Poursuivre un songe

Le vent se déchaine, brutal, ne laissant derrière lui que mort et chaos.
Lorsqu’il retombe, sur un corps étendu, grandissent des racines, recouvrant l’homme jusqu’à ce qu’il disparaisse sous le Tàvëlfirin.

Ce rêve étrange, ces dernières images, à la fois vague et terriblement précises, n’avaient cessé de le hanter, depuis cette nuit singulière là où le monde semblait se terminer. C’était troublé qu'Aegden avait repris son silencieux voyage jusqu’à la capitale, une fois que l'astre solaire avait débuté sa lente ascension dans le ciel.

En boucle, durant neuf longs jours de trajet quasi solitaire, les images tournèrent et retournèrent dans son esprit, comme un théâtre d’images miniatures, revivant sans cesse la même suite d’évènements. Et avec elle, l’espoir d’une réponse et mille autres questions.

Et puis…Finalement, lorsque les murs immaculés de la capitale s’érigeaient enfin devant lui, et qu'il put en observer les étendard royaux claquer au vent, il avait eu une idée…

***

fin 6ième énnéade, barkios, 20:XI
Alëandir

-J’ai ce que vous vouliez Commandant…

Le soldat portait le tabar brun et vert dont l’étoile était surmontée d’un oiseau en vol, ne laissant aucun doute quant à son rang. Sur son visage encore jeune se lisait une franche curiosité alors que l'épervier tenait dans ses mains d’épaisses plaques de bois et de cire et qu’il les tendait à son interlocuteur.

-J’ai mis un temps fou à le dénicher vous savez. Ajouta-t-il en penchant la tête d’un air à mi-chemin entre la suspicion et l’amusement. D’où est-ce que vous tenez ces informations exactement ? Je suis quasiment sûr que ce nom ne résonne même pas parmi les Sorili, alors de là à connaitre l'existence de rapport datant d'autant de cycles en arrière...Si vous n'aviez pas eut l'accord de l'Aran et que je ne vous connaissait pas, j'aurais cru à une plaisanterie.

-C’est une…longue histoire. Aegden retint un soupir. A vrai dire, je n’étais pas vraiment certain que vous le trouviez. Ce n’était qu’une hypothèse.

Hypothèse que les lignes gravés dans la cire cycléénne pouvait confirmer comme anéantir, d'un trait.

-Que cherchez vous exactement ?

-Et vous dites que cet objet lui appartenait ?

L’épervier désigna la lance qu’Aegden avait soigneusement déposé dans un coin du bureau dans lequel ils étaient désormais. Plutôt que de discuter au devant du palais royal, le maintyh avait mené son nouvel interlocuteur dans un lieu plus prompt aux recherches.

-La lame en tout cas oui. Aegden acquiesça avant de reporter son attention sur les plaques de bois entre les deux elfes. Du bout du doigt il désigna quelques lignes gravées dans la cire brunâtre. Les dates correspondent. Celëbren est bien partit pendant le siège d’Unvan.

-Il y a une chose à laquelle vous n’avez pas répondu tout à l’heure. L’autre elfe avait vaguement suivit son mouvement avant de relever les yeux vers ceux de son interlocuteur. Comment saviez-vous tout cela sans ces dossiers ?

-J'ai cherché longtemps. Et...j’en ai rêvé, je crois. Marmonna-t-il, concentré sur le texte d'un autre âge. Mais je veux être certain. Les réponses sont au bout de mes doigts.

Il l’avait vu et plus les lignes gravés dans le bois s’accumulaient, plus le doute s’étiolait, lentement mais surement.

-Eh bien ce n’est pas banal. L’épervier se mit à rire, appuyant son dos contre le dos de sa chaise.

-Rien ne l’est j’en ai bien peur.

La nuit était tombée depuis un moment déjà. Au sein de la petite maison du bord du lac, deux souffles dormaient déja d'un sommeil profond. Pourtant, cela faisait tout aussi longtemps que le commandant se refusait au sommeil. Il était penché sur les petites plaques de bois que son camarade Épervier avait accepté de lui prêter, comment en étudiant chaque mots et les associant aux étranges souvenirs qui ne lui appartenaient pas tout à fait.
Il y avait quelques rapports dont le temps et peut être la guerre elle même avait effacé une bonne partie des noms et certaines information, mais qui paraissait plus important que le reste. C'était certainement là la raison de tout ces secrets.

[

**** - année 510 du 3ième cycle
****Lieutenant des éperviers au Trône Blanc

Aujourd’hui j’ai pris la décision en mon Souffle et conscience de faire refuser la démission du dénommé Cëlebren Vaeloren de son corps d'armée respectif. Je sais que cela est contraire à toutes nos convictions mais croyez bien que ce choix fut murement réfléchit et ses raisons explicites. J'en assumerais toutes les conséquences à venir.

La décision de ce dernier n’est motivée que par son désir de vengeance coûte que coûte et non un désir d'éloignement du champs de bataille. Son profil n'est inconnu de personne au sein de nos armées et d'autant plus de nos service de renseignement : Celui que l'on se plait à surnommer Ercaest un soldat honorable et au talent certain, mais son entêtement le pousse trop souvent à la folie. Peut être à-t-elle payée par le passé mais aujourd'hui nous ne pouvons prendre le risque. Sa décision n’a pour objectif que d’outrepasser les directives de sa hiérarchie, à laquelle j’ai bien entendu parlé. Nous sommes en temps de guerre et il n’est pas question de voir nos lignes divisées de la sorte.

Malgré tout, nous donc avons passé un marché avec Cëlebren afin d'être certain de ses agissements futurs. Plutôt que de choisir la confrontation brute qui ne ferait que le laisser s’entêter dans une décision dangereuse pour lui et pour les autres, il s’agit de le rediriger. A défaut, j’ai donc choisit le laisser intégrer une petite escouade composée de mes meilleurs éléments. Demain, dans le plus grand des secrets que je vous somme de garder, ils partirons effectuer leur devoir.

Kÿria les guide et nous guide tous.

*** - année 510 du 3ième cycle
Auteur inconnu

Au Trône Blanc,
Malgré nos recherches, nous n’avons trouvé aucune traces de Celëbren. Cependant Heru, comme vous devez déjà le savoir : Unvan est tombé et sa horde est en déroute. Aussi, mort ou disparu, il semble qu’Heru Vaeloren soit parvenu à l’accord dont nous avions autrefois parlé.
Puisse La Mère nous guider tous et veiller au repos de son Souffle.

Après ce très court message, tellement abimé que l'écriture n'en était que peu déchiffrable mais achevant néanmoins d'attester de ce qu'Aegden savait déjà à présent, d’autres rapports s’ensuivaient, moins notables. Souvent il s’agissait de témoin de tentative de retrouver le lancier. Pourtant, aucune n’aboutit jamais, et petit à petit, le héros sembla lentement tomber dans l’oubli.

La nuit avançant lentement, Aegden eut beau lutter, il finit de son coté par tomber de sommeil, laissant ses pensées voguer selon leur propre grès. Cette fois là, son rêve fut sensiblement similaire à celui qu’il avait vécu sur les falaises. A détail près que jamais il n’eut cette fois-là la sensation que c’était Maurquimellë qui le guidait. Nul reflet de lui même ne l'entraina dans ses songes. Sans doute ne s'agissait-il que de réminiscence de cette étrange nuit.

Le soleil déclinait à nouveau lorsque le lendemain, après son service, il se surprit à errer aux abord de la cité. Son esprit vagabonda longtemps, entre rêve lointain et réalité. Bien entendu il ne trouva rien, ni la clairière de son rêve, ni arbre, ni rien. Mais était-ce réellement ce qu’il cherchait ? Il n’en était pas certain. Tout juste se contenta-t-il d'errer là, cherchant à se plonger dans les sensation ténues de la symphonie lëandrine.
En tout cas, il ne remarqua pas la paire d’yeux luisant qui l’épiais à travers les arbres lorsqu'il finit par reprendre le chemin de chez lui.

Il s’écoula trois jours pendant lequel dura ce manège. Il ne savait l’expliquer lui-même, mais au-delà des questions, il ressentait de temps à autre un véritable besoin de s’éloigner des murs de la cité. Plus que le rêve, ils se remémorait parfois cet instant étrange, loin de tout, où étendu dans l’herbe mouillée, trempé lui même par la bruine, il n’écoutait plus que l’inlassable battement de l’œuvre autour de lui. Parfois il se surprenait à rechercher de nouveau cette sensation, bien que ces tentatives furent souvent vaines.

Finalement, le troisième jour de ce qui devenait lentement un rituel, il n’était pas si tard. Le soleil n’entamait que doucement sa lente descente lorsque quelques pas à travers les bruyères plus tard, du mouvement se fit entendre dans quelques fourrés non loin.

-Cesse de te cacher je t’entends depuis tout à l’heure.

Alors, tandis que le citadin fixait l’épais buisson d’où lui était parvenu le bruit, le tout sans peur ni appréhension, un petit chien-ours finit par en sortir, le pas placide. Un battement de cil laissa place à un elfe…qui ressemblait sensiblement à la bête à bien y regarder.

L’un comme l’autre étaient épais et plutôt courts sur patte. L’elfe dont la peau était de la même teinte que le pelage du chien portait des tatouages rappelant facilement les motifs de la fourrure qui lui servait seul de vêtement. Ses lèvres se retroussaient en un sourire tout ce qu’il y avait de canin, mais il ne semblait pas agressif.

-Encore heureux,riait-t-il avec ce même air un peu étrange sur un visage d'elfe. C'est pas trop tôt, ça fait trois jours que je suis là.

L’ornedhel semblait animé d’un esprit particulièrement malicieux. A peine eut-il finit sa phrase qu’il approcha, dévisageant sans honte son interlocuteur, de haut en bas. Patient, Aegden se contenta de croiser ses bras et de le laisser faire. Il semblait un peu bizarre, mais pas bien méchant.

-Ils sont rares les tient à sortir aussi souvent. Que cherche tu ici ?
-Je suis soldat. Il haussa les épaules, c’est mon rôle de sortir.
-Non non. Le druide secoua vivement de la tête. Si tu accomplissais  seulement ton rôle, tu ne serais pas seul.
-Eh bien. Il soupira. Je n’ai en réalité aucune idée de ce que je fais ici. Je cherchais simplement à mieux entendre l’œuvre , hors des murs j’imagine.

-Ah !
Brusquement le noss lui prit le poignet, et l’entraina à travers la forêt, sans écouter aucune de ses protestations. S'il elles avaient étés sérieuse, le soldat n'aurait en réalité pas eut de mal à se dégager de sa prise...

Il fallait bien avouer qu’Haradrenor – tel était le nom du druide- était un singulier personnage. Durant bien une heure, l’elfe se plut à entrainer le citadin à sa suite, vers une destination qu’il n’expliquait pourtant jamais. Parfois il reprenait sa forme animale, mais son regard elfique ne trompait pas. Et le citadin osait-il faire un pas en arrière qu’il grondait et jappait jusqu’à ce qu’il suive de nouveau.
Cela dura encore, jusqu’à ce que le petit chien redevienne elfe au sein d’une clairière tout ce qu’il avait de plus banale. Là il s’installa confortablement, toujours le même sourire sur ses lèvres.

-Pour un citadin tu te débrouille bien.
-Va-tu m’expliquer maintenant ?
L’autre leva le nez.
-tu voulais écouter l’œuvre non ?

Alors Aegden l'imita en réprimant un soupir.  Quoi qu'il ne fallut pas longtemps pour qu'il se rende compte qu'ici, le rythme était étrangement plus fort et plus vivant. Le battement se faisait alors presque perceptible.