Lendemain - Entrainement (PV Elnath)

Trop excité pour m’endormir, j’ai passé la moitié nuit à me tourner dans tous les sens. La blessure, seule source de chaleur dans cette nuit glacée, ne m’a pas vraiment aidé à trouver Morphée. Sans compter que si je me lève trop tard, je risque de rater le rendez-vous. Alors autant ne pas dormir. J’imagine déjà tout ce qu’elle risque de me demander. Mais en même temps j’ai du mal à savoir, je ne connais que son nom et sa force. Ainsi que sa beauté, mais mieux vaut ne pas trop y penser si je veux progresser. Progresser... si je deviens ne serait-ce qu’à moitié aussi doué qu’elle, je pourrai certainement prétendre à un vrai titre de Chevalier. Elle est peut-être Duelliste, mais elle doit être noble. Si je suis suffisamment bon, j’ai peut-être vraiment mes chances.

Je me réveille, totalement paniqué. Non ça va, il fait encore nuit. J’imagine un instant si j’avais raté le rendez-vous... Tout aurait été gâché. Je ne mets pas plus de temps, et je me lève. Le sommeil a été court, mais mes nerfs me permettront sans doute de tenir. Je me prépare donc, emportant épée et bâtons d’entraînement. Il est trop tôt pour croiser mes adorables voisins, aussi je peux aller chercher Iscariote sans me faire alpaguer. Je m’occupe de l’animal, vérifiant que sa patte est en bon état. Je n’y connais pas grand-chose en chevaux, mais la jument a l’air en forme. Comme m’a dit le marchand, tant qu’elle ne boîte pas je peux la monter. C’est donc une nouvelle fois à cheval que j’arpente les rues vides du petit matin. Je ne croise que quelques marchands qui se dirigent vers le marché.

La taverne est encore ouverte. Il faut dire qu’il y a toujours un poivrot pour commander, et tant que l’argent rentre, le gérant ouvre. Je mets Iscariote à l’écurie, la dessellant et lui donnant un peu de foin. Je rentre alors, posant mes affaires dans la petite salle adjacente. A cette heure là c’est Linda qui travaille, et elle s’étonne de me voir d’aussi bonne heure. Elle ne s’en formalise pas, et me demande rapidement de l’aide pour tout ce qui est tonneaux et barils à monter et descendre.

Je parviens tant bien que mal à ne pas trop être déconcentré, même si l’excitation augmente à mesure que l’heure tourne. Je jette régulièrement des coups d’œil dans la salle, guettant l’arrivée de la duelliste. Puis, finalement elle est là. Assise, à la même place que la veille. Mon cœur se serre, alors que mon regard passe de son visage à la belle rapière pendue à sa ceinture. Je prends une grande inspiration, me défait de mon tablier et prend le sac d’où pendent les gardes d’Ascalon et d’épées de bois.

En sortant, je dis à Linda que je ne reviens que ce soir, puis me dirige d’un pas faussement sûr vers la table de Seren.

« Dame Lir Riss, bonjour. Merci d’être venue. Vous voulez que je vous apporte quelque chose à manger ou à boire, avant de commencer ? »

Introduction assez médiocre, mais je ne sais pas trop quoi lui dire d’autre. Je n’ai pas l’habitude des femmes nobles, et encore moins de celles qui maîtrisent l’épée. C’est vraiment la première fois que je me sens aussi impressionné par quelqu’un. Même mon premier amour n’avait pas provoqué autant de gêne et d’émotion en moi, émotion que j’avais du mal à masquer. Encore une des nombreuses choses que je devais apprendre.

Seren me dit que je dois bien manger pour être prêt, et me demande donc de m’asseoir en face d’elle. Je m’exécute, me cognant contre la table. C’est un mauvais début, mais je n’arrive pas à faire ralentir mon rythme cardiaque. Ca ne m’était jamais arrivé avant de me sentir aussi penaud, mais il faut dire que je n’ai jamais mangé à la table de quelqu’un tel qu’elle. Elle commande deux plats à Linda, qui ne fait aucun commentaire. Heureusement que ce n’est pas l’heure d’Iselle.

Parfois me regardant dans les yeux, parfois regardant les armes que j’ai amenées elle commente sur celles-ci. Comme quoi je ne vais pas en avoir besoin, à moins qu’elle ne m’ait sous-estimé. Comme si c’était possible.

« Je... je m’en remettrai à votre jugement. »

Linda ne tarde pas à apporter deux plats, un peu de lard avec des œufs, du pain et de la purée. Pas très raffiné, mais j’ai l’habitude de manger moins. C’est toujours mieux que la soupe hivernale. Je lui souhaite le bon appétit, et commence à manger avec les mains.

Seren mange elle aussi, et finit le repas en disant que c’était bon. C’est vrai que le cuistot n’est pas un bras cassé, mais je n’aurais pas pensé que cela pourrait lui plaire. Je m’essuie donc les mains, plutôt crasseuses, avant de répondre :

« C’est le chef Bernard qui prépare ça. Il n’y a pas souvent de lard ici, c’est réservé aux personnes de bonne compagnie. »

Arrête de la draguer El, ça ne sert à rien. En plus elle va sûrement te dérouiller dans la journée, alors pas le moment de s’amouracher. Ca y est, je suis sûr que je rougis. C’est malin. Pense à autre chose. Et arrête de regarder ses yeux. Non, ses lèvres non plus. Non n’imagine pas qu’elle t’embrasse.

« Cela fait longtemps que vous faîtes des duels ? »

Voilà, parle d’autre chose et ça ira tout seul. Et surtout te lève pas tout de suite...

Seren m’apprend qu’elle a commencé les armes il y a bien longtemps, à l’initiative de son père. Je me demande quel genre d’homme ça doit être, pour élever ainsi une aussi jolie fille. Le résultat est quand même saisissant. Elle m’informe alors qu’elle a réservé une salle de duels. Je n’ai aucune idée de ce que peut être une telle salle, mais le nom sonne bien.

Elle se lève, ne me laissant pas plus de temps. Je fais signe à Linda de mettre ça sur mon salaire, prenant mon arme et ses substituts. Je sors à la suite de la belle femme, mettant moi aussi mon manteau. Le froid est vraiment cinglant, mais je me doute que j’aurai très bientôt l’occasion de me réchauffer.

Je suis donc Seren à travers les rues de la ville, les mains plongées dans les poches. J’espère qu’il n’y aura pas trop de monde dans cette salle, notamment des duellistes. Je n’ai sans doute pas l’uniforme traditionnel du noble des villes...

Seren me conduit à travers les rues qui sont de plus en plus propres à mesure que nous quittons les bas quartiers. Finalement elle s’arrête devant un grand bâtiment, assez simple, duquel sortent régulièrement des hommes de bonne famille. Et pas de femmes. Sans doute la salle dont elle avait parlé un peu plus tôt. Nous entrons donc, dans un lieu où je me sens résolument étranger, mais un lieu qui m’excite aussi. Un endroit où des guerriers s’entraînent et deviennent forts. Un endroit par lequel il me faut passer pour un jour devenir Chevalier.

Quelques personnes parlent entre elles, et bientôt quelqu’un bien habillé vient voir si tout va bien. Il semble reconnaître la duelliste, et nous conduit à une salle privée. Seren demande alors à ce qu’on m’apporte une tenue digne de ce nom. L’homme me regarde donc de haut en bas, avant de s’absenter quelques instants. Il revient bientôt, me tendant une tenue.

Je suis alors Seren dans la pièce froide, et plutôt nue qui va me servir de lieu d’entraînement. Elle m’indique alors un petit coin où je peux me changer, et je file m’exécuter. Je retire mes frusques, avant de commencer par enfiler un lourd pantalon en cuir. Je me bats un peu pour réussir à l’enfiler, car il est un peu serré. Mais finalement le résultat n’est pas trop mal. Pour le haut, c’est une chemise encore blanche que je mets, et qui me va assez bien. Je ressors alors, me sentant un peu bizarre dans ces vêtements pas habituels.

Mes yeux se posent alors sur Seren, qui a ôté son manteau. Elle arbore à présent une tenue un peu semblable à la mienne, si ce n’est qu’elle porte un haut en cuir aussi. Cela lui donne une présence et une dangerosité nouvelle. Cela modèle aussi à merveille son corps aux courbes parfaites, comme je le vois à présent. Je m’avance vers elle, sans grande assurance. Un instant je me demande dans quoi je me suis embarqué... Enfin peut-être que je ne serai pas aussi mauvais que je le crains.

Seren me demande alors de lui montrer mes appuis. C'est là à priori la base du combat. Je m'exécute alors, mettant une jambe devant l'autre, comme quand je manie le bâton.

La belle m'observe alors, son regard passant de mes jambes à mes hanches, scrutant avec minutie la façon dont je me positionne. J'imagine déjà que cela ne lui conviendra pas, on ne peut pas vraiment dire que j'ai déjà pris soin à la manière dont je plaçait mes pieds.

"C'est potable ou bien?"

Demande-je, avec toujours autant de confiance en moi...

Seren m'explique que positionné comme je suis, on peut facilement me toucher où l'on désire. Ce qui n'est bien entendu pas génial. Elle me montre alors comment je dois m'y prendre, en dégainant son arme pour que ce soit plus clair.

Elle semble vraiment dans son élément, dans cette salle faîte pour les duels. Cela est encourageant, mais montre aussi qu'il y a un monde entre elle et moi. Je ne me décourage cependant pas, et l'imite. Le cuir serré permet de bien voir le placement de ses jambes, et je peux essayer de faire comme elle.

Je présente ainsi seulement mon profil, comprenant l'intérêt de la chose. Mes jambes sont comme les siennes, légèrement pliées. Sans doute pour mieux se détendre au bon moment. Je me demande cependant si cela m'aidera à porter l'épée. Enfin peu importe, dans le pire des cas cela me demandera plus d'effort.

"Je pense oui. Cela convient mieux?"

Seren semble satisfaite de la façon dont je m'y prends, ce qui est plutôt encourageant. Elle me dit alors que c'est à l'esquive que je vais devoir me faire, s'éloignant quelques secondes pour revenir avec un tissu rouge.

Je ne comprends tout d'abord pas, jusqu'à ce qu'elle me demande de le mettre sur mes yeux. Je m'exécute, un peu inquiet.

"Voilà, je ne vois plus rien."

Si je me sentais déjà vulnérable avant, cette fois c'est bien pire. Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'elle veut faire en me bandant les yeux, et j'ai peur de le découvrir. Mais je ne vais certainement pas remettre en cause quoique ce soit. Et puis elle n'a jamais dit que ce serait facile.

La créature se rapproche alors de moi, si près que je peux sentir son souffle sur ma peau. Elle me murmure alors que je dois abandonner la vue, ainsi que la pensée pour pouvoir sentir les mouvements de mon adversaire. En l'occurrence, ses mouvements. Sinon c'est la mort. Je me demande un instant si elle est vraiment sérieuse en disant cela, mais la réponse semble oui: elle se met en position. Du moins je peux l'imaginer.

L'arme émet un son métallique, et je sens mes muscles se tendre. Non, elle ne plaisante vraiment pas. Comment pense t-elle que je peux éviter le coup? Elle arrivait à me toucher facilement quand je la voyais.

Je la sens se rapprocher, et aussitôt après quelque chose de pointu me touche au niveau des côtes. J'en sursaute presque, me rendant compte qu'une fois encore c'est son arme qui est contre mon corps. Je n'ai rien senti venir.

"Je... Je... Comment puis-je esquiver sans même voir? Et surtout une attaque de vous?"

Est-elle à ce point à un autre niveau que moi? J'ai été bien crédule de croire qu'un jour je pourrais y arriver. Enfin je ne peux qu'essayer. Si elle voit que je suis médiocre, au mieux elle me laissera, au pire elle me dénoncera. Je fais donc attention aux appuis qu'elle m'a montré, les mains dans le vide.

Seren me dit d'un ton toujours aussi calme qu'il faut que je me concentre, en essayant de penser aux mouvement qu'elle faisait la veille. Malheureusement, on ne peut pas dire que je les avais vu venir, ses coups. La tâche me parait donc vraiment difficile, si ce n'est impossible. La duelliste doit se rendre compte que mes épaules s'affaissent, car c'est plus directement qu'elle me dit qu'il faut y arriver. Sans quoi soit elle me tuerait, soit pire encore me laisserait. Les mots sonnent durement, mais je peux la comprendre. Elle ne va pas perdre son temps avec un bouseux de sa campagne, incapable de tenir l'épée.

Je prends une profonde inspiration, essayant de me concentrer sur mon souffle. Quelque chose de tangible et qui ne me distrait pas. Il n'est pas question de la décevoir, alors autant faire de mon "Outch!". Cette fois elle n'a pas seulement posé sa lame, mais l'a laissé griffer ma peau. Mince, je n'étais pas encore suffisamment concentré. Respirer. Respirer. J'inspire. J'expire. Je place correctement mes jambes, comme elle me l'a montré. Ses pieds font un peu de bruit sur le sol, et au moins je peux lui présenter mon profil.

Une nouvelle fois elle me pique, à la jambe cette fois. J'inspire, j'expire. Ses pas. Ah elle accélère, je me recule alors. Pas assez tôt, et une nouvelle petite entaille se loge sur mon épaule. Je reste concentré. Ses pieds. Elle change de rythme quand elle attaque. Elle le fait sans doute exprès, mais ça je parviens à l'entendre. Ca recommence, et cette fois je recule un peu plus loin.

J'attends le coup venir, mais l'acier ne mord pas de nouveau. Je n'ose me détendre pour autant, jusqu'à ce que j'entende le son de la rapière qu'elle rengaine. Est-ce fini? Ce n'était sûrement qu'un test, pour savoir si j'en vaux la peine. Je la sens alors se glisser derrière moi, puis m'ôter le bandeau. Elle me dit qu'il s'en est fallu de peu, puis m'ordonne d'aller nettoyer un peu les blessures qu'elle m'a faites.

Je m'exécute aussitôt, et déchirant un bout de mon mouchoir j'éponge le peu de sang qui sort. Il n'y a vraiment pas grand chose. Cette femme a une maîtrise de son arme impressionnante. Si je parviens vraiment à résister à ses méthodes, je deviendrai sûrement au moins compétent. L'idée m'enchante.

Je me saisis alors de mon épée, comme elle me l'a demandée, avant de la rejoindre. Je n'ai pas l'impression que les entrainements avec elle se feront au bâton.

Alors que je tiens mon épée, et que j'ai pris la position que maintenant je connais, Seren s'attaque à mes doigts. Ou plutôt à leur mauvais placement.Je lui tends Ascalon quand elle me le demande. Sa rapière logée sous son bras, elle me montre comment je devrais tenir mon arme. Et malgré le poids de celle-ci, c'est avec dextérité et facilité qu'elle la manie. Avoir les doigts serrés, mais le poignet non crispé. Je n'en vois d'abord pas l'intérêt, jusqu'à ce qu'elle me montre quelques passes. Des coups fluides, rapides et élégants, avec une arme pourtant longue et peu maniable.

Finalement elle me redonne mon épée, et j'essaye de faire comme elle. De sentir la garde, sans pour autant crisper les muscles de mes bras. Rester détendu. J'ai d'abord un peu de mal, mais là encore en me concentrant je parviens à me détendre un peu. Et il est vrai qu'elle me parait tout de suite un peu moins lourde. Dans un long combat, cela pourrait sûrement être décisif.