Lendemain - Entrainement (PV Elnath)

Seren ne tarde pas à reprendre son arme, se mettant en garde face à moi. Elle me demande alors d'exécuter les mouvements que je pense maîtriser le mieux. J'acquiesce, et me mets en position. Je n'ai cependant pas vraiment l'habitude de me mettre de profil en essayant de donner des coups, aussi je mets quelques instants à essayer de les modifier un peu.

Je manie l'épée d'une main, frappant d'abord de bas en haut, puis de tranche et enfin d'estoc. J'y mets de l'ardeur et de la force, ne parvenant bien entendu pas à la toucher. J'essaye de plus détendre mon épaule, ainsi que mon bras, et je recommence. Je fais aussi attention au placement de mes jambes. Si tout cela m'est d'abord difficile, finalement les coups sont un peu plus rapides que d'habitude.

Je me doute que c'est loin d'être parfait, et j'ai presque un peu honte de faire ce qui ressemble à ces yeux sûrement plus à une pitrerie qu'à un coup d'épée. Mais je suis là pour progresser. Espérons juste que je ne sois pas si mauvais élève que cela.

Finalement le verdict n'est pas si mauvais que ça, et elle me dit même que certains coups sont bons. Le lendemain verra un entrainement plus technique, mais il semble bien que j'ai passé le test. L'idée d'un lendemain est plutôt encourageante, en effet.

Elle me demande alors de lui remettre mon arme, et de travailler mes bras. Je m'exécute, le sourire aux lèvres, me mettant sur le sol et commençant à me lever et me baisser à la force des bras. C'est l'un des exercices que j'ai déjà fait tout seul, aussi je ne me sens plus aussi perdu qu'auparavant.

Je mets de l'énergie, prêt à continuer jusqu'à ce qu'elle en ait assez. Même si assez vite je dois ralentir le rythme, et y mettre plus de volonté. Ce n'est pas le genre de chose que l'on peut faire indéfiniment, mais il faudra bien que je tienne.

Seren s'amuse pendant ce temps là avec mon épée, ou plutôt s'entraine. Malgré le poids de l'arme, elle semble s'en sortir aussi bien qu'avec une rapière. Ce n'est que plus motivant.

Elle revient finalement vers moi, alors que mes bras commencent à être pris de tremblements. Jugeant que c'est suffisant pour le moment, elle me fait passer aux flexions. Je me redresse donc, et m'exécute aussitôt, lui montrant toute ma bonne volonté.

"Vous êtes aussi très douée avec cette épée. Elle s'appelle Ascalon."

Je ne faiblis cependant pas la cadence pendant que je parlotte. Je n'ai pas envie qu'elle me sente distrait, ou pire encore pour un paresseux.

Seren me demande d'où vient le nom de l'épée. J'hésite un instant à lui dire que je ne suis pas le premier possesseur de cette lame. Je m'exprime tout de même:

"Je ne sais pas d'où vient le nom. L'armurier m'a dit que c'était le premier propriétaire, un chevalier, qui l'a nommé comme ça."

Je sens rapidement que l'exercice fait son effet, mes jambes ayant bien vite du mal à suivre le rythme. Je fais cependant de mon mieux, désireux de montrer que je suis prêt pour suivre son entrainement.

Elle me dit alors que sa lame se nomme Femme Fatale. Je ne peux m'empêcher de sourire à ce nom, et de commenter:

"Cela vous va très bien."

L'exercice se poursuit un moment, alors que de plus en plus je sens mes jambes crier pitié. Mais je ne les écoute pas, et me donne au maximum de mes capacités. Un peu puéril, mais j'ai l'impression qu'elle n'en attend pas moins.

Seren me répond qu’elle ne se targue pas de se nommer Femme Fatale elle-même, ce qui lui parait déplacé. Elle énonce simplement qu’elle sait ce qu’elle veut faire de sa vie, me demandant ce que j’en pense par la même occasion. Je continue mes flexions, qui sont de plus en plus lentes, prenant toutefois le temps de lui adresser une réponse :

« Je suis d’accord avec vous, et je vous envie. Je veux dire vous avez tout pour vous, et vous semblez réussir à merveille. En tout cas, j’aimerais être comme vous. »

Cela me fait penser à mon enfance, dans cette ferme. Sans vrais amis, à vouloir absolument quelque chose d’impossible. Tous ceux du village qui me traitaient d’incapable et de bon à rien. Pour eux mes rêves n’étaient que futilité, et la réalité me rattraperait un jour ou l’autre. J’espère tellement leur donner tort.

« Vous savez Dame Lir Riss, j’ai grandi loin de la ville. Dans ma famille, ce qui comptait c’était la terre. Et même pas sa propre terre, celle du seigneur local. Plutôt stupide non ? De tenir plus que tout à quelque chose qui vous appartient pas. Enfin bref. J’ai toujours voulu devenir Chevalier, aussi loin que je m’en souvienne. Sûrement pour m’échapper de tout ça et pour avoir une vie qui en vaille la peine. C’est un rêve que tous ceux de mon village ont essayé de détruire, et de piétiner, mais j’ai tenu bon. Je me souviens encore des autres enfants, qui me regardaient de haut. Et puis quand j’ai été en âge de me marier, j’ai fait ce qui ne se fait jamais par chez moi. Je suis parti, pour réaliser mon rêve. J’ai du me débrouiller seul, ne comptant sur personne. C’est à la fois effrayant, et tellement agréable de se retrouver seul et libre, sur une route sans âme qui vive ou presque. Mais bon, vous savez, quand on est pas de bonne naissance, c’est pas si facile de s’en sortir seul. Les gens aujourd’hui ne vivent que sur l’argent, et ils ne vous aideront jamais pour un simple rêve de gamin. J’ai quand même réussi à rejoindre Diantra, et à trouver des boulots pas très glorieux. J’ai eu de la chance que le patron de la taverne finisse par m’embaucher. Enfin où je veux en venir, c’est que ce qui m’a poussé, c’est de savoir ce que je voulais. Je m’y suis tenu, et j’ai jamais renoncé. Et aujourd’hui je suis là, devant vous, entraîné par vous. Savoir ce que l’on veut, ça peut en faire des choses.»

Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui raconte tout ça. Elle s’en fiche certainement. Mais si je me sens impressionné en sa présence, j’ai aussi envie de lui parler. Je doute que les gens lui parlent beaucoup en fait. Elle a sûrement des tonnes de prétendants, qui ne courent qu’après ses jupons. Qui penserait à parler à une fille aussi belle ? Mais elle a l’air aussi d’être très intéressante. Elle sans doute plein de choses à dire. Et déjà elle a accepté de m’entraîner, de faire de moi quelqu’un. C’est pas n’importe pour agir ainsi avec un paysan. Cela m’inspire d’autant plus le respect, et l’envie de la comprendre, ne serait-ce un peu. Et puis j’aime parler.

« Et vous avez encore un but dans la vie ? Quelque chose que vous n’avez pas encore réussi ? »

Les flexions commencent à devenir vraiment difficiles, mais je m’applique toujours autant. Montrer que je peux y arriver, et que je sais m’accrocher. C’est ce qu’elle attend de moi, et même dans un cas aussi futile, faire le plus possible c’est prouver que je peux.

A ma grande surprise, Seren se met elle aussi à parler. Elle m'explique que cette vie qu'elle a et dont tant rêvent n'est pas aussi simple que cela, que c'est un choix difficile, plein ce concessions. J'en ressens une grande solitude, comme si malgré tout ce qu'elle est parvenue à faire un vide l'habite. Oui, elle parle avec une certaine mélancolie, qui la rend plus humaine mais aussi plus femme.

Elle s'étend ensuite sur le but qu'elle poursuit. Je n'en suis pas vraiment étonné au fond. Elle défend son honneur, et celui d'une gent qui est défavorisée depuis longtemps. Si ce n'est toujours. Là encore elle ne m'en paraît que plus vulnérable. Au fond elle n'est peut-être pas cette créature implacable et impassible qu'elle semble être au premier abord, mais bien un être de chair et de sang, qui fait ce qui lui semble juste. Elle n'est peut-être pas si différente de moi.

"Je ne sais pas si je peux dire que je comprends. Enfin dans un sens si. Vous êtes née femme, je suis né paysan. On ne choisit pas comment on vient dans ce monde, mais ce que l'on y fait nous appartient. N'est-ce pas?"

C'est alors que la dure réalité s'abat sur moi. Mes jambes ne me laissent plus remonter après une flexion de trop, et je reste à genoux, soufflant et sentant la douleur de l'effort. La blessure de la veille se réveille aussi un peu d'ailleurs, et je ne peux m'empêcher de poser une main sur mon torse. Je l'avais oubliée dans toute cette excitation, mais elle ne m'a pas oublié.

"Voulez vous que je retourne aux pompes?"

L'entrainement n'en est qu'à son début, et bien que les jambes tremblantes j'en demande encore.

Seren se laisse emporter à mes mots, affirmant sa fierté d'être du beau sexe. Je me sens un instant penaud, n'ayant pas voulu la vexer ou l'irriter. Elle ne semble pourtant pas être en colère, et revient au sujet actuel. Elle me fait comprendre que trop en faire ne sert pas à grand chose, et que je peux rester un peu assis pour le moment. Elle m'explique que mes forces ne sont pas infinies, et qu'il faut savoir gérer celles-ci. J'en profite pour reprendre mon souffle, me rendant bien compte qu'elle a raison.

Elle se dirige vers les tribunes, d'un pas toujours aussi élégant. Les lieux semblent scupltés pour elle, et je peux déjà imaginer une foule ébahie par ses exploits de combat. Elle va alors s'asseoir, me faisant signe de la rejoindre. En effet, un siège sera plus agréable que le sol de pierre. Je me relève donc, me dirigeant vers elle. Mes jambes tremblent encore un peu, mais cela me passe assez vite. Je m'asseois à ses côtés. La sensation est toujours étrange, d'être aussi près d'elle. Comme si son aura me touchait, et que je sentais sa puissance et sa volonté. Elle avait raison, et pouvait être fière d'être femme.

Je regarde la salle, s'étendant à présent un peu plus bas. Etonnamment elle parait bien plus dangereuse depuis les gradins que lorsqu'on est au centre. Finalement ce n'est peut-être pas si sorcier que cela.

"C'est étonnant. Quand on est ici, l'arène semble beaucoup intimidante. Alors que quand j'étais en bas, je m'en rendais à peine compte. C'est toujours plus effrayant quand c'est quelque chose qu'on ne connait pas en fait."

Un peu comme Seren en fait. Sauf que je reste encore un peu intimidé. Je n'ose qu'à peine la regarder. Sans doute quelque chose qui passera à mesure que je le verrai. Puisque l'entrainement semble parti pour continuer, il le faudra bien de toute façon. C'est vraiment la seule personne qui m'ait jamais inspiré ce sentiment. Des personnes intimidantes, ou qui font froid dans le dos il y'en a. Mais des personnes qui imposent le respect à ce point, et avec un corps frêle qui plus est, c'est vraiment la première. En même temps les femmes que j'ai connues n'avaient pas sa prestance, et n'étaient pas nobles non plus.

"Je peux vous poser une question? Pourquoi avez vous décidé de m'aider?"

Seren me répond, et même si je ne comprends pas tout, il parait que mes coups n’étaient pas trop mauvais. En somme que j’ai du potentiel. Je reste un peu sceptique, ou alors peut-être que je me sous estime tout simplement.

« Oui oui, en gros vous pensez pouvoir tirer quelque chose de moi. »

Je reste pensif un instant, avant de poursuivre :

« J’espère tellement que vous avez raison. »

Et puis, de toute façon j’apprécie sa compagnie. Je n’aurai jamais l’occasion de rencontrer quelqu’un alliant autant de charmes, alors autant faire de mon mieux. C’est une motivation suffisante, même si bien sûr j’espère qu’elle ne se trompe pas. Si en plus de ça je deviens un bon disciple, ma vie prendra vraiment un tout nouveau tournant. L’excitation que cela procure ne semble pas tarir, et j’ai un peu de mal à rester en place :

« Vous voulez que je continue l’entrainement? »

Seren me demande de refaire des pompes, avant d’aller voir un combat de duelliste. L’idée m’enchante, je n’ai jamais eu l’occasion de voir un vrai combat. Du moins en dehors d’une taverne, et par des gens qui ne sont pas pleins comme des barriques. C’est donc avec entrain que je me place sur le sol, les jambes encore un peu faibles, et que je travaille mes bras. J’imagine déjà le son des armes, et l’effort du combat. Des hommes qui se donnent corps et âmes dans ce moment, totalement en dehors du temps et de la réalité.

Mes bras fatiguent plus vite que précédemment, mais cette fois je ne me donne pas à fond. Je prends plus mon temps, tentant d’économiser mieux mes forces. Il arrive cependant un moment où, essoufflé, je dois arrêter.

Je me redresse alors, me frottant les bras endoloris. La sueur a coulé, et ma chemise il y a peu encore propre est désormais trempée. Preuve que je n’ai pas lésiné sur l’effort. C’est encore une fois surexcité que j’attends que Seren nous conduise à l’autre salle de duels. Par curiosité, je lui demande cependant :

« Quelles sont les règles d’un duel ? J’imagine que ce n’est pas un combat d’arène. »

Seren m’explique rapidement que le but est la plupart du temps de toucher simplement le plus l’adversaire, sans pour autant le blesser gravement ou à la tête. Il existe aussi des combats à mort, où là les coups sont plus dangereux et plus violents. Je me demande si elle a déjà participé à de tels combats. Ce doit être véritablement quelque chose que de vraiment risquer sa vie ainsi. Enfin, c’est aussi malsain quelque part. Et j’imagine que seuls les meilleurs se prêtent à ce genre de confrontation.

La duelliste me tend alors mon épée, que je rengaine dans son fourreau. Je passe celui-ci à ma ceinture, alors que l’homme qui nous avait accueillis revient nous prévenir de l’imminence du duel. Seren lui demande de nous réserver deux places, avant de me proposer de nous y rendre. L’enthousiasme m’envahit encore plus, mais il se mêle à présent à de l’appréhension. Je me demande qui va combattre et pourquoi. Sans doute pour une vulgaire querelle.

Je suis donc la belle dans une autre salle, où nos places ont été réservées. Je n’oublie pas que je suis là pour m’entraîner, et je compte bien étudier les mouvements et la façon de faire de ces hommes.

Nous entrons alors dans une salle, aussi grande que celle d’où nous venons à ceci près qu’elle habillée pour l’occasion. Et puis cette fois il y a un public, et de nombreux duellistes présents. Des regards se tournent vers nous, d’abord vers Seren mais aussi vers moi qui me tiens à ces côtés. Me jaugeant, de haut en bas. Je m’en sens un peu gêné, mais je fais au mieux pour ne rien en laisser paraître. Par chance mes vêtements ne font pas déplacés, et j’arbore une arme. De ce fait je n’apparais pas comme totalement déplacé. Et puis j’accompagne une grande duelliste, et la seule femme présente.

Seren se fait indiquer notre placement, et je la suis. Nous avons le droit aux tribunes d’honneur, qui sont très bien placées. D’ailleurs nous sommes les seuls en tenue de combat à y être, les autres étant d’avantage en beaux habits. A ma droite Seren, et à ma gauche un homme avec de l’embonpoint qui parle avec un grand maigre au teint malade. Mais qui a l’air dangereux. Sans doute un autre combattant.

Peu à peu la salle se vide et les gradins se remplissent. Seren se penche vers moi, me laissant tout à loisir de sentir son parfum. A la fois délicat, mais aussi teinté de sa sueur. Cela n’est cependant pas désagréable, loin de là. Elle me présente les deux personnages qui vont s’affronter, tout en faisant un pronostic. Je sens l’excitation de la foule se mêler à la mienne, alors que je regarde ceux qui vont s’affronter. La tension monte peu à peu, à mesure que le début du duel se rapproche.

Le silence se fait peu un peu, laissant les hommes prêts à se battre. Au centre un arbitre présente les règles, rappelant qu’il n’y aura pas de combat à mort. Il n’explique pas les raisons du duel, mais j’imagine que cela n’a que peu d’importance. Je suis quand même un peu loin du monde des chevaliers, ces hommes n’ayant pas grand-chose en commun. Si ce n’est qu’eux aussi démontrent leur talent à l’épée. Enfin il me faut bien apprendre le maniement de l’arme, pour pouvoir intégrer la chevalerie. Et ceci reste un début plus que prometteur. De plus, aucune femme n’est chevalier, enfin je crois.

Les duellistes se mettent l’un en face de l’autre, posant la rapière sur le front dans le salut rituel. Celui là même que Seren m’avait adressé la veille, lors de ma dérouillée. Ils se mettent ensuite en garde, de profil comme j’ai appris tout à l’heure, et l’arme en avant prête à toucher. Je me concentre sur le monsieur de Loncourt, que Seren m’a présenté comme favori. Quitte à regarder la technique d’un autre, autant prendre le plus fort.

Tout à coup le premier coup part, et de Loncourt le pare de justesse. Je n’ai pas eu le temps de voir son adversaire frapper, mais j’ai bien l’impression d’être le seul. Le défenseur fouette alors l’air de sa lame, forçant de Colin à se reculer, et à parer lui aussi une attaque d’estoc. Cette fois j’ai vu le coup, et observé rapidement le placement des épaules de Loncourt. Mais je ne serais reproduire pareille attaque.

Les deux hommes se toisent alors, changeant la garde de leur épée. Le premier échange leur a sûrement appris beaucoup de choses, et la suite des événements devraient être plus rapide.

Seren me demande si j'ai pu tout voir, confirmant que le combat est plus intéressant que prévu.

"Oui, à part le premier coup..."

Je n'ai pas le temps de dire autre chose, car c'est Loncourt qui attaque, se faisant esquiver puis contre attaquer avec justesse. Il se recule alors, tenant une jambe blessée. L'autre enchaîne, et essaye de lui griffer le torse. Sans succès. Le public semble ravi, et les commentaires fusent. D'ailleurs en parlant de public, beaucoup regardent dans notre direction, saluant ou dévisageant Seren. Décidemment, sa réputation n'est plus à faire.

Loncourt frappe de nouveau, faisant exactement le même coup que tout à l'heure. Je me demande pourquoi, et Colin n'a pas de mal à parer. Mais au dernier moment la lame de l'homme remonte et blesse l'adversaire au poignet. Celui ci ne peut s'empêcher de lâcher l'arme, et l'instant d'après la rapière de Loncourt pointe sa gorge. Les applaudissements fusent, alors que Colin a perdu en un instant.