Une auberge... (terminé)

Etheldred sursauta : une ombre venait de tomber sur son livre. Elle porta spontanément la main à sa ceinture, sur son couteau, mais n'alla pas plus loin. La jeune femme qui semblait s'intéresser à l'ouvrage n'avait pas l'air malveillante. Etheldred lui sourit timidement.

" Bonjour. "

Elle observa rapidement l'inconnue pour déterminer le risque qu'elle pouvait représenter, même si, dans l'aubere, elle ne serait pas seule en cas de problème. Mais à force de vivre coupée du monde, elle avait pris certaines habitudes. Quand on fait une rencontre imprévue dans les bois, il ne s'agit pas d'hésiter sur la conduite à tenir. Mieux vaut prévenir que guérir. En même temps, en ville, elle ne pouvait pas encocher une flêche à la moindre personne qui s'approchait !

La jeune femme était comme elle armée d'une épée et d'un couteau, vètue simplement, elle devait avoir à peu près son âge. Non, décidément, elle ne semblait pas sans défense, mais elle n'était pas du tout agressive, juste un peu curieuse. Etheldred se détendit un peu et relâcha son couteau.

L'inconnue avait l'air intéressée par le livre, et, rien que pour cela, elle lui était sympathique. Peut-être s'y connaissait-elle en herboristerie ? Etheldred aurait volontiers discuté avec une consoeur. Ca faisait un moment qu'elle n'avait pas échangé des recettes d'onguents et autres informations qui passaient de bouche à oreille. cependant, quand elle vit l'expression de la jeune femme, elle comprit qu'au contraire, elle avait plutôt l'air perdue. Ce qui en soit n'était pas étonnant : ce genre d'ouvrage ne courait pas les rues, il fallait avoir de la chance pour en voir, et encore plus pour en feuilleter.



[hrp : désolée, ce n'est pas très long, mais je suis un peu en manque d'inspiration]

La propriétaire des livres se retourna. Avec retard, Lirulin réalisa qu'elle cachait la lumière : difficile de ne pas se faire remarquer. « Autant aller jusqu'au bout, » se dit-elle.
Elle prit une chaise à la table d'à côté et s'assit en face de la jeune femme.

Bonjour, répondit-elle. Désolé de vous avoir dérangé. Je cherchais à savoir ce que vous lisiez.

Sa présence n’était peut-être pas souhaitée. Un peu mal à l’aise, Lirulin jouait avec les perles en bois de ses cheveux. Elle songeait à partir, mais l’envie de connaître le contenu des livres la retint. Cinq minutes pour apprendre. Elle s’excuserait après.

Elle observa le visage de la jeune femme comme elle avait regardé ses vêtements un peu plus tôt. Dans ses traits fins, on lisait de la tristesse dans ses traits fins. Etait-elle triste d’avoir été dérangée ? Lirulin jugea que c’était un pensée un peu paranoïaque. Sa présence, même inattendue, n’avait que peu de chance de faire de la peine à quelqu’un.

« Peut-être est-ce un livre triste, » songea-t-elle. Puis elle se souvint de ce qui les entouraient : l’auberge, la peste, le feu. Il y avait de quoi être malheureux.
La cavalière reposa ses mains sur la table.

Je m’appelle Lirulin Auciri. Je m’impose un peu, excusez moi. Vous désirez boire quelque chose ?

Elle fit signe à un serveur. Elle venait de s’aperçevoir qu’elle avait très soif – et un peu faim.

Vous êtes à Diantra depuis longtemps ? Je m’excuse encore si vous êtes en deuil. La décision du Roi est terrible et les conséquences sont horribles. On m’avait parlé de l’ampleur de la peste, mais je n’imaginais pas cela…

La jeune femme s'excusa de l'avoir dérangée. Elle semblait mal à l'aise mais Etheldred ne comptait pas la renvoyer, comme elle l'aurait fait avec la plupart des gens. En effet, elle avait manifesté de l'intérèt pour sa lecture et une part d'elle-même en discuterait avec plaisir malgré les circonstances.

Je m’appelle Lirulin Auciri. Je m’impose un peu, excusez moi. Vous désirez boire quelque chose ?

Etheldred hésita. Elle n'avait plus pensé au repas qu'elle voulait prendre en entrant dans l'auberge. Mais elle se devait de garder une bonne hygiène de vie, de manger correctement si elle voulait rester en forme. Demain, il lui faudrait refaire le trajet jusqu'à l'herboristerie et pas question d'être fatiguée face aux dangers de la route.

Elle sortit sa bourse de sa sacoche et vérifia qu'elle avait de quoi payer le plat du jour.

Vous êtes à Diantra depuis longtemps ? Je m’excuse encore si vous êtes en deuil. La décision du Roi est terrible et les conséquences sont horribles. On m’avait parlé de l’ampleur de la peste, mais je n’imaginais pas cela…

Décidément, son interlocutrice était bien bavarde, comparée à elle qui n'avait sortit qu'un "bonjour" depuis le début. En pensant à la peste, les images de son quartier lui revinrent et son visage se ferma. Elle essaya de répondre sans paraitre trop troublée.

" Je vivais à Diantra il a un peu plus d'un mois, je viens de revenir chercher quelques affaires personnelles... oui, la décision est terrible mais... nécessaire. "

En tant que guérisseuse, elle ne pouvait qu'approuver les mesures prises, mais d'un point de vue humain, s'était sans aucun doute révoltant. Elle s'arrèta là, ne souhaitant pas continuer à remuer ses souvenirs. De toutes façons, elle n'avait jamais été très à l'aise en société à raconter sa vie.
Elle se souvint que Lirulin s'était présentée et avait demandé ce qu'elle lisait. Il était plus que temps de se reprendre, d'être un peu plus sociable et de lui répondre.

" Je m'appelle Etheldred Laenia. Je suis herboriste. Ce livre est un herbier, écrit par ma grand-mère. Elle a fait sécher des dizaines de plantes et les a annotées pour expliquer leurs propriétés. Il y a également toutes sortes de remèdes. C'est une vraie mine d'or, du moins, si on est intéressé par l'herboristerie. "

En parlant de son métier, son visage s'éclaira. En fait, elle était nettement plus à l'aise lorsqu'il s'agissait de parler de plantes. Elle tourna l'ouvrage de façon à ce que Lirulin puisse le voir dans le bon sens.

" Vous vous y connaissez un peu dans ce domaine ? "

Ca faisait un moment qu'elle cherchait un remède à une certaine maladie et discuter avec une collègue... Non, encore une fois, elle s'emballait, et elle se souvint que la jeune femme ne semblait rien y connaitre. Enfin, ce n'était pas grave, cette dernière se montrait intéressée, c'est ce qui comptait.

Etheldred Laenia.

Son professeur lui avait dit que le mieux pour faire des progrets était d'écrire régulièrement. Lirulin venait donc d'acheter un petit carnet pour tenir le compte de ses voyages. Il était pour l'instant bien vide, mais elle prenait plaisir à y mettre un peu des lieux et des êtres qu'elle rencontrait.

En apprenant le nom de la jeune femme, elle trouva tout d'abord qu'il était mélodieux ; elle se demanda ensuite comment il s'écrivait. Comment l'orthographier ? Sous sa main, le si joli nom allait se transformer en griffonnage illisible.
Sa gêne vis-à-vis de l'écriture revint. Maîtriser cet outil était une marque d'instruction et révélait une nette distinction entre les classes. Elle n'aimait pas trop avouer son ignorance sur ce sujet.
Tant pis : elle trouverait toute seule comment écrire ce nom ou demanderait à son professeur.

La peste n'était visiblement pas le bon sujet à aborder. Le visage d'Etheldred se ferma. Intérieurement, Lirulin fut très embêtée à l'idée de lui être désagréable.
L'herboriste ne semblait quand même pas juger sa présence indésirable, ce qui lui fit plaisir. Lirulin sourit. Avec toutes ces plantes, elle aurait dû comprendre à qui elle avait à faire. Chouette métier, herboriste. Etheldred paraissait largement préférer cette conversation. La cavalière l'appréciait aussi ; cela la mit en confiance, elle se détendit.

Oh, vous êtes herboriste ?! C'est un métier... très intéressant. Je n'y connais pas grand chose. Je voulais devenir guérisseuse, mais... mieux vaut prévenir que guérir. Elle haussa les épaules en signe d'impuissance. Je suis cavalière dans l'Armée.

Puis elle se rappela l'herbier, toujours posé sur la table. C'était vrai, la conversation était partie du livre. Heureux livre : Lirulin trouvait toujours dommage de passer à côté de gens intéressants.
Elle laissa courir ses doigts sur la reliure. Elle était impressionnée. Posséder un tel ouvrage... Elle aurait craint de l'abîmer.

Votre grand-mère devait être très instruite. Un livre pareil est un outil formidable. S'approprier tous ces remèdes est un sacré travail.

Elle fut interrompue par le serveur qui s'était déplacé jusqu'à leur table. Lirulin commanda le plat du jour - viande rôtie et lentilles - accompagné d'une bière. Sa bourse pouvait supporter ça.

Une idée lui traversa la tête.

Dites-moi... vous devez bien connaître les alentours, et même la forêt, si vous êtes herboriste dans la région. Je cherche de la camomille et de la valériane. Je n'ai pas trouvé de beaux plants. J'ai fini la petite réserve que j'avais et c'est très utile en mission. Vous sauriez où en trouver ?

Lirulin avoua qu'elle aurait souhaité devenir guérisseuse, avant d'expliquer qu'elle était cavalière dans l'armée. L'armée... Etheldred n'aurait jamais pu faire un tel métier. Non pas qu'elle ne comprenait pas, il fallait bien que quelqu'un s'en charge, il était tout à fait honorable, mais elle n'aurait pas supporté de voir des gens se précipiter au devant de blessures mortelles.

" Ce n'est pas un métier facile, ma grand-mère a commencé à me l'enseigner lorsque j'avais sept ans. Le fait d'avoir la vie des gens entre les mains peut le rendre difficile à appréhender. Mais c'est ma raison de vivre. "

Une façon de voir les choses assez spectaculaire, mais c'était vrai. Elle sourit quand elle vit avec quelle délicatesse Lirulin caressait l'ouvrage.

" Votre grand-mère devait être très instruite. Un livre pareil est un outil formidable. S'approprier tous ces remèdes est un sacré travail. "

Etheldred acquiessa :

" Elle y a passé sa vie, je crois que c'est sa mère qui lui a transmis ses propres connaissances. Mais elle, elle était vraiment fabuleuse dans ce domaine. Je connais des dizaines, peut-être des centaines de remèdes, mais lorsque je tombe sur un cas exceptionnel, je trouve de l'aide là-dedans. Enfin, normalement. "

Il y avait bien un cas qu'elle n'arrivait pas à cerner. Mais elle avait eu trop peu d'information pour y parvenir. Elle chassa l'adolescent en question de son esprit tandis qu'elle commandait le plat du jour.

" Dites-moi... vous devez bien connaître les alentours, et même la forêt, si vous êtes herboriste dans la région. Je cherche de la camomille et de la valériane. Je n'ai pas trouvé de beaux plants. J'ai fini la petite réserve que j'avais et c'est très utile en mission. Vous sauriez où en trouver ? "

Elle réfléchit, essayant de retrouver les lieux. La camomille comme anti-inflammatoire, la valériane comme calmant... Lirulin s'y connaissait quand même un peu apparement.

" Oui, je vois où on peut en trouver. Cependant, c'est difficile de décrire les lieux... Pour la valériane, ce sera sur des sols frais et humides, allez voir près des cours d'eau, en forêt ou dans certains coins de la plaine d'Atral. Pour la camomille, il y a un coin assez riche à la lisière de la forêt... pas très loin du sentier principal je crois. "

Elle fit une pause pour récupérer son repas que venait d'apporter le serveur.

" Vous les utilisez comment ? "

Elle s'inquiétait des gens qui jouaient avec l'herboristerie. Non pas qu'elle ne faisait pas confiance à son interlocutrice, mais elle préférait savoir ce qu'il en était, et peut-être partager de nouveaux remèdes.

Ventfoudre... Avec un tel nom, Etheldred supposa qu'il s'agissait d'un animal, plus probablement du cheval de la cavalière. Elle n'avait soigné un animal que rarement, dans les cas extrèmes où des soins approximatifs valaient mieux que rien. Il fallait bien connaitre la bête pour être efficace et c'était rarement son cas. Elle avait gardé un chat, lorsqu'elle était jeune, mais ça s'arrètait là. Par exemple, elle ne savait pas vraiment monter à cheval, elle connaissait mal ces animaux et donc aurait eu bien du mal à trouver un remède pour l'un d'entre eux.

Verveine, menthe et tilleul, plus la valériane et la camomille avait dit Lirulin... Elle réfléchit à ce qu'elle utilisait le plus souvent et finalement retira la sacoche qu'elle portait toujours sur elle : sa trousse de premiers secours. Elle l'ouvrit et commença à expliquer ce qu'elle contenait.

" Pour une plaie ouverte, j'ai toujours des pétales soucis. En infusion, ça permet de désinfecter. Pour arrèter les saignements, il y a la poudre de géranium et la racine de consoude en emplatre. Après, j'ai aussi des bandages et de quoi recoudre si la blessure est trop importante. "

Elle sortit quelques feuilles au cas ou Lirulin ne connaitrait pas ces plantes et continua.

" Pour calmer la douleur, je jongle entre l'écorce de saule et la reine des prés... Ils ont aussi le mérite de faire tomber la fièvre... "

Qu'avait-elle demandé d'autre ? Ah oui, une cheville foulée !

" Pour une cheville foulée, compresse d'huile essentielle de lavande, c'est assez efficace. Après, il y a pas mal d 'autres plantes pour chacun de ces problèmes, mais ce sont celles dont je me sers le plus souvent. "

Elle rangea ses plantes et ajouta :

" Attention, cependant, ce n'est pas à utiliser à la légère. Enfin, pour celles que vous m'avez cité, elle ne représentent peu ou pas de danger. Enfin, la valériane endort, donc, à haute dose, bien sur, il faut se méfier... "

N'avait-elle rien oublié ? Quelque chose de pratique ?

" Ah ! Oui ! Et le plantain ! On en trouve partout de celle là ! Les feuilles froissées calment la douleur... "

Ca lui faisait plaisir de partager ses connaissances. Elle avait rencontré, quand elle était plus jeune, des guérisseurs et herboristes qui gardaient leurs remèdes secrets. Elle avait toujours trouvé cela égoïste, et idiot. Même si elle expliquait comment soigner de petites plaies, il y aurait toujours besoin d'elle pour les blessures graves qui nécessitaient des connaissances plus poussées ! Alors, à quoi bon refuser de parler d'écorce de saule quand c'était à la portée de tous ?


[hrp : je serai absente ce week end, je ne pourrai pas te répondre avant lundi, désolée]

Lirulin ferma les yeux.
Elle repassa dans sa tête les herbes et les méthodes que lui avait indiqué Etheldred. Pétales de soucis, poudre de géranium, racine de consoude, écorse de saule – celui-là, elle le connaissait –, reine des prés, plantain… Fièvre, saignement, infection, empâtre, douleur…

Je connais les dangers de la valériane. Je fais très attention dès que je l’utilise, surtout que je ne suis pas maître dans l’art de guérir. Je me rendrais difficilement compte de la limite à ne pas dépasser. Alors je fais très attention à ne pas en approcher.

Elle s’était concentrée dès que l’herboriste avait repris la parole. Retenir… Retenir… Bandages et suture étaient pour elle évident. Il faudrait qu’elle essaie l’huile essentielle de lavande, mais elle savait d’ores et déjà qu’un flacon fragile ne serait pas l’idéal en voyage. Elle mémorisait pour y revenir plus tard.
D’autres remèdes, comme les infusions, ne comptaient pas parmi ses préférés. Les soins pour elle les plus pratiques étaient ceux qui pouvaient s’appliquer autant à l’humain qu’au cheval, et les infusions n’en faisaient pas parties. Elle sourit à cette pensée, s’imaginant préparant une infusion à son cheval souffrant.
Elle appréciait la simplicité des baumes pour ça.

Qu’Etheldred communique ainsi ses connaissances faisait réelement plaisir à Lirulin. A ses yeux, cela prouvait que la jeune femme ne se croyait pas supérieure parce qu’elle avait un savoir, et c’était agréable. Elle était plus instruite, certes, mais ça ne changeait rien à l’égalité.

Combien de fois avait-elle vu des hommes, juchés sur le dos de leur chevaux, regarder de haut l’infanterie ? Ils possédaient un cheval, allaient plus vite et plus loin, alors étaient supérieurs.
La jeune cavalière avait pu constater que ce n’était pas les cavaliers qui partageaient le plus avec leur monture. Elle trouvait ça extrèmement dommage.

Elle remercia le serveur venu apporter les repas. L’allure du sien lui plu : la viande était rôtie à point et les lentilles ne flottaient pas dans la graisse. Changement impressionnant après des auberges de bords de route.
Elle prit sa fourchette et réattaqua dans la conversation.

Effectivement, vous avez un savoir impressionnant. Ce n’est peut-être pas grand chose pour vous, mais c’est bien plus que je n’en sais.
Comment faites-vous pour les plantes rares ? Certaines ne poussent qu’à des endroits très précis. Vous voyagez ? A pied ? Quels paysages avez-vous vu ?

Cela était vraiment l’air dans ses poumons. Paysages, voyages, vent, harpe, communication, partage. Quels mots sonnaient plus beaux ?

Lirulin semblait chercher à retenir les remèdes qu'Etheldred avait évoqué, aussi celle-ci demanda :

" Voulez-vous que je vous les note quelque part ? "

Elle avait toujours de quoi écrire sur elle car elle tenait régulièrement son carnet de bord.

" Je connais les dangers de la valériane. Je fais très attention dès que je l’utilise, surtout que je ne suis pas maître dans l’art de guérir. Je me rendrais difficilement compte de la limite à ne pas dépasser. Alors je fais très attention à ne pas en approcher. "

Elle exagérait peut-être un peu les dangers de la valériane, mais on n'était jamais trop prudent. Au pire, cette plante déclenchait, outre une somnolence, des problèmes intestinaux. Pas très difficile à gérer pour une herboriste confirmée, mais il était vrai que pour un amateur ça pouvait devenir génant.

" Effectivement, vous avez un savoir impressionnant. Ce n’est peut-être pas grand chose pour vous, mais c’est bien plus que je n’en sais.
Comment faites-vous pour les plantes rares ? Certaines ne poussent qu’à des endroits très précis. Vous voyagez ? A pied ? Quels paysages avez-vous vu ? "

Etheldred eut un sourire nostalgique.

" J'ai vécu toute ma vie ici, à Diantra, et je travaillais avec ma grand-mère dans son herboristerie. Pour les plantes les plus rares, nous avions un petit jardin où nous les faisions pousser. Sinon, on pouvait aussi en trouver au marché, et en dernier recours en trouver par hasard lorsque nous allions cueillir les plus communes. "

Elle fit une pause, se remémorant cette époque, désormais révolue. Que n'aurait-elle pas donné pour y retourner ! En même temps, elle appréciait sa nouvelle vie : plus dangereuse, certes, mais plus intéressante, même si elle ne savait pas vraiment de quoi serait fait le lendemain et qu'elle se sentait souvent trop seule.

" Mes grands-parents sont décédés, j'ai repris l'herboristerie, puis mon père m'a également quitté, alors, j'ai décidé de partir. " sa voix se noua, mais elle continua. " Je ne l'ai pas supporté, avec la peste qui sévissait et... Enfin bref, j'ai quitté Diantra dans la but d''installer mon herboristerie en forêt d'aduram. "

Elle s'arrèta, mangea un peu dans son assiette, plus par principe que par faim réelle, et reprit :

" Je suis presque installée, je revenais chercher ces livres et quelques affaires. Il ne me reste qu'à refaire un petit jardin à l'arière pour les pantes. "

Ca lui faisait du bien d'en parler un peu. A force de vivre seule, elle ne s'était que peu confiée, et toujours à des inconnus...

" Et vous ? Je suppose que vous voyagez beaucoup en tant que cavalière ? "

Voulez-vous que je vous les note quelque part ?

Le sourire de Lirulin s'agrandit encore.
« Comment dire… ? Le problème est moins de savoir l'écrire que de savoir le lire, » pensa-t-elle. « Certes, les lettres peuvent être très joliement tracées, elles n'en demeurent pas moins inaccessibles à beaucoup de gens. »

Si vous le pouvez, ça serait avec plaisir, répondit-elle malgré ses réflexions.
Et ce n'était pas une réponse hypocrite. Elle pensait avoir retenu la plus grande partie des remèdes et elle apprenait à lire ; deux points qui ne pouvait qu'être renforcés par une version écrite.

La cavalière avait questionné Etheldred sur ses voyages.
Elle s'attendait à découvrir une voyageuse, un esprit ayant vu autant de paysages qu'il connaissait de remèdes. Elle pensait cela essentiel pour trouver de nouveaux soins et aller au devant de nouvelles maladies.
Sûrement se trompait-elle.

Après tout ce qu'elle avait vu ces derniers jours, elle ne pouvait pas douter qu'une herboriste ait bien assez de travail pour remplir ses journées. Les maladies se présentaient certainement très bien toutes seules, sans que personne n'ait besoin d'aller les chercher. Voyager relevait plus du choix que de la nécessité absolue.

Lirulin fut néanmoins très étonnée d'apprendre que la jeune femme n'avait jamais voyagé. Cela lui semblait contraire à toute logique. Tout bonnement impossible, parce que... parce qu'elle aurait étouffé si elle était restée ne serait-ce qu'un an au même endroit.

Et vous ? Je suppose que vous voyagez beaucoup en tant que cavalière ?

Pas mal oui. C'est une des choses que j'aime dans ce métier. Mais je ne suis dans la cavalerie que depuis peu de temps.

J'ai grandi dans une caravane. Nous passions notre temps sur les routes. J'avais plus vu de Miradelphia à dix ans que certains à la fin de leur vie.
J'aimais beaucoup tout ce qui faisait les paysages, de l'environnement à l'architecture Je me souciais peu des noms des villages et ne retenais pas ceux des habitants.

Actuellement, je redécouvre Miradelphia. Des souvenirs de maisons me reviennent, sans que je puisse déterminer si je suis passée par ce village étant enfant ou si c'était le bourg d'à côté. Ca n'a que peu d'importance, me direz-vous. Et vous aurez raison !

Elle s'arrêta quelques instants.

Je ne suis jamais allée à la Cité Drow. Peut-être un jour.

Lirulin recommença à manger en silence. Elle pensait à ses voyages et l'envie de jouer de la musique lui était revenue.
Elle déclara au bout d'un moment.

Sur ce, je crois que je vais pas tarder à vous quitter. Il commence à se faire tard et je me suis imposée un peu trop longtemps.

Etheldred sortit de son sac son carnet, sa plume et le flacon d'encre qui allait avec. Elle déchira délicatement une feuille et commença à écrire en exliquant au fur et à mesure comment préparer chacune des préparations vaguement citées auparavent. Il ne suffisait pas de savoir quelle plante utiliser, mais aussi pour quels maux, sous quelle forme, en quelle quantité, ainsi que se méfier des contre indications et effets indésirables. Tout ça paraissait simple à Etheldred, mais le fait de l'exposer ainsi rendait toute sa complexité à l'affaire. Elle ne s'étonnait plus que sa grand-mère ait ainsisté pour la prendre en apprentissage aussi jeune : quelques années ne pouvaient suffire à tout retenir.

Quand elle releva la tête, elle s'aperçut que Lirulin avait l'air étonnée, déçue et surtout, déconcertée par son absence de voyage. Etait-ce si étrange de se sentir bien chez soi ? Avant, lorsqu'elle vivait en famille, elle n'avait jamais eu l'idée de voyager. Enfin... sauf pour découvrir le territoire des elfes, elle devait bien l'avouer. Mais ça n'avait jamais été qu'un rêve d'enfant, une façon de rechercher ses origines qu'elle ne retrouverait jamais. En soi, elle n'irait probablement jamais là-bas, et ce n'était pas plus mal. Elle savait très bien qu'une fois arrivée, ça ne changerait rien à ses questiosn existentielles.

Son interlocutrice avait grandit dans une caravane. Cela expliquait ce besoin de voyager. Par contre, elle disait se soucier plus de l'architecture que des habitants qui y vivaient. Il sembla à Etheldred que si elle avait dû voyager, c'aurait plutôt été l'inverse pour elle. les gens, les coutumes... sans oublier les plantes et les remèdes !

" Je ne suis jamais allée à la Cité Drow. Peut-être un jour. "

Etheldred eut une moue perplexe. Le meilleur moyen d'avoir une mort rapide était probablement d'aller là-bas. Non, pas rapide, plutôt lente et douloureuse. Elle n'avait pas vraiment d'à priori sur les drows, ni sur aucune des races de Miradelphia, mais elle savait tout de même reconnaitre un danger quand il était aussi évident. et sa règle d'or était de ne jamais aller chercher les problèmes. Quoique... En y réfléchissant, elle était bien mal placée pour critiquer, elle qui avait décidé d'élire domicile en pleine forêt !

" Sur ce, je crois que je vais pas tarder à vous quitter. Il commence à se faire tard et je me suis imposée un peu trop longtemps. "

Etheldred but une gorgée d'eau, secoua la tête en souriant.

" Vous ne vous êtes pas imposée, ce fut un plaisir de discuter avec vous ! "

Elle finit rapidement son assiette et ajouta :

" Si vous souhaitez en apprendre plus sur les remèdes, passez me voir à l'herboristerie, elle se trouve non loin du sentier en forêt d'Aduram. "

La forêt d'Aduram, un endroit agréable ? Etheldred resta un instant bouche bée avant de se ressaisir. C'était bien la première fois qu'on partageait son avis à ce propos ! Jusque là, elle avait toujours eu droit au couplet sur les multiples dangers et rien d'autre derrière, surement pas d'histoire de beauté !

Elle se leva à son tour, récupéra ses affaires et salua la jeune femme.

" Bonne soirée à vous aussi, je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance. "

Elle n'avait plus qu'à l'imiter et à rejoindre sa chambre. Elle ne savait pas encore si elle partirait dès le lendemain ou non. Elle avait bien envie de faire un tour au marché pour faire quelques emplettes... Il faudrait aussi qu'elle prenne le temps de consigner leur petite rencontre dans son carnet : elle aimait bien garder une trace des gens qu'elle avait croisé sur sa route.

Elle jeta un dernier regard à sa table pour vérifier qu'elle n'avait rien oublié et regagna sa chambre.