Au Lion de Bronze [PV Calis] TERMINE

S'asseyant sur un fauteuil à coté de la jeune femme, il posa doucement sa chope de bière à moitié vide, sur la grande table ronde. Il resta silencieux quelques instants, avant de répondre à la voleuse, visiblement amusé par sa réplique.

- Sans vouloir faire de distinction, je pense qu'être en compagnie d'une femme telle que vous, Daneva, est bien mieux que de planter sa dague dans la gorge d'un inconnu.

Hum. Charmant. Puis faisant référence à l'incident de la taverne, celui qui lui avait valu d'ailleurs de nombreux coup d'oeil, mais aussi de nombreux sourire de petites servantes, il ajouta d'une voix toujours aussi calme :

- Ou d'un sergent trop saoul pour se rappeler de son propre nom.

La dernière supposition de Dane n'était pas plus mauvaise, mais il esquissa un sourire, en ignorant le commentaire, avant de porter la chope de bière à ses lèvres, et avaler son contenu ambré d'une traite.

Ne voulant pas perdre de temps, il avait tellement de chose à lui dire, mais aussi à lui demander, il dit de but en blanc :

- Vous savez sans doute, le pourquoi de ma présence ici.. Ou du moins, vous avez du le deviner, je ne suis pas là par hasard. J'ai vu en vous quelque chose d'étrange hier. Mais d'inexplicable. Quelles sont vos intentions ? Ce ne sont pas des menaces, loin de là, mais vous comprendrez, je préfère en savoir un peu plus sur mes nouveaux compagnons de voyage. Et vous de même, j'imagine.

Un temps.

- Aussi, je vous ai suivit, et j'ai constaté, non sans surprise je dois l'avouer... vous avez des contacts, vous êtes influente. J'ai besoin d'argent.

Il dirigea son regard vers sa petite bourse en cuir, et la tapota lentement. Ouch ! Elle était pratiquement vide. N'excellent pas dans la domaine du vol, comme la jeune femme, il devait généralement tuer pour remplir un tant soit peu sa bourse. Or, les morts se faisaient trop fréquents à Diantra. Non. Plus sérieusement, il ne voulait pas dépendre de la bourse d'un petit ivrogne, ou d'un soldat.

- Ce qui veux dire, que j'ai besoin de vous. Je vous offre ma lame, et mon expérience.

Il ne remettait pas en cause les compétences de Dane. Cette dernière le savait bien. Et elle comprendrait sans doute la proposition de l'aventurier. Sa lame, et sa fidélité, en échange de son savoir faire, et si possible, d'un travail bien payé, au sommet des grands et puissants. Ambitieux comme il était, il ne laisserait pas passer cette chance, comme il l'avait fait quelques années auparavant.

Bien qu'une bourse maigre pendait à sa ceintue, il appela une serveuse, qui vint aussitôt, prenant la première chope de bière, à présent vide.

- Que désirez-vous boire, Daneva ?

Bien que cette discussion soit en principe, par pure profit, il ne restait pas moins insensible à l'incontestable beauté et charme de Daneva.

Dane ne cilla pas lorsqu’il répondit à ses provocations, qui n’avaient d’autres finalités que de le tester. Pas si mal… Cependant, lorsque la conversation prit un virage serré, elle se redressa imperceptiblement et riva sur lui un regard scrutateur qui aurait fait trembler plus d’un aventurier des rues. Il avait vu juste.

-Vous êtes observateur, Calis… En effet, j’ai… divers contacts.

Elle se pencha un peu plus en avant pour créer entre eux une intimité plus marquée. Ce qu’elle avait à lui dire était quelque peu confidentiel…

-Le bruit a du parvenir à vos oreilles qu’une organisation importante refaisait surface. Son regard se fit brillant, et un sourire bien plus franc que le précédent vint éclairer son visage quelques secondes. Et ce sera sans doute le meilleur moyen pour vous de remplir votre bourse… Au-delà de vos espérances.

Quand il lui offrit ses services, Dane eut un regard appréciateur à la lame courbe qui pendait à la hanche de son interlocuteur, puis le fit glisser sur son corps agréablement musclé, qui dégageait une puissance presque palpable. Ce serait sans aucun doute une recrue de choix pour la Compagnie.

-Nous avons besoin de gens comme vous. Votre participation sera grandement appréciée, vous pouvez me croire... J’accepte votre proposition.

Il héla la serveuse et lui demanda ce qu’elle avait envie de boire. Avec un rapide regard à la pauvre fille qui tremblait comme une feuille, Daneva commanda une liqueur avant de se tourner à nouveau vers Calis. Cet homme l’attirait, elle ne pouvait le nier, et pourtant elle n’en montrait rien et gardait un visage impassible. La gent masculine, en général, n’attendait qu’une seule chose des femmes comme elle, et bien que celui-ci ai l’air différent, elle ne s’abaisserai pas à cela une nouvelle fois. Trop de gens avaient autrefois profité de sa naïveté… Mais ce temps était révolu, et Dane n’accorderait plus sa confiance aussi facilement qu’avant. Bientôt, elle s’élèverai bien plus haut que ce tas de pouilleux auraient pu l’imaginer.

La liqueur finit par arriver, ainsi que l’autre boisson qu’avait commandé Calis. La jeune femme s’empara de son verre et le porta à ses lèvres pour siroter le liquide sucré et alcoolisé.

-On dirait bien que nous sommes collègues maintenant.

Un autre sourire, amusé cette fois ci, apparu sur ses lèvres alors qu’elle se penchait vers lui pour reposer son verre sur la table.

-Je préfère préciser tout de suite que je suis votre supérieure hiérarchique…

Rieuse, elle fit jouer ses doigts sur la lanière de cuir qui maintenait son corset en place, sans quitter l’homme des yeux. Il devait le savoir avant de se proposer de toute façon…

Dane ronronna. Ainsi il avait tué cet imbécile d’Akar… L’air satisfait, elle se remit à jouer avec la lanière de son corset.

-Vous avez bien fait. Je suis certaine que notre chef sera… extrêmement content d’apprendre cette nouvelle. Nous savions que ces trois là manigançaient quelque chose… J’aurais du m’en charger, mais vous m’avez facilité la tâche. Merci. Les deux autres n’ont plus que quelques heures à vivre, ils seront morts avant notre départ.

Pensive, elle reprit son verre et but une petite gorgée avant de froncer les sourcils.

-J’ose espérer qu’il a souffert un peu avant de rendre l’âme… Ce type était un sacré salopard.

Ses pensées dérivèrent un instant avant qu’elle ne les stoppe et se reconcentre sur l’instant présent. L'homme qui se tenait en face de lui, même dans son camp maintenant, était dangereux. Et relâcher son attention, ne serait-ce que pendant quelques secondes, pouvait s’avérer fatal. Non, Dane ne lui faisait absolument pas confiance… Lorsqu’elle l’avait vu pour la première fois dans la taverne tout à l’heure, il lui avait bien semblé qu’il était différent de tous ces truands sans honneur qui égorgeaient pour deux écus. Il pouvait constituer une grande menace pour qui se dressait contre lui, elle en avait conscience, et manoeuvrait justement dans le but de se trouver du bon coté. Elle avait déjà assez d’ennui avec Kurt et ses assassins pour en plus se mettre un rôdeur mystérieux sur le dos.

-Vous êtes trop séducteur, Calis… Ne vous a-t-on jamais dit que les femmes comme moi avaient des griffes et des crocs acérés ? Je vous tuerai sans hésiter si vous trahissez la Compagnie, j’espère que vous en avez conscience. Elle se laissa aller à un petit sourire amusé. Mais quel gâchis… Ce serait réellement dommage de supprimer un homme tel que vous… J’espère que vous ne m’obligerez jamais à faire cela, j’en serais désolée.

C’était tout Dane ça. Les compliments étaient cachés sous les menaces… Qui d’ailleurs étaient très sérieuses : l’honneur était l’une des valeurs privilégiées des Silencieux, et le premier inconscient qui décidait de ne pas obéir à un ordre se faisait trancher la gorge assez rapidement.

Une autre gorgée de liqueur lui arracha un demi sourire, et elle laissa enfin tranquille la pauvre lanière qu’elle torturait depuis un petit moment. Il ne savait pas que le seul chef de la guilde, c’était elle… Cette histoire de bras droit n’était qu’une couverture pour berner les imbéciles comme cet Akar, et se mettre à l’abris des menaces plus sérieuses. Mais ça, il ne le saurait pas tant qu’il n’aurait pas prouvé à la jeune femme qu’il était digne de confiance, ce dont elle doutait encore.

-Non, j’avais l’intention de remonter assez vite. Il n’y a personne à déposséder de sa bourse ici, tous ces froussards ont laissé leurs piécettes dans leur chambre. Une louable initiative, il faut l’avouer…

A la protéger ? Il cherchait à la protéger ? C’était un peu facile de dire ça, surtout que c’était à Pahe que les traîtres en voulaient, pas à Dane elle-même. N’était-ce pas ce qu’il avait dit tout à l’heure au salon ? La jeune femme le regarda un long moment, tremblante d’une fureur contenue. Contre qui était donc dirigée cette fureur ? Contre l’homme qu’elle maintenait collé au mur tout d’abord, puis au fil de son récit, vers cette pourriture d’Akar. Ainsi il en voulait lui aussi à son corps, comme Kurt, comme les autres… Stoïque, Dane ne bougea pas et maintint la même pression sur la gorge de l’assassin. Une vague de pensées venait d’envahir son esprit, menaçant de le submerger. Depuis que Kurt avait abusé de sa naïveté, quelques semaines auparavant, elle avait de plus en plus de problèmes avec les hommes… Peut être était-ce dû à sa récente importance au sein d’une nouvelle guilde ? Quoiqu’il en soit, elle ne supportait même plus l’idée que l’un de ces truands pense à la toucher contre son grès, et bouillait d’une rage meurtrière quand c’était le cas. Elle voulait faire souffrir ces porcs, qu’ils comprennent enfin que le corps des femmes n’étaient pas seulement des objets de plaisir… mais pouvaient infliger des douleurs insoutenables à l’occasion. Elle-même savait y faire… Et Calis aussi, de toute évidence.

Touchée par le fait qu’il ai voulu la protéger d’un viol, Dane ne lui en voulait plus. Toute sa haine était maintenant dirigée vers le cadavre mutilé qui devait croupir sur la chaussée nauséabonde d’une ruelle proche. Qu’il aille au diable ! Lentement, ses doigts desserrèrent leur emprise menaçante et l’arme glissa doucement sur les vêtements de Calis avant de tomber sur le sol en produisant un tintement discordant. Si elle avait pu, elle serait aller tout de suite régler le compte des deux complices, Lans et Derk, deux imbéciles de plus, mais son mystérieux protecteur l’attirait plus qu’elle ne voulait se l’avouer. Il venait de lui apprendre qu’il avait envie d’elle, et curieusement cela ne la mit pas en colère. Si cela avait été quelqu’un d’autre, elle lui aurait probablement déjà enfoncé la dague entre les côtes, mais il s’agissait d’un homme qui l’avait protégé sans la connaître, qui s’était impliqué dans sa vie avant même d’avoir échangé quelques mots avec elle. Si il ne s’était pas occupé d’Akar, elle ne savait pas vraiment ce qui serait advenu de sa personne. Furieux de s’apercevoir que Pahe n’existait pas et qu’une femme s’était joué d’eux, les hommes se seraient certainement montrés plus cruels que jamais et Dane aurait passé un très mauvais moment. Ce n’était pas quelqu’un qui manquait d’adresse au combat, mais seule face à trois homme elle ne faisait pas le poids.

Plus rien ne menaçait Calis maintenant, si il avait été un traître c’était le moment idéal pour frapper la jeune femme. En se baissant rapidement, il pourrait atteindre la lame qui gisait au sol et la lui planter dans le ventre avant de se proclamer leader des Silencieux, qui seraient ravis d’apercevoir enfin un visage viril en haut de la hiérarchie. Cette lumière tamisée rappelait à Dane la scène d’une autre soirée, dans une autre auberge…

-Allons Dane, tu auras accès à tous les quartiers de la ville. Il s’était rapproché un peu plus de son visage, adoptant un sourire mielleux. Tous… Même ceux les plus riches, où voler une bourse remplie de souverains est aussi aisé que d’arracher un quignon de pain à un pauvre orphelin affamé.

Agacée par la comparaison, elle avait fait mine de s’éloigner mais il l’avait retenue par le bras et avait fermé la porte d’une main.

-Il suffit d’une nuit… Une seule nuit et je te laisserai tranquille.
-Je… J’ai ta parole ?
-Parole de Kurt, ma jolie.

La jeune femme avait réprimé un soupir résigné et l’avait laissé défaire un à un les boutons de son corset en gardant un visage impassible. La nuit avait été très longue…


Mais cette fois ci, tout était différent. Il n’y avait aucun pacte, aucun enjeu, tout était spontané et quasiment irréfléchi. A chaque fois qu’elle avait tué un homme depuis ses embrouilles avec Kurt, Dane avait mis ce visage tant détesté sur celui de ses victimes et s’était régalé de voir leur douleur. Elle s’était toujours imaginé remettre ce visage sur les hommes qu’elle croiserait dans le futur, surtout ceux qui avouait la désirer, et pourtant, juste en face d’elle, c’était le visage de Calis qu’elle regardait, et pas celui de Kurt. Tout était donc différent ? Non, pas tout : elle portait exactement le même corset…