[Demeure de Tebirahc] Quelques pas pour quelques mots

Un jour puis un autre... Tous identiques, tous dans l'unique but de progresser et de devenir le redoutable combattant que j'ai toujours rêvé d'être. Je m'entraîne jour et nuit, oubliant presque ce que signifie "avoir une vie sociale". Ma musculature ne semble pas vouloir bouger un pouce et, je me suis fait à l'idée depuis bien longtemps que je ne serai jamais une masse compacte de muscle capable de courir dans le tas et de tuer plusieurs de ses ennemis par la seule force de sa course. Non, il me faudra ruser. Mais il me semble progresser chaque jour au combat armé et il est désormais assez rare que je perde un combat contre un de mes camarades de caserne. Je ne saurai protester lorsque cela arrive : il n'y a pas de règles de combat loyal ou déloyal, sur un champ de bataille, tous les coups sont bons pour réduire à néant l'ennemi. Tuer pour vivre, comme j'ai hâte de savoir ce que cela fait d'être sur un véritable champ de bataille ! Bientôt huit ans que je suis Sartglin et, en me réveillant ce matin après quelques maigres heures de sommeil, je ne me doutais pas que ma carrière prendrait aujourd'hui un tournant décisif. Je m'entraînais déjà depuis plusieurs heures lorsqu'on me fit porter un message. J'avais appris à lire en espionnant une jeune drow d'à peu près mon âge pendant ses cours et ce n'était pas mon point fort, mais immédiatement après avoir reconnu la signature, je m'efforçais de lire le message et d'au moins en comprendre le sens. Tebirahc Zaurahel, dirigent du premier ost de sartglin. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine, surtout lorsque je compris que j'étais attendu par celui-ci.

Quittant précipitamment la caserne, je retournai chez moi pour enfiler quelques vêtements plus ou moins neufs que je gardais pour les grandes occasions. Oh, rien de grandiose, je n'en ai pas les moyens... A peine ce qui servirait de vêtement d'entraînement à un noble et déshonorrerait un membre de la chambre magmatique même en temps que paillasson. Mais c'était ce que j'avais de mieux. Une chemise noire simple, propre et sans déchirure et, un pantalon de cuir noir. Je tentais de mettre un minimum d'ordre dans mes cheveux et finissait par les attacher d'un ruban aux origines douteuses. A défaut de mieux, j'étais presque présentable.
Pour ne pas le faire attendre, je me pressais pour arriver en bas de Puy dans le quartier honorifique juste avant la chambre magmatique. Tous ces lieux m'étaient inconnus, car ma place n'était pas - encore - ici, mais je trouvais aisément. Je frappais à la porte et le domestique vint m'ouvrir et, après que je lui ai remis le message, me conduisit jusqu'à son maître. Aurai-je un jour des serviteurs de ce style ? Ou simplement une maison décente à l'instar d'être luxueuse ? Je parcourais de mes grands yeux célestes qui me valaient mon surnom chaque pièce jusqu'au bureau du drow où l'on me fit entrer. Il y avait de nombreux livres dans des étagères sur les murs. Bien plus qu'il ne me serait possible d'en lire en deux ou même trois vies d'éternel. Mais un Sartglin est-il éternel ? J'ai toujours dit en plaisantant que nous étions les sacrifiés sur l'autel des victoires.

" Vendui, Obok Senger. Dos ssinssrin ulu telanth xuil uns'aa ? "
( Je vous salue, Obok Senger. Vous m'avez fait mander ? )

Je priai intérieurement les Dieux pour que la raison de ma présence ici fasse parti de mon ascension et non d'un sacrifice aux dieux ou d'une rétrogradation vers un stade encore plus bas que le stade où je me trouvais actuellement.

Les jours s’écoulent, s’approche doucement le temps d’honorer Uriz et sa grandeur, s’approche le moment où à nouveau, il pourra porter ses hommes et sa volonté contre les elfes, contre Kÿria… Des plans se dessinaient, allant bien au-delà des préparatifs d’une campagne, bien au-delà de ce que pourrait prévoir et voir Brylyan, ainsi que l’Olath Blada, même son frère d’arme, Alder’Aak… Un désir grandissait avec la perspective d’une bataille, un souhait qu’aucun être ne pouvait ne serait ce qu’imaginer de l’Obok Senger.
Il était revenu voila déjà quelques jours, de nombreux jours, imposant à nouveau la cadence à ses soldats, un entrainement éprouvant et quotidien, visant à les maintenir sur le pied de guerre, prêt à mener le pas et bataille quand viendra le moment de se mettre en route… Une discipline plus rigoureuse, stricte que celle qu’avait tenté de mettre en place ses subordonnés en son absence, c’est certain. Il lui fallait attendre, attendre qu’on ordonne l’action, et si il était de nature patiente, les nombreuses campagnes engagées contre les humains, non contre les elfes avaient quelques peu échauffé son esprit dans la perspective d’affronter les traitres sylvains.

Il avait tant fait déjà, depuis son retour récent… Une visite au Temple d’Uriz, lui valant la bénédiction physique et désormais visible d’Uriz sur le poignet, cadeau à sa demande de la Haute Prêtresse, afin de prévenir les mauvais sorts de quelques prêtres d’autres cultes jaloux de le voir n’offrir ses faveurs qu’au Père des Batailles, se contentant de prières et de demandes qu’aux moments où il en avait besoin, jamais en nulle autre occasion alors qu’Uriz bénéficiait d’une visite, d’une prière et d’une offrande hebdomadaire. Il y avait eu l’Olath Blada, où tout avait été décidé… Le retour de son esclave, de son arme si particulière, Oloryle, et sa formation à l’avenir très particulier qui l’attendait dans le cadre de cette campagne, et des prochaines.
Il se souvint en regardant la marque qu’il avait une visite à faire au Temple d’Isten, afin de vérifier les dires d’Alyryne sur la nouvelle autorité de ce culte, et présenter des excuses plus cérémonieuses que sincères suite à l’offense suggérée à son retour, ignorant et ne saluant pas le Haute Prêtresse. Il était déjà un hérétique, un blasphémateur en secret, jouant sur les deux croyances, privilégiant même celle des Cinq, il lui fallait rester un minimum respectueux de ses dieux mineurs à ses yeux, la protection d’Uriz et de son temple, son autorité ne le protègerait sans doute pas d’une volonté conjointe des cultes pour le mettre à mal.

Mais l’une des affaires du jour, outre cette visite à Isten, c’était l’entretien qu’il avait prévu avec un jeune sombre, soldat à peine adulte, tout juste intégré dans l’armée, mais déjà démontrant un comportement qui plaisait, au vue des échos, à l’attention du Senger… En effet, il avait eu vent des interminables et quotidiennes séances d’entrainements, son intelligence et sa réflexion qui le range dans une catégorie différente du commun des guerriers les plus brutales et sauvages… L’Obok Senger, si il était plus redoutable que ceux-là, Alder’Aak mise à part, par son habilité et son expérience, savait et accordait de l’importance à ces caractères, qui constituaient et comblaient les rangs d’officiers, si ils s’en montraient digne… Allier l’efficacité à l’intelligence, c’était là un mariage subtil et rare que récompensait et soutenait le Senger, mais le mérite était également des plus importants…
Malgré sa jeunesse, et la nouveauté de son intégration au Premier Ost, Tebirahc avait décidé de lui donner un petit coup de pouce, non pas en lui facilitant la tâche, ça serait contre-productif, mais comme chacun de ses caractères, en offrant une note d’encouragement, et un plus grand espoir qu’au commun des sombres.

Il tardait à arriver… Mais le Senger ne lui en tiendrait pas rigueur, son messager avait une tendance à flâner et laisser ses priorités de côtés quand il croisait un spécimen féminin avec des formes plus avantageuses et outrageusement exposés, aussi décida t-il que ce retard était de son fait, non celui de l’homme qu’il allait rencontrer, qui avait sans doute plus de discipline que son messager, et qui n’allait pas se permettre de faire attendre un Obok Senger sur demande, non, c’était plus plausible ainsi.

Enfin, son domestique frappa deux coups et ouvrit la porte, s’effaçant pour laisser entrer le Sartglin, et immédiatement après que ce dernier l’eut salué, il répondit simplement, posément.

- Vendui Sartglin. En effet, je vous ai fais mander, aussi, voulez-vous bien vous asseoir.

Ce faisant, il lui désigna la chaise qui se situait de l’autre côté de son bureau, et quand ce dernier fut installer, il posa les coudes sur son bureau, les mains se joignant, l’avant bras gauche couvert, comme à son habitude, d’un gantelet de cuir quand le droit était à nu, la marque d’Uriz récente sur le poignet. Il portait en cette occasion une tenue des plus simples, une tunique élégante carmin foncé. Il posa son regard sur le guerrier.

- Bien… Un de mes officiers m’a dit certaines choses à votre sujet, ce qui a conduit à votre venue devant moi… Avant toute chose, pensez-vous savoir la raison de cette convocation de ma part ? Et d’après vous, en fonction de votre réponse, pourquoi ?

C’était une question préalable, de la curiosité à vrai dire, afin de cerner la vision et la position de ce guerrier… Il espérait une réponse franche et complète, afin de se faire une véritable idée avant de lui révéler la véritable nature de sa raison ici.

On ne m'avait jamais convoqué de la sorte. Même avec tous les efforts du monde, je ne pouvai me défaire de cette boule au fond de ma gorge alors qu'un serviteur m'accompagnait jusqu'aux bureau de l'Obok Senger. Que dire ? Que faire ? Les seules personnes avec un semblant de "pouvoir" que j'avais rencontré seul à seul étaient des officiers ou simplement des gardiens de pirson. La décente jusqu'aux limites de la chambre magmatique m'avait semblée durer une éternité et mon coeur battait à tout rompre alors que le serviteur m'annonçait. Je rentrai et jeter un coup d'oeil rapide à tout ce qui m'entourait. Des livres, plus de livres que je ne pourrai lire en une seule vie. Encore faudrait-il que j'ai le temps de lire.
J'avais été honoré quelques semaines plus tôt de la toute première promotion de ma vie, et j'espèrais que ce ne serait pas la dernière. J'avais quitté le rang de la "juste chair" pour passer dans le premier Ost, sous le commandement indirect de Tebirahc, Obok Senger. Cela m'avait fourni une énergie nouvelle et m'avait prouvé ce que je m'étais éforcée de penser toute ma vie : Le mérite est toujours récompenser. Aussi m'entrainai-je plus encore, dans la mesure de mes capacités. Un Sartglin fatigué n'est pas efficasse - même si depuis ma plus tendre enfance, les nuits comptant plus de quatre heures - étaient longues. Je fus pris d'une bouffée de panique que je contrôla tant bien que mal devant ce silence, que dire ? Que faire ? je m'adressai à lui d'une voix que j'avais espéré de ton mon coeur ferme et calme, même si je devai trahir quelques pointes d'inquiétude. Heureusement, il mit fin à mon imobilité et me demanda de m'asseoir vers un siège qu'il me désignait. Je m'exécutais. Ne sachant pas vraiment où poser mes yeux, je regardai mes mains sur mes genoux. Serai-ce une marque d'insolence que de le regarder ? Je ne pus m'empêcher de relever les yeux quand il me parla. Il était habillé simplement d'une tunique carmin et avait joint ses mains sur le bureau. On lui avait rapporté des choses me concernant et... il me demandait si j'avais une idée de ce qu'il me voulait. Les Grands savent toujours quand les petites gens mentent, aussi décidai-je d'étaler toutes mes pensées depuis que j'avais lu les quelque mots qui me convoquaient. Je pris néanmoins deux ou trois secondes pour réfléchir... Tout était si confus. Par où commencer ?

" Pour dire vrai, non. Néanmoins comme vous l'avez dit plus tôt, vous avez des officiers présents pour canaliser le groupe et régler les problèmes mineurs, je pense donc que ma venue ici est due à un évènement important pour que vous vous occupiez seul. Il n'est plus à partir de là qu'une question de point de vu, pessimiste ou optimiste. "

Ma voix était la plus calme possible malgré mon intimidation flagrante. J'avais néanmoins retrouvé ce petit sourire qui accompagnait mes jours, lui laissant sans doute présager que j'étais optimiste. J'étais conscient d'avoir un niveau de langue bas et d'avoir peut-être commis quelques erreurs de syntaxes, mais j'avais fait de mon mieux. Après tout, les grandes familles se perpétuent et lègue une certaine éducation, je n'y avais pas eu droit. Je ne pouvais donc pas me comporter comme un de ces membres des hautes sphères.

(Désolé du temps de réponse ._.)

Ainsi, voici peut-être l’avenir, le regard baissé, intimidé autant que mal assuré, ne semblant pas savoir où se mettre finalement, ne sachant pas quel comportement choisir, quel manière adopter devant lui. Oh, il n’en tiendrait pas rigueur, il comprenait et savait, préférait même cela à un trop plein d’assurance, d’arrogance avouée et dévoilée qu’il fallait le plus souvent mater afin d’obtenir un résultat qui ne serait pas décevant au final.
Il écouta la réponse qu’on lui offrit, y voyant la sincérité et les pensées dévoilées, s’étalant sous son regard alors que les mots glissaient entre les lèvres. Il ne cachait rien, estimant sans doute qu’un mensonge, que les cachoteries ne mèneraient à rien, finissant forcément par apparaître au regard des puissants qui auraient alors nul hésitation à sévir, et il avait raison… Aussi apprécia t-il cette décision sage malgré l’âge de faire preuve de sincérité dans sa réponse…
Une réponse qui plus est réfléchit, empreint d’une sagesse certaine, de bon augure pour la suite des évènements, confirmant les dires de ses officiers à son propos… Il était encore loin d’avoir l’âme et le caractère qu’il recherchait vraiment, mais cette convocation serait un bon point de départ pour le faire évoluer dans le bon sens… S’il le désirait et en faisait les efforts, bien entendu.

« Il n’est nulle question d’évènements majeurs, sachez le… Non, rien de bien important, d’exceptionnel… Ce n’est pas ça qui vous amène ici, qui a conduit à cette convocation, mais cela, vous devez déjà le penser. »

Cette introduction avait pour but de régler une question… Non, il n’était pas exceptionnel, n’était pas au centre d’évènements majeurs, il lui fallait être clair sur ce point, afin qu’il ne prenne pas la grosse tête, voit ses chevilles gonflées et ses efforts s’amoindrir en ayant en tête la certitude d’un avenir assuré… Pensée qui, aux yeux de l’Obok Senger était celle qui conduisait à la stagnation au plus bas de l’échelle.

« Vous l’ignorez peut-être, par votre jeunesse, votre manque d’expérience et de connaissance, mais contrairement à la plupart des drows, le mérite et l’effort est bien plus récompensé que la force ou le talent inné qui ne serait pas travaillé... Tout du moins, c’est ainsi dans le Premier Ost depuis que mon père en prit le commandement, voila plus d’un millénaire.
Aussi, ne vous pensez pas exceptionnel… Car à mes yeux, seuls ceux qui se détachent du troupeau par les efforts et par leurs façons d’aborder une même situation au quotidien le sont… Les autres sont communs ou sans mérite aucun… Que celui de savoir se battre quand il convient de le faire, se reposant sur ce seul acquis le reste du temps. »

Cela pouvait apparaître comme un blâme, et derrière cette brutalité dans les mots, dissimulés sous une intonation posée se cachait l’avertissement d’un manque de volonté, d’un appuie trop grand et certain sur des bases acquises parfois même à la naissance…

« Mais je ne suis pas là pour vous reprocher quoique ce soit… J’ai pris l’habitude de demander à mes officiers de distinguer certains types d’individus dans mes rangs, quelques soit la classe d’armes et le corps auquel ils appartiennent et de m’en faire le rapport… Et ces individus, bien rare en comparaison du nombre d’hommes que je commande finissent toujours là… A votre place.
Si vous êtes là, Sartglin, c’est que vous avez des prédispositions, tant par l’ardeur et l’effort que vous fournissez dans votre entrainement quotidien, que dans l’intelligence et la sagesse dont vous faites déjà preuve dans vos réflexions et dans les réponses que vous offrez…
Si vous êtes là… C’est parce que vous pouvez, si vous en faites l’effort, afin de le mériter entièrement, sans tricherie, sans corruption d’aucune sorte, avoir un avenir dans le Premier Ost. »

Comme ça, c’était dit, de manière franche et directe, sans demi-mesure… Il n’ajouta rien, jaugeant et observant les réactions du soldat.

La situation était très embarrassante. On me posa une question et, je répondais, mais à peine les mots sortis de ma bouche que je les remettais déjà en question. Que faire ? Que dire ? Fallait-il se montrer plus assuré ? Faire semblant de prendre le pas sur moi et de contrôler ce coeur qui battait à tout rompre dans ma poitrine ? En était-je seulement capable ? Mais plutôt que tout cela, je décidais de paraître moi-même. Les grands hommes savent déceler le mensonge et, si tout ceci était dans la nature drow, on ne pouvait faire confiance à un menteur. Qui plus est dans l'armée, il pourrait trahir.
Mais aurai-je pu donner une autre réponse ? En existe-t-il seulement une ? Parce que non, je ne sais pas, je n'ai pas la moindre idée sur ce qui me pousse à me retrouver ici. Si j'étais le prochain sacrifice aux Dieux, ne serait-ce pas la haute prêtresse du dit Dieu qui m'aurait convoqué ? Comme je suis dans le premier ost, peut-être a-t-il - ou elle - demandé à Tebirahc de m'annoncer la "joyeuse nouvelle". Et si c'était cela, je ne pourrais rien dire. Je n'aurais pas le droit de me débattre, car ce sont les Dieux tout puissants qui possèdent ma vie. Si un Oracle veut me la reprendre et que je me défile, les Dieux prendront peut-être eux-même leur dut et cela m'amènerait au même point : la mort.
L'obok Senger me rassure néanmoins, il ne souhaite pas me parler de quelque chose de très exceptionnel. Bien sûr, pour un être comme lui ma mort ne doit pas être grand-chose, mais une autre certitude se glisse en moi, il veut simplement me parler, peut-être m'informer de quelque chose, mais il n'en veut pas à ma vie. Tant mieux, car contre un tel homme je n'aurai pas ma chance. Il reprend son discours, me blâmant tout d'abord de ma jeunesse et me rappelant tout ce qu'il me reste à apprendre. Il m'affirme à nouveau que mérite et effort sont la bonne combinaison pour progresser dans la société. Et j'en ai tant besoin ! Qui ? Qui est donc parti aussi bas que moi dans la vie ? Mais j'y arriverai, la flamme de la détermination brille dans mes yeux. C'est peut-être étrange, mais l'arrivisme est mon but premier. Pourtant, je ne veux pas l'obtenir par un mariage - d'ailleurs, quelle femme de bonne famille accepterait d'épouser un homme qui n'a même pas de quoi lui acheter une bague ? - mais par le mérite. Je veux, dans mille ans, pouvoir me regarder dans une glace et me dire "je suis là parce que je le mérite". Tebirahc me met encore en garde contre l'orgueil et l'arrogance. Les yeux toujours baissé, je prononce quelques mots de cette même voix que je souhaiterais assurée et calme.

" - Je m'en souviendrais, Obok Senger."

Il reprend son monologue : il n'a rien à me reprocher pour le moment ou plutôt ce n'est pas son but premier. Il m'explique ensuite la raison de ma présence, tiens ? Un officier m'aurait remarqué ? C'est que je n'en voyais pas beaucoup et n'appréciait pas vraiment leur autorité. Il me rappelais trop les gardiens de mon enfance, mais sans jamais leur manquer de respect, je les évitais juste. Ces paroles me remplirent d'un étrange sentiment, celui pour la première fois d'être un peu plus important qu'à la minute précédente. On m'avait remarqué, on m'avait recommandé et, je correspondais aux critères que l'Obok Senger appréciaient. Il me parlait là d'un avenir dans le Premier Ost. Comme je serai fier si je devenais un jour Veldruk ou quelque chose du style !

" J'en serais honoré. Y a-t-il quelque chose que je dois faire en particulier ? Avez-vous quelques conseils à me donner ?"

En plus de mon entraînement bien sûr. Peut-être se souviendrait-il pas demain de cet entretien, de mon visage ou de mon nom, mais je comptais bien le lui rappeler un jour ou l'autre. Je voulais être convoqué encore pour des motifs semblables, je voulais qu'on constate mes efforts et je voulais réussir. Mais comme j'avais tout appris tout seul, il me fallait de l'aide. Qu'on me donne au moins un point de départ ! Car si la réflection est une bonne chose, réfléchir dans le vide peut amener à commettre des erreurs.

[Désolé, c'est court...]

Quelque chose qu’il devait faire en particulier ? Oui… C’était évident.
Ce jeune sombre avait de nombreuses qualités, et il n’était pas un fainéant comme il y en avait souvent dans les foules de sartglin que comptaient les Cinq Ost. Lui était un mordu de l’effort, il s’exerçait encore et encore, chaque jour que lui offrait les Dieux, et nul doute qu’avec des responsabilités, et cet entrain, cette volonté de travail, il ferait un bon officier, à condition de lui laisser sa chance…
C’était justement ce qu’il était en train de lui donner, une chance de figurer dans l’histoire de l’Ost, d’y faire sa route et d’y inscrire son nom… Un premier bras tendu pour une ascension désirée. Mais il fallait bien commencer quelques parts, et comme feu son père autrefois pour lui, il allait offrir pour Ellyrion l’occasion de prouver qu’il n’est pas ridicule, qu’il était fait pour ce genre de carrière.

« Ce que vous allez devoir faire ? Prouver que cet entretien n’était pas une erreur à la prochaine campagne. Je vais vous offrir une chance et des hommes… Ainsi, pour la marche prochaine contre les elfes, vous aurez le rang de Kyorl à titre temporaire, ainsi qu’une centaine d’hommes sous votre commandement, et une voix auprès du Veldruk du corps en question.
Le seul conseil que je peux vous donner, c’est de ne pas échouer quand viendra l’heure de vous illustrer… »

Il devrait en avertir le Veldruk concerné, afin qu’il garde malgré tout un œil sur lui pendant la bataille, autant pour éviter une trop grande erreur au besoin, que pour obtenir après la bataille un rapport détaillé de ses agissements.

« Avez-vous des questions ? »

Un avenir dan le Premier Ost. Mon coeur battait à tout rompre et je ne réalisais pas encore ce que cela pouvait représenter, j'avais si peur de me rendre compte que ce n'était qu'un rêve éphémère. Mais j'étais bien assise sur cette chaise en face de l'Obok Senger. C'était bien à moi qu'il parlait et promettait la réussite. Les Dieux avaient entendu mes prières ! Enfin, on me donnait l'occasion de prouver ma valeur. Et j'allais redoublr d'efforts pour ne pas la laisser passer. On m'avait convoqué dans ce bureau, j'avais plongé mes yeux dans ceux du seigneur de la guerre et je comptais bien lui remémorer cet éclat bleu si particulier considérait pour la plupart comme une tare dans la race pure et pour une minorité comme un signe de beauté. Je n'en avait que faire... Mais puisqu'ils me distinguaient, je ne voulais pas qu'il oublie la flamme de la détermination qui brillait à cet instant dans mes yeux. Je ne le décevrai pas. Jamais. Tout ce que j'avais toujours voulu se réalisait et je...

Je restai un instant silencieux, encaissant le choc de ses derniers mots. Il m'avait promis un avenir dans le Premier Ost, m'avait demandé tacitement de faire des efforts et de m'entraîner encore plus pour ne pas me confondre avec mes camarades et voilà que... Non, je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas y croire. C'était trop beau. Les mots de l'Obok Senger tournaient en boucle dans mon esprit sans que je ne réussisse à les comprendre vraiment. Ou du moins à réaliser. Il me nommait Kyorl... C'était temporaire, mais il me donnait l'occasion d'en faire un rang stable ! Il me donnait un rang et mettait à l'épreuve mes capacités de stratège avec cent hommes. Enfin, des responsabilités ! On m'offrait le droit de prendre des initiative... mais on me nommait aussi garant de cent vies. J'avais trop souvent dénoncé les oppérations meurtrières des chefs de l'armées pour en faire à mon tour. Avai-je des questions... hum... oui. Des questions. Je reprenais un peu contenance.

- Je ferai de mon mieux pour ne pas vous décevoir, Obok Senger.

Le meilleur de moi-même... Puisse cela être suffisant ! Un milliard de questions se bousculaient dans mon esprit, certaines plus importantes que d'autres.

- Puis-je vous demander quelques renseignements sur le lieu et la politique à adopter ? L'attaque aura-t-elle lieu bientôt ? Combien y aura-t-il de drows sur cette attaque ? Et des précisions sur le rôle que mon unité et moi devons jouer ?

Ils avaient surement déjà mis en place une stratégie, il ne m'en donnerait peut-être pas tous les rouages, mais il me fallait un minimum d'informations pour pouvoir réfléchir à une stratégie, pouvoir donner des idées et attaquer plus efficassement. Je connaissais une part des réponses à mes questions : Nous attaquions les elfes et cela aurait lieu prochainement - il venait de le dire. La politique, je la devinais aisément. Tuer tout le monde, pas de prisonniers et s'arranger pour détruire au plus leurs armes et leurs moyens de contre attaquer. Le lieu restait néanmoins un mystère, allions nous attaquer toute la forêt ou un point en particulier ? Dans la forêt, les elfes seraient avantagés face à nous et pourraient nous planter leurs damnées flèches dans le dos comme des traîtres. Il faudrait faire attention à nos arrière, mais également à tout ce qu'il pouvait y avoir au dessus. Ma première mission et je m'y rendais avec le rang de Kyorl... Qu'aurai-je pu rêver de plus ?

Il est des choses qui savent être apprécié pour celui qui récompense et encourage l’effort… C’est cette lueur dans le regard de ceux qu’on encourage… La détermination, la volonté et l’ambition, flamboyant comme le premier des brasiers qui naquit d’Uriz. Le jeune qu’il avait devant lui savait la chance qu’on lui offre, et s’en saisirait avec ardeur pour ne pas la laisser s’envoler, glisser des mains pour se fracasser et se briser au sol, et l’Obok Senger l’espérait ardemment, car à sa manière, il représente l’avenir des combattants, une part tout du moins… Une génération future quand le trépas aura frappé ses officiers, apportant les changements.

« Je le sais, et je compte sur vous, Kyorl… »

Furent ses mots, réponses à cette promesse du mieux, mais il souhaitait même davantage, il voulait de lui qu’il s’illustre, comme il l’avait fait en son temps… Le souvenir de cette première grande bataille était encore à son esprit… Les Terres Stériles se souviennent encore quand dix milles hommes eurent l’audace et la prétention de croire pouvoir marcher sur le Puy d’Elda… La Bataille des Cendres, d’où était apparu deux brillants officiers, devenu frères d’armes en ce jour, consacrés par le sang innombrable de l’ennemi vaincu… Aujourd’hui encore, leurs noms représentent tant en ce cycle, les héros d’un millénaire. Oui… Et la bataille à venir marquerait les esprits, en cette fin de cycle, et pour le suivant à venir… La plus grande des marches sombres depuis tant de siècles allaient avoir lieu… C’était pour ce jeune homme l’occasion rêvé.
Les questions vinrent, et il fit le choix de lui dire, après tout, bientôt, les rumeurs seraient là, secouant le Puy tout entier… Les tambours de guerre, et les marches au pas seraient acclamés, tant au départ, qu’au retour qu’on espérait victorieux, qui le serait, par la grâce d’Uriz, le Père.

« Ce sont près de quarante-mille âmes qui, durant Verimios, marcheront sous la bannière du Père afin de faire tomber le Fort Ellyrion, qu’il n’en reste que des gravats, que les ruines d’une ancienne grandeur de nos cousins sylvains. »

Quarante-mille hommes… Quatre des Cinqs Osts Drows sous les commandements des Obok Senger Dolérian et Zaurahel, du Karliik Glenn et sous la bénédiction d’Uriz… Il n’avait jamais participé à telles batailles lui-même… N’en avait vécu aucune semblable en proportion, mais c’était nécessaire, car nombreux seraient les morts honorés après cette bataille qui restera graver dans les mémoires des races éternelles.

« Il n’est pas encore de politiques, de stratégie clairement définie… Vous recevrez vos ordres et vos objectifs en temps voulu. »

» Quelques mots sur le pas d'une porte[Delnwë][Intronisation]
» Quelques mots échangés avant de partir. [Roxane]
» Et pour quelques pièces de plus
» [Demeure de Tebirahc] Un retour précipité [Tebirahc](fini)
» Pour quelques barriques de plus [Terminé]

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