Lendemain - Entrainement (PV Elnath)

Seren me lance alors qu’elle avait raison depuis le début, et j’ai presque l’impression qu’elle en est soulagée. Il faut dire que les deux adversaires n’étaient pas mauvais, loin s’en faut. Elle me fixe un instant, mais ne me laisse pas le temps d’être gêné car déjà elle se lève. La suite ne sera pas intéressante m’énonce t-elle, comme si au fond les victoires, les défaites, les pourquoi du combat n’avaient aucune valeur. Tout ce qui compte est cet instant où les lames se croisent.

Je suis la jeune femme, jetant tout de même quelques regards à droite à gauche, voyant deux infirmiers s’occuper des blessés. D’autres personnes semblent remarquer Seren, mais l’attention est surtout focalisée sur le gagnant. Celui-ciarbore d’ailleurs un visage satisfait, un peu supérieur. Alors que nous allons franchir les portes de la salle, quelqu’un se glisse juste devant nous. Un homme un peu plus âgé que moi, et très bien habillée. Preuve qu’il n’était pas en train de s’entraîner.

« Ma Demoiselle Lir Riss en personne. Je suis heureux de vous revoir, et de constater que vous êtes en pleine forme. Vous avez reçu mon invitation j’espère ? Celle-ci tient bien entendu toujours. »

Il me jette alors un coup d’œil, et voyant que je ne m’en vais pas daigne m’exprimer la parole :

« Je me présente, Sebastian Von Druke. Je ne savais pas que la grande Seren Lir Riss, la plus piquante des roses, prenait des apprentis. Vous en avez de la chance très cher, je vous jalouse. Et votre nom ? »

Je reste un instant interdit. Je n’ai peut-être pas encore l’habitude de fréquenter des nobles, mais je sais reconnaître un hypocrite quand j’en vois un. Et celui-là a l’air particulièrement mesquin.

« Mon nom est Elnath de la Bruyère.
-Oh je vois. De la Bruyère... Hum votre nom ne me dit rien. Vous n’êtes pas de Diantra, l’êtes-vous ?
-Non. Je viens d’Ancenis.
-Charmant, tellement charmant. Voyez-vous très cher Messire, j’ai déjà donné invitation à Seren de venir nous rejoindre ce samedi. Cela serait un plaisir que de vous avoir parmi nous également. Nous pourrons voir entre gens de bonne manière ce que la grande duelliste de Diantra vous a appris. Qu’en pensez-vous Dame Lir Riss ? »

Seren accepte l'invitation, m'écartant cependant aussitôt de la discussion. L'autre homme se contente de la flatter, avec un regard que je n'aime pas. Un mélange d'envie et de morbidité. Son flot de paroles a d'ailleurs le don de m'énerver, aussi je suis plutôt content quand il finit par s'éloigner.

La duelliste m'explique alors que l'homme en question m'aurait bien volontiers tué, car jaloux et idiot. Je n'ai pas l'impression qu'il soit si stupide que ça, bien au contraire même. Elle dit certainement cela car elle ne le porte pas en grande estime. Elle se reprend tout de même, et explique que ses invitations ne sont pas ennuyeuses.

L'idée d'y participer ne me plait pas vraiment. J'imagine que les lieux seront bondés de nobles et de bourgeois, toutes ces personnes que je n'ai jamais fréquentées. Et je n'ai pas vraiment les manières de ces hommes. Ainsi donc je m'exprime lorsque nous retrouvons la salle où elle m'entraine:

"Vous êtes sûre que c'est une bonne idée? Je veux dire, je ne suis pas vraiment habitué à tout ça. Je n'ai pas envie de vous faire honte."

Malheureusement, mes paroles sont sincères.

Seren, au lieu de se décontenancer et craindre le ridicule me propose de m'apprendre les arts de la table. Je suis un peu étonné de sa proposition, mais il est vrai que je n'ai pas à apprendre que l'épée si je veux progresser.

"Ce... Ce serait un plaisir."

Elle n'en dit pas plus, mais son regard a l'air compréhensif. Décidément j'ai eu un pot du tonnerre de Dieu de la croiser. Elle sort alors sa lame de son fourreau, et me demande si je suis prêt.

"Oui! Toujours prêt! Voulez vous que je dégaine ou bien?"

Seren me répond qu'en effet mon arme doit quitter sa gaine. Je la libère donc, et elle me salue avant d'attaquer aussitôt. Je me recule, et comme la frappe est volontairement lente je parviens à la dévier de mon arme, de justesse. Il faut dire que le coup est tout ce qu'il y a de plus improvisé, mais au moins il a suffit. Même si le choc manque de la faire tomber de mes mains.

Je dessers un peu mon étreinte sur la garde, pour que mon poignet soit plus détendu, et j'essaye d'imiter son coup, visant l'épaule. Le poids de l'épée me ralentit, mais je sens que c'est plus efficace comme ça que lorsque je m'entrainais dans ma chambre. Cela peut quand même être mieux.

J'en profite pour remettre mes pieds comme il le faut, et, bien que prenant mon temps, tente de faire des coups similaires à ceux que j'ai vu plus tôt. Je doute qu'une épée soit faîte pour ce genre de coups, mais autant commencer par là.

Seren part avec facilité chacune de mes attaques, et finalement bloque ma lame avec la sienne. Elle m’explique alors que je ne tiens pas bien la garde, ou plutôt que je ne fais pas les bons coups. L’épée est différente de la rapière, et je ne peux espérer faire le même style d’attaques. Elle quitte alors l’engagement, me fait reculer et me montre quels genre de frappes je dois tenter. Ses mouvements sont tout de suite moins harmonieux, mais semblent pourtant bien plus dangereux. Plus violents et plus sauvages. J’essaye de regarder comment elle se place, comment son corps bouge pour distribuer les coups mais c’est difficile tant elle va vite.

Elle s’arrête finalement, me demandant de lui montrer ce que j’en ai retenu. Je place donc mes pieds de la même façon qu’elle, et au lieu de tenter des coups droits j’essaye des attaques plus circulaires, utilisant l’élan de la lame pour frapper plusieurs fois avec force. Le fer frappe la lame de Seren vigoureusement, et les choses deviennent un peu moins crispées. Mon épée a l’air en effet plus taillée pour ce type de touches, bien que si celles-ci touchaient, elles feraient difficilement une simple entaille. Mais peu importe, car aucune attaque ne perce la garde parfaite de la créature que j’affronte.

Finalement mon bras a du mal à relever l’arme, et je ne peux que ralentir, me faisant rapidement désarmé. Soufflant, le cœur battant la chamade je demande :

‘C’était mieux ? »

Seren me confirme que je me suis mieux débrouillé, ce qui me fait sourire de contentement. Je reprends peu à peu mon souffle, et les exercices que j'ai fait un peu plus tôt me font douloureusement mal à présent. Je ne me plains donc pas lorsque Seren met fin à la leçon et me demande de revenir le lendemain matin.

"Très bien. Merci pour tout Dame Lir Riss. Dois-je garder ces vêtements pour demain?"

C'est certes l'hiver, mais ils devront sécher assez rapidement si je m'y prends bien. La lame rentrant dans le fourreau, je me sens vidé et en même temps sacrément bien. Je n'ai pas si souffert que cela, et finalement je ne me suis pas tant ridiculisé que je le pensais.

Alors même que l’entraînement s’est terminé, deux personnages entrent dans un timing frôlant la perfection. Je reconnais le vieux monsieur de la veille, mais l’autre est plus digne d’intérêt. De longs cheveux sombres, un air blasé et torturé. Soit il a eu une vie difficile, soit il veut le faire croire. Je le salue lorsque Seren me le présente, et il se contente d’un petit hochement de tête avant de lancer :

« Seren, si vous avez fini, nous pouvons commencer. »

Je lui dis alors que oui c’est bon, puis je salue Seren, la remerciant encore une fois. Je vais ensuite me changer, et retrouver mes vêtements habituels. L’idée de devoir travailler ce soir me fait déjà mal à la tête, mais je n’ai pas vraiment le choix. Je m’éclipse finalement, après un dernier regard vers la magnifique femme qui se charge de mon apprentissage. Très vite le froid se fait sentir, violent et terrible.

Je décide de passer chez moi, avant d’aller travailler.