De retour à la maison... | Vil & Tom

L’espace d’un instant, qui dura de longues secondes, Viliam baissa la tête et soupira. Il réfléchissait à toute vitesse, cherchant à mettre ses pensées en ordre.

-Oui c’était une belle connerie Fantôme.

Il aurait pu passer outre, mais…Non. C’était trop important. Il pardonnait parce qu’il l’aimait, mais Viliam ne pouvait pas tout laisser passer par amour. Il ne pouvait passer outre ce qu’il exigeait pour les siens. Ou bien ces derniers auraient le droit de le traiter d’hypocrite. Comment aurait-il réagit si un de ses hommes était à sa place ? Probablement moins paisiblement qu’il ne s’efforçait de l’être.

-Pour l’amour de Nééra. Ajouta-t-il en relevant son regard vers lui, un mélange de frustration et d'inquiétude illuminant ses prunelles sombres. Je sais que c’est pas facile d’être dans le flou. Mais ton "pote", ne lui demande plus rien sur nous. Fait lui oublier que tu nous connais.

C’était déjà assez difficile d’accepter qu’ils soient de mondes si opposés. Certaines chimères ne rechigneraient probablement pas sur mettre la main sur l’un d’entre eux. Viliam faisait de son mieux pour prêter sa confiance à son compagnon quand à ce qu’il laissait savoir ou non et a qui. Tous n’étaient certainement pas de mauvais bougres. Mais le guet… Une fuite suffirait à provoquer le raz de marée. Il suffisait que cet ami parle, et que l’ami de son ami parle à son tour. Et rapidement, les minces espoirs de l’Aile Blanche s’effondreraient comme un château de carte.
Et si Fantôme finissait par se faire suivre à son insu, lui qui connaissait les plus secrets de leurs refuges ? Si le pire arrivait ?

-Si tu dois rester chez les Chimères un temps, le temps que ton commandant laisse ses doutes s’éteindre. Un soupir. Ben on trouvera un moyen de patienter. C’est pas le plus grave.

-Va vraiment falloir qu’on se tire. On va finir par se prendre la garde sur la gueule si vous continuez à faire du bruit. Siffla très doucement Ren, qui laissais mine de rien ses oreilles trainer, sans rien laisser paraitre.

Nul doute que les deux amis auraient bientôt une discutions sérieuse à avoir, seuls à seuls. Viliam aurait de toute façon expliqué les choses à la première occasion à son bras droit, même si ce dernier n'avait rien écouté.

-Laisse-moi régler ça. Cinq minutes.

-Tu crois vraiment que je l'ai fait venir juste pour l'interroger sur vous ?! Je suis pas un perdreau de la veille non plus. J'ai joué le type qui voulait prendre des nouvelles d'un ami et des derniers évènements et j'ai noyé ça dans la conversation. Quand le sujet est venu sur la table, je me suis montré intéressé mais détaché et puis je suis rapidement passé à autre chose pour pas lui donner l'impression d'y accorder trop d'intérêt. Le Commandant aurait tout aussi bien pu penser que c'était la sœur du type qui m'intéressait, on en a parlé beaucoup plus longtemps et ç'aurait aussi pu expliquer mon changement de comportement. Il est juste plus perspicace que mon contact à qui j'avais de toute manière pas prévu de reparler de l'Aile Blanche pour pas me faire griller.

Alors que Fantôme vient de s'arrêter dans son explication, les deux bandits se mettent à échanger dans ce langage qu'ils ont inventé pour leur groupe. C'est bien l'une des rares choses qu'il ne connaisse pas encore chez eux... Il n'a même pas la clef qui lui permettrait de décoder ce qu'ils se disent. Alors les voir l'utiliser pour parler entre eux comme si leur échange devait rester secret, juste devant lui, ça l'énerve un peu. Viliam vient de lui proposer de rester avec eux quelques temps et il est aussitôt mis à l'écart par Ren... Et son compagnon suit le mouvement sans même s'en rendre compte. Lui qui n'a déjà pas vraiment apprécié qu'il puisse penser qu'il n'a pris aucune précaution pour interroger le Guetteur...
Lorsque Liam reporte son attention sur lui, il répond finalement à son offre, un peu agacé.

-Je suis pas sûre que disparaître rendrait service à qui que ce soit. Vaut mieux que je reste à zoner dans le coin. Dis-moi juste où on peut se laisser un message en cas de besoin.

-Je l’ignore Tom. Viliam laissa échapper un énième soupir. Aucun lieu n’est plus sûr ici et je fait tout ce que je peux pour minimiser les risques d’être pris de court. Si le guet met la main sur un de nos messages, tu risques presque plus que moi, même si on les codait, je doute pouvoir les surpasser dans ce domaine. Il secoua la tête. J’ai bien une intermédiaire, mais j’ai peur qu’elle ne me fasse la peau avant le guet si je lui envoie une Chimère et un homme qui plus est. Grimaça-t-il.

Mais autre chose le contrariait. Il semblait que Tom soit vexé à son tour de ses paroles et ce n’était pas ce qu’il désirait. Alors il posa doucement une main sur son épaule, cherchant son regard tandis que sa voix se faisait plus douce.

-Je n’essaie pas de t’éloigner si c’est ce que tu t’imagines. Je suis sincère quand je dis que tu me manque et rien ne me ferait plus plaisir que de te voir mais j’ai peur pour toi. Trainer dans le coin va finir par te compromettre. J’ignore si ton couvre-feu peut te permettre de sortir de la ville, si c’est le cas, il n’y a que là-bas que nous serons réellement en sécurité. Il laissa passer une seconde avant d’ajouter. Si jamais il m’arrive quelque chose, ou s’il t’arrive quelque chose à toi. Rend toi là-bas, explique ce qui se passe. On t'aidera. C’est tout ce que je peux faire.

Fantôme ne répond pas au sujet du message. Pour l'instant, il est surtout contrarié et il ne veut pas les suivre aussi pour être un peu seul et réfléchir... Il a ce même besoin que lorsqu'ils se sont retrouvés trois jours plus tôt. Essayer de comprendre où ils en sont, ce qu'ils sont l'un pour l'autre, si ça peut marcher. Mais, une fois encore, c'est comme si Viliam était capable de lire en lui... Il prononce les bonnes paroles. Celles qui font largement diminuer sa colère et retrouver l'affection qu'il a pour lui. Même si la situation reste complexe...

-S'il m'arrivait quelque chose, je ne pourrais peut-être pas venir. Et je ne pourrais envoyer personne.

Il ne révèlerait jamais l'emplacement d'une des caches à qui que ce soit. Pas même à Djenaba. D'ailleurs, si son Commandant avait fait le lien avec le fait qu'Alicia a été cachée par l'un de ses amis dont lui seul a connaissance et qu'il ne pouvait montrer à personne, il pourrait comprendre qu'il ne traque pas Viliam... Cette pensée vient alourdir un peu plus ses épaules et n'arrange pas du tout son problème. Mais il devra attendre pour y réfléchir.

-Y'a plus de couvre-feu, c'était le soigneur qui l'avait imposé. Si j'étais encore blessé, vu l'accueil, je l'aurais senti. Et pour les message, je pensais pas à quelque chose d'écrit. Mais juste un truc pour faire savoir si on va bien... D'un geste maîtrisé, il tire l'une de ses dagues pour la sortir de son fourreau et la rattraper par la lame pour la montrer à son compagnon. Ou si on a un problème. Ce n'est qu'un exemple comme un autre et Fantôme range rapidement son arme. Moi, je connais peut-être un endroit... Et je peux trouver quelqu'un de neutre pour porter le message à ma place si besoin. Plus encore que Djena.

Il a bien une idée ou deux en tête... mais il faut qu'il prenne le temps de peser le pour et le contre. Parce que, dans le lot, il y a une personne qu'il ne veut absolument pas mêler à ses histoires... Mais qui serait avertie naturellement s'il devait lui arriver quelque chose de vraiment grave. Ce n'est pas qu'il l'ait choisi mais les Chimères sont malheureusement au courant et ils auraient au moins cet égard... Alors... Il devra peut-être en passer par là.
Fantôme a tellement de choses dans la tête... Lui qui, d'habitude, les noie dans l'alcool et le jeu pour tenter des les oublier... Il a rarement eu autant envie d'y retourner que maintenant mais cela le desservirait plus d'autre chose sans doute. Lutter n'est pas facile, même avec une bonne raison... Il regarde son compagnon et en a soudain marre d'être partagé entre ce qu'il doit faire, ce qu'il veut faire, ses doutes, ses peurs, des sentiments... Puis il soupire et décide d'envoyer bouler tout ça quelques instants. Sans transition, il prend le bandit dans ses bras pour l'étreindre.

-Tu me manques aussi, Liam... Lui glisse-t-il si bas que seul lui pourra l'entendre. Il reste ainsi plusieurs secondes avant de s'en détacher assez pour revoir ses yeux. Laisse-moi le temps de régler deux-trois choses et je te rejoins là-bas.

-Reviens vite. Doucement il étira un triste sourire.

Et puis, après un dernier baiser qui avait un peu trop le gout d’adieux ils durent se séparer a nouveaux. Ren avait malgré tout raison et rester ici, en nombre, créait un risque qui ne faisait que s’accentuer avec le temps.

Heureusement pour tous, personne ne se trouva sur leur chemin et les bandits parvinrent à retrouver leur chez eux sans plus de heurt.

La Plaine semblait presque un paradis hors du monde alors qu’après le chaos de Thaar, rien ne semblait changé.

-Personne n’est blessé ?

Ce fut la première chose que Viliam demanda, a peine descendu de sa monture. Devant la grange à moitié construite, les quelques fuyards de la taverne étaient rassemblés, visiblement rassuré de voir leur chef sain et sauf.

-Melan à quelques coupures mais rien que nos médecins ne soignent pas déjà.

-Parfait. Le sourire qu’il affichait était feint, mais il suffirait pour cette fois. Allez-vous reposer. On va probablement attendre un peu avant de recommencer nos affaires.

Mais alors qu’ils se dispersaient…

-Attend. J’ai encore besoin de toi Ren.

---

Deux jours plus tard

Finalement peut être que cette retraite forcée avait été plus bénéfique que prévu…La grange était presque terminée à présent. Le principal des travaux se concentrait sur les galeries qui aujourd’hui étaient éclairées avec soin et protégées. Il y avait encore beaucoup à faire, mais Viliam devait avouer que voir l’évolution tranquille de ce camp de fortune lui faisait chaud au cœur.

Les réalités du monde extérieur ne s’effacèrent par de sa mémoire loin de là, mais durant deux jours, l’inquiétude du chef de l’Aile Blanche à leur égard se fit plus diffuse. Il fallut un sifflement au loin pour finir par le rappeler à l’ordre.

-Quelqu’un d’extérieur approche. Traduisit-il dans un soupir, alors qu’il aidait quelques un de ses compagnons à bâtir une palissade dans une des galeries. Je m’en charge.

Après tout, peut être était-ce celui qu’il attendait plutôt que de potentiels problèmes qui se profilait à l’horizon. En tout cas c'est ce qu'il espérait voir en rejoignant la sentinelle postée entre quelques rocher rougeâtre, en hauteur.

Une main dans les cheveux de Liam, Fantôme a un peu le même sentiment que lui tandis qu'ils s'embrassent... Mais il ne veut certainement pas que ce soit la fin. Malgré la situation qui semble se compliquer à vitesse grand V, il sait qu'il n'a pas envie que ça se termine. Et ça ne l'aide pas vraiment.
Se détachant du bandit, la Chimère rouvre la trappe, s'accroche à la corde et descend rapidement avant de filer sans se retourner. Il a beaucoup à faire avant de pouvoir retrouver son amant plus sereinement. Et il doit commencer au plus vite.

~~~~~~~~~~~~

De grands coups secouent la porte. Cette dernière s'ouvre quelques instants plus tard. Une femme, à peine plus âgée que le mercenaire, se tient de l'embrasure. Elle va pour lui demander qui il est et ce qu'il veut mais elle s'arrête d'elle-même. Il y a quelque chose dans ses traits... Associé à l'insigne sous sa clavicule... Finalement, elle ouvre plus grand, sans rien dire, et il entre sans un mot.
Dans le salon, il observe les lieux. C'est assez cosy... Plus que dans ses souvenirs. A l'étage, il entend des enfants qui courent et qui rient... et cela l'agace un peu. Mais des pas plus lourds et plus lents dans l'escalier attirent son attention et il se tourne vers la porte pour accueillir son hôte d'un air distant et peu accueillant. Un homme d'une bonne soixantaine d'années apparaît. Malgré ses traits graves, il est aisé de noter dans ses yeux la façon dont il regarde son invité. Il ressent visiblement une certaine forme de joie que le temps lui a appris à modérer.

-On se demande pourquoi tu es venu me voir si c'est pour faire une tête pareille.

Ce n'était pas l'accueil auquel il s'attendait mais ça l'arrange presque.

-Je t'ai mis sur la liste des personnes à prévenir si nécessaire. Lâche simplement Fantôme.

Le sexagénaire regarde la Chimère d'un air interloqué, comme si cela ne lui semblait pas logique.

-Je ne dis pas que je ne suis pas ravi de l'apprendre mais je peux savoir pourquoi maintenant alors que tu as toujours refusé de me parler jusqu'à présent ?
-Je le fais pas pour toi.
-Ah... Comment elle s'appelle ?
-Ça te regarde pas.
-Alors pourq...
-L'alchimisterie près de la rue aux lanternes. Je veux que tu y déposes quelque chose pour moi si les Chimères te contactent. Un foulard rouge si je suis grièvement blessé, une dague si je cours un danger et un foulard noir si je suis mort.
-Mais qu'est-ce qu...
-Tu les déposeras au gérant en disant que c'est pour la colombe. Continue Fantôme comme s'il voulait surtout finir.
-Pourquoi tout ça ? Pourquoi passer par moi et ne pas leur donner son nom directement ?
-Est-ce que tu le feras ?
-Explique-moi...
-Je ne te dirais rien. Est-ce que tu le feras ?! S'énerve le mercenaire en haussant le ton.

Le sexagénaire reste là, interloqué par l'attitude de l'éclaireur. D'un certain côté, tout cela l'intrigue et l'inquiète. D'un autre, cela semble tenir terriblement à cœur à Fantôme... et il ne l'avait jamais vu ainsi. Et puis... Pour une fois qu'il vient le trouver... Il ne peut pas laisser passer cette chance.

-Je le ferais. Finit-il par répondre.

Il y a une seconde de battement qui semble interminable au vieil homme. Mais le mercenaire y met bien vite un terme, se dirigeant vers la sortie sans plus de cérémonie. Mais son hôte l'arrête alors qu'il passe près de lui.

-Est-ce que tu as des ennuis ?
-Non.
-Tu agis "comme si" pourtant.
-Joue pas à ça avec moi, contente-toi de passer ce message pour moi.
-S'il te plaît, ne commence pas...
-Ce n'est pas moi qui ai commencé.
-Papa ?...

La petite voix vient de l'escalier. Deux petites bouilles, attirées par la dispute, dépassent de derrière le mur. Une petite fille et un petit garçon avec les cheveux de leur mère et les yeux de leur père... Ils regardent le patriarche d'un air inquiet. Fantôme, lui, ne s'attardent pas plus longtemps sur eux et revient sur le sexagénaire.

-Ils ne connaissent pas les règles de sécurité ? Tu te ramollis.
-Je suis à la retraite.
-Eh ben ! Ils en ont de la chance ! Lâche Fantôme avec autant d'habilement qu'un serpent lâcherait son venin.

D'un geste, il se libère de l'emprise du vieil homme. En deux pas, il atteint la porte. Et le voilà dehors.

~~~~~~~~~~~

Une chance que la Plaine soit si loin... Il fallait bien cette distance à la Chimère pour se calmer les nerfs. Il lui a fallu deux jours pour régler ce qu'il voulait et concocter une solution à proposer à Viliam. Une solution qui n'impliquerait personne qui puisse leur porter préjudice. Le tout en veillant à ne pas être suivi, et ce, à aucun moment. Cependant, le Commandant ne semble pas encore vouloir se mêler de ses affaires. Tant qu'il reste dans le rang et ne semble pas montrer de signes d'obsession, il peut faire ce que bon lui semble. Alors il doit veiller à jouer son rôle correctement pour ne pas réveiller ses craintes et cela devrait suffire pour qu'il le laisse tranquille...

Mais tandis qu'il marche, pris dans ses pensées, un sifflement l'interpelle. Même s'il se sait tout près de sa destination, il s'arrête. Il ne sait pas qui est le veilleur et préfère ne pas l'inquiéter, des fois qu'il ne le connaisse pas. Après tout, il n'a pas rencontré tous les membres du groupe et il peut y en avoir de nouveaux après un mois d'absence... Alors il prend la décision d'attendre ici. Quelle que soit la personne qui viendra à sa rencontre, il devrait la reconnaître et cette affaire sera vite réglée.

Un nouveau sifflement retentit finalement alors que Fantôme se figait sur le chemin dissimulé. Mais cette fois le son  ne portait nul message et ne cherchait pas à retentir bien loin. A vrai dire la Chimère ne devait avoir aucun mal à comprendre qu’il devait lever la tête. De là, il pourrait apercevoir les deux silhouettes couchées sur les pierres. L’un d’eux, visiblement assez jeune tenait une arbalète, mais une simple main sur son épaule avait suffi à le rendre inoffensif. Son chef, lui, souriait l’air beaucoup plus jovial que les jours précédents.

-ça pour une surprise, si je ne te connaissais pas si bien j’aurais presque cru avoir réussi à te surprendre.

Avec la légèreté qu’avait pu lui connaitre la Chimère, il remercia son ami pour sa surveillance, lui assurant que tout allait bien, puis après s’être relevé, descendit de son perchoir en deux ou trois acrobaties. A peine quelques secondes plus tard et il atterrissait souplement devant son compagnon.

-Content de te revoir Tom. Son ton avait retrouvé un peu de sérieux. Est-ce que tout va bien de ton coté ?

Il savait que les choses étaient plus ou moins restées en suspens la dernière fois. Mais il ne savait pas trop comment s’y prendre pour les réaborder et a vrai dire il n’était pas sûr d’en avoir envie de but en blanc, d'où la question quelque peu gauche. Il voulait profiter au moins un bref instant de la présence du mercenaire.

Le sifflement est très différent cette fois. Il a quelque chose de... commun. Le genre que n'importe qui ferait, simplement pour attirer l'attention. Alors que son poids repose sur un pied plutôt que sur l'autre, les mains sur les hanches, Tom relève la tête. Il n'est pas en position de voir grand chose si ce n'est deux formes inhabituelles qui dépassent du rocher. Mais il reconnaît aussitôt la voix qui s'adresse à lui.

-Le cliquetis de l'arbalète m'a surtout fait comprendre que j'avais pas vraiment intérêt à aller plus loin. Pour me viser comme ça, soit c'est une nouvelle recrue, soit c'est Ezeid.

Il se doute de la réponse et plaisante simplement sur le fait que le bandit ne l'aime pas beaucoup, surtout depuis leur désaccord dans le Temple. Mais ce n'est pas la raison de sa présence ici.
Tandis que Viliam descend, la Chimère adresse un signe de la main à la vigie avant de retrouver enfin les yeux de son compagnon qui vient de se poser juste devant lui alors qu'il n'a pas bougé d'un pouce, sûr de ce qu'il allait faire. Il relève alors le regard pour mieux le voir, étant donné que c'est lui le plus petit des deux. Il se fait soudain la réflexion que ça l'aurait plus complexé s'il était sorti avec une femme plus grande que lui... Mais il oublie rapidement cette pensée pour se concentrer sur la question qui lui ait posée et y apporter une réponse après un instant.

-Ouais.

Il ne s'est pas franchement amusé à faire tout ça mais c'est fait... C'est ce que son compagnon peut sentir dans ce simple mot et la façon qu'il a de le prononcer. Il semble fatigué, mais pas physiquement.

-Permission d'entrer ?

Sans surprise, la permission lui est donnée et Fantôme reprend sa marche, suivant de nouveau ce chemin à peine visible, même pour des yeux expérimenté, mais pas seul cette fois. La Chimère se montre bien silencieuse. La rencontre de la journée l'a affecté plus qu'il ne l'aurait pensé et il a du mal à se la sortir de la tête pour le moment... Cependant, il n'a pas la moindre envie d'en parler. Cela l'obligerait à dévoiler certaines choses sur lui qu'il veut garder enfouies... Un peu comme pour les oublier, même s'il a parfaitement conscience que c'est impossible. C'est un mécanisme de défense idiot quand on y pense...
Mais alors qu'ils marchent depuis déjà quelques minutes, quelques éclats de voix leur parviennent et Tom s'arrête. Cela lui allait bien d'être seul ou avec Liam pour seul compagnie. Il ne se sent pas encore prêt à se mêler de nouveau au monde. Et, en même temps, il ne veut pas jouer les sauvages ou les malpolis alors qu'il n'est déjà pas forcément très apprécié dans ce groupe. Il doit faire illusion. Cependant, il y a bien une chose qui pourrait lui faire du bien...

Profitant du fait qu'ils soient encore trop loin pour qu'on les voit, le mercenaire pose une main sur l'épaule de son compagnon et l'attire à lui pour le prendre dans ses bras. Il a envie de rester ainsi quelques minutes. Juste de quoi se rassasier de l'affection de l'homme qu'il aime histoire de recharger son Souffle...

Comme quelques jours auparavant il fut surprit de ce geste soudain de la part de son compagnon. Pourtant il ne le repoussa pas, lui rendant même plutôt la tendresse dont il semblait désespérément avoir besoin en ces temps troubles.

-On a besoin de temps tous les deux n’est-ce pas ? Finit-il par souffler au bout d’un certain temps.

Ensuite, plutôt que de continuer leur chemin, Viliam finit par simplement s’asseoir contre quelques pierres, faisant mine de rester là puisqu’il semblait que Tom désirait un dernier moment de solitude. Les autres ne s’en offusqueraient pas. Tant qu’ils n’entendaient pas de sifflement d’alerte, ils savaient que rien n’était à craindre ici.

Par réflexe il chercha quelque chose dans l’une de ses poches avant de finir par se raviser en constatant qu’il n’avait ni tabac ni feu. C’était un geste que la Chimère devait particulièrement bien lui connaitre à force. Fumer lui semblait aider à s’apaiser dans les moments de tensions.

-Tu m’a l’air tendu. Il vint lui prendre la main avec douceur, le poussant par ce geste à se rapprocher de lui. Tu veux bien m’en dire plus sur ce qui te tracasse comme ça ?

-Je vois pas ce qui te fait dire ça. Glisse Tom tandis qu'ils s'étreignent encore. C'est pas comme si on passait notre temps soit à pas se voir, soit à avoir des ennuis en ce moment. Fait-il finalement remarquer avec sarcasme alors que leurs corps se séparent.

Viliam s'assoit et le mercenaire cherche à se mettre à l'aise aussi, mais d'une toute autre façon. Portant ses doigts aux sangles qui retiennent ses armes dans son dos, il en défait les attaches. Une fois libéré du poids de ses deux lames qui sont désormais suspendus à l'une de ses mains, il s'aide de l'autre pour se masser le trapèze. Ce n'est pourtant pas en quelques jours de repos qu'il a pu perdre l'habitude que de supporter leur poids... Mais être tendu comme ça ne l'aide pas.
Le bandit ne manque pas de remarquer son état. Et de l'interroger à ce sujet. Tom baisse la tête dans un soupir. Il apprécie l'attention que son compagnon lui témoigne mais il n'a pas envie d'en parler. Ni à lui, ni à qui que ce soit. Même Djena ne sait pas... ou pas tout. Et ce qu'elle sait, il ne le lui a pas dit, elle l'a compris toute seule.

La Chimère vient s'asseoir près de son amant, gardant sa main dans la sienne et laissant ses armes au sol. Il reste là un petit moment, sans rien dire. Il ne peut pas juste laisser le silence planer mais il ne peut pas non plus répondre à sa question. Alors, autant parler d'autre chose.

-Tu te souviens de la fois où je t'ai aidé alors que tu essayais de fuir à travers la foule ? Je t'ai fait traverser une boutique et on a croisé Djen à l'arrière. Il marque une courte pause pour laisser Viliam se rappeler avant de reprendre. L'alchimiste qui vit là fait partie d'un groupe pas tellement plus légal que le tient mais beaucoup plus discret et qui cherche qu'à aider les gens. Pas les mêmes... Mais ce sont des gens bien. Bref... C'est un ami, auquel je ne suis pas lié officiellement. Il est parfaitement neutre et il saura se montrer discret. Il accepte de nous aider sans nous poser la moindre question. On a juste à définir notre code et aller le voir pour le lui donner. Il le gardera jusqu'à ce qu'on vienne le chercher avec la bonne phrase clé. Il est habitué et ne posera pas de problème.

-Je n’aime pas l’idée d’impliquer des intermédiaires. Il grimaçait un peu. C’est toujours démultiplier les risques de se faire prendre. Et ça apporte des emmerdes à des gens qui n’ont rien demandé. Il soupira. Mais je comprends qu’on ait pas le choix. C’est ça ou attendre que les choses nous tombent dessus.

Il leur faudrait faire ce sacrifice. Ça ne lui plaisait pas, mais Viliam se trouvait légèrement au pied du mur. Il avait confiance en Fantôme et en son jugement de toute façon. En plus il n’avait pas spécialement d’autres solutions.

-J’imagine que tu as déjà une idée au niveau de ce code…Ajouta-t-il alors, pour lui montrer que sa précédente remarque n’était en rien un refus. J’ai pas spécialement d’objet qui m’appartienne suffisamment pour les transmettre à part ça, il tapota vaguement sur sa broche. Mais j’imagine que beaucoup de choses pourraient faire l’affaire tant qu’on se met d’accord.

-J'en ai seulement défini trois pour transmettre la consigne à mon intermédiaire qui n'interviendra que si je peux pas le faire moi-même. Une dague ou un couteau si on a de sérieux ennuis. Un tissu rouge si on est grièvement blessé. Et un tissu noir... si...

Viliam serra sa main entre ses doigts, lui indiquant qu’il n’avait pas besoin de terminer. Il avait compris.

-Je ferais de même. Quelques secondes passèrent, lourdes des questions difficiles qu’ils se devaient aborder. Pourtant Viliam osa tenter de détendre à nouveau l’atmosphère, peut être pour essayer d'atténuer son propre malaise. Même si je t’avoue que pour ce qui est des ennuis…Tu nous connais, alors t’attend pas à voir des couteaux chez ton amis tous les deux jours.

Tom serre aussi la main de son compagnon, fermant les yeux, soulagé de ne pas avoir à prononcer ces mots. Ils ne l'ont jamais dit mais ils savent l'un comme l'autre que c'est une possibilité. Ce n'est pas comme si leurs vies étaient de longs fleuves tranquilles... Ils ont leur entourage pour veiller sur eux mais c'est loin d'être suffisants. Ils s'exposent, parfois en première ligne, pour faire ce qu'ils ont à faire. Ils vivent chaque jour avec la crainte que, demain, l'autre ne sera peut-être plus là. C'est d'autant plus vrai depuis l'attaque du Temple, avec les morts du côté des Chimères et les blessures de Djena et de Fantôme. Cette possibilité semble plus réaliste que jamais désormais.

-Crois-moi, j'aime pas ça non plus... Réagit-il avec le fait d'avoir dû joindre d'autres personnes à leurs affaires.

L'alchimiste Jonas, c'est une chose... Mais il pense surtout à son contact. Il aurait préféré ne pas avoir à lui demander quoi que ce soit. Plus il s'en tient éloigné, et mieux il se porte. D'avoir dû le revoir, aller vers lui... De devoir se dire qu'il a besoin de son aide, besoin de lui... Cela lui est difficile à tolérer. Cela faisait une douzaine d'années qu'il se débrouillait très bien tout seul et qu'il pouvait se contenter de l'envoyer paître... Les choses vont changer à présent, il le sait. Et cela ne lui plaît pas du tout.

A la dernière remarque de Viliam, Fantôme rit doucement.

-Autant en laisser un en permanence. Plaisante-t-il. Et moi en mettre un chaque fois que j'ai une mission. Puis il reprend avec un peu plus de sérieux. Je pensais plutôt... à de vrais ennuis. Si t'es acculé ou que tu te fais prendre... Pour moi, j'ai pas spécialement d'exemple... Même si les Chimères découvrent pour nous, je doute qu'ils me livrent au Guet. Au final, tout ce que je risque, c'est d'être renvoyé.

Ce qui est à la fois peu et... beaucoup. Mais rien en comparaison du danger encouru par son amant. C'est ce que le bandit peut comprendre dans la façon dont il l'exprime, à la fois avec soulagement et tristesse. Il n'aurait plus le droit de rester en contact avec aucun de ses frères d'armes et se retrouverait presque aussi seul que lorsqu'il vivait dans la rue. Mais seulement "presque". Il aurait toujours Viliam, même s'il n'intègrerait pas son groupe pour autant parce qu'il n'est pas tout à fait d'accord avec leur manière de faire.

-Mon contact croit que je fais ça pour une femme et j'ai pas démenti. Alors, même si tu le croises, il pensera pas que c'est pour toi. Je pense que c'est parce que je lui ai dit de laisser les messages à l'attention de "la colombe".

Tom glisse un regard en coin à son amant. Ce choix, il l'a fait en référence à l'oiseau qu'il a voulu qu'il prenne avec lui et du symbole de son organisation. En laissant entendre que c'est pour une femme, il y a peu de chance que son contact fasse le lien. Ou alors cela prendre du temps et, d'ici-là, le mercenaire saura peut-être un peu plus où il est en dans toute cette histoire... Ou peut-être aura-t-il été découvert et que le vieil homme comprenne n'aura plus la moindre importance.