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 [Solo] Je suis fatigué patron...

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Marc-Aurèle de Terrefière
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Marc-Aurèle de Terrefière


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MessageSujet: [Solo] Je suis fatigué patron...   [Solo] Je suis fatigué patron... I_icon_minitimeMar 4 Avr 2023 - 13:22


1er jour, 1ère ennéade de Vérimios – Premier mois de l’Eté.
Année XX | XI Cycle.
Cité d’Erac – Une taverne mal fréquentée.




La devanture ne payait pas de mine. Des briques apparentes, usées par le temps, deux fenêtres aux verres teintées par les volutes d’intérieur et par la crasse s’accumulant au fur et à mesure des années d’existence de ce bouiboui, et une porte, grande, à moitié dégondée, accueillaient les voyageurs bien mal chanceux. Mal chanceux de se trouver ici, mal chanceux de n’avoir point assez de souverains ou d’écus pour s’offrir une véritable taverne et auberge. Seule une petite pancarte, pendue à deux crochets de bouchers, trahissaient la présence d’une taverne malfamée, à l’instar du quartier dans lequel se trouvait le lieu.

Dedans, l’air était irrespirable. Çà et là se trouvaient des clients, désabusés, enivrés, déversant des flots d’indigestion de ces liquides aux provenances douteuses, que l’on appelle « alcool ». Le tenancier, peu regardant, distillait lui-même quelques élixirs fortement dosés, qu’il revendait bien peu cher, puisque bien peu coûteux à produire. En cela, les clients étaient satisfaits, bien plus que de raison : se saouler ici ne demandait point d’escarcelle bien remplie ni revenus décents. D’ailleurs, il arrivait même que le propriétaire accepte un règlement d’ardoise à l’amiable, comprenez, par quelques combats illégaux et des paris bien truqués.

Sur le bar trônent quelques cigares et autres ingrédient que l’on fume et qui procurent une sensation de plénitude, dont on se détache bien difficilement. Les odeurs de ces feuilles, plus ou moins fortes, plus ou moins séchées, assaisonnées même, se mélangent à la sueur, aux déjections non lointaines, et aux relents de corps qui, dirait-on, se décomposeraient presque de l’intérieur.

L’on ne s’attendrait point à voir qui que ce soit aller et venir ici de son plein grès. Et pourtant, dans une alcôve, se trouvait un individu bien curieux. Vêtu d’un drapé noir de cuir, portant une barbe hirsute et longue, mal peignée, mal entretenue, et des cheveux crépus tombant au-devant d’un visage buriné par quelques évènements récents, l’homme ressemble davantage à une loque, qu’à un véritable être humain. Devant lui trônent une chope et une assiette, dans laquelle se trouvent quelques rognons, ce qui pourrait ressembler à des légumineux, et une sauce douteuse ou grouillent quelques invités indésirables. Dans sa chope trempent quelques mèches humides, mais l’homme ne semble point déranger par cela.

Il renifle bruyamment, et renâcle, alors qu’un frisson lui parcours le corps. Le froid, l’humidité et des comportements déviants, auront eu raison de la santé de cet homme, qui, autrefois, brillait par un physique impressionnant, un honneur resplendissant et une attitude nobiliaire et guerrière. Chevalier, seigneur, ainé d’une fratrie fière et forte… Aujourd’hui, déchet, déchéance et vilénie. Marc-Aurèle n’est plus que l’ombre de lui-même, l’ombre de ce qu’il fut jadis, et de ce qu’il aurait pu être si seulement le destin et les divinités lui furent plus souriants.

Il rabat le col de sa veste sur lui, protégeant tant bien que mal sa nuque pour tenter de ne point tomber plus malade qu’il ne l’était déjà. Plongeant son tarin dans ce qui était une bière fétide, chaude, et une insulte pour quiconque se qualifierait de maître brasseur, il boit, encore et encore, reposant finalement la chope presque vide, dans un rot tonitruant. Il renifle, encore… Et mange ce qui s’apparentait à une viande visqueuse à la provenance douteuse, elle aussi. Cela n’est point bon, point ragoutant, et les quelques asticots grouillant dans la sauce trop vieille, rajoutent une sensation de déchéance déjà bien présente.
« Eh donc, teh, l’nobliaux ! » Le hèle le tenancier, lequel était le témoin privilégié de la descente infernale de celui qui était l’ambassadeur d’Arétria auprès de la couronne ducale Eraçonne. « J’espère qu’t’as l’sonnantes que j’demande à tous les aut’ rebus d’ce bourg. N’Crois pas qu’parce qu’t’es nobliaux, j’va t’faire crédit ! J’sais qu’t’as d’quoi payer, j’le sais bin’, alors j’veux mes sonnantes tout d’suite. » Ordonne le tenancier, véhément, éméché, et agitant de main droite, une dague improvisée avec un couteau de cuisine trop usé reconverti pour l’occasion. « Alors, nobliaux ? Est-ce qu’ta c’que tu m’dois, ou est-ce qu’j’dois d’mander à m’frangins d’te péter les genoux et d’te balancer dans la fange aux porcs ?! »

Eructant du nez comme le ferait un porc, Marc-Aurèle ne détourne point le regard. Fouillant dans une poche intérieure de son blouson de cuir, le noble trouve une bourse autrefois pleine et au cordon difficile à nouer. Aujourd’hui bien plus légère, et nouée avec moults précautions, elle s’ouvre sans demander son reste. D’une main caleuse, humide, à la peau boursouflée par l’excès d’eau ambiant, il jette là où se trouve le tenancier, quelques écus sonnants et trébuchants, que l’homme véhément ne tarde point à récupérer avec empressement.
« Et tu rempliras cette chope, tavernier. » Ordonna Marc-Aurèle, détournant finalement le regard vers l’homme, pour la première fois. « Où je t’enfonce ta dague dans ta gorge, et me fait un collier avec tes attributs. » Dit Marc-Aurèle, menaçant, alcoolisé, dépressif et désabusé.

« Pfeuah. T’crois qu’j’en ai qu’que chose à foutre d’tes menaces, nobliaux ? » Lui lança alors le tenancier, dans un sourire narquois. « S’t’es ici, c’que t’as bien merdé là d’où qu’tu viens, ou là d’où qu’t’es sensé être. Alors joue pas l’prude effarouchée, mignonne ! Ou j’te ferais passé l’envie d’me manquer d’respect. »

« J’ai tué bien plus d’hommes que tu n’auras vidé de lapins, tavernier. » Confit alors Marc-Aurèle, sans cesser de regarder son vis-à-vis dans les yeux. « Range ton jouet, tu risques de te faire du mal. » Ordonna alors le noble de Terrefière, retournant à son auge. « Et rapporte moi ma foutue bière. »

Jetant à nouveau un écu flambant neuf, Marc-Aurèle s’en retourna à son auge et reprit ce qui était son repas. Peu ragoutant, certes, mais qui remplissait tout de même l’estomac. Et puis, ne l’avait-il point payer ?





Quelques heures plus tard, tard dans la nuit du 1er au 2ème jour de l’ennéade.



La taverne s’était vidée. Des heurts eurent lieu. Les plus alcoolisés et les moins conscients des clients, furent évacués avec violence par ceux qui, on-ne-savait comment, étaient payés par ce tenancier sans scrupules pour faire valoir l’ordre et la loi décidée par le maître des lieux. L’air se fait moins chargé en odeurs nauséabondes et en volutes diverses et variées. La plupart ont quitté les lieux de grès ou de force… La plupart, sauf un.

Marc-Aurèle, toujours à la même place, se fait désirer. A ceci prêt qu’il n’est plus réellement maître de ses moyens, car le voici dormant sur sa table, ses cheveux dans la soupe de grumeaux, ce qui lui restait de bière ayant coulé sur lui depuis bien des heures maintenant. Le tenancier, et ses hommes de mains, s’approchent… Tapotent l’épaule… Cherchent à réveiller le noble, lequel est, vraisemblablement, profondément endormi.

Du moins, jusqu’à ce que l’un des hommes de main ne décide de laisser aller ses ambitions funestes et ses pulsions violentes. Puisqu’il s’agissait d’un noble, et qu’il était, lui, un simple être des bas-fonds, et puisque le noble était endormi et offert aux affres de ses pulsions secrètes… Il le gifle. Une fois, puis deux fois.
« Salop’rie d’nobliau d’merde. Qu’est-ce qu’çà fait d’plus nous r’garder d’haut hein ? C’bon ? La fange ? Hein ?! » Lui demande-t-il, assenant une troisième gifle, laquelle réveilla enfin Marc-Aurèle.

« Oooooh dis ! Teh ! V’là t’y pas qu’tu nous l’as réveillé l’nobliau ! Eh ! » Cri-t-il, tapotant sur la tête de Marc-Aurèle comme on le ferait pour s’assurer qu’un contenant était vide. « C’pô l’moment d’dormir, princesse ! Faut décarer illico et payer c’que t’dois ! C’est qu’tu nous fait bosser ! On doit t’prendre un peu d’tes écus, t’comprends bien… Hehe. »

Fouillant sous les habits de Marc-Aurèle, l’un des trois hommes de mains se heurta au pommeau de l’épée du guerrier. Dénouant l’attache du fourreau, il la prit à deux mains. La tirant par-dessous la capuche de cuir, il comprit bien aisément que l’arme se trouvait dans le dos du noble chancelant.
« Eh beh ! C’t’une sacrée lame mon mignon ! Qu’que chose à compenser teh ? »

« Faudrait d’mander à sa donzelle ! S’il en a une ! Les nobliaux, ç’doit pas s’marier pour faire des alliances ou je n’sais pas quoi ? »

« S’il est marié, il a dû vendre son alliance pour qu’que bières, c’moi qui te l’dis ! » Dit l’homme, riant grassement à sa remarque. « Garde l’épée ! C’pourra toujours n’servir s’besoin ! Et pis au pire, ça s’revendra bin’, j’suis sûr ! »

Soulevé à nouveau, Marc-Aurèle ressentit soudainement une pulsion de vie – ou plutôt de survie. Se débattant sans trop y croire, et sans trop de vigueur, il est soudainement jeté au sol, puis frappé à grands renforts de coups de souliers. Satisfaits, les hommes éructent, se moquent et se congratulent, avant de finalement jeter Marc-Aurèle dehors, dans la fange, comme promis.

Se relevant difficilement, le noble prend la direction des falaises, non loin. Titubant, blessé au ventre par les coups, désarmé, déshonoré, Marc-Aurèle s’arrête enfin, lorsque, l’aube aidant, il observe face à lui les limites de la terre, et le début de la mer. Tenant son flanc en grimaçant, l’ancien seigneur de Terrefière revoit le fil de sa vie : une enfance heureuse, bien que difficile, dans les champs de Terrefière ; la chasse, apprise avec passion ; la pêche, apprise avec envie ; la culture de la terre, des légumes et des céréales… Être le seigneur d’une terre pauvre, mais fière, isolée, et pourtant si importante pour le Comté d’Arétria. Il pouvait à nouveau ressentir la fierté qui était sienne, quand venaient les beaux jours. Ce sentiment de plénitude, lorsqu’il abattait les arbres qui étaient siens, lorsqu’il débitait les bûches pour nourrir le feu dans l’âtre qui allait réchauffer ses sœurs et les siens. Il se souvenait des temps durs, lors des rudes hivers, mais aussi des bénédictions offertes par La Mère, lors des récoltes. Il se souvenait des combats menés au nom d’Othar, et des serments… Tant de serments… Faits à une seule famille, celle des Terresangs. Des serments… Aujourd’hui brisés. Une vie brisée. Un destin brisé. Un honneur brisé.

Aujourd’hui, Marc-Aurèle n’était plus rien ni personne. Cela, à cause d’un mariage forcé qu’il n’avait point désiré. A cause d’un serment, qu’il demanda que l’on brise, en l’échange de n’importe quoi. Et cela fut rude : plus de titres, plus de terres, plus de pouvoirs sur des terres ancestrales, et un destin offerts aux envies et besoins d’un seigneur lige en colère.

A mesure qu’il ressassait sa vie, le noble s’approchait de la corniche. Là, en bas, face à lui, s’écrasaient les vagues sur les rochers. Le remous faisait un bruit étrange, presque surnaturel… L’odeur iodée de ces lieux était enivrante, d’une certaine manière… Et tout semblait comme… Figé. Inamovible. Indescriptible aussi… Il fut soudainement animé d’une seule pulsion : sauter. Comme cela, tout serait terminé… Il n’y aurait plus de souffrances, plus de déshonneur, plus de titres qui importent. La mer laverait la fange qui salissait ses habits, et le roc, dur et froid, mettrait assurément un terme à l’existence inutile de celui qui fut, qui n’est plus, et qui ne voulait plus être. Mais… Et ses pauvres sœurs ? Peut-être bénéficierait-elles de la magnanimité du seigneur de Terresang… Du moins l’espérait-il. Oui, il l’espérait.

L’appel se faisait de plus en plus fort. Sauter… Sauter pour ne plus souffrir, pour ne plus ressentir la honte des titres déchus, pour ne plus être le pantin, pour ne plus exister d’aucune manière que ce soit. Sauter, aujourd’hui, serait peut-être la seule et unique chose qui lui restait, et qui faisait de lui un homme libre. Sauter serait son choix. Et non un ordre.

Alors, il fit un pas. Le sol en-dessous de lui se déroba, et le vide accueillit ce corps offert aux affres de la mort attentive. La chute fut longue et courte à la fois. Il pu revoir à nouveau ces doux visages qu’il n’avait jamais réellement prit le temps de regarder. Il pu entendre ces mots doux de ses sœurs… Ceux de sa mère… Les critiques et les ordres de son père. La douceur du maïs, avant les récoltes. L’odeur des légumes fraîchement retirés du terreau fertile de la terre de Terrefière. Il avait un sourire… Un vrai sourire. Le premier depuis des mois et des mois. Il était heureux. Enfin.

La chute fut ô combien rude. Le roc disloqua les articulations, brisa les os, détruisit les organes. Du sang s’échappa de ses narines, de ses oreilles et de ses yeux, mais ce n’était pas grave : il n’entendait déjà plus, ne vouait déjà plus, ne respirait déjà plus. Ses côtes se brisèrent en mille morceaux, ses vertèbres n’étaient plus que morceaux d’os disparates. Ses jambes, ses bras, ses mains et ses pieds, n’étaient plus que membres détruits. Mais ce n’était pas grave : il ne souffrait déjà plus.

Les vagues vinrent, les unes après les autres, remuer ce corps détruit contre le roc des rives, lavant le cuir, le tissus et le corps, de la fange poisseuse qui, plus tôt, fut son lit d’infortune. Le sang, bientôt, disparut également, pour ne laisser qu’un cadavre détruit, à la peau pâle et aux yeux vitreux.

Marc-Aurèle, ainsi, avait cessé d’exister.
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