Bousculade impromptue [Lissessure]

Kÿrianos, Karfïas, première ennéade deuxième mois d'hiver
An 18 du XIe Cycle
début d’après-midi
Académie d’Aleandir

Obrielle se promenait dans les jardins de l’académie par un début d’après-midi froid mais ensoleillé. Elle marchait lentement contemplant les jardins, en pensant qu’elle devrait passer voir le doyen plus tard dans l’ennéade pour faire le point sur ses nouvelles fonctions et leurs implications. Elle était nommée au chapitre blanc et avait encore du mal à réaliser sa position. Il faudrait peut-être qu’elle fasse un effort vestimentaire, mais il était dur pour Obrielle de s’imaginait porter quelque chose de plus complexe qu’une tunique unie. Elle en portait d’ailleurs une bleue marine sur un pantalon beige ce jour là. L’elfe fut prise d’une bouffée d’angoisse à l’idée de ne pas faire honneur à l’académie, de ne pas avoir la prestance attendue d’une Grand Enchanteresse et surtout de ne pas être à la hauteur de son statut, dire que l’artefact sous l’académie avait faillit faire tout exploser alors qu’elle en ignorait l’existence. Ses pensées s’enchaînaient et ses pas suivant le rythme s’accéléraient. Soudain une ombre surgit de nulle part la percuta de plein fouet. L’impact fit tomber Obrielle sur le sol. Elle était rouge jusqu’aux oreilles, et avec son air désorienté, elle ressemblait plus à une novice qu’à une elfe de plus de 700 ans. Elle leva ses yeux violets vers l’inconnu qui l’avait renversée s’apprêtant à prononcer des excuses.

L'académie. Lissesúrë y était resté. Il voulait quelque chose. Alors, il l'aurait. Il ne fut pas long à reprendre des habitudes de chercheur. Seulement… il ne travaillait plus dans les grandes salles prévu à cet effet. Il avait trouvé un coin, idéal. Tout comme le couple d'oiseau qui avait trouvé dans les entrelacs des lianes, un abris protégé des morsures de l'hiver.

Cette après-midi, il leur apportait une petite surprise qu'il avait préparé avec Lareless. Il était heureux. L'air était léger malgré le froid. Levant les yeux au ciel, il chercha le soleil et lui sourit.

Le ciel était d'un bleu délavé sur lequel l'astre pâle avait à peine entamé sa descente. Ici et là, de gros nuages blancs attendaient la main d'un sculpteur malicieux. Si dans celui de gauche, notre elfe avait identifié le dos ailé, le ventre rebondit et la queue en panache d'un Shek'mao, pour celui de droite, il ne savait pas trop. Alors que ses pieds le portèrent toujours un peu plus loin, il hésitait entre un pikulua grimaçant ou une gargouille. A moins que c'était une cosse de papillon-fruit…

Un pas de plus vers la magie.

Echec.

Sauf si la magie s'était personnifiée en une rousse Taledhelle.

Paniqué de voir la demoiselle par terre, il tourna autour d'elle. Les tissus blancs et bleus de ses longues vestes, la frôlèrent.

" Désolé Heri "

Il s'était enfin stabilisé à côté de la belle.

" Est-ce que vous vous êtes fait mal ? "

Il s'accroupit pour se mettre à la hauteur de la pauvre victime de sa rêverie.

" Accepteriez vous que je vous aide à vous relever ? " et lui tendit une main à moitié recouverte par les amples manches.

L’ombre qui l’avait bousculée était en fait un elfe aux longs cheveux blancs. Quelque chose en lui rappelait à Obrielle les nuages poussés par le vent. Il lui tendit une main qu’elle accepta avec reconnaissance. Il l’aida à se relever et elle pu le voir dans son entièreté. Le Taledhel portait des vêtements inhabituels, ils semblaient fluides et aériens, elle ne put s’empêcher de provoquer un léger courant d’air qui les fit virevolter.

« Je n’ai rien, merci de vous en inquiéter. Vous allez me trouver étrange, mais vous ressemblez à un nuage. J’adore vos vêtements, je ne crois pas en avoir déjà vu de semblable. »

Il y avait chez cet elfe quelque chose de rassurant et familier pour Obrielle, il semblait venir du ciel tout comme elle. Peut-être était-ce dû à son éventail de plumes où à son air de nuage. Cette bousculade avait balayé temporairement les inquiétudes d’Obrielle qui enchaîna sans laisser de pause :

« J’adore me balader, mais je manque d’attention, je n’aurais pas dû tomber pour si peu, je suis désolée. Ma mère dit que l’aéromancie crée des courants d’air dans ma tête et que je ne suis plus bonne à rien d’autre. Je m’appelle Obrielle et vous ? »

L’aéromancienne se rendit compte qu’elle avait trop parlé et trop vite. Ses inquiétudes revinrent à la surface, elle baissa les yeux et son sourire se fana légèrement. Elle avait probablement importuné l’inconnu avec ses bavardages aléatoire. On aurait pu penser que ce genre d’inquiétudes se serait tassées passé les 300 ans d’existence, mais pour Obrielle la communication en dehors des cours d’aéromancie qu’elle dispensait, était toujours une étape complexe. Elle ne se sentait à l’aise qu’une fois qu’elle connaissait parfaitement ses interlocuteurs.

Sans prononcer un mot, l'anëdhelle se saisit de la main tendue et se redressa. Il ne sut ce que l'arcaniste avait fait mais il se retrouva bien rapidement envelopper d'un léger courant d'air. Alors que l'air frais entrait et sortait gaiement dans ses vestes, un doigt posé sur une plume de son éventail, il découvrit des brides de magie. Sur son visage, un sourire fleurit. C'était futile. Mais il aimait bien ce qui pouvait l'être. Cela voulait dire que l'on était vivant, et que l'on aimait la vie.

La belle rousse avait parlé. Surement. Et comme à son habitude, absorbé par ce vent il n'avait encore une fois fait glisser les mots. Libres, ils s'étaient envolés. Lissesúrë ne savaient pas leur lieu de destination. Était-ce au creux des oreilles d'un Dieux ? Ou ailleurs ? D'ailleurs, comment pouvait être ce lieux étrange où échouer les mots égarés ? Était-ce la même que la salle des pas perdus ? Malgré ses questions, les mots de la belle poursuivaient leur flot et contrairement aux premiers, ils avaient réussit à trouver le chemin de ses pavillons. Soudain les sourcils de neige se haussèrent. Obrielle était désolée. Mais il ne savait pas de quoi. Voilà que maintenant il était fort contrit. D'autant plus que la suite ne lui plu pas beaucoup. Et même si cela venait de la mère de l'anëdhelle automnale.

" Lissesúrë Fanyendil, c'est un plaisir que de faire votre connaissance. " Une main posée sur le cœur, il s'inclina. Tout aussi souplement, il se releva.

" Heru Obrielle, si vous me le permettez, je souhaiterai voir votre regard." La tête inclinait sur le côté, il lui souriait. Il ne fit aucun geste forçant l'humble demoiselle à relever ses yeux.

" Heru. Votre tête serait pleine de courant d'air ? A la bonne heure ! Vous voilà bien chanceuse ! Toute votre vie est une symphonie. Ce matin, vous avez dû vous éveiller sous les notes clairs et cristallines de la bise. Les alizés tièdes et gorgés d'effluves, vous ont transmis la promesse d'une collation. Mais déjà, dans les chants graves vous voilà partie affronté cette journée. La tempête se forme, mugit tandis que la bourrasque pétarade. Mais vous êtes là. Seule dans le cyclone. Vous affrontez la canonnade, votre cœur doit battre la chamade. Vous tenez bon. Votre voie, les apprivoisent, les domptent. Petit à petit, les nuages qui obscurcissaient le ciel s'estompent. Notus vous enveloppera de sa chaleur. Peut être cédera t'il sa place à l'amoureux Siroco. Qui sait... Il est certain que la brise vous accompagnera dans votre sommeil. "

Les longs doigts d'albâtre se refermèrent sur le tissus vaporeux de la manche. Le poing serré, il encouragea Ombrielle.

" Tenez le cap, Heru. Laissez nous voir le velours des fleurs qui ont épanoui dans vos yeux. La modestie et la timidité ne doit pas vous empêchez de voir le soleil ! "

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