Je voulais vous revoir (Grayle-Miriel)

vision pastorale:

« Bientôt. C'est la Vézéria. Elle traverse le village, et passait pas très loin de chez moi, avant de descendre dans un lac. Je m'y baignais souvent, après les travaux aux champs. »


Miriel suivit de ses prunelles cendrées la rivière qui s’écoulait lentement. Comme si aucun problème ne grondait à l’horizon, comme si la nature, paisible, ne se souciait point des problèmes des hommes. Et pourtant, devant ce paysage des plus pittoresques, elle ne pouvait s’empêcher d’être nerveuse. Les derniers événements en péninsule lui avaient montré à quel point les humains étaient peu accueillant. Elle avait beau cacher ses oreilles par un voile, ou par une capuche, cela n’empêchait pas les péninsulaires de remarquer qu’elle était différente. Les cheveux aussi blancs que la neige, le regard grisé, des signes qui auraient dû laisser transparaitre son véritable âge, alors qu’elle semblait avoir le visage d’une adolescente. Néanmoins, elle se devait d’accompagner Grayle. Ce dernier semblait avoir besoin de ce moment. Il semblait nécessaire pour lui de tourner la page et qui sait? Peut-être qu’ils trouveraient l’endroit où il voudrait passer le reste de leurs jours? Du moins… des jours de Grayle, mais cela était une autre histoire… Miriel l’écouta sans broncher, alors qu’il s’apprêtait à révéler un pan de son passé. Elle n’avait jamais osé lui poser de questions, tout comme lui. Leurs passés semblaient des plus différent. Le village de Grayle lui apparaissait comme paisible, alors pourquoi avait-il eu l’audace de venir au Puy? L’hybride posa ses prunelles sur la route, évitant le regard de Grayle, et se redressa soudainement, attrapant les rênnes de l’animal pour les tirer de toutes ses forces. Forçant l’animal à s’arrêter de justesse devant un enfant.


L’hybride poussa un soupir de soulagement, avant de se laisser retomber sur le siège de la carriole alors que Grayle baragouinait quelques mots en péninsulaire. Il lui avait bien appris quelques phrases, mais cela lui semblait bien différent, bien difficile. Mais le langage corporel des interlocuteurs changea rapidement. La surprise, suivit par l’excitation. Ah. Décidément les deux humains se connaissaient. Miriel interrogea du regard Grayle avant que ce dernier ne se mette à rire.


« Je crois que tu seras aussi attendue que moi, ma belle. »


L’hybride se mordilla légèrement la lèvre inférieure, inquiète. Était-ce réellement positif? Qu’avait dit le gamin? Elle plongea son regard dans le sien, avant de tenter de lui faire un sourire rassurant. « Ravie de l’entendre. Ne les faisons pas attendre plus longtemps. » Elle reprit les rênes pour remettre leur monture en marche. Le cheval se mit rapidement au trot, et ils rejoignirent la place centrale du village, là, où un groupe de villageois les attendaient. Miriel replaça doucement le voile sur sa tête, s’assurant que ses oreilles soient invisibles avant d’avaler difficilement. Elle était toujours armée, mais un si grand nombre de personnes serait définitivement un défi de taille. Et c’est à ce moment qu’elle secoua la tête comme pour remettre ses idées en place. Non… Ce n’était pas des ennemis. Il n’était pas méchant, c’était tous des connaissances de Grayle et elle se devait de les voir ainsi. C’était le moment de laisser la peur de côté et de se concentrer sur un futur qui pourrait être meilleur.  Elle eut un léger sourire avant de se retourner vers Grayle, tentant de le rassurer; « Je crois que tu leur as manqué! » Elle lui prit la main avant de la serrer légèrement.

D’un pas félin, l’hybride descendit de la charrette alors qu’un petit groupe de personnes firent quelques pas pour l’éviter. Incertaine, elle desserra doucement ses doigts, prête à intervenir. Elle n’aimait en aucun cas cette situation, cet attroupement silencieux qui ne faisait que les fixer sans dire un mot. Elle avala sa salive avant de balayer son regard sur les curieux personnages. Pourquoi ne disait-il rien? Se doutait-il de quoi que ce soit? Miriel se mit en marche, contournant leur cheval pour aller se mettre au côté de Grayle. Elle n’avait jamais été le centre de l’attention ainsi, et cela ne lui plaisait en aucun cas. Ses pieds s’enfoncèrent dans la boue, et elle s’arrêta à quelques centimètres de ce dernier observant ce dernier. Il avait l’air… heureux. Comme si cette situation ne le dérangeait en aucun point, comme si tout cela était normal. Un aboiement attira son attention, Miriel fit un rapide trois cents soixante, avant d’apercevoir une énorme bête foncer sur Grayle. Le chien lui sauta dans les bras, alors qu’il commençait à le lécher sous les rires innocents de l’humain.


« GRAYLE EST REVENU ! »
« REBONJOUR TOUT LE MONDE ! »


Et c’est à ce moment que la foule éclata de joie, une vague d’humain s’approcha d’elle, lui prenant les mains avant de tenter d’attirer son attention. Ils lui posèrent de plus en plus de question, tandis que les enfants observaient avec attention l’épée longue qui pendait à sa ceinture en lui demandant si elle était une guerrière. Devant son air totalement perdu, ce fut Grayle qui vint pour la première fois à sa rescousse. Il l’attira doucement à lui par le bras, demandant aux autres humains de la laisser respirer en riant. Miriel lui lança un léger sourire de remerciement avant que la foule se taise une nouvelle fois, laissant passer une femme aux cheveux gris. L’hybride la regarda attentivement alors que cette dernière lui rendait la pareille. à croire qu’elle savait exactement ce qu’elle était, et elle le confirma bien assez vite;


« Je ne pensais pas trouver quelqu’un de votre race ici. »
« Tout comme je ne m’attendais pas à me retrouver ici. »


Était-elle impressionnée que la Péninsulaire comprenne et parle l’olliyan? Non pas du tout, le visage immaculé de l’hybride ne laissa apparaître aucune expression, aucune forme de surprise. « Néanmoins je vous remercie de votre accueil. » Elle baissa doucement les yeux au sol, avant de les remonter pour fixer la prêtresse, comme une subtile marque de respect.  Puis, la prêtresse posa son attention sur son amoureux, avant de caresser doucement la joue de ce dernier du bout des doigts.  Curieuse, l’hybride ne put se retenir de pencher la tête sur le côté, interrogeant cette curieuse marque d’affection avant que cette dernière ne reprenne la parole;


« Je suis la prêtresse Nessala. J’ai aidé à le mettre au monde. Je l’ai éduqué. Je lui ai tout appris. »


Ah! C’était donc elle la prêtresse qui avait guidé Grayle au Puy! Miriel observa doucement les retrouvailles, un sourire aux lèvres. C’était une scène franchement des plus touchantes. Était-ce réellement cela revoir sa famille? Aurait-elle le droit aussi à des retrouvailles comme cela avec la famille de Royna? Seuls les dieux pouvaient le prédire… Nassala essuya discrètement une larme, en reculant, et Miriel ne put s’empêcher de lui frotter doucement le dos, comme pour la rassurer.


« Venez chez moi tous les deux. Nous avons beaucoup de choses à nous dire… »


Miriel acquiesçât, avant de tourner son regard cendré vers Grayle, sourire aux lèvres. Elle était complètement calme, la méfiance qui l’avait habité il y a quelques minutes s’étaient définitivement envolsé. L’hybride se sentait choyé, et pour la première fois de sa vie, avait réellement l’impression d’être à la maison. Les gens étaient si accueillants, et ses longs cheveux blancs ne semblait pas avoir causé de commotion pour le moment. Elle fit un sourire à Grayle avant de se mettre en marche, suivant la prêtresse alors que cette dernière les entraînait dans un bâtiment.

Miriel suivit du regard Grayle alors que ce dernier sortait de la pièce, la laissant seule avec la prêtresse. Puis lorsque cette dernière l’intima de s’asseoir elle s’exécuta sans demander son reste, allant même jusqu’à enlever son voile pour laisser ses oreilles visibles. Ces dernières bougèrent légèrement, comme ravie d’être sortie de leur prison de tissus avant que le regard cendré de l’hybride se porta sur la prêtresse. Elle ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors que la prêtresse lui révélait qu’elle avait eu des expériences positives avec les gens de son origine… « Décidément vous êtes tombé sur des gens plus sympathiques que moi. » Répondit-elle du tac au tac. Elle ne se souvenait plus de la dernière fois ou elle avait rencontré quelqu’un de réellement sympathique en Ithri’Vaan ou au Puy – a l’exception de Grayle, bien sûr. Néanmoins l’hybride ne répondit rien à la remarque sur son âge. À quoi bon? Elle avait déjà probablement le double de la prêtresse et paraissait à peine sortie de l’adolescence.


« Alors, dites-moi... comment avez-vous connu Grayle. Et vous a-t-il parlé de nous ? Qui êtes-vous ? »


C’était presque un interrogatoire en regle. Elle se doutait bien que cela arriverait à un moment ou à un autre et c’était déjà préparer à ce moment. Après tout, qui aurait pu blâmer celle qui l’avait élevé de vouloir en apprendre plus sur la compagne de celui qu’elle considérait comme son fils? « Mon nom est Miriel Navanrete. » commença-t-elle, laissant la péninsulaire reconnaître le nom sudiste. « Ma mère était esclave au Puy, elle est malheureusement morte en couches et je suis devenue esclave à mon tour. » Elle tripota doucement du bout des doigts le bout de son foulard alors que ses yeux cendrés semblaient obnubilés par les différents motifs du tissu avant de continuer; « Je me suis échappé après un siècle, avant de rouler ma bosse en Ithri’Vaan comme mercenaire. Après une quinzaine d’années, on m’a rattrapé, et ramener au Puy. » Inutile de préciser que c’était en tant qu’esclave, la femme ferait définitivement la différence. « Et c’est là que j’ai rencontré Grayle. » Ce n’était pas à elle de lui dire que Grayle avait perdu espoir quand elle l’avait rencontré la première fois, et ce n’était pas sa place de lui révéler qu’il avait, lui aussi, été esclave.  « J’ai été libéré au bout de quelques années et je me suis enfui du Puy. Quand j’ai entendu dire que Grayle était sorti du Puy je me suis mis à le chercher partout. Je l’ai retrouvé à Thaar, et depuis, nous ne nous somme pas séparer depuis. » Elle ne put s’empêcher de réprimander un sourire alors qu’elle se remémorait ce moment au port lorsqu’elle l’avait finalement aperçu. Cela faisait si longtemps qu’elle le cherchait, et elle remerciait tout les jours les dieux pour lui avoir permit de le retrouver. « Quant à ce qu’il m’a dit, c’est assez limité. Je ne veux pas le forcer à se remémorer des souvenirs difficiles, alors je n’ai jamais réellement abordé la question. »

Elle était louche la prêtresse, d’un côté elle semblait accueillante et de l’autre elle semblait tentée de les séparer en créant une quelconque bisbille. Deux chambres? Et puis quoi encore! Autant lui rappeler qu’il n’était pas réellement un couple… qu’ils étaient trop différents. C’était franchement agaçant. L’hybride finit sa tasse de thé sans ajouter quoi que ce soit. Préférant taire la colère qui commençait à bouillir et elle ne se fit définitivement pas prier pour sortir de la petite chaumière, saluant d’un vague mouvement de la tête la prêtresse. Un mouvement sec, mais respectueux. Elle ne l’aimait pas, c’était clair, mais Grayle semblait la tenir en haute estime. C’était probablement la naïveté de ce dernier… Elle remit doucement le foulard sur sa tête, camouflant les oreilles pointues avant d’écouter silencieusement les explications de l’humain. Miriel haussa un sourcil alors que Grayle lui racontait qui était ladite Mélanie. À croire que les deux humains avaient été promis, un mariage typiquement péninsulaire! Cela lui semblait un concept si lointain, si barbare et surtout surréaliste! Que l’on doive se marier par obligation et pas nécessairement par amour était déroutant… Même les drows ne suivaient pas un tel concept, préférant suivre la passion plutôt que de se restreindre à une personne que l’on n’aimait pas… Elle lui fit un sourire rassurant alors que ce dernier lui serrait légèrement la main en mentionnant qu’il l’avait, elle et serra à nouveau sa main, avant que son regard ne se porte sur la ferme qui leur faisait face.


La bâtisse avait définitivement vu de meilleur jour. De la suie pouvait se voir sur les murs, peuvent qu’elle eût passer quelques durs moments, mais cela n’empêcha pas le couple d’y entrer. Miriel laisse Grayle vagabonder, lui racontant d’innombrables anecdotes sur sa famille et la façon dont il vivait avec ses frères et ses sœurs. Son regard avait une étincelle bien différente qui était apparu, ils semblaient heureux, nostalgique. C’était beau à voir. Ils méritaient de revivre ces quelques instants de bonheur et Miriel l’écoutait sans l’interrompre, un sourire aux lèvres. Puis ce dernier s’interrompit avant de mentionner un certain arbre. L’hybride pencha légèrement la tête sur le côté, l’interrogeant du regard avant de le suivre à l’extérieur. Cela ne prit quelques secondes avant qu’elles n’aperçoivent les pierres tombales qui se dressaient sous l’énorme chêne, et elle ne put s’empêcher de cacher sa surprise alors qu’elle vit celle de Grayle, s’arrêtant net au passage. Cela devait être un dur retour à la réalité pour son compagnon. Certes, la prêtresse l’avait déjà dit qu’elle l’avait cru mort, mais se faire mettre devant le fait accompli était toujours plus poignant…


Miriel s’avança doucement vers ce dernier, prenant sa main avant de la serrer doucement pour attirer son attention. Les mots lui manquaient, et qu’aurait-elle pu le dire? Les habitants du village l’avaient cru mort, et qui aurait pu les blâmer? Les chances que ce dernier revienne du Puy étaient nuls. Grayle avait eu de la chance. Énormément de chance. Elle lâcha doucement sa main avant d’attraper son poignard d’une main habile et s’avança vers la pierre tombale, se mettant à genoux devant celle qui aurait du être pour Grayle, et se mit à gratter doucement le douze de la pierre, cela abimerait définitivement la lame, mais elle avait cru voir un forgeron lorsqu’il était entré dans le village, ce dernier pourra aisément affuter la lame si nécessaire. Une fois que le chiffre eut disparu, l’hybride se releva avant de retourner vers son amant, reprenant sa main alors qu’elle observait son travail. On ne pouvait que lire XIe cycle maintenant, c’était glauque certes, un rappel que ces derniers ne pourraient que passer quelques années ensemble… « Je peux la démolir si tu veux…»

Miriel se laissa entrainer par Grayle alors qu’ils s’assiérent à même le sol, faisant face aux macabres cailloux. Et c’est à ce moment que l’humain reprit la parole, se mit à vider son sac. Il lui décrivit en détail sa vie d’avant, sa famille et surtout comment ils étaient tous mort. Dire qu’elle s’était attendue à autant de révélation aussi glauque était un mensonge. Au contraire, cela expliquait beaucoup de choses. Comme son abandon total lorsqu’elle l’avait rencontré. Il s’était laissé abattre alors qu’il n’avait aucune envie de vivre et tous ces événements…


«J'ai réussi Miriel. A atteindre la rédemption. A survivre. J'ai même réussi à me pardonner. Mais l'important, maintenant, et pour le futur... j'ai besoin que tu sache... tout. Ce que j’étais. Mais aussi ce que j'ai fait.»


Et il ne dit plus un mot.


Ses yeux s’embuaient de larmes alors qu’il la regardait. Miriel n’avait aucune idée quoi faire, ni ce qu’elle aurait dû lui dire pour le rassurer. Comment rassurer quelqu’un qui après un si terrible crime avait risqué sa vie pour la rédemption et avait tout perdu au passage? Sans se faire attendre cette dernière le serra dans ses bras, caressant doucement ses cheveux alors qu’elle enfonçait sa tête dans le creux de son épaule. Il semblait être si fragile et pourtant il avait survécu d’innombrables tourments. Combien de nuit avait-il retourné ses souvenirs dans sa tête, ignorant l’appelle du sommeil? Combien de fois avait-il eu une crise de larmes en pensant à sa jeune sœur. L’hybride se détacha doucement de Grayle, prenant doucement ses mains dans les siennes avant de reprendre la parole; « Tout cela n’est pas de ta faute. Ce sont les dieux qui les ont rappelés à eux. Ils t’ont donné une épreuve et tu l’as réussi avec brio. Peu de personnes pourraient se vanter d’avoir survécu » Elle passa doucement sa main sur sa joue, avant de lui faire un demi sourire triste. « C’est normal de toujours avoir ces crevasses dans ta route. Mais tu ne dois pas être effrayé et te remémorer sans arrêt le passé. » Ses doigts s’écartèrent doucement sur sa joue avant qu’elle l’embrasse doucement et lorsqu’ils se séparèrent elle reprit; « Tu es revenu chez toi. Tu accomplis ta tâche. C’est le moment d’avancer et de ne plus être effrayé par ce que tu es. » Il n’était pas méchant, pas malhonnête. En réalité, il n’avait pas une seule fibre de son âme qui était mauvaise – au contraire, Grayle était trop bon, trop généreux et surtout énormément naïf.

Miriel posa délicatement la main sur la joue de Grayle, essuyant du bout des doigts les perles translucides qui tombait doucement de ses yeux cendrés. « Tu n’as pas à me remercier, c’est tout simplement la vérité. Les dieux t’ont déjà pardonné en te laissant sortir du Puy, alors pourquoi devrais-je en rajouter alors qu’ils ont déjà décidé? » Elle l’embrassa à nouveau, laissant le baiser passionné guider ses mains alors qu’elle profitait de la tendresse de son amant avant que ce dernier ne recule pour reprendre la parole;


«Dis, Miriel... je sais qu'il est un peu tôt pour demander ça, et qu'il y a tout ce, euh... "choc culturel". Et aussi, le fait que tu sois une non-humaine, ce qui n'aide pas. Mais... qu'est ce que tu pense de Donzenac ? Des gens ici ?»


L’hybride resta silencieuse un moment, tentant d’analyser la moindre observation qui avait envahi ses pensées. Cela ne faisait que quelques heures à peine que la paire s’était retrouvé dans cette petite bourgade. Si les alentours lui semblaient particulièrement paisibles, elle ne pouvait s’empêcher de penser que certains habitants n’étaient pas nécessairement les plus louables au monde. Peut-être était-ce une différence de point de vue. Après tout, on lui avait souvent répété que les Vaanies et les péninsulaires étaient très différents, mais disons qu’avec la dernière conversation qu’elle avait eue, elle s’était rendu compte que le fossé était plus grand qu’elle l’imaginait. « Je dois avouer que je ne sais pas trop quoi en penser. Tout me semble si différent. L’odeur, l’architecture, les gens… Tout est si différent du Puy et de l’Ithri’Vaan. » Elle s’arrêta un moment, mordillant sa lèvre inférieure pendant une seconde avant de reprendre la parole; « J’ai l’impression que la prêtresse n’est guère enthousiaste de me retrouver avec toi. » Miriel s’arrêta un moment, l’air gênée avant de reprendre; « On dirait qu’elle cherche inconsciemment à te faire du mal, et ce n’est pas quelques choses que je respecte. » La mercenaire releva son regard cendré, avant de le planter dans celui de son amoureux et reprit la parole; « La pierre tombale, les remarques, la quête… Je ne sais pas trop quoi y penser. Pour moi quand on aime, on ne pousse pas les gens vers la mort. » Miriel se gratta doucement derrière l’oreille alors que cette dernière semblait s’être rabattue sous la pièce d’étoffe qui cachait sa chevelure de neige. « Je suis désolé, me poses-tu la question parce que tu souhaites t’installer ici? »

C’était presque rassurant que ce dernier ne veuille pas nécessairement rester dans ce village. Cela faisait à peine quelques heures et l’hybride avait bien du mal à s’adapter à tout ce qu’elle avait entrevu. Certes, elle avait été toujours consciente que les péninsulaires étaient beaucoup plus stricte que les Thaaris, mais elle ne s’était jamais attendue à une aussi grande différence. Entre les mœurs du pucelage pour le mariage, et le fait qu’une prêtresse envoyait un garçon qu’elle aimait à une mort certaine, elle trouvait cette partie du monde de moins en moins attrayante. Certes, la guerre rageait dans la principauté, mais au moins il n’aurait pas à recevoir le jugement constant de leurs pairs. En Ithri’Vaan l’on pouvait devenir quelqu’un peu importe d’où l’on venait – cela ne semblait pas être le cas en péninsule. L’hybride avait l’impression d’être retourné dans un sombre passé. Néanmoins, l’hybride suivit silencieusement l’humain alors que ce dernier descendit doucement la pente, avant de la serrer dans ses bras.


Il pouvait dire ce qu’il voulait, son opinion de la prêtresse était déjà faite. Elle n’avait rien dit à Grayle, mais il lisait en elle comme un livre ouvert, inutile de lui dire que cette dernière n’était pas dans les personnes favorites de l’hybride. Pour elle, ce que la représentante des dieux avait fait était tout simplement inacceptable. Jamais elle n’aurait envoyé Grayle dans un endroit aussi sinistre. Elle l’envoyait à mort. Qu’elle tente de s’expliquer ou non, les deux femmes ne s’entendraient jamais sur ce point et c’est par respect pour Grayle que Miriel ne l’avait pas remis à sa place. Puis vint la question de la fameuse Mélanie… Miriel se retint. Non elle ne voulait pas la voir, si c’était pour avoir une autre mauvaise surprise, mieux valait que l’hybride évite une rencontre qui pourrait mal se finir. Mais ils n’étaient pas ici pour elle, mais pour que Grayle puisse tourner la page. S’approchant de ce dernier, l’hybride lui donna un doux baiser sur les lèvres, avant de relever son regard argenté vers ce dernier; «  Nous sommes ici pour toi Grayle. Si tu veux la revoir, je t’accompagnerais. Je te laisse décider. » Son regard se voulait rassurant, s’il tenait réellement à la voir, l’hybride ne l’arrêterait pas.


Mais Miriel ne put s’empêcher de retenir son sourire alors que ce dernier lui parlait du futur qui s’annonçait. Qu’avait-elle réellement envie de faire? C’était très simple, elle voulait passer le reste de sa vie avec lui. Elle voulait une vie normale, une famille, chose qu’elle avait toujours recherchée sans réellement le dire. « Je ne crois pas nous installer à Lantes. Je crois que Thaar est notre meilleure chance. Là, où, toi et moi aurons réellement une chance de repartir à zéro et se faire accepter. Je veux continuer à faire mon travail, c’est la seule chose que je suis capable de faire et j’y excelle. Je sais que cela t’inquiète. Mais je te promets que je reviendrais toujours à la maison. » Puis gênée, elle sentit le rouge monter sur ses joues avant de continuer; « Et j’aimerais bien un jour, fonder une famille. » Voilà, les cartes étaient sur la table. À voir si Grayle avait les mêmes aspirations que la demie-drow…

« Future épouse? » répondit-elle avant de faire un sourire amusé. « Tu me considères ainsi alors que tu ne m’as jamais fait une demande? » Non pas que c’était important. Miriel n’avait jamais pensé que le mariage était réellement une nécessité. Elle était bien contente de la situation dans laquelle ils vivaient à ce moment. Elle l’embrassa doucement sur le bout du nez avant de lui passer doucement ses mains sur son torse allant même jusqu’à lui murmurer; « Alors viens dans ma chambre ce soir. » Soudainement une voix féminine interpella Grayle, sans attendre l’hybride se retourna pour faire face à une jeune femme blonde. Miriel observa silencieusement la rencontre entre les deux êtres, et elle n’eut pas besoin d’un dessin pour se rendre compte qu’elle faisait face à nul autre que la dénommée Mélanie. L’hybride observa la jeune fille de la tête aux pieds. Elle était mignonne… quoiqu’on pût aisément voir que la vie d’agriculteur avait laissé quelques sillages chez la jeune femme. Ses mains caleuses, et ses épaules carrées montraient qu’elle travaillait régulièrement au champ. Mais Mélanie semblait avoir bien du mal à soutenir le regard cendré de l’hybride. À croire que cette dernière était réellement intimidante? À moins que cela soit l’épée accroché à sa taille? Soudainement cette dernière lui donna un bâton que Miriel prit doucement alors que les moutons commencèrent à s’assembler autour d’elle.


Elle était ennuyé, c’était le cas de le dire. L’hybride n’avait pas besoin de rencontrer une ancienne conquête de Grayle, mais elle comprenait que c’était nécessaire à Grayle afin que ce dernier ne passe à autre chose. Elle les laissait donc discuter, caressant doucement la laine des animaux qui lui tournait autour, prit le bambin de la bergère dans ses bras pour lui faire plaisir. Néanmoins la bergère semblait assez curieuse, n’hésitant pas à lui poser d’innombrables questions sur elle et sa vie de mercenaire. Elle semblait presque… admirative. À la grande surprise de Miriel qui croyait que sa vie était loin d’être la plus exceptionnelle au monde, mais il fallait croire que vivre dans un petit village de péninsule avait tendance à fermer vos horizons. D’une certaine façon l’hybride se sentait mal pour Mélanie. Cette dernière était réellement prisonnière de ce village. Une prison bien plus satisfaisante que le puy… mais une prison tout de même. Néanmoins, le temps passa rapidement et le trio durent se dire au revoir. « Je crois bien! » répondit-elle à Grayle. Inutile de lui dire ce qu’elle pensait réellement, mais elle ne put s’empêcher d’hausser un sourcil alors que Grayle lui mentionnait qu’ils ne seraient probablement pas seule à l’auberge. « Ah? Mais oui je suis affamée. On y va? » demanda-t-elle en souriant.