Retrouvailles

1ère énnéade de Bàrkios, 20:XI
Alëandir

Lynn ne put s’empêcher de sourire lorsqu’elle put enfin contempler les murs de la capitale, émergeant ainsi de la forêt, sa jument juste derrière elle. Elle lui caressa le museau, et l’équidé vint frotter sa tête contre son dos. L’elfe gloussa doucement et l’embrasse.

« On est à la maison ! »

Les grandes murailles en étoile étaient impressionnantes. Cela faisait longtemps qu’elle ne les avait pas vues pendant si longtemps. Elle avança vers la porte la plus proche en regardant en l’air. Elle était gardée par deux soldats de la milice de la ville, qui ne semblaient pas très attentifs non plus. Ils ne l’arrêtèrent qu’un poil en retard.

« Halte, Noss. Qu’est-ce que tu viens faire ici ?
- Eh bien, Erinö, tu ne me reconnais pas ? » répondit-elle d’un air narquois.

Le garde cligna des yeux en haussant les sourcils.

« … Lynn ? Je ne t’ai pas vue sortir ce matin. Pourquoi n’es-tu pas en armure ? »

Il semblait que la nouvelle de son départ ne soit pas arrivée à ses oreilles. Tant mieux !

« In-co-gni-to.
- Eh bien, ça fait plaisir de te voir. Allons boire un hydromel un de ces quatre avec la garnison, le capitaine en serait ravi ! »

Ils bavardèrent ainsi quelques minutes, avant qu’elle ne les laisse à leur travail très monotone. Les rues étaient toujours actives à cette heure de la soirée. Le soleil n’était pas encore couchée, et les trocs étaient encore ouverts. Elle se délecta d’un fruit de la région en se dirigeant vers les écuries, où elle laissa sa jument aux bons soins des palefreniers, avant de repartir tout droit vers la seule personne qu’elle voulait vraiment revoir très vite. Ils se croisèrent devant la porte de chez lui.

« Lynn ! » reconnut-il de vive voix. « Tu es rentrée !
- Salut papa, je suis contente de te revoir ! »

Il la prit dans ses bras et l’embrassa sur le front, avant de l’inviter à rentrer. Il lui servi son plat favori, alors qu’ils se racontaient toute cette année passée. Elle put lui conter ce long voyage, jusque tard dans la nuit, avant qu’ils ne s’endorment le sourire aux lèvres.

Le soleil était levé depuis longtemps quand elle se réveilla. Elle commença par reprendre ses bonnes habitudes, et après un bon déjeuner, alla méditer et faire ses mouvements et prières à l’Harmalaica. Lorsqu’elle se sentit bien, elle retourna chez son père, qui était reparti pour la journée. Elle lui emprunta une plume, et une belle feuille, afin de rédiger un rapport concis pour Artiön.

Aran

Je suis rentrée de mon voyage dans Anaëh. J’ai fait la rencontre de beaucoup de Noss différentes. La plupart sont ouverts à la discussion, tant qu’on ne parle pas de choses sacrées, ou qui leur tiennent très à cœur. Je n’ai pas évoqué Annon, ni ton plan. En sondant très rapidement, j’ai compris que je n’avais pas la voix pour porter ce message. J’ai donc plutôt essayé d’analyser et de comprendre leurs besoins. Certains clans sont plus importants que d’autres aux yeux de tous. Ce sont eux qu’il faudra convaincre. Mais je ne te cache pas qu’ils aiment leurs terres, ce sera très difficile.

Je pense avoir réussi à leur donner une meilleure image des valeurs Taledhels, autant que je le puisse. Ils comprennent notre importance, mais beaucoup dénigrent nos méthodes, et notre savoir-vivre. Toutefois, beaucoup d’Ornedhels que j’ai pu voir nous font au moins un peu confiance, et accepteraient de te rencontrer, toi, ou quelqu’un qui saura avoir les bons mots.

Nous avons beaucoup de travail. Si tu veux plus de détails, n’hésite pas à me solliciter. Je retourne à mon poste dès aujourd’hui.

Lynn

Elle le relit rapidement. Le rapport n’était peut-être pas très fourni, mais il ferait l’affaire. Après tout, il n’y avait rien d’autre à dire. L’elfe le mit dans une enveloppe, qu’elle cacheta en inscrivant son nom sous le sceau, puit ressortit. Il était temps d’aller chez elle. Elle dépoussiéra et enfila son armure, puis se dirigea tout droit vers le palais. Là, elle tendit au premier garde qu’elle croisa la missive, qu’elle indiqua bien comme non urgente. Lynn prit ensuite le temps de visiter de nouveau cette ville qu’elle avait appris à aimer, et attendit la fin de l’après-midi pour aller voir la seconde personne qu’elle désirait revoir. Devant sa porte, elle souffla un bon coup, et frappa trois coups assurés.

L’assurance de Lynn s’estompa très vite. Après avoir frappé à la porte, elle n’avait plus du tout envie d’affronter cette longue absence face à son supérieur, surtout en se rendant directement chez lui. Il allait certainement la réprimander, ou pire encore ! Elle aurait mieux fait d’aller à la caserne et de se présenter à quelqu’un de moins haut-gradé.

Mais c’était trop tard.
Voilà qu’on lui ouvrait la porte.

Il lui fallut un moment pour reconnaître la jeune demi-elfe qui l’observait avec le même regard étonné.

« Salut, Sinieth. » répondit-elle avec un sourire. « Ça fait longtemps. »

Lynn hésita un instant avant de s’avancer, répondant à l’invitation de celle qui avait fini par épouser le Mainyth. Elle ne l’avait pas oubliée, loin de là. L’elfe avait eu beaucoup de mal à s’habituer à sa présence, lorsqu’elle avait squatté – c’est le terme ! – sa chambre, à Naelis. Et puis, au fil des jours, elle s’y était faite. Elles n’étaient pas devenues meilleures amies, mais au moins, Lynn n’avait aucun mal à découvrir son visage. Elle l’enleva donc, dès que la demi-elfe eut fermé la porte. Elle resta discrète, avançant prudemment dans ce monde nouveau.

« C’est joli chez toi, rien avoir avec la petite pièce qu’on partageait chez les humains. C’est toi qui a décoré ? »

L’invitée n’était jamais venue ici. Elle observait avec une attention distraite les quelques objets d’arts disposés à la perfection. Elle s’amusait à penser que c’était Aegden qui rangeait probablement cette maison : pas la moindre trace de poussière, tout était rangé et rien ne dépassait. Sinieth l’appela d’ailleurs très vite. Lynn se mordit la lèvre, sentant des sueurs froides monter dans son dos. Une vague de stress l’envahit, qu’elle tenta de contenir en se mordant un peu plus fort, jusqu’à sentir le goût du sang dans sa bouche. Une goutte perlait quand elle relâcha ses dents, en observant le père descendre, son fils dans les bras.

Difficile de savoir s’il avait un ton de reproche ou de surprise, mais Lynn ne put s’empêcher de lui faire un grand sourire. La tignasse rouge du soldat lui avait manqué ! Et quelle surprise de voir que le petit bébé était déjà si grand ! Elle se pencha lentement en avant pour les saluer.

« Mainyth... Ça fait longtemps. » répéta-t-elle stupidement. Elle fit un clin d’œil au petit Elben. « Tu es un bien beau bébé, toi ! »

Trouver les mots n’était pas une mince affaire pour cette elfe qui avait passé cette dernière année à rencontrer des inconnus, qui n’avaient pas du tout le même style de vie que les citadins. Elle attendit quelques secondes avant de poursuivre timidement :

« Je suis rentrée. J’espère que... vous ne vous êtes pas trop inquiétés ? »

Le « vous » était très vague, suivi d’un geste approximatif de la main. Elle n’avait donné aucune nouvelle pendant cette longue expédition, et elle le regrettait déjà.