accoudant à son tour au bastingage, pour ne pas gêner le passage des marins qui se moquaient bien de leur discussion, elle regarda la côte s’approcher inexorablement. Un mélange d’excitation et de crainte lui arracha un frisson alors lorsqu’il fallait descendre dans la chaloupe pour mettre pied à terre, elle se dépêcha de descendre malgré l’appréhension de ce qu’ils pourraient trouver. Être une exploratrice la terrifiait et pourtant elle avait du mal à réprimer sa fébrilité à l’idée de faire autre chose que ce qui lui était connu. Il fallait dire que c’était plus facile après son voyage jusqu’aux frontières d’Anaëh puis jusqu’à Lante. Encore que… dans ces voyages, si elle savait qu’elle ne serait pas la bienvenue, au moins elle savait qu’elle trouverait quelqu’un. Sa nature d’hybride la rendait peut-être malvenue chez les elfes et les nains mais, et elle pouvait au moins remercier un parent, sa moitié elfique faisait qu’elle avait toujours un peu de marge même si elle était bien fine. Là par contre qui savait ce qu’ils pourraient bien trouver au bout du voyage ? Avec un cœur qui cognait contre sa prison osseuse, Lilyanna se plaça à la proue du canot, laissant le plaisir de ramer à quelqu’un d’autre.

La nécromancienne sauta de l’embarcation et, avec de l’eau jusqu’aux genoux, lutta contre la mer pour atteindre la plage. Levant haut les genoux avant d’à nouveau abattre son pied sur le sable comme pour écraser un insecte qui jouait avec sa patience depuis trop longtemps, l’hybride éclaboussait ceux qui se trouvaient juste à côté d’elle jusqu’à ce qu’elle ne glisse sur coquillage à moitié enfouis. Jetant ses bras devant elle pour se rattraper, elle se retrouva à quatre pattes, de l’eau jusqu’au milieu de l’avant-bras. Lâchant un juron fleuri que l’équipage du Katrian avait eu la galanterie de lui apprendre pour marquer sa frustration, elle se releva tant bien que mal, ses vêtements alourdis par l’eau de mer ; elle dût particulièrement lutter contre son épais manteau déjà lesté par l’écaille de dragon cachée dans la doublure.

Qu’elle ait reçu ou non de l’aide pour se remettre sur ses pieds, Lilyanna décida, une fois sur la plage en elle-même, de donner un coup de pied dans le sable pour se venger. Cependant elle n’avait pas prévu que ce port abandonné aux éléments ne décide de répliquer. Lorsque son coup toucha le sol une vive douleur remonta le long de son pied et un cri de douleur lui échappa. Pliant sa jambe pour prendre son pied dans ses mains par réflexe plus qu’autre chose elle recula, en sautillant grâce à son autre jambe, et perdit l’équilibre pour s’affaler sur le dos ; ses cheveux étalés tout autour d’elle comme l’un de ces monstres qui dont la chevelure était constituée d’innombrables serpents. Pour compléter l’humiliation, les restes d’une vague vint s’écraser sur son visage, l’arrêtant net dans son râle frustré. Elle se mit sur le côté pour recracher l’eau après avoir bu la tasse et après avoir rendu ses poumons elle se releva encore une fois tant bien que mal. Au moins son coup avait fait voler du sable plus loin. Sous ce dernier se trouvait de la pierre. Elle se retourna pour retourner là où elle était tombée pour la première fois et elle se rendit compte que ce qu’elle croyait être une plage était en réalité une pente de pierre, visiblement faite d’un seul bloc, recouverte d’une fine couche de sable.

« J’aurais dû écouter Azzelio. » Maugréa-t-elle. « Je compte sur vous pour ne pas lui répéter ce que je viens de dire. » Si la remarque était lancée à la cantonade, elle s’était tournée vers Ylas. Puis ses oreilles se dressèrent en entendant non loin le doux son des rames frappant l’eau. L’équipage du Katrian commençait à débarquer ce dont ils auraient besoin pour le lancement de l’expédition.

« Bien, messieurs, je crois qu’il est temps de commencer à jouer aux explorateurs. »

Un sourire espiègle sur les lèvres, Lilyanna se dirigea vers les quelques formes qui sortaient du sable. La première, qui semblait être plus une arche de briques délabrée qu’autre chose, devait être assez accueillante pour les oiseaux vu que l’un d’eux avait construit son nid sur une corniche. S’approchant de l’édifice, l’hybride posa une main sur la pierre en avançant, caressant le mur durant la dizaine de mètres de long en observant ce qui passait pour le plafond. Une fois de l’autre côté elle se retourna vers ses compagnons.

« A votre avis qui l’a construit et pourquoi ? » Une pointe d’excitation passa dans sa voix. Une excitation à laquelle elle avait fait ce qu’elle pouvait pour ne pas succomber mais son imagination prenait le pas sur le reste et ce malgré le sable honnis qui était encore accroché à ses vêtements et qui avait la mauvaise habitude de s'infiltrer absolument partout.

Ylas haussa les épaules lorsque Lilyanna lui répondit. Il ne connaissait pour ainsi dire pas grand chose à propos de Nisetis, si ce n'était les légendes et rumeurs. Un sentiment de tristesse mêlé à de la pitié traversa son coeur à l'idée que cette cité ait pu tenir aussi longtemps et être abandonné en moins de quelques décennies. Si elle était vraiment tombée mois de deux cent ans plus tôt, la plupart des Drows s'en souvenaient. Peut être auraient-ils du en attraper et le torturer.. Un bon feu sous les pieds fait même parler les colosses du Puy.

Le reste de l'expédition se fit dans le silence le plus complet. L'ancien mercenaire profita de sa forte musculature pour ramer aux côtés de Nehril. Les deux hommes, courbés sur leurs rames, ne purent empêcher le sorcier et la prêtresse de bondir dans l'eau et tenter d'atteindre la plage par leur propre moyen. Observant le spectacle de l'hybride, et tandis qu'un hurlement de douleur brisait la quiétude du lieux, il échangea un premier regard amical et complice avec le mercenaire. Secouant la tête, et souriant de toutes ses dents, il lâcha :

Ca serait dommage que notre employeuse meure avant même d'atteindre la ville non ?

Il avait entendu parler de ce mystérieux chevalier, ou cavalier solitaire tout du moins. Il s'était brisé le pied sur un casque en pourchassant des gobelins. Seul, car aucun elfe ou nain ne l'accompagnait, il était mort d'une gangrène. Triste fin. Ylas sauta de la barque et, l'eau aux mollets, s'échina à pousser cellei-ci sur le sable et les pierres. Lorsque la carène racla enfin le sol et stabilisa le frêle esquif, il attrapa son sac, son épée et courut à petit trot rejoindre Lilyanna. Une main sur sa garde de cuir, il n'accorda pas un seul regard aux pierres et interpella plutôt Galborix.

Ne vous éloignez pas trop ! Vous savez ferrailler mais un sauvage zurthan aura tôt fait de vous occire !

Tandis que le sorcier se rapprochait, Lilyanna posa une question qui stoppa net Ylas. L'hybride regarda longuement la prêtresse, interdit.

Nous sommes à Nisétis, sur un port. J'imagine que c'est un entrepôt pour les marchandises, construit par des nisétiens.

Nehril observa placidement les marins se mettre en branle afin de libérer la chaloupe de son étau de cordes. Il y grimpa à la suite de ses camarades et se mit à ramer avec l’aide d’Ylas afin d’atteindre la berge. Ce labeur en fut presque plaisant : le mercenaire ayant besoin de se débarrasser de la rouille qui s’était infiltré dans la mécanique de ses muscles. De plus, le soutien du semi-drow rendait la tâche bien plus aisée.

Lorsqu’ils arrivèrent non loin de la plage, Lilyanna et Galborix choisirent de sauter de l’embarcation pour évoluer le long du rivage. Nehril fronça les sourcils, mais préféra aider Ylas à faire avancer la barque. Lorsque la nécromancienne poussa un cri, il se redressa subitement une main se posant instinctivement sur son épée. Néanmoins il s’avérait que cette dernière n’avait que trébuché, et il ne put détacher de son visage un sourire hilare.

Face au commentaire d’Ylas, Nehril hocha la tête avec un sourire :

— Nous ne pouvons que surveiller ses arrières. Elle serait bien capable de se rompre le cou à force d’agiter la tête dans tous les sens comme ça…

Il suivit le demi-drow lorsque ce dernier mit pied à terre, et poussa avec lui la barque avant de la caler sur le sable. Ils s’assurèrent que la marée de l’emporterait pas puis il hocha la tête avec un air satisfait. Lorsque Lilyanna chuta une seconde fois, Nehril vint lui porter assistance. Il la remit sur ses pieds avant d’épousseter ses épaules.

— Essayez de ne pas trop vous éloign…

La nécromancienne était déjà partie en direction d’un amas étrange qui semblait émerger du sable. Les vestiges d’un édifice engonçaient sous le sable. Il écouta la question de Lilyanna à ce sujet, ainsi que la réponse d’Ylas avant d’intervenir :

— Ylas doit avoir raison, fit-il en croisant les bras. À en juger par l’édifice, et en laissant vagabonder notre imagination, il devrait même pouvoir contenir quelques appareils modestes destinés à prendre la mer.

La nécromancienne fit une moue déçue devant les réponses de ses compagnons de voyage puis elle poussa un soupir avant de leur tourner le dos pour observer les immenses étendues de sable à perte de vue. Après une ou deux secondes elle se retourna vers eux.

« Vous manquez manifestement d’imagination… vous n’avez jamais joué à ce jeu où on choisit quelque chose ou quelqu’un et il faut inventer une histoire plausible à son sujet ? »

Lilyanna reposa une main sur les pierres pour retracer son chemin dans le sens inverse. Une fois sortit de l’arche elle leva la tête pour observer la façade à nouveau avant que son regard ne s’attarde une seconde sur Ylas, Nehril et Galborix puis elle plaça ses poings gantés sur ses hanches et de déclarer solennellement :

« Camarades, songez que du haut de cet édifice, soixante-dix siècles d’histoire vous contemplent. »

Elle pouffa ensuite devant la nature pompeuse de cette déclaration surtout qu’elle était faite devant une ruine qui servait de perchoir pour le nid d’un oiseau qui l’avait peut-être abandonné ; du moins il ne semblait pas être là et de là où elle était Lilyanna ne pouvait pas voir d’œuf à l’intérieur. Reprenant une posture plus anodine, tirant à nouveau sur ses gants pour les remettre en place.

« Bon, probablement moins. » Elle haussa les épaules avant de reprendre « Mais il n’empêche que ça laisse pas mal de temps pour trouver une histoire. »

L’hybride reprit alors sa marche pour s’aventurer autre part. A une trentaine de mètres plus loin un bloc de pierre orangé sortait du sable sur environ quarante centimètres. En s’agenouillant, elle remarqua que le sable ne cachait pas complétement une rainure et en déplaçant un peu plus de ce maudit sable la nécromancienne put voir que ladite rainure prenait la forme d’une courbe. Utilisant ses ongles pour creuser un peu plus et elle se rendit compte que la rainure se divisait pour en former une seconde et le sable qui les comblaient s’écoulait lentement. Finalement elle se releva pour regarder l’équipage du Katrian qui poursuivaient leur travail, ils avaient bientôt terminé, les chameaux, content de ne plus être à bord de cet infernal construction de bois, se dégourdissait les jambes sur la plage.

Lorsque Lilyanna regarda à nouveau ses compagnons, elle se rendit compte d’une chose à laquelle elle n’avait pas pensé.

« Je vous ai dit qu’on attendrait le lendemain pour partir mais... » son regard s’attarda une seconde sur Galborix. « Il faut mieux que l’on voyage de nuit. Ylas passera devant, le ciel étoilé devrait produire assez de lumière, sans compter la lune. » Elle savait que c’était suffisant pour elle alors ça devait l’être pour d’autres, du moins le supposait-elle, l’hybride ne savait pas quelle partie de son sang eldéen ou de l’autre moitié du demi-drow avait l’ascendant pour sa vision. « J’avancerais derrière lui, au cas-où il loupe quelque chose. » Ou pour le rattraper si jamais le sable d’une dune instable devait se dérober sous ses pieds préféra-t-elle ne pas préciser. « Ensuite Galborix, avec les animaux, et enfin Nehril fermera la marche. Mieux vaut donc se reposer, nous allons avoir une longue marche cette nuit. »

En réalité ils n’avaient pas vraiment besoin de se reposer, les rameurs peut-être, vu qu’ils avaient passés plusieurs jours à ne rien faire sur un bateau. Toutefois si Lilyanna avait appris quelque chose d’Azzelio, c’était que les gens préféraient quand on leur dit qu’ils pouvaient être oisifs.

Ylas resta de marbre lorsque Lilyanna lui reprocha son manque d'imagination. Il n'était pas payé pour réfléchir mais pour agir. A la réflexion, il n'était même pas payé. Ophelia ne lui avait pas daigné lui expliquer les ressortissants de cette mission ou ce qu'il devait. Aussi se contentait il d'observer et se battre. Deux choses pour lesquelles il était à tout le moins bon. Lorsque l'hybride jeta un nouveau coup d'oeil et déclama quelques mots destiné à rester graver dans le vide de Nisétis, il se sentit pousser une vague de fierté et de gloire. Le port plus droit, il se surprit à porter son regard au loin, une main sur la hanche, les cheveux au vent et le visage digne.

L'humour de la la prêtresse les rattrapa rapidement et elle brisa le moment par quelques autres acrobaties verbales avant de se diriger vers un bloc de pierre. Les trois fidèles la suivirent et Ylas fronça les sourcils. Il ne voyait guère d'intérêt à de telles ruines. Ce n'était rien que de la roche inutile et triste. Même les nains étaient parfois plus intéressants. Quoique pas beaucoup plus mobiles.. Il lui semblait rater quelque chose et en concevait quelques soucis. De nombreux bourgeois et gentleblyat s'intéressaient à ces choses. Il se devait donc de le faire pour en devenir un.

Quand Lilyanna finit par proposer un plan, il acquiesça solennellement. Son sang de Drow était assez fort dans ses veines - et son physique - pour lui permettre de voir de nuit. Lorsqu'il était mercenaire, nombre de ses gardes nocturnes s'étaient faites dans le noir absolu, à plus de vingt mètres du camp pour ne pas être gêné par l'éclat du feu. Les quarts de nuit ne lui étaient pas inconnus. Avec autant d'hommes dans leur équipée, il pourrait dormir la journée entière pour récupérer de la marche. Lorsqu'ils se retrouvèrent libres, il se sentait en pleine forme et aussi il se tourna vers Galborix et Lilyanna et leur demanda :

Dites euh.. Vous pourriez m'expliquer quelque chose à propos de Nisetis, des ruines. Les choses comme ça ? Je sais lire et écrire à peu près mais je dois avouer pas comprendre l'intérêt de tout ça.

Nehril promena son regard le long des pierres fatiguées avant de lentement le glisser vers le sable fin qui semblait recouvrir les environs d’un manteau ocre. Il ne voyait pas bien l’intérêt que vouait la nécromancienne à ces lieux. Même s’il n’était pas érudit, il était curieux vis-à-vis d’un grand nombre de sujets. Mais face à ce spectacle, fort était de constater que les ruines à demi-dissimulé sous des amas sableux n’en faisait pas partie.

Lorsque Lilyanna leur fit part de sa volonté à voyager de nuit, le mercenaire grogna. Même si évoluer enveloppé de ténèbres pouvaient paraître rassurant, la réalité était tout autre. Les plus grands dangers se tapissaient dans la nuit. Outre la cacophonie qui s’emparerait d’eux à la moindre embuscade, c’était le manque de vision qu’il fallait redouter.
Nehril jeta un œil une direction du ciel : il espérait que ce dernier ne soit pas voilé à l’arrivé du soir.

N’exprimant point ses doutes, le semi-elfe suivit ses compagnons en jetant des regards méfiants autour de lui. Les environs étaient calmes. Seul le vent balayait le sol. La nécromancienne poursuivit ses instructions : elle dévoila leur position dans la formation qu’il devrait prendre durant le voyage. Elle octroya à Nehril une place à l’arrière de leur groupe. Le mercenaire opina. Il n’aimait guère sentir la présence d’autre derrière lui. Qui plus est, il aurait un aperçut sur ce que faisait ses compagnons. En cas de problèmes, il pourrait faire gagner suffisamment de temps aux mages pour leur permettre de lancer leurs sortilèges.

Lorsqu’Ylas interrogea les mages sur l’intérêt de cette expédition, Nehril sourit. Il avait eu lui-même les mêmes questions, mais une partie avait été répondue par Lilyanna sur le Katrian. Même s’il possédait certains éléments de réponses, il préféra laisser les principaux intéressés s'en charger.

Mais ce n’était pas tout ce qu’elle avait appris d’Azzelio. Alors elle lança un regard vers ses affaires que les marins déposaient avec le reste sur la plage mais avant qu’elle n’ait put se diriger vers la petite colline de matériel qui s’amoncelait, elle entendit une voix dans son dos, celle du demi-drow. La question la fit sourire bien que ledit sourire ne soit aucunement moqueur. Elle ne s’était pas attendue à ce que ce soit lui qui pose cette question en premier.

« En réalité c’est assez simple. J’ai des questions auxquelles j’aimerais répondre et vu qu’à ma connaissance il ne reste pas de nissétien en vie, je n’ai pas trop le choix, pour trouver des réponses il faut que je m’intéresse à ce qu’ils ont laissé derrière eux : des ruines. »

D’un geste ample du bras elle embrassa la scène qui s’étendait devant eux : les quelques blocs de pierre qui réussissaient à s’échapper de l’emprise inexorable du sable.

« En réalité le gros du travail n’est pas le voyage mais je ne tiens pas à vous ennuyer avec des détails d’érudits. »

Laissant à Galborix le loisir de répondre à la question d’Ylas. Elle se retourna pour aller pour récupérer un compas, une carte, un carnet qu’elle avait pris spécialement pour l’expédition, un autre carnet bien plus petit cette-fois, qui tenait dans une poche, une petite boîte, une dague bien affûtée et pour finir une sacoche dans laquelle elle rangea ses affaires avant de la passer en bandoulière pour aller s’asseoir non loin, sur la première pierre qui dépassait suffisamment du sable. Elle fouilla dans sa sacoche pour en récupérer la carte et le compas. Après avoir observé un certain temps ce dernier elle regarda la carte. Elle sortit ensuite son petit croquis et la petite boîte puis elle retira ses gants et elle récupéra un fusain enserré dans un manchon en bois puis elle se mit à faire des calculs avant d’arrêter après une opération. Elle releva la tête pour lancer un regard aux montagnes non loin en pestant. Lilyanna préférait éviter d’ajouter des risques à une expédition qui, selon de nombreuses personnes sensées, était déjà suicidaire ; il eut été dommage qu’elle établisse un cap sur une anomalie magnétique qui aurait complétement faussé les résultats, les envoyant potentiellement loin dans les Terres Stériles sans croiser Nisétis. Cela dit elle aurait le moyen de le vérifier plus tard, à la nuit tombée, ça allait juste légèrement les retarder ce qui l’agaçait prodigieusement.

Rangeant son matériel, mis à part son fusain, elle sortit son grand carnet et retourna sur l’arche en ruine, hôte d’un nid d’oiseau potentiellement abandonné, pour en faire la dessiner, prenant grand soin de méthodiquement retranscrire avec exactitude les inscriptions et ce sous plusieurs angles si nécessaire. Elle occupa ainsi le temps qui restait jusqu’au coucher du soleil puis elle s’arrêta pour remettre ses gants afin de prier. Assise en tailleur dans le sable qu’elle détestait tant, ses lèvres bougeaient sans qu’un son ne sorte de sa bouche, les yeux fermés. C’était une vieille prière, probablement l’une des premières qu’elle avait eu la chance d’apprendre auprès de son maître et même si elle n’en comprenait toujours pas un mot, les paroles en nissétien avait toujours le pouvoir de l’apaiser. Lorsqu’elle eut fini ses dévotions elle rouvrit les yeux et lança un coup d’œil dans le ciel mais ne vit rien. Dans le doute elle alla chercher une longue-vue mais malgré l’aide elle ne voyait pas encore le Flambeau de l’Unique. Sa langue claqua pour marquer sa frustration, elle avait espéré que sa prière soit entendue par Aluthen mais ce ne fut visiblement pas le cas. Lilyanna se résolut donc à attendre.

« Ça serait bien plus simple si on pouvait retrouver le Niset. » Dit-elle en soupirant avant de se rasseoir, adossée à un bout de bâtiment en ruine qui sortait du sable.

Les explications à la fois de Lylianna et de Galborix laissèrent Ylas perplexe et insatisfait. Il ne comprenait toujours pas l'intérêt. Du moins si. Le sorcier était clairement à la recherche de pouvoir, la soif perpétuelle des hommes à s'élever. L'homme avait juste saisi l'occasion d'un possible voyage avec des compagnons. De la même la façon qu'Ylas s'y était greffé sous les ordres de sa maîtresse. Il lui semblait cependant que l'hybride, elle, ne disait pas tout. Elle semblait trop terre à terre pour simplement vouloir des ruines. Le demi-drow trouvait étrange son but final. Il n'en montra rien et se contenta d'hausser les épaules.

Merci Galborix. Reposez-vous bien. Pensez à vous exercer un peu avant le départ. Vos muscles doivent être déliées ou vous en souffrirez si on nous attaque dans le gel de la nuit.

Les heures qui suivirent le virent allongé sur un énorme bloc de pierre, lui même à l'ombre d'une ruine. Les yeux fermés, il ne dormait pas encore. Si de petites siestes le surprirent, il n'était pas encore accoutumé à vivre de nuit contrairement à certains marins, depuis de nombreuses années donnés au quart de nuit. Lorsqu'enfin le soleil disparut à l'horizon, le sang-mêlé grogna. Il venait de se rappeler que l'hiver était là. La nuit serait longue et la journée, donc le repos, court.

Maudit soit ce temps.

Grommelant, il ramassa son paquetage, s'assura que ses armes étaient bien en ordre et enfila sa brigandine de cuir. Coutelas rangé dans un fourreau à sa cuisse, une hache à une main à la ceinture, il portait son épée bâtarde sur l'autre hanche. Fin prêt, il ramena ses cheveux en une longue natte blanche qu'il laissa balancer dans son dos. Avisant la compagnie, il les salua et se tourna vers la maîtresse de l'expédition.

Quelle direction Lylianna ?

Nehril écouta distraitement les propos de Lilyanna puis de Galborix avant de finir par s’éloigner. Il examina le sol avec attention, repérant d’éventuels signes de vie de la part d’insectes et autres créatures grouillantes. Puis il entreprit de rejoindre l’endroit où la nécromancienne se livrait à ses observations. Il passa plusieurs fois la main le long des inscriptions qui ornaient la roche, et bien qu’il n’y saisisse grand-chose, il resta là un long moment à les examiner. Quand les autres finirent par s’endormir, Nehril resta plusieurs heures aux aguets, observant les environs, les cartographiant mentalement.

Après avoir suffisamment erré le long des sables désertiques, sans toutefois s’éloigner suffisamment de ses compagnons, il finit par s’asseoir non loin d’eux afin de prendre un peu de repos. Il ne sentait pas encore la fatigue s’emparait de lui, mais gâcher son énergie à écumer la berge semblait être superflue. Il vérifia à nouveau que son matériel était en bon état de fonctionnement, graissa sa lame puis attendit patiemment.

Lorsque ses compagnons s’éveillèrent de leur court sommeil, le mercenaire était déjà sur ses pieds. Il s’était emmitouflé dans sa cape et observait le Katrian qui mouillait au loin. Aux paroles d’Ylas, il pivota en direction de Lilyanna, en attente de ses instructions.

« Je vais vérifier. » Se contenta-t-elle de répondre à Ylas

La suite d’animaux de traits nécessaire pour l’expédition était fin prête maintenant que le soleil s’était couché et les animaux étaient prêts à partir, le matériel et les vivres chargés sur leur dos, la caravane pouvait se mettre en route. Toutefois elle n’avait toujours pas de direction à emprunter mais ça allait changer. Jouant les acrobates, Lilyanna avait mis sa sacoche pour qu’elle lui arrive dans le dos et elle avait escaladé l’arche ; si elle avait perdu l’agilité d’une partie non négligeable de son enfance passée à voler, elle s’était rattrapée avec les diverses montées de cordage sur le Katrian. Elle prit soin de ne pas déranger le nid, puis une fois en haut elle sortit son compas, son carnet et son fusain. Maintenant qu’elle avait une vue imprenable sur le Flambeau elle reprit ses calculs. Lorsqu’elle eut terminé elle en profita, après avoir rangé ses affaires, pour regarder autour depuis sa position en surplomb. Les ruines silencieuses, si on excluait les bruits que pouvait faire les quelques membres d’équipage du navire restés à terre et surtout les trois compagnons de voyage de la nécromancienne, avaient quelque chose de paisible. Si l’hybride n’avait aucune idée de comment était morte la ville sur laquelle ils étaient, au moins elle ne semblait ne pas trop avoir souffert. Du moins c’était ce qu’elle espérait vu qu’elle n’avait aucun moyen de le vérifier. Toutefois elle n’était pas assez naïve pour se persuade qu’il s’agissait-là de la vérité.

Depuis son perchoir elle imaginait la ville lorsqu’elle était encore occupée par autre chose que des fantômes. Les grands bâtiments carrés en proie aux flammes cachaient en partie les navires qui arrivaient à quitter le port tandis que des nissétiens couraient dans les rues, tentant d’échapper comme ils le pouvaient aux lames eldéennes sans succès. Les navires qui glissaient lentement sur une eau rougie n’eurent pas plus de chance alors que les navires drows fondaient sur eux. Secouant lentement la tête elle sortit du rêve éveillé qu’elle avait construit de toute pièce pour se tourner vers ses compagnons un peu plus loin, en contrebas, qui devaient l’attendre. Toutefois, même si elle savait qu’elle ne devrait probablement pas, la curiosité prit le dessus et, sortant sa longue-vue, l’hybride lança un coup d’œil à la tour octogonale qui se dressait sur un promontoire rocheux au loin. Faite avec les mêmes pierres que le reste des ruines, le fait que ce bâtiment ait survécut là où le reste avait finit par disparaître, ou du moins par se faire ensevelir, piquait sa curiosité bien plus qu’elle ne l’aurait aimé. Surtout qu’au vu de la taille de l’édifice, et sa largeur à la base, ça l’étonnerait que les eldéens l’aient loupé. Elle rangea son instrument avant de descendre pour aller répondre à la question d’Ylas

« Par là-bas. » Elle pointa la direction de la tour qu’elle avait vu avant d’aller chercher la caravane au pas de course. Les marins souhaitèrent bonne chance à l’expédition, Azzelio en tête, avant de retourner à bord du Katrian, sauf pour Imka Thlolo. Le zurthan étant visiblement intéressé par l’expédition. Peut-être était-ce par curiosité, pour voir si les prophéties de Sakâsh allaient se réaliser mais dans tous les cas Lilyanna ne posa pas de questions, sachant qu’elle risquait d’avoir besoin de tous les bras disponibles. En plus de ça elle n’avait pas besoin de le payer. L’ordre de marché établis quelques heures plus tôt fut donc légèrement changé.

« Imka mettez-vous entre Galborix et moi. » Déclara l’hybride après une courte réflexion. S’il n’était qu’un humain et ne pouvait donc prétendre à une vision nocturne comme celle d’Ylas par exemple, il n’empêchait qu’en tant que zurthan le désert devait être son élément naturel. Sans doute serait-il d’une aide précieuse à un moment ou une autre pour survivre dans cet environnement des plus inhospitalier. Le petit groupe se mit en route. « Pour être claire, Nisétis n’est pas dans cette direction, du moins pas d’après mes calculs, mais vous voyez cette tour ? Je me demande comment ça se fait qu’elle soit toujours debout. Une fois qu’on l’aura inspecté on reprendra la route de Nisétis. Ça ne devrait pas être long. »

Une fois au pied de la tour, Lilyanna tenta de pousser la porte mais cette dernière résista, ne voulant pas bouger pour lui permettre d’entrer. Faisant quelques pas en arrière, l’hybride regarda la tour avant de se tourner vers les autres.

« Quelqu’un se sent d’escalader avec moi ? »

Sa cape serrée autour de lui pour se protéger du vent, le mercenaire ferma la marche de leur groupe alors qu’ils avançaient en direction de la longue tour avalée par les ténèbres. Parvenu à son pied, Lilyanna tenta d’ouvrir la lourde porte qui lui faisait face avec peu de succès. Elle proposa aussitôt à quelqu’un d’escalader la construction. Nehril haussa les sourcils et s’approcha de la surface grisâtre qui composait la structure. La roche semblait ferme et froide au toucher, et quelques aspérités étaient reconnaissables au toucher. Y grimper serait laborieux, mais pas impossible.

Devant la proposition de Galborix, Nehril palpa un instant la porte.

— J’ai bien peur qu’avec une déflagration, commença-t-il en articulant soigneusement ses mots, la tour ne chute sur elle-même. Qu’elle tienne encore debout tient du miracle, ne prenons pas le risque de la détériorer plus avant.

Le semi-elfe plongea son regard dans les ténèbres afin de repérer une quelconque ouverture le long de la tour.

— Il me semble peu probable qu’une ouverture nous attende à l’extérieur. Mais il est toutefois possible d’y grimper. Néanmoins avec cette obscurité… Il se tourna vers Ylas. Êtes-vous capable de nous fournir une mesure approximative de la hauteur de cette tour ?

La proposition de Galborix était tentante, Lilyanna devait l’admettre, elle avait le mérite d’économiser du temps, un temps précieux qui plus était, mais elle avait d’autres problèmes. Descendant son regard sur la porte que le sorcier voulait faire exploser, elle fit une moue réprobatrice. Avant qu’elle ne puisse formuler ce qui ne lui plaisait pas à propos de ce plan, Nehril s’en chargea. Elle était nécromancienne, pas architecte ou ingénieure, elle s’était spécialisé dans les gens morts, pas dans les bâtiments morts et même pour elle la tour ne semblait pas être en… bonne santé. Alors elle hocha la tête aux dires du mercenaire.

« En effet ça semble peu probable mais pas impossible. » Dans le doute elle fit le tour de la structure, tendant l’oreille pour entendre la réponse d’Ylas. Comme elle s’y attendait, il n’y avait pas d’autres portes, lorsqu’elle retourna vers ses compagnons de voyage elle haussa les épaules. « On va devoir grimper. »

Retirant son manteau, la nécromancienne alla vers les chameaux pour le déposer puis elle remonta les manches de sa tunique et fit jouer ses articulations pour s’échauffer. L’escalade promettait d’être dangereuse et, par conséquent, longue, si ce n’était pas la première fois qu’elle allait grimper une quarantaine de mètres, c’était rare pour elle de le faire sur un bâtiment dans cet état. Pour finir elle récupéra un rouleau de corde qu’elle passa en bandoulière.

« Vous venez avec moi, Nehril? » Demada-t-elle alors qu’elle s’approchait à nouveau de la structure, regardant le mercenaire avec un sourire en coin. A quelques mètres de la tour Lilyanna détourna les yeux du demi-elfe pour lever la tête afin de trouver quel chemin emprunter ; pour se faire une carte mentale de la surface, pour noter quelle prise semblait plus ou moins sûre. Ce qu’elle ne pouvait pas dire avec certitude évidemment, du moins pas avant de mettre la main ou le pied dessus, mais elle pouvait se faire une note mentale. Une fois ses préparations terminées elle se lança dans l’ascension. N’ayant pas vraiment envie de retomber brutalement sur le sol, la nécromancienne testait la solidité de ses prises avant d’avancer, changeant de chemin lorsque l’une d’elle semblait trop instable.

Avançant avec une rapidité née de l’expérience malgré sa prudence, l’hybride se hissa malgré tout au sommet de la tour avec le souffle court et un bras qui refusait de complétement se tendre. Assise sur le rebord, les pieds dans le vide, Lilyanna regardait ceux qui étaient toujours sur le sol, en bas avant de finalement se lever et, une main posée sur l’un des piliers qui soutenaient le toit, elle laissa son regard vagabonder, embraser la pièce. Elle se dirigea ensuite vers le centre de la pièce puis vers la trappe qu’elle tenta d’ouvrir, sans succès. Elle tenta une nouvelle fois, de toutes ses forces, les mâchoires crispées sous l’effort, mais n’y arriva toujours pas avant de se tourner en direction d’Ylas.

« Vous pouvez essayer ? Vous êtes sûrement plus fort que moi. »

La nouvelle lubie de Lilyanna les amena près d'une tour. Ylas se tordit la nuque pour l'observer tandis que les débats commençaient. L'hybride avait raison. La vue depuis les hauteurs devaient s'étendre sur des kilomètres. La nuit tombante n'aiderait certes pas à apercevoir toutes les aspérités du terrain mais une direction général leur servirait. S'ils pouvaient éviter de se retrouver au pied d'une falaise au coeur de la nuit ce serait idéal pour les humains. N'écoutant que d'une oreille, le demi-drow essayait de repérer le meilleur chemin à prendre pour une possible escalade. Lorsque Galborix proposa de simplement faire exploser la porte, il ricana sombrement.

Premier jour de voyage ? L'interlude avec les esclavagistes ne compte pas dans votre agenda Galborix ? Haussant les épaules, Ylas se tourna vers Nehril. On doit être dans les six toises de hauteur à vue de nez. Vous êtes sûr de ne pas vouloir grimper ? Mon gabarit n'est pas adapté à l'escalade. Comme le mercenaire ne semblait pas décidé, Ylas grogna. La vision nocturne lui serait utile dans cet exercice. Délaissa sa cuirasse de cuir, son coutelas et sa hache, il harnacha solidement son épée longue dans son dos et s'attaqua à escalader à la suite de Lilyanna. Le secret n'était de jamais s'arrêter ou regarder en bas. Aussi se contenta-t-il de garder l'oeil fixé sur le fessier de la prêtresse, une vision au demeurant fort agréable. Ylas commençait à comprendre l'intérêt de Nehril de rester fourrer dans les jupons de Lilyanna. A moins que le mercenaire ne profite de sa vue à lui. Outré par cette pensée, le demi-drow s'arrêta une seconde pour jeter un regard courroucé en contrebas.

Ce fut le dos raide et les fesses serrées qu'il atteignit le sommet. Le temps de reprendre son souffle et il se tourna vers son employeuse. Associée. Peu importait comment il devait l'appeler. Le visage rougi et crispé par l'effort, elle s'acharnait sur une trappe en bois séché et durci par les ans. Sans attendre sa demande, qui vint rapidement d'ailleurs, Ylas détacha les sangles de cuir qui maintenaient son épée collée à son dos et s'acharna à se servir de la pointe de l'arme comme levier. La peau couverte de sueur, les veines saillantes sur les bras et une nuque douloureuse furent nécessaires pour entendre dans un craquement sinistre le bois enfin céder et découvrir un puits de lumière noire. Emporté par son élan, Ylas lâcha son arme qui cliqueta sur le sol, ébréchée au niveau de la pointe. Ramassant l'épée, et soupirant à l'idée des heures d'aiguisage qui l'attendaient, il fit signe à Lilyanna.

A qui l'honneur ? Je peux m'y jeter la tête la première, tant que la lumière rentre un peu, j'y verrai à l'intérieur. D'ailleurs vous pensiez que c'était quoi comme tour ? Un phare ou une tour de guet à première vue non ?

Elle observa le Ylas venir à son secours en se demandant s’il allait y arriver, être monté jusqu’ici pour se faire arrêter par une vulgaire trappe aurait été des plus décevant. Détaillant les muscles saillants du demi-drow, tendus sous l’effort, Lilyanna sursauta lorsque le bois craqua avant de finalement céder sous l’assaut de l’acier. Bien que le bois se défendit bien mieux que prévu et l’acier céda aussi, du moins en partie. Reculant brusquement pour éviter de se faire éborgner par une lame sauvage, la nécromancienne revint vers la trappe désormais ouverte lorsque la bête fut de nouveau sous contrôle, dans la main de son propriétaire. Elle plaqua sa main sur son front en poussant grognement frustré.

« Une torche ! Voilà ce que j’ai oublié... » et un briquet évidemment mais l’un sans l’autre n’avait de toute façon que bien peu d’intérêt, du moins dans cette situation. « Sinon, pour la tour, j’avoue que je n’y ait pas réfléchis. Je parierais plus sur un phare vu la proximité de la mer. »

Alors qu’elle discourait, l’hybride avait pris la corde qu’elle portait en bandoulière pour aller l’attacher autour d’un des piliers qui soutenait le toit avant de lancer l’autre bout de ladite corde directement par la trappe.

« Les femmes d’abord, comme ils disent en Péninsule. »

Lilyanna s’engouffra alors dans la trappe en question, mettant un pied hésitant sur la première marche de l’escalier en colimaçon qui courrait le long du mur du phare, la corde pendant dans le vide. Prête à sauter sur la corde pour se rattraper au cas où l’escalier se montrait glissant, traître, ou bien s’il allait tout simplement s’effondrer pour bloquer encore davantage la porte tout en bas, elle commença à descendre. Faisant son possible pour ignorer l’odeur insupportable de renfermé, sans pour autant le maudire, elle ne remerciait pas son parent elfique pour autant, si d’ordinaire ses sens aiguisés étaient utiles, là ils étaient gênants. Cela étant dit ce n’était rien d’insurmontable et sa mesure de précaution ne lui servit pas à grand-chose étant donné que l’escalier n’était pas glissant, en même temps avec le peu d’humidité présente l’inverse eut été étonnant.

En posant le pied sur le sol Lilyanna elle sursauta à nouveau en voyant quelque chose bouger dans son champ de vision périphérique. Sortant rapidement sa dague sacrificielle, l’hybride poussa un soupir de soulagement lorsqu’un rongeur sortit de sous les trois débris amoncelés qui lui avaient servi de refuge temporaire. Rengainant son arme, la nécromancienne poursuivit son exploration. En réalité il n’y avait rien à voir, les quelques pièces étaient vides et ce n’était pas comme si les décorations avaient un quelconque intérêt ; après tout on pouvait trouver des dessins anatomiques sur les murs de n’importe quelle ville et ce sans avoir à escalader une vieille tour branlante. Faisant un demi-tour sur elle-même pour être certaine de n’avoir rien oublié, Lilyanna remonta les escaliers pour rejoindre Nehril et Galborix.

« Tout ça pour rien. » Gromella-t-elle en passant à côté d’Ylas. « Désolée pour l’épée. »

Une fois de nouveau au sommet de la tour l’hybride relança sa tresse par-dessus son épaule avant d’aller défaire la corde. Mais elle s’arrêta bien vite. Elle se retourna vers le demi-drow.

« Tu vois ce que je vois? » Elle lui désigna le méandre qui se trouvait non loin de la tour en sortant sa longue-vue pour confirmer ce qu’elle pensait voir. Le méandre n’était pas le plus important, ce qui avait surtout attiré son attention était le ce qui se trouvait à l’intérieur : de l’eau. De l’eau qui semblait stagnante mais qui s’écoulait lentement.

Sans attendre sa réponse, l’hybride rangea sa longue-vue et récupéra sa corde avant de se diriger vers le bord de la tour. Maintenant il fallait descendre et bien que c’était généralement la partie la plus facile, quand on avait déjà fait la montée du moins, elle n’avait pas vraiment eu l’occasion de se reposer comme elle l’aurait voulu mais elle ne comptait pas attendre au sommet d’une tour décrépite à ne rien faire alors que, si ce qu’elle pensait était exact, elle avait trouvé un moyen infaillible de remonter jusqu’à Nisétis. Prenant une grande inspiration, elle commença la descente avec impatience.

Sûrement un peu trop d’ailleurs étant donné qu’à mi-chemin une pierre se déroba sous son pied pour aller s’écraser plus bas, sans doute pas bien loin de quelqu’un, probablement trop proche au goût de la personne en question. Forçant sur ses bras fatigués pour ne pas se laisser emporter par la gravité, Lilyanna resta accrochée, à moitiée suspendue, pendant une trentaine de secondes avant que son cœur ne se soit suffisamment calmé pour qu’elle entreprenne de poursuivre sa descente.

Elle sauta les trois derniers mètres, ce qu’elle regretta un peu, son genou droit décida qu’elle boiterait légèrement pour la punir. Toutefois ce n’était pas si peu qui allait l’empêcher de partager avec le reste de son groupe sa trouvaille.

« Changement de plan, j’ai trouvé une nouvelle route jsuqu’à notre destination ! » Elle désigna la tour, du moins ce qui se trouvait de l’autre côté. En réalité elle n'avait jamais eu de vrai route jusqu'à leur destination donc dire qu'elle en avait une nouvelle était une interprétation assez libérale de la réalité.