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 Fièvres [libre]

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Vyl Thanat'Khor
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MessageSujet: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeJeu 1 Oct 2009 - 10:28

Vyl continua sa course à travers l’Oësgard jusqu’aux premières lueurs de l’aube.

Au loin, dans la plaine désolée, elle entendait les chiens qui se répondaient, de masure en masure, de village en village. Et aussitôt, elle songea à un cavalier lancé à plein galop traversant les hameaux, et fracassant sous le pied de son cheval le silence pesant de cette nuit d’hiver. Peut-être une estafette rejoignant le gros des troupes en marche vers la forteresse de l’est ? A moins que ça ne soit ses poursuivants qui tentent de donner l’alerte, afin de lever contre elle les paysans ?

La tentative lui sembla vaine et dérisoire : les petites gens d’Oësgard tentaient de survivre comme ils le pouvaient dans le marasme et la désolation de leur Baronnie assiégée. Tout ce qu’elle avait vu depuis son expédition dans les Terres des Hommes c’était chaumières barricadées ou ruines fumantes.

Le jour, des hordes de paysans dépenaillés fuyaient vers le nord, vers l’Anaeh des Elfes maudits, pour échapper aux affres de la guerre. La Sombre se rappelait cette famille entière engloutie par les eaux agitées de l’Olyia alors qu’elle tentait désespérément de rejoindre l’autre rive à bord d’un radeau de fortune.

L’Oësgard crevait de mort lente et tirait dans la tombe ses enfants apeurés.

Dès que l’obscurité recouvrait de ses voiles empoisonnées la campagne ravagée, battue par les vents, les chiens errants disputaient aux loups les restes d’un festin tragique.

Les quelques bêtes qui demeuraient dans les champs traînaient leur carcasse famélique, léchant les pierres et rongeant l’écorce des arbres. Les cadavres des moutons abandonnés par leurs pâtres, partis rejoindre l’Ost, jonchaient des prairies sans herbe, charognes gonflées par l’humidité de l’hiver. On devait au froid vif et meurtrier de ne point être assailli par la pestilence de la putréfaction.

Les troupes avaient cheminé à travers la Baronnie de feu Baudouin, et s’étaient payées sur la Bête, réquisitionnant bœufs et chevaux, ramassant la volaille, prélevant dans les greniers blé, orge et avoine en préparation d’un siège qui s’annonçait difficile. La levée du ban et de l’arrière ban par le dernier défenseur d’Oësgard avait fait le reste.

Vyl Thanat’Khor s’était enfoncée dans une contrée désertée par les Hommes et plus encore par les Dieux. Elle savait qu’elle n’aurait rien d’autre à affronter que des villageois tremblant, femmes et vieillards pour la plupart. Il n’y avait qu’à prendre garde aux éventuelles patrouilles des différentes factions en présence pour sauver sa peau.

Elle passa sa première journée à somnoler, camouflée sous sa cape, le dos calé contre les vestiges d’un vieux muret étouffés par le lierre et les ronces. Coutelas à la main. Prête à jaillir de son refuge au moindre tressaillement des herbes folles autour d’elle. Mais elle fut importunée par âme qui vive, et terrassée par la fatigue, elle s’écroula juste avant le crépuscule.

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Alonna…

La fureur du siège. Les chants de guerre. Les hurlements terribles des blessés. Les appels désespérés des agonisants. La douce symphonie de la Mort en marche orchestrée par le peuple Drow sur les sentiers de la gloire et de la vengeance.

Au ventre, la douce chaleur du plaisir qui monte dans cet enfer de sang, de fer et de feu. L’excitation incommensurable du combat, furieuse comme la houle, qui submerge tout, aiguisant les sens, magnifiant les perceptions. Tout n’est qu’odeurs et sons. Les gestes sont fluides, naturels, automatiques. L’esprit de la Drow en communion avec celui de l’ennemi qui se dresse les armes à la main, jusqu’à anticiper chacun de ses gestes. Des décennies d’entraînement trouvent là leur exutoire. Et les lames tranchent.

Le Barra a appelé Vyl Thanat’Khor. On va lancer le bélier contre les portes. Les meilleurs éléments du Luth’Elghinn sont à pied d’œuvre. Mais il faut qu’un archer s’avance en première ligne pour dégarnir la muraille. Des arbalétriers sont embusqués et massacrent les assaillants, tirant par les meurtrières. Le Barra a pensé à Vyl et la Sombre en ressent une immense fierté, un insigne honneur.

Elle ne discute pas. Et fonce, perçant les rangs de ses propres troupes en jouant des coudes et des épaules. Plus on s’approche des murs, plus l’enfer est intense. Mais la Drow ne se soucie guère des compagnons qui tombent à ses pieds. Déjà son œil a accroché les pierres du rempart qui la domine, et le scrute méticuleusement, amassant le plus de détails possible : le nombre des orifices d’où pleuvent les projectiles, la cadence des tirs qui dit le nombre des tireurs, les angles…

Au milieu de la cohue, Vyl met un genou à terre.

Derrière, elle entend les clameurs : le bélier est en marche, et la troupe encourage les pousseurs qui se protègent sous leurs boucliers de cuir. Ils ont préféré la peau à l’acier. Car bientôt, du haut des tours, pleuvra la poix, l’huile bouillante et les grégeois. Le cuir s’enflamme et brûle, certes. Mais au moins peut-on espérer continuer à le tenir pendant la fuite, alors qu’il n’y a rien de plus inutile qu’un écu d’acier porté au rouge par le feu de l’ennemi…

La Sombre est protégée par les hautes silhouettes des Sartglins qui tentent d’agripper les murs avec leurs échelles à crampons pour les escaler. Elle tire six flèches de son carquois, et les plante à portée de main. Puis, sans réfléchir, elle arme, bande son arc et ajuste son tir. Les flèches s’envolent, s’enchaînant à une vitesse vertigineuse. Leur trajectoire les porte vers les fentes ouvertes dans le rempart. Elles montent et plongent dans les orifices. Et les tirs de l’ennemi s’arrêtent un instant.

Alors, Vyl change de position, s’agenouille et recommence…

Le bélier frappe à pleine vitesse le bois armé des portes. De là où elle se trouve, la Drow peut entendre, couvrant la respiration haletante des guerriers et les lazzis, le craquement des poutrelles de chêne durcies au feu. L’impact a été foudroyant et a déjà mis à mal les gongs. Les archers du Luth’Elghinn ont criblé l’ouvrage de pointes enflammées et l’huile coule dans les interstices du bois.

Mais soudain, les assiégés se portent sur le chemin de ronde pour défendre la première enceinte. Et là haut, les marmites en fonte fument. On peut sentir l’odeur caractéristique du goudron et de l’huile animale en ébullition. Par réflexe, Vyl se redresse et crible le sommet du mur de ses dards meurtriers. Un Homme bascule dans le vide, la gorge percée d’une flèche, s’écrasant sur les boucliers de cuir des assaillants qui s’écroulent et jurent. Trop tard. La poix déferle en une cascade compacte et inonde le pied de la muraille. Les pousseurs abandonnent le bélier qui grésille et s’embrase. Les Drows brûlent. Hurlent. Se jettent sur le sol. Mais nul n’intervient. Tous savent qu’il n’y a rien à faire lorsque la poix dévore sa proie…

La chaleur augmente soudain et se fait plus intense encore lorsque le brasier s’allume jusqu’aux pieds de la Drow. Aguerrie, Vyl ne recule pas devant les flammes. Elle attend que la fumée se dissipe pour bander son arc encore et encore. Parce que ce n’est que le commencement. Parce qu’à l’arrière, des guerriers se préparent pour reprendre le flambeau de ceux qui sont tombés. Parce qu’il faut fracasser la porte, coûte que coûte.

C’est alors qu’elle surgit, vomie par le mur des flammes.

Elle, c’est une Drow du Sartglin, bien plus grande que la moyenne, charpentée, presque musculeuse. Elle court vers Vyl, l’air implorant. Elle hurle sous le baiser de la poix. Son dos et ses épaules ne sont que flammes. Quand elle est presque sur Vyl pétrifiée par le spectacle, elle porte ses mains à son visage. Et la Sombre réalise que l’huile bouillante lui a déjà dévoré les yeux, le nez et la langue. La Sartglin tente dans un élan désespéré de se débarrasser de la morsure qui dévaste sa face. Mais ses doigts se crispent, et lacèrent son visage qui part en lambeau, découvrant la blancheur étonnante de son crâne. Elle tombe en avant sur Vyl. L’odeur de ses chairs incandescentes submerge la Drow, renversée sur le dos, qui tente de repousser le cadavre ricanant…

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Chaleur… Touffeur… Odeur de la mort…

Vyl se réveilla en sursaut pour se rendre compte que la nuit était déjà tombée en Oësgard.

Elle grelottait, nauséeuse. Ses muscles douloureux, elle se déplia avec difficulté. Elle avait dormi dans une mauvaise posture, et son corps le lui faisait payer maintenant. Elle s’étira mais ne put réprimer un cri de douleur.

Alors elle se rappela. La louve et son jeune. Son bras gauche.

Elle jeta un coup d’œil. Dégoûtée. Malgré sa mixture, la plaie n’avait pas commencé à cicatriser. Les chairs étaient gonflées, rouges, suintantes. Elle les toucha rapidement, sans insister. Brûlante.

La tête lui tournait et lorsqu’elle se redressa, enfin, elle ne put réprimer le haut le corps qui la secoua toute entière. Elle vomit. Et comprit que l’infection faisait son chemin.

Il lui fallait de l’aide. Rapidement. Un feu. De l’eau potable. Et des murs pour la protéger du vent.

Vyl Thanat’Khor ramassa son barda, s’emmitouflant autant qu’elle pouvait dans sa cape, capuche sur les yeux. Et elle se mit en quête. Mais sans courir cette fois. Car les mauvaises fièvres la taraudaient, impitoyables…
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Herménégildoricius
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeVen 2 Oct 2009 - 19:17

La roue de la fortune a ses caprices et nul augure, aruspice ou devin ne saurait présager de certaines destinées. Ainsi que nous l'allons voir séant, c'est parfois par une voie inattendue que l'espoir renait.

Les vêpres n'avaient point encore été sonnées en Oesgard que le corps des éclaireurs à cheval fut réunis sur la grand' place. Le haut commandeur en charge des affaires de reconnaissance et d'exploration des secteurs sous protectorat barronial en periode de crise, (Potentat nouvellement créé par le Baudrier d'Argent lors de sa prise de fonction) s'adressa à ses preux assemblés. Le pompeux maître de guerre semblait un brin perturbé. Sa chevelure, d'ordinaire si bien tenue par le coquet militaire paraissait avoir subi des outrages irreversibles. Un parchemin jauni entre les mains, il escalada l'estrade qui fut prestement montée à cet effet par quelque gueux serviles.

Le général Clarenthe (car c'est bien de lui dont il s'agissait ici) se racla la gorge et débuta son discours d'une voix grave.

"Messires esclaireurs de la grande baronnye d'Oesgard. J'ai à vous faire le conte de bien fâcheuses nouvelles. La pestilence serramiroise va s'infiltrer à notre insu en nos champêtre contrées. Les pernicieux sbires du duc gandin ne reculeront devant aucune diableries pour nous assaillir et il y a fort à penser que des espions rodent déjà en Oesgard. Vous battrez donc sans délai les champs par paires et vous ramenerez prisonnier tous suspects. Nous extirperons la lèpre, la gangrène qui tente d'avoir raison de nous, les gens de bien. Avant la conflagration finale, je vous demande donc de vous gorger de la gloire qu'une telle mission ne manquera pas de vous offrir. Execution!"
Vociféra Clarenthe, hurlant presque son dernier mot, postillonnant sans retenue comme on le fait après avoir été coupable d'insulte vulgaire.

Le groupe qui nous interesse fut formé par le lieutenant Blomghal et le sergent de garde Karreckson.

Le premier, officier d'âge mûr, n'en avait pas moin conservé un regard acéré qui lui permit de ne pas être versé dans le corps des reïtres conventionnels. Véloce, verbeux et charismatique, Blomghal était une entité celeste pour tout ceux qui eurent l'insigne honneur, l'allegresse, la jubilation d'être placé sous ses ordres. Un écrit moult romancé de centaines de pages ne suffirait guère à contenir les dits et faits d'une telle sommité de puissance patriotique et humaniste pourtant.

Le sergent de garde Kerreckson était un obscur homme de main dont le zèle était aussi réputé que son esprit chagrin. Il se montrait toujours avide de succès faciles, de gloires prestes. Chantre d'une idée de l'armée comme un instrument sans âme dans la marche d'un siècle toujours moins érudit et sage.

Les deux hommes avalèrent les lieues sur leurs fougueuses montures noires. Lorsqu'ils passèrent le majestueux portail d'Oesgard, le soleil venait de disparaître derrière les brumes des collines de l'ouest. La chevauchée nocturne débuta, le lieutenant en tête, instruit des obligations de son ministère. La pénombre impregnait ses traits de gravité.

La lune était naissante sans quoi la mission de reconnaissance eut été reportée. Les plaines baignaient dans une pâle blancheur car le ciel etait clair et les étoiles rutilantes, et quiconque s'aventurait hors des bois cette nuit là serait une proie facile pour les patrouilles oesgardiennes, spécialistes des raids de nuit.

Nul babillage ne troubla la course des deux fidèles du Baudrier. Nul soupirs, nulle expression, seul les yeux qui scrutent sans relâche l'immensité du bocage Oesgardien et les mains qui serrent les brides plus fort que de coutume. L'expedition se déroulait sans qu'aucun evenement perturbant ne se produise. La lugubre lueur stellaire ne cessait pas de faire apparaître des formes vaporeuses au loin. La fatigue participait aussi beaucoup à ce phénomène commun chez les braves qui osent s'avancer dans les campagnes quand les ténèbres établissent leur royaume sur la terre.

Au détour d'un tumulus naturel au beau milieu d'une prairie herbeuse, kerreckson emit un grognement. Immédiatement le bon lieutenant arrêta sa course pour entendre ce que son second avait à lui dire qui necessitait une pause impromptue. Il toisa le fier chevalier qui se contenta de montrer du doigt une ombre qui se trainait dans la campagne, tentant de rejoindre l'ombre des bois tout proches.

Voilà qui était bien suspect. Par ces temps de belligérence, il n'était pas admis qu'un Oesgardien non muni d'un sauf-conduit en bonne et due forme puisse sortir de sa demeure et parcourir les terres le soir venu. Quelqu'un contrevenait au couvre-feu barronial.

Sans hésiter, les deux recogniteurs lancèrent leurs montures au triple galop vers le hors-la-loi qui se permettait d'insulter ainsi la sûreté de toute la contrée. L'objet de leur quête ne semblait pas être en mesure de se mouvoir à son aise, en le considérant d'un oeil plus critique on pouvait toutefois noter qu'il tentait d'accelerer l'allure mais n'y parvenait guère. Le sergent fut le premier à parvenir proche de Vyl et il sortit sa lance, prêt à l'occire séant, un geste du lieutenant l'en dissuada.

Ce dernier s'approcha de l'être encapuchonné :

" Stoppez votre fuite, qui que vous soyez, sous peine de mort sans jugement" Tonna-t-il. La phrase était convenue, protocolaire même.

"Nous devons vous emmener avec nous, nous jurons de ne point vous offenser si vous coopérez. Otez votre capuchon et montrez votre visage sans délai."

Malgré la dureté et la trivialité de son langage, le bon Blomghal prononça cette dernière phrase d'un ton bonhomme, voyant bien que l'être était mal en point.

"Nous sommes en mesure de vous venir en aide, vous semblez quelque peu... faible." Ajouta t il dans un souffle tandis que le sergent brûlait de pourfendre l'inconnu.
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Vyl Thanat'Khor
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeSam 3 Oct 2009 - 12:06

Le froid me transperce, mais tout mon corps brûle…

Mes chairs sont percées de milles aiguilles acérées qui me tourmentent…

Tout juste si mes jambes me portent encore…

Et ce bras qui me lance, comme si un ver nécrophage fouillait ma viande souillée par la morsure lupine.

Si j’en avais la force, je me trancherais ce membre mort plutôt que d’endurer pareille torture. Mais, je ne parviens même plus à serrer les mâchoires pour contenir la douleur : je claque des dents, secouée par des frissons qui me labourent l’échine…

Ma plaie flambe…

Je sens l’infection qui fouaille comme un clou porté au rouge, et je ne sais que trop bien les risques que j’encours si je confie mon sort au hasard. Certes, si les fièvres ne me font pas convulser, je peux passer le cap et guérir. Mais je peux tout aussi bien mourir, brisée par les tremblements, le sang empoisonné. Je n’ai pas peur de trépasser. Uriz me soit témoin, je ne me suis jamais guère souciée de ma fin. A tout le moins, espérais-je périr les armes à la main, un jour rouge et flamboyant. Disparaître par la faute d’un loup dérisoire m’est insupportable. C’est comme une injure qui me taraude. Une atteinte à mon honneur de Guerrière…

Après plusieurs nuits d’encre, la lune dévoile pudiquement un croissant de lumière pâle. Le ciel s’est brusquement dégagé, les derniers vestiges des nuages balayés par la bise qui laboure la plaine d’Oësgard. Et les étoiles ont allumé au firmament leur feu céleste qui inonde le paysage de leurs rayons de miel. Je chemine à découvert. Exposée et vulnérable. La terre est lourde à mes bottes, comme si à chaque pas, je m’enfonçais davantage dans la pestilence d’un marécage visqueux.

Au loin, passées les mares gelées qui reflètent la nuée étincelante, peignant sous mes pieds la beauté d’un ciel figé par le froid de l’hiver, des grands arbres s’élancent, silhouettes blanches jaillissant de l’obscurité. Certainement un bois se dressant au milieu du bocage. Et un espoir de refuge. A sa lisière, me drapant dans les plis de ma cape, je me fondrai dans le paysage, ombre parmi les ombres.

Je tente de presser le pas. Mais mes genoux me trahissent.

Je glisse ma main bleuie à ma ceinture. La poudre est là, collée sur les parois d’une fiole minuscule. Un mélange subtil à base de graines de pavot acheté à prix d’or dans une des Maisons des Plaisirs du Puy d’Elda. Une mixture terrible qui emprisonne ceux qui abusent d’elle dans le tourment éternel de la dépendance. Comme j’ai vu faire ses esclaves des milliers de fois, je verse la farine d’une finesse extrême sur le dos de ma main droite, et aspire fortement. Une prise pour chaque narine.

Marionnette du destin, j’avance mécaniquement, débarrassée de toute volonté, ne commandant plus à mes muscles douloureux. La poudre m’a comme enivré. Elle me permet de dépasser ma souffrance pour un moment, et déjà, elle me galvanise. Mais tout autour de moi, le monde vacille comme douché par un épais brouillard. Terre et ciel s’unissent, dévorant les arbres qui se rapprochent comme dans un songe.

Je vais mais toute réalité s’effiloche, faseille et explose comme une bulle de gaz sur un lit de lave. Et bientôt, je ne suis plus qu’un corps dépourvu d’âme qui hante le bocage d’Oësgard…

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Fracas du sabot des chevaux sur les pavés disjoints des quartiers délaissés du Puy d’Elda.
Le chant des pierres qui résonne en cadence…

Les enfants se pressent contre les murs des taudis délabrés pour laisser la place.

Un cavalier léger ouvre la voie au cortège en sonnant du cor, repoussant les badauds récalcitrants, faisant claquer la mèche de son long fouet de cuir tressé.

Un escadron au grand complet du glorieux Ur’thalrss quitte la ville.

Et tous admirent la rutilance des lourdes cuirasses capturant la lumière jaune des torches dressées.

Vyl, submergée par la beauté brutale du spectacle, aperçoit Zmatöh qui clopine. Zmatöh, le camarade de jeu qu’une jambe plus courte que l’autre fait affreusement boiter. Il a vu la Sombre de l’autre côté de la rue et tente de la rejoindre. Malgré ses infirmités, Zmatöh est agile comme ces bêtes minuscules à longue queue et au faciès de demi homme qu’on voit parfois dans les foires du Puy. Son visage fendu d’un sourire édenté, il coupe le convoi sans se soucier plus avant du cavalier de tête. L’enfant Drow s’élance, boitant bas. Mais le poitrail du destrier le cueille en pleine course et le projette, balle de chiffon, dans le caniveau crotté. Zmatöh redresse le buste, prenant appui sur ses mains, dans une tentative maladroite de se remettre sur ses pauvres jambes. Mais, à la stupeur générale, le héraut éperonne son cheval qui bondit. Dressée pour la guerre, l’animal se porte en avant comme la pierre d’une catapulte, frappant des antérieurs et dressant la tête pour dominer sa peur. Car il va commettre le sacrilège de piétiner un humanoïde, et il lutte contre son instinct qui lui dicte de faire un écart salvateur. Et ses fers broient les os de l’enfant qui braille. L’hallali est sonné. Les cavaliers emboîtent le pas au cheval de tête et bientôt, c’est tout le cortège qui s’ébroue et s’élance, passant sur Zmatöh qui agonise, secoué de spasmes.

Vyl tremble, la peur au ventre. Elle se jette à genoux pour essayer d’apercevoir son ami.

Mais il n’est plus rien qu’une charpie de sang noir et de merde que viennent renifler les chiens errants au cul du cortège.

Fracas du sabot des chevaux sur les pavés disjoints des quartiers délaissés du Puy d’Elda. Le chant des pierres qui résonne en cadence…

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Fracas des sabots des chevaux…

" Stoppez votre fuite, qui que vous soyez, sous peine de mort sans jugement"

Entre cauchemar et réalité, Vyl Thanat’Khor émergea soudain, et dans l’éclair de lucidité qui venait de la libérer de son enfance, elle comprit pourquoi elle avait rêvé de chevaux. Deux cavaliers lancés au grand galop venaient de la rejoindre. Et dans son délire, elle avait perçu la fureur de leur cavalcade, entremêlant passé et présent dans une même trame.

Tout lui sembla soudain plus clair. Si elle avait réussi à échapper aux reîtres de Serramire, la Sombre venait de tomber dans le piège de l’Oësgard. Et elle en ressentit comme un soulagement : on la tuerait et elle n’aurait plu à courir.

Droguée et malade, Vyl distinguait à peine l’officier qui lui avait fait sommation. Epuisée, elle chancelait, entre conscience et inconscience. Tout juste remarqua-t-elle le deuxième éclaireur qui la tenait en joue, pointant vers sa poitrine le fer sa lance. L’humain la fixait d’un regard fou qui masquait mal son envie de l’abattre sur le champ. Sa monture, énervée par l’odeur puissante de la louve exhalée par la Drow, tapait du pied, parée à charger au moindre tressaillement de son maître. Et pour la première fois de toute sa longue existence, Vyl Thanat’Khor sentit au tréfonds de son être poindre la certitude de sa reddition nécessaire. Si l’idée d’opposer résistance lui traversa l’esprit, ce fut plus par atavisme que par calcul. Elle laissa donc tomber son barda sur le sol, haletante. Lasse.

"Nous devons vous emmener avec nous, nous jurons de ne point vous offenser si vous coopérez. Otez votre capuchon et montrez votre visage sans délai."

« Vith dos dalharuk d’l’eg’caress ! »
(Va te faire foutre, fils de chienne)

L’injure lui tordit la bouche pendant qu’elle découvrait son visage, rejetant sa capuche en arrière de son bras valide. Malgré la fluidité du geste, les chevaux piaffèrent nerveusement, piétinant sur place. Dévorée par la fièvre, la Drow ne pouvait déjà plus arrêter son regard sur quiconque. Et ses yeux injectés de sang, comme deux rubis flottant à la dérive sur la mare sombre de son visage, passaient de Blomghal à Kerreckson alors qu’elle tentait de maîtriser le vertige qui s’emparait d’elle. Sa vulnérabilité et la fièvre la paraient d’une sensualité troublante et maléfique que ne démentait pas la beauté de ses lignes.

Point de menace dans la voix grave et chaude de l’officier. Mais l’autre rongeait son frein, possédé par une envie irrépressible d’en finir avec la vermine qu’il avait acculée contre un arbre.

"Nous sommes en mesure de vous venir en aide, vous semblez quelque peu... faible."

Faible…

Le mot s’enfonça dans le crâne de Vyl Thanat’Khor, vrillant son âme. Faible, et à la merci de ces porcs. Privées de ses réflexes. Dépourvues de sa naturelle puissance. Frémissante comme une biche aux aboies. L’idée même de son impuissance lui retourna l’estomac, et tordue de douleur, elle vomit, éclaboussant le cheval noir de Kerreckson qui encensa, donnant de la tête, effrayé.

Alors aux tréfonds de la Sombre, la Bête soudain se réveilla.

Lançant ses dernières forces dans la bataille, elle se redressa, vive comme le serpent qui attaque. Elle se saisit de la lance juste au dessous du fer, et d’un mouvement preste, faisant voler sa cape pour terroriser le cheval déjà trop nerveux, elle tira l’arme vers elle et la repoussa prestement. Malgré toute son expérience, Kerreckson, qui avait sous-estimé les capacités de son gibier, prit l’extrémité de la hampe en pleine poitrine. Sous la violence du choc, il vida les éperons en jurant pendant que sa monture se dressait sur les postérieurs, mordant la poussière.

Vyl avait pourtant présumé de ses forces. Emportée par son élan, elle perdit aussitôt l’équilibre. Elle s’effondra, tentant d’amortir sa chute d’un geste désespéré de son bras blessé. Lorsque son coude frappa le sol glacé, elle sentit sa blessure qui se rouvrait et elle réprima mal un gémissant animal.

« Ka dos ssinssrin ulu elgg uns’aa, elgg uns’ass nin ! Nin ! »
(Si tu as décidé de me tuer, tue moi maintenant ! Tout de suite !)

La Sombre avait crié, entre plainte et fureur. Tenant son bras, recroquevillée sur elle-même, elle attendait. La mauvaise sueur perlant sur son visage. Et comme l’animal qui sait qu’il va mourir, elle défiait son bourreau du regard, le laissant croire à la possibilité d’une dernière charge. Désespérée.

« Finissons en ! » Reprit-elle plus doucement, prononçant ces paroles dans la langue maudite des Hommes.
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Herménégildoricius
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeSam 3 Oct 2009 - 17:10

Par les saintes entrailles des dieux! Que les créatures lucifériennes qui hantent les plaines à la nuit tombée sont virulentes! ... Et ce même alors qu'injure est faite à leur corps et qu'elles pourrissent déjà sur pied. Le bon sergent Kerreckson en fit les douloureux frais.

Les Oesgardiens contemplèrent Vyl qui leur dévoilà son visage exotique accompagné d'un juron blasphématoire qui eut glacé le coeur de plus d'un capitan de carnaval. Mais nos héros n'étaient point gens à se laisser intimider par pareille apparition. La consternation se lisait pourtant sur leurs faces graves. Ils s'étaient attendus à découvrir ici un banal soudard à la botte de Serramire. Un dandy grotesque vaguement maquillé de noir venu voler quelques informations...

En lieu et place de cette trouvaille qui eut pû être engageante, ils se trouvaient en présence d'un démon drow. Un démon aux appas charmants mais qui n'avait même pas eu l'élémentaire bienséance de s'exprimer intelligiblement. Un comble pour ces militaires éduqués à la rude dans les glorieuses académies martiales de la baronnies ou l'on savait l'honneur, l'intégrité et l'amour du baron. Les ténébreux étaient donc bel et bien infiltrés dans le territoire, la preuve en était enfin faite. De véritables rats d'égout, capable de se fondre dans l'ombre et de nuire au vu et au su de tous mais sans que nul ne puisse s'y opposer.

La créature semblait toutefois fort mal en point. Elle dépérissait visiblement depuis plusieurs jour et sa fragilité évidente la mettait en position de faiblesse par rapport aux deux cavaliers. Une drow en pleine santé aurait pu rivaliser sans mal avec les briscards qui venaient de la dénicher mais ce soir là, les choses devaient se passer autrement.

Si le lieutenant Blomghal fit montre d'une retenue exemplaire, le sergent kerreckson lui, avait bien du mal à se retenir de fondre sur la beste pour lui faire rejoindre la fange des enfers qui l'attendait sans doute après le trépas. La lueur de haine qui éclairait son regard était un témoignage éloquent de sa volonté d'en finir au plus tôt avec Vyl. Il observa le moindre geste de son superieur qui l'autoriserait à massacrer l'intruse.

Il n'y en eut guère.

Alors, à la stupéfaction d'hommes et animaux, la drow effectua une manoeuvre complexe autour de la lance du sergent et parvint à le mettre à terre dans un fracas lourd. Blomghal examina la scène sans agir. Il savait qu'en l'état, la créature ne serait pas en mesure de faire bien plus. Kerreckson, cul contre terre osa un outrecuidant :

" Viens ça! Ribaude infernale que je te fauche!"

Son parler grossier était cela dit moins impressionannt que la rage qui émanait de tout son être. Il prit en main la hache qui pendait à son côté, bien décidé à mettre un terme à l'existence de la sylphide souffrante. La drow, désequilibrée par son mouvement desesperé, gisait à terre, implorant en langage humain que ses souffrances soient abrégées par le fer. Toujours serviable, kerreckson s'apprêtait à lui accorder cette ultime requête lorsque la voix rauque et puissante du Lieutenant le stoppa dans son élan.

"BASTE SERGENT!"

La lame de la hache s'arrêta à quelque centimètres du visage de Vyl qu'il s'apprêtait à tailler dans une orgie de sang et de cervelle éparse. Le sergent recula d'un pas, abasourdi par l'ordre d'interruption sommé par son superieur.
Ce dernier sauta à bas de son cheval et s'avança, une corde enroulée autour du bras, et la main droite exigeant de Kerreckson un peu plus de tenue.

"Hahaha, se gaussa-t-il benoîtement. L'honorable créature que voilà! Ne savez vous plus reconnaître la valeur cher sergent? Elle vous a chargé alors même que la mort lui tendait les bras si elle osait un tel acte. Par fierté. Elle mérite bien un peu de considération de notre part de pensez vous pas?"

Kerreckson voulut protester mais Blomghal lui lança un regard qui n'admettait pas de réplique. Il lui confia les liens

"Nouez lui les poignets ensemble" commanda-t-il.

En l'état ou se trouvait la drow, il n'était pas malaisé d'accomplir cette tâche. Elle fut contrainte à se montrer obéissante par l'épée du lieutenant qui lui caressa la joue droite et qui lui promettait quelques tourments en cas de mouvements brusques. Une fois la chose faite, Blomghal considéra sa captive allongée et lui trouva une allure sensuelle. Les appas de la démone étaient plaisant à contempler, et sa position de souffrance et de faiblesse aiguisa sa bonne conscience et son admiration.

Il s'agenouilla devant elle en souriant et s'exprima d'une voix chaude et paternelle.

"J'admire votre courage d'à l'instant. Votre race n'a rien à envier à la notre pour la bravoure."

Au vu de la position ou il se trouvait, Vyl aurait pu le mordre mais elle se serait sans doute cassé les dents sur l'armure du briscard.

" Mon honneur de soldat d'Oesgard me commande de ne pas vous laisser en cet état piteux. Aussi, permettez moi de vous abreuver"
Ajouta-t-il en tirant une outre emplie d'eau encore fraîche de sa besace de voyage. Il en fit sauter le bouchon et versa un peu du contenu dans la bouche de la drow sous le regard médusé du sergent qui piétinait une touffe d'herbe non loin.

Après avoir ainsi procédé Blomghal inspecta un peu plus avant la créature (du regard seulement, notre âme n'est pas un cuistre). Il avait noté que lorsque la chose avait compté se relever, elle ne l'avait pu à cause d'une faiblesse de son bras, celui là même qui lui avait arraché un cri de douleur.

il examina le bras et le trouva en une disposition bien terrible. Le militaire frémit à cette vision mais il n'était peut être pas trop tard pour sauver le membre ainsi stigmatisé.

Le lieutenant se releva et farfouilla dans son barda afin d'en tirer le necessaire de premier secours harnaché à son cheval. Il en tira un petit pot de forme étrange. Là dessus, le sergent Kerreckson protesta vivement.

"Vous n'allez quand même pas faire ça! Tout ce qu'elle mérite c'est une hache plantée entre les deux yeux!"

Devant la fougue de son subordonné, notre homme se mit à sourire amèrement.

"Je n'ai pas de compte à vous rendre sergent, rebellez-vous et attaquez moi si vous me jugez fêlon en cet instant, si vous m'accordez un soupçon de crédit, restez tranquille je vous en prie"

L'impétueux calma ses ardeurs et retourna à son cheval qui revenait à peine de sa frayeur.

Blomghal revint se poster près de la blessée et ouvrit son pot. Il s'agissait d'un onguent miraculeux très en vogue ces temps-ci en Oesgard. Ses vertues cicatrisantes, desinfectantes et anesthésiantes étaient reconnues bien loin à la ronde. Il prit dans ses mains une honnête couche de liquide visqueux et l'appliqua sur le bras presque pourri.

Pour occupper l'esprit de Vyl durant l'application (qui suscite souvent de violentes réactions) du baume, le lieutenant conversa un peu.

"Comment vous appelez vous? Je suis le lieutenant Blomghal et l'homme fier que vous voyez là bas est le sergent Kerreckson. Voyez, vous avez prouvé cotre valeur en agissant de manière desesperée et courageuse, moi je vous la montre par le respect que je vous offre. "

(Cette crême provoque une brulure extrême à l'application puis deux secondes plus tard anesthésie totalement le bras et fait disparaitre la douleur. Dans un second temps elle diffuse une chaleur reconfortante et son pouvoir cicatrisant et desinfectant agit à plein)
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Vyl Thanat'Khor
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeSam 3 Oct 2009 - 22:28

Elle avait senti le vent de la hache caresser son visage. Murée en elle-même, Vyl s’était toute entière vouée à la pitié d’Uriz. Et elle ne cilla point lorsque le fer s’arrêta net à un petit doigt de son crâne. Elle ne daigna même pas relever son visage marmoréen vers l’hirsute Kerreckson.

L’Officier venait de l’épargner et la traitait avec égards.

Ainsi c’était cela ce Code de la Chevalerie très en vogue parmi les Hommes : le respect de l’ennemi à terre pourvu qu’il se conduise avec courage.

La Sombre songea qu’en d’autres circonstances, sans les baisers de la fièvre et sans cette plaie purulente qui rongeait son bras, les choses se seraient passées tout autrement. Que valaient deux humains contre une élite de la Dothka ? Et elle reconnut sans peine qu’elle n’aurait pas eu pour Blomghal le millième des élégances qu’il avait pour elle.

Le lieutenant, tout gentilhomme qu’il était, avait veillé à ce que la Drow soit solidement attachée. Comme quoi il est possible de faire preuve de compassion sans se vautrer dans la plus criminelle des bêtises : même meurtrie dans sa chair, Vyl, violente et imprévisible, venait de faire la démonstration de sa détermination. Qui pouvait en vouloir à Blomghal de prendre les mesures qui s’imposaient pour s’éviter quelques débordements belliqueux ?

Mais, à l’indignation de Kerreckson, l’homme l’avait abreuvée et l’avait même soignée. C’était bien plus qu’on pouvait espérer d’un ennemi. Même un Elfe hautain n’aurait pas fait preuve d’autant de charité ! Lorsque l’eau avait giclé de la besace de l’officier, la menace du poison avait tout de suite germé dans l’esprit tourmenté de la Drow. Elle s’était imaginée crevant dans les plus infâmes tourments, les tripes dissoutes par quelque mixture. Pourtant, la fraîcheur du liquide avait étanché sa soif mortelle. L’application du baume lui avait certes arraché des larmes bien involontaires, mais déjà, elle ressentait les effets bénéfiques des soins prodigués avec douceur et commisération. Ne demeurait que cette fièvre tenace, qui disparaîtrait sans doute avec le feu de l’infection.

"Comment vous appelez vous? Je suis le lieutenant Blomghal et l'homme fier que vous voyez là bas est le sergent Kerreckson. Voyez, vous avez prouvé votre valeur en agissant de manière désespérée et courageuse, moi je vous la montre par le respect que je vous offre. "

Toujours aucune menace derrière cette voix chaude et vibrante. Seul le susnommé Kerreckson manifestait encore et toujours son hostilité. Blomghal tenait la bride haute à son sous-officier. Vyl dévisagea le soldat qui malmenait les herbes folles. Elle grava chacun de ses traits dans sa mémoire de tueuse, se promettant, - si Uriz dans sa grande bonté persistait à lui prodiguer ses bienfaits en la tenant sauve et vaillante -, de retrouver le bougre un jour et de jouer avec sa hache. Si sa bouche n’avait pas été aussi sèche, elle aurait craché entre les bottes du Sergent pour lui marquer sa haine et son dégoût…

Puis elle tourna son regard vers Blomghal. Elle plongea le tison de son regard enfiévré dans les yeux de l’Officier qui la dominait de toute sa taille. Il portait beau, et devait susciter la convoitise des femelles de sa race. Pour la Drow, il n’était pas plus attrayant qu’un Nain, même s’il puait beaucoup moins. Vyl se rappelait la caresse de Blomghal sur sa joue : tendre, délicate, comme elle se représentait une caresse paternelle. Pas moyen de retourner les charmes de sa débordante féminité contre lui : bien que tonique et gaillard, son geôlier n’avait pas la bagatelle en tête.

« Je me nomme Ilwe Zahanson, Lieutenant Blomghal. Je suis mercenaire en quête d’un contrat. Je traversais l’Oësgard en direction de la grande forteresse de l’Est quand les loups m’ont attaquée. La fièvre m’a désorientée et je suis perdue dans ton bocage… »
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Herménégildoricius
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeLun 5 Oct 2009 - 19:17

N'ayant pas été enfanté par une averse toute récente, le lieutenant décida de garder une certaine reserve quant à la valeur à porter aux allégations d'une ennemie mortelle, fut-elle ravissante. Il contempla un temps le corps étendu sur le sol et s'interrogea un instant sur la façon la plus sécure de ramener ce bien délicieux gibier au Baudrier d'Argent, grand amateur de telles prises. N'ayant guère le loisir de laisser son esprit vagabonder afin de trouver une solution idéale, il opta pour l'efficacité.

Blomghal posa la main sur le front de Vyl et jaugea ainsi de sa fièvre. La créature, bien que rassénérée par l'eau et l'onguent ne serait certainement pas en mesure de trotter derriere les montures des Oesgardiens.

"Kerreckson, ayez l'obligeance de nouer les chevilles de notre aimable captive je vous prie." décréta-t-il, le torse un rien bombé.

"Il sera fait selon votre volonté, sire."

Le sergent, las et frustré de n'avoir pu laisser un cours plus pleinement libre à son courroux se saisit de la corde qui subsistait encore et attacha virilement les pieds graciles de la drow. Il serra tant qu'il put les liens, emprisonnant les extremités de Vyl dans un carcan douloureux et cruel. La circulation sanguine en etait même coupée.

" Autant que faire se peut sergent, il me serait doux de ne pas avoir à sectionner les pieds de notre amie Ilwe à notre arrivée, entière elle nous sera bien plus profitable. "

Appréhendant sans peine le commandement implicite que lui faisait Blomghal, le subordonné se hâta de dénouer un peu les liens. Plein d'amertume légitime, Kerreckson souleva l'immonde corps inhumain et le cala sur l'avant de la selle du lieutenant. Lui même n'aurait guère pu s'empêcher de la molester durant la chevauchée qui les ramènerait vers Oesgard, la mère de l'espoir. D'un regard entendu avec son superieur, il se remit en selle.

Ils chevauchèrent tout deux jusqu'à la citadelle d'airin d'Oesgard. L'imprenable et eternelle forteresse de la baronnie. Après maints passages de sécurité et délivrement de sauf conduits, la petite troupe s'avança sur le pont levis. A l'extrémité, des gens d'arme fortement armés de séantes hallebardes les accueillirent avec chaleur.

Ils empoignèrent la drow et lui bandèrent les yeux en plaisantant grassement sur ses attributs affriolants. L'un d'entre eux, plus outrecuidant et gaulois que ses comparses alla jusqu'à tenter une main posée sur un endroit audacieux de l'anatomie de Vyl. Ils congratulèrent Blomghal et Kerreckson et la conduisirent dans un dédale de couloirs, gravirent des escaliers en colimaçon et après une bonne lieue de marche dans les fortifications de la cité ils parvinrent devant une imposante et massive porte de chêne. Un colosse en armure ouvrit l'un des battants.

Les cuistres soudards poussèrent la drow dans la pièce obscure en lui retirant d'un geste le bandeau qui l'aveuglait.

Elle put distinguer une pièce d'une hauteur de plafond vertigineuse. Les murs de granits étaient percés de rares ouvertures, toutes placées à huit ou dix metres du sol. Des dalles de pierre polie garnissaient ce lieu qui n'etait autre que la salle de réunion du baudrier d'argent. le galant homme, habie escrimeur et orateur de talent était semblable à une statue de marbre, son armure lourde faisait ressortir sa carrure d'une manière à le rendre très impressionant.

Lorsqu'elle penetra en ce lieux lugubre, il était face à une table sculptée aux côtés de deux vieillards en toge pourpre. Ils paraisaient examiner une carte avec attention.

Herménégildoricius leva la tête et toisa la jeune drow un long moment en souriant d'un air narquois, presque sournois devrait on dire...

Deux gardes d'élite de la baronnie se trouvaient près de la porte, de aprt et d'autre de Vyl, immobiles.

Le Baudrier d'argent étendit les bras et lança chaleureusement un clair et triomphant:

"Goûtez donc, coquette, l'hospitalité de ma maison"
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeLun 5 Oct 2009 - 23:26

A leur place, et eux à la mienne, je les aurais traînés au cul de ma monture jusqu’à ce que leurs deux corps ne soient plus que charpies sanglantes !

Que s’imaginaient ces deux cuistres en m’accordant quelque valeur ? Un soldat de mon rang pris en rase campagne ne valait pas plus qu’un cadavre faisandé !

Et l’on me traitait comme un trésor !

Aucun Drow mâle n’aurait fait preuve d’autant d’égard pour son épouse que l’officier aux cheveux d’argent à mon endroit. Le voilà qui avait morigéné son porc de laquais lorsque ce dernier avait lié mes chevilles à m’en faire tomber les pieds ! Au moins ce Kerreckson, - Uriz le maudisse et afflige sa descendance, et la descendance de sa descendance, des tares les plus obscènes ! -, accomplissait-il sa tâche avec quelque talent. S’il n’avait tenu qu’à lui, ma cervelle aurait douché la neige d’une glaire rouge et mousseuse, quand toute à l’heure, il avait brandi sa hache comme un guerrier véritable.

Ce Blomghal avait pour moi la galanterie qui sied certainement à la donzelle qu’on mène danser à son premier bal.

Etait-ce là pitié ou perversité folle ?

J’aurais préféré mille fois qu’il me batte, et tente de m’arracher quelque information par la plus délirante des violences. A ce prix, j’aurais pu garder un temps encore le respect de moi-même !

En mon fort intérieur, je remerciais les Dieux qu’aucun de mes compatriotes ne puisse jouir de ce spectacle avilissant. Caressée, soignée, et abreuvée par l’ennemi, je serai devenue la risée de la Nation Drow, du Puy d’Elda jusqu’aux confins des Terres Stériles…

L’officier n’avait eu cure des informations que je lui avais données d’un air si détaché. Ilwe ! C’est le premier nom qui m’était venu aux lèvres. Celui d'une voluptueuse traînée qui chauffait ma couche, - avec brio il faut le dire - , lorsque je stationnais au Puy avec le reste de la troupe ! Et je n’avais pas trouvé mieux que « zahanson » comme patronyme. Un mot qui avait eu pour moi, lorsque j’étais enfant, des ensorcelantes vertus. "Eclaireur " ! Je m’imaginais alors ouvrir la route aux hordes silencieuses et noires comme la Mort qui déferlaient sur les contrées de l’ouest…

Je suis certaine que le vieux ne m’avait pas crue.

S’il m’avait prise pour une quelconque vagabonde errant de nuit dans le bocage oësgardien, ma race à elle seule m’aurait condamnée, et le Kerreckson aurait eu le privilège et l’avantage de me tailler en pièces et de jeter mes restes aux chiens.

Non !

Blomghal devait me considérer comme l’avant-garde des ennuis à venir ! Une espionne rôdant sur les terres de son maître pour préparer quelques raids. Et s’il me laissait vivante, c’était pour mieux me conduire auprès de ceux qui sauraient me délier la langue.

Encore cette inculture, cette méconnaissance de l’ennemi qui caractérisait ces hommes si imbus de leur intelligence. Comme si un soldat Drow savait quoi que ce soit de la stratégie du Karliik Glenn, Uriz le protège ! Les demis Dieux ne partagent pas avec les insectes !

Je ne savais rien. Et je m’apprêtais donc à leur chanter une petite chanson de ma manière pour structurer mon silence. Ruminant et ressassant sans cesse pour que l’histoire inventée trouve son chemin et se love au plus profond de mon esprit, comme un serpent perfide. Sous la torture, il me suffirait alors de ne songer qu’à cette mélodie là et à aucune autre...

Du voyage jusqu’à leur forteresse, je ne me souvenais rien.

S’il est une chose que j’avais apprise, c’était dormir lorsque l’occasion se présentait. L’onguent appliqué sur ma plaie prodiguait ses vertus curatives. Et après la douleur, c’était la fièvre qui m’abandonnait.

En travers de la selle de Blomghal, j’avais donc plongé dans un profond sommeil. Que craindre d’un tel parangon de vertus et d’élégance, sinon qu’il mène sa monture bon train afin que les informations qu’il espérait me voir divulguer ne s’éventent point en route, frappée d’une soudaine péremption ?

Les chacals qui m’accueillirent n’eurent pas tous ces égards, eux !

Je crois même me rappeler que l’un d’eux laissa promener une main pleine de doigts sur mon corps, riant gras et proférant des promesses que le pauvre n’aurait jamais pu tenir tant sa virilité n’aurait pas suffit à me satisfaire ne serait-ce qu’une heure ! Je faisais mine de le mordre. Ce qu’il goûta presque autant que si je l’avais embrassé, et provoqua chez ses camarades une hilarité rafraîchissante. J’espérais, méprisante, que ces hommes d’armes soient plus doués au jeu de la guerre qu’à ceux de l’esprit. Car alors nous n’aurions que peu de gloire à fouler aux pieds ces vermines…

Et me voilà maintenant face au Seigneur de la Forteresse de l’Est.

Ce porc me fixe de son œil unique, aussi sombre que doit l’être son âme.

Je le détaille, lippe dédaigneuse et distante.

Haute stature, l’homme semble un robuste guerrier. Ses épaules sont larges et galbées, et ses bras emplissent ses manches. La puissance musculaire d’un quidam accoutumé à manier une arme lourde : marteau, hache à deux mains ou autres joyeusetés de cet acabit. La cuirasse qu’il arbore crânement renforce cette impression de force et d’assurance qui émane de toute sa personne lorsqu’il redresse la tête et m’invite d’un geste à le rejoindre.

Mais c’est son visage qui fixe mon intérêt. Si le faciès de l’animal reflète son âme, il y a fort à parier que ce porc jouit d’une double personnalité : l'une lumineuse, l'autre maléfique ! Car la finesse des traits de la moitié droite de sa face est contrebalancée par la laideur ravagée de la moitié gauche, profondément balafrée et borgne. Un ennemi à considérer avec prudence et circonspection qui fleure la violence et le danger autant que la vinasse et la femelle pas propre...

La cicatrice n’est pas pour me déplaire : j’aime les blessures de guerre et l’histoire qu’elles racontent à ceux qui les admirent. Dans d’autres circonstances, je caresserais bien celle là pour qu’elle me parle du jour de sa naissance. Mais la singularité de son regard me rebute tout à fait : jamais un Drow n’oserait enfoncer dans une orbite vide un morceau de verre aussi grossier ! Mieux vaut un orifice béant que cette mascarade !

"Goûtez donc, coquette, l'hospitalité de ma maison"

Coquette ? J’ignore le sens de ce mot, mais il ne sonne pas comme une injure. Au ton, je devine que le balafré n’est point encore hostile. La commissure de ses lèvres se relève dans un demi-sourire. Instinctivement, je distingue même un mélange de charme et d’ironie.

Je prends mes marques et établis mes repères.

J’ai les mains attachées, toujours. Mais les deux balourds qui m’accompagnent portent armes tranchantes sur le fil desquelles je peux espérer frotter mes liens. J'ai pour moi la vigueur et la célérité nécessaires à ce genre de manoeuvre.

Les deux vieillards d’écarlate vêtus m’intriguent. Ils siègent à la seule grande table de la pièce et je ne comprends pas encore à quoi ils s’occupent.

Je suis dans une souricière, et je ne vois guère comment m’en sortir sans dommage.

L’un des deux gardes d’escorte portent mon barda et mes armes. Certainement pour qu’on les fouille séant.

Mais nul n’a pris la peine de se livrer à des investigations plus poussées sur ma personne, et j’ai toujours sur moi, dans une de mes cnémides, entre fer et renfort de cuir, ce merveilleux stylet que je me vois bien enfoncer dans la gorge du Seigneur d’Oësgard juste avant de me laisser abattre par ses sbires...

Mais d’ici à ce que le hasard m’offre l’une de ces agréables surprises auxquelles il m’a habituée, j’ai ma petite chanson à chanter.

« Seigneur, ton invitation m’honore… Permet moi de te présenter mes respectueux hommages. Je me nomme Ilwe, et je suis à ton service… »
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMar 6 Oct 2009 - 16:29

Aussi étourdissant que la chose puisse paraître à un béotien en matière de drow, la jeune diablerie faisait montre d'un raffinement tout particulier dans son phrasé et dans sa tenue. Le baudrier s'en émut mais sut rester stoïque. La présence de Vyl en ses très saints murs était une nouvelle fâcheuse car elle annonçait peut être une tempête qui le conduirait à corriger sans ménagement deux ennemis dont l'un se trouvait animé par des atrocités magiques. Vyl était d'une certaine façon l'ambassadrice de cette engeance pervertie jusqu'à un point difficilement envisageable pour l'âme humaine.

Herménégildoricius ne put réprimer un élan d'hilarité après quelque secondes pasées à se contenir tant que son flegme le lui permettait.

" Tes respectueux hommages... hahaha..."

Répéta-t-il comme si il s'agissait de quelque calembour d'une finesse telle que nul (pas même son créateur) n'en soupçonnait le potentiel comique. Les ancêtres firent mine de partager ce moment de joie extravertie, de même que les gardes qui feignirent d'avoir percé à jour le trait d'humour que le baudrier semblait avoir décelé dans ce message en apparence si anodin.

Après que tous se sont remis de leurs émotions, Tourmalin, digne maître des lieux tourna à nouveau son attention sur la drow qui salissait de sa seule présence le magnifique sol qu'il venait de faire briquer par ses laquais. L'envie d'executer séance tenante cette intruse le prit mais il décida qu'elle pourrait bien servir à quelque tâche d'un intérêt ridicule voir délivrer quelque informations.

Il congédia ses deux vétustes conseillers puis s'approcha de Vyl, ses pièces d'armure cliquetant à chaque mouvement. Une fois suffisamment proche d'elle, il s'adressa à un des gardes.

"Zélé gardien, met cette ribaude à mes genoux"

Sitot dit, sitot fait. Le reître asséna un ahurissant coup de hampe dans le dos de Vyl à lui en décoller tout les organes du corps et alors qu'elle s'affaissait, le Baudrier enchaîna d'un coup de pied magistral dans le crâne de la pauvre créature. La violence de ce deuxième acte de barbarie satisfaite était sans mesure bien que par chance, notre officier superieur n'avait point de chausses ferrées en cet instant.

"Et voilà mes non moins respectueux hommages, infâme monstre!" s'écria-t-il en grimaçant. Il cracha sur le corps endolori de la drow et recula d'un pas afin de pouvoir contempler avec plus d'aise le spectacle d'un ennemi acculé.

L'un des gardes déposa l'équipement ponctionné sur la créature et l'étala sur le sol. Le Baudrier inspecta du coin de l'oeil les ustensiles et objets bigarrés qu'il contenait. Il siffla avec morgue et force mépris.

"Mettez tout cela aux ordures, elle n'aura bientot cure de ses effets personnels."

Il marqua une pause avant de s'exprimer plus longuement.

"Je vous traite avec encore bien trop d'égard, Ilwe, mais que voulez vous, je suis une âme si pure et digne de louange que je ne me résous point à molester une femelle, fut-elle d'une autre espece. Ceci dit... si vous vous comportez comme vous autres les anges noirs de l'est avez coutume de le faire... Je me verrais dans l'obligation de vous confier à mon bourreau et croyez le, cela me ferait un bleu au coeur d'être contraint d'arriver à une si cruelle extrémité."

Le discours, bien que bellement enlangagié trahissait un désir puissant d'en finir avec la bête, mais refrénant son ardeur, le baudrier désirait simplement en savoir plus sur la présence de cette drows au beau milieu de la campagne d'Oesgard.

"Alors Ilwe, mon lieutenant qui vous recueillit il y a peu m'a fait part de votre version des faits un peu spécieuse à mon gout... Ainsi vous seriez une mercenaire drow en quête d'un juteux contrat que la fièvre a pris au dépourvu? Votre imagination est admirable et je serais fort marri de ne pas vous voir la cervelle avec plus de détails... Soyez donc honnête avec moi et je vous laisserai la vie sauve, j'ai toujours tenu parole. Que maniganciez vous en nos contrées?"

Le ton était désormais très menaçant et la face rieuse d'Hermenegildoricius avait disparu au profit d'une mine terrible qu'il se plaisait à prendre lorsqu'il avait l'idée de faire trembler un ladre qui osait le défier ou remettre en cause le génie de ses plans.
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMar 6 Oct 2009 - 23:00

A plat ventre sur le sol, Vyl Thanat’Khor se remettait mal du traitement que Herménégildoricius venait de lui infliger. Elle avait cru que son crâne allait éclater comme une pastèque trop mûre sous la violence du choc. Heureusement pour elle, le soudard, avec un œil unique, avait depuis longtemps perdu la faculté d’apprécier les distances avec exactitude, et trop long de quelques pouces, il avait raté la tempe et porté l’estocade non pas avec la pointe de sa botte, mais avec son coup de pied. Il n’en demeurait pas moins que, sous l’impact, le cuir chevelu avait éclaté, et que le sang pissait. La pièce avait basculé dans un épais brouillard sous le manteau duquel se mouvaient des silhouettes indistinctes. Les sons ne parvenaient plus à Vyl qu’étouffés et lointains, comme couverts par la vibration grave et profonde d’une cloche. Aussi n’entendait-elle pas distinctement les calembredaines du Seigneur de la Forteresse de l’Est.

Ses reins la lançaient cruellement. Certainement ce généreux coup de lance dont l’un des gardes l’avait gratifiée pour qu’elle s’agenouille devant le Maître.

L’esprit lui revenant peu à peu, la Sombre se remémorait les rires incrédules des pleutres courbant l’échine devant leur Seigneur. Tous avaient ri pour ne pas laisser le Balafré s’esbaudir seul de ses traits d’humour. Pour celui qui savait interpréter les signes, la réaction des reîtres et des vieillards n’avait rien d’anecdotique, bien au contraire. Elle en disait long sur la peur viscérale qu’engendrait le Borgne parmi ses gens. Elle parlait de sa cruauté et de sa violence. Le Tourmalin aurait tout aussi bien pu être Drow tant chez lui ces deux sentiments s’exprimaient sans inhibition.

"Tant mieux, songea Vyl Thanat'Khor pour elle même. Je ne souffrirai pas longtemps ! Ce porc me tuera sans même le vouloir, juste pour satisfaire ses instincts"

Elle avait maintenant repris connaissance, mais n’en laissait rien paraître. Le souffle court, la guerrière récupérait, le visage baignant dans la flaque rouge vif qui maculait les dalles. Elle s’était préparée à l’éventualité de l’intimidation et de la torture. Et lorsqu’elle les deux vieillards chenus cédèrent la place, quittant les lieux en longeant les murs, comme des chiens craintifs qui tentent d’échapper à quelques coups de pied de leur maître, elle fut à demi soulagée. Vyl avait cru avoir à faire avec des sorciers, ou autres engeances vouées à la scintillation et aux maléfices. Des magiciens qui auraient sondé son âme en multipliant les sortilèges, la laissant à toute fin sombrer dans la folie. Ainsi donc, elle n’aurait qu’à supporter des coups. Même les plus bas et les plus vils. Et cette éventualité ne l’effrayait pas plus que cela. Aussi loin que remontaient ses souvenirs, elle avait toujours été battue, et lorsque son corps de femelle avait brisé la chrysalide de l’enfance, elle avait été maintes fois violée et abusée. Au point qu’elle ne se rappelait plus la dernière fois où elle s’était sentie salie ou avilie. La fange des porcheries du Puy d’Elda immunisait même contre l’insurmontable…

La voix d’Herménégildoricius résonnait dans la tête endolorie de la prisonnière. Manifestement, l’Homme adorait le son de sa voix et aimait à s’écouter pérorer. Et tous les autres le savaient qui se muraient dans leur silence, attendant que le flot des paroles se tarisse, comme d’autres, la fin d’une belle averse.

« Je (…) égard, Ilwe, (…) voulez vous, je (…) âme si pure (…) une femelle, (…) espèce. Ceci dit (...) vous vous (…) anges noirs de l'est (…) coutume (...).vous (…) bourreau (…) me (…) bleu (…) contraint (…) si cruelle (...) »

Les mots se succédaient, mais privée de toute capacité de concentration, la Drow ne percevait plus le sens général des phrases que son tortionnaire enchaînait à la volée. Quelques expressions trouvaient leur chemin jusqu’à l’intelligence de la guerrière, le reste coulant corps et bien dans les profondeurs de sa confusion. Seulement, l’instinct de survie dictait à la Sombre de recouvrer au plus vite la maîtrise d’elle-même. Son silence aurait pu être interprété comme sa volonté établie de ne point collaborer avec les Oësgardiens. Ce qui n’aurait pas manqué de provoquer une nouvelle volée de bois vert…

Vyl respira donc profondément, irriguant son cerveau, rassemblant ses forces pour les dédier toutes entières à sa capacité d’entendement. Malgré la violence du coup de botte, elle ne ressentait aucune nausée et la sensation de vertige s’estompait rapidement. Il n’était pas à craindre un épanchement de sang dans la boîte crânienne, ni de fracture insidieuse. Elle survivrait à ce coup là au moins. Puisant dans des réserves qui se reconstituaient à vive allure, la Sargtlin parvint à se mettre à quatre pattes. Mais elle ne poussa pas ses efforts jusqu’à tenter de se redresser, se contentant de s’asseoir sur le sol. D’un geste assuré, elle porta sa main à sa tête, et d’une pression de la paume, arrêta le flot de sang qui inondait son visage. Prudente, elle feignit d’être totalement grogui, levant vers le Maître des Lieux un regard hébété qui dissimulait bien son envie de meurtre.

« (…) Soyez donc honnête avec moi et je vous laisserai la vie sauve, j'ai toujours tenu parole. Que maniganciez vous en nos contrées? »

Vyl s’ébroua. Elle songea un instant à son stylet, et elle se vit plonger la lame dans le mollet de coq du Borgne. Elle aurait tranché les tendons juste sous le genou, l’entraînant à terre avec elle pour mieux lui arracher le seul œil qui lui restait. Elle savait que sa force la plaçait bien au dessus du colosse, et qu’il lui aurait fallu une poignée de secondes pour l’emmener avec elle dans l’au-delà. Les deux molosses avinés qui l’entouraient auraient eu raison d’elle, mais trop tard. Pourtant, la Sombre choisit de ronger son frein. Elle se remettait peu à peu de sa fièvre et du coup à la tête. Inutile de mourir en manquant sa cible…

« Seigneur, je comprends sans peine que tu puisses douter de ma parole… Mais je ne peux pas te conter une autre histoire que la mienne pour sauver ma vie… J’ai toujours couru le monde pour vendre mes services, et si tu daignes m’épargner, j’espère le faire encore pendant de longues années…

Tout en Vyl respirait la sincérité, comme il sied à tout être corrompu qui ne fait plus le partage entre le mensonge et la réalité. Elle parlait d’une voix claire, réfrénant comme elle pouvait son accent guttural. Elle parlait d’une voix profonde et sensuelle, regardant le Balafré droit dans son œil unique.

« Tes hommes m’ont capturée sans que je manifeste la moindre résistance. A peine ai-je fait comprendre au plus jeune des deux qu’il ne devait pas pointer le fer de sa lance contre mon sein… N’aurais-je pas tenté de fuir si j’avais quelque chose à me reprocher ? Quant à la fièvre, je ne l’ai pas prise en traversant le bocage de l’Oësgard, mais parce que j’ai été attaquée par les loups… »

Il fallait en donner davantage au Borgne, et Vyl choisit de conter son histoire en la modifiant seulement quant à ses objectifs personnels.

« J’ai été attaquée par des loups affamés en Serramire… Car c’est de là bas que je viens… J'avais un compte personnel à régler dans la région de Versmilia : un bûcheron et son père... Trop long à expliquer... Pour me venger, j’ai tué trois chiens galeux de Serramirois et j’en ai blessé un quatrième. Les patrouilles du Duc m’ont donné la chasse, et j’ai du incendier la forêt sur la frontière pour m’enfuir. C’est là que j’ai été attaquée par des bêtes affamées dont l’une, avant que je ne la crève, m’a sauvagement mordue… »

Joignant le geste à la parole, Vyl pointa du doigt en direction de Serramire.

« Tu peux faire vérifier mes dires, Seigneur, en envoyant tes hommes à la frontière. Ils verront quelques âcres de forêt détruits par le feu. Ils pourront même interroger les paysans, parce que des cavaliers de Serramire ont pénétré tes terres pour me donner la chasse… Avec les mouvements de troupes en Oësgard, j’ai pensé que tu n’hésiterais pas à payer des mercenaires pour nettoyer la campagne… Je rejoignais ta Forteresse lorsque la fièvre m’a prise à cause de cette maudite morsure… Crois-tu qu’une guerrière suffisamment avisée pour échapper à une vingtaine de cavaliers se laisserait capturer sans dommage par deux hommes ? »

La Sombre baissa la tête, simulant la fatigue et le découragement.

« Je ne manigançais rien d’autre que mon recrutement parmi tes hommes d’armes, Seigneur. Pour me venger de Serramire… »
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeJeu 8 Oct 2009 - 17:09

Voyant l'insigne cruauté qu'il mettait à l'oeuvre, le baudrier fut contraint de se raisonner. Garder les convenances n'était pas un luxe dans un monde déchu comme l'était Miradelphia. Il calma son humeur et entendit d'un air plus détaché le récit de la drow ensanglantée. Il posa son auguste séant sur un tabouret de pierre et médita. Le récit était singulier, certes, mais nullement fantaisiste. Il est fort probable que la belle fut prise en chasse par les immondes pantins du duc... Ce fat si formel.

Une ennemie acharnée de Merwyn ne pouvait pas être traitée de la sorte, de quelque engeance qu'elle fut. Mais De Tourmalin était bien avisé de ne pas se fier au premier venu, quoique ses dires puissent être instructifs et de bon usage.

Il passa une main lasse sur sa nuque et jaugea son hôte. Il se fit la reflexion que les drows paraissaient moins éclatant lorsque leur visage se trouvait maculé de sang. Ses ardeurs chevaleresques enfin apaisées, le pompeux Herménégildoricius se leva et s'exprima avec une chaleur peu coutumière dans l'intonation :

" Ainsi donc avez-vous eu l'intrépidité de vous dresser devant la dictature du duc Merwyn de Serramire? Je vous en sais gré, je ne le porte pas en très haute estime, ainsi que le faisait notre défunt baron." Fit-il, un brin satisfait de la tournure que prenaient les événements. il enchaîna hâtivement en faisant les cent-pas.

" J'ai le vif déplaisir de vous détromper, dame drow. Ici à Oesgard nous n'avons pas pour tradition d'accepter les services de ceux de votre espèce. Croyez bien que cela me navre mais nous sommes soumis à un code strict ou l'honneur et l'intégrité tiennent une place essentielle... je ne puis, avec toute..."

Il fut brusquement interrompu par la grande porte qui s'ouvrit avec force violence et fracas. Le sang du baudrier ne fit qu'un tour. Il s'immobilisa et toisa avec douleur l'un de ses hommes en loques, extenué par une course folle qui tomba à genoux dès son entrée. Les gardes eurent un moment d'absence mais craignant que la captive ne s'échappe, ils placèrent le tranchant de leurs lames près de la nuque de Vyl, prêts à l'embrocher au moindre geste coupable.

L'importun personnage qui avait osé troubler la séance de son officier général, ayant repris ses esprits et une part de son souffle ainsi qu'un soupçon de salive put hurler à sa guise :

"LES BRIGAAANDS!!!! LES BRIGANDS SONT EN OESGARD! A TROIS JOURS D'ICI SEIGNEUR!!!"

L'écho désesperé de la voix du brave sire résonna dans la salle monumentale, jetant sur les coeurs une poignée de glaçons propre à désarmer le courage du plus résolu des preux. Le messager tomba en pamoîson et Herménégildoricius, impassible, fronça les sourcils.

* C'est bien ce que je craignais...* pensa-t-il


Il héla.

"HEP!"

Les deux vénérables conseillers sortirent de leur repaire et se présentèrent obséquieusement au maître des lieux qui leur susurra quelque ordres à l'oreille. Les ancêtres bleuirent et se sentir défaillir mais la résolution d'Herménégildoricius les rendit aussi stoïque que leur maître et ils se hâtèrent d'accomplir sa volonté.

A peine trente seconde s'écoulèrent entre le moment ou les deux patriarche quittèrent la salle et celui ou un son colossal fit trembler les murs de toute la citadelle. Tout ceux quis s'y trouvaient connurent une sensation de malaise tant la puissance de ce tintement grave faisait vibrer le corps. Une cloche démesurée, au sommet de la plus haute tour, sonnait le glas de la résistance à Merwyn et au roi des humains. Dans un tonerre grandiose, les ordres du baudrier s'égrainaient en ce moment même par la bouche des sages et de cette cloche qui ordonnait la prise de dispositions extraordinaires.

Quelque minutes ou la raison s'éteignit, ou nul ne pouvait s'exprimer tant le son environnant était pesant et lourd. La voix humaine ne pouvait pas se faire entendre au dessus de cet appel aux ultimes ressources de la nations.

Enfin le silence revint. Un silence absolu.

Le baudrier regarda Vyl de son oeil unique avec une morgue terrible. Il se retint de la couper en fin morceaux et de l'immoler par le feu avant de renvoyer les cendres de la creature à ses infâmes diables de freres ou encore de la crucifier sur ses murs afin d'apprendre aux cuistres ce qu'il en coûte de s'opposer à la volonté d'Oesgard.

Il croisa les bras.

"Des explications. Et une raison de ne pas vous faire endurer la mort la plus lente qu'il soit possible d'infliger." Dit-il. Son calme était terrible à voir, lui si prompt au courroux se trouvait parfaitement maître de lui-même. Comme si la menace venait d'elle...
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeVen 9 Oct 2009 - 9:32

Dire que le sadique avait engamé son histoire comme le brochet avide, le vif sur son hameçon ! Dire qu’elle était sur le point de réussir à l’aveugler en brandissant telle une épée flamboyante sa soif de vengeance contre Serramire ! Vyl Thanat’Khor avait eu dans la voix de tels accents de vérité qu’elle aurait presque pu douter elle-même que la réalité fut différente ! Le Tourmalin d’était presque excuser de ne pas pouvoir l’enrôler dans sa troupe ! Comme elle avait apprécié à sa juste valeur la bonne excuse de l’honneur et de l’intégrité dans la bouche d’un tel soudard !

Et soudain, ce pleutre d’éclaireur, cette larve servile abîmée par sa course frénétique, avait fait irruption tel un courant d’air dans la salle d’audience, souillant l’atmosphère ambiante de l’odeur faisandée de sa sueur et de sa couardise. Comble du déshonneur, le déchet gisait maintenant inconscient aux pieds de son maître, l’œil révulsé… Etait-ce là les grands soldats de l’Oësgard ? La Drow pensa en elle-même que le quidam serait mort si au lieu d’apercevoir une poignée de brigands, il avait du affronter la vision apocalyptique de l’Ost Noir déferlant sur les contrées de l’Ouest, vague meurtrière et silencieuse…

Herménégildoricius de Tourmalin avait donné ses ordres d’une voix calme, et on sonnait le branle bas de combat. Une cloche résonna, timbre morne et lugubre, répercutant l’alerte à la soldatesque du château, et au-delà de la haute enceinte, à tous les Oësgardiens. Pauvre vermine grouillante que les cataclysmes de leur histoire affaiblissaient davantage d’heure en heure. Encore une fois, les pâtres du bocage aurait à choisir entre mourir en se battant ou crever comme des lâches, terrés dans leurs baraques délabrées. La guerrière se remémora la plaine dévastée crevant sous les assauts de l’hiver, les chaumières barricadées, les cheminées qui ne fumaient plus malgré le froid pour ne donner à quiconque traversait la plaine le moindre signe de vie. Et elle réprima mal ce sourire cruel qu’elle avait parfois et qui la défigurait, hideuse cicatrice qui reflétait les secrets de son âme.

Vyl blêmit néanmoins, autant que sa peau sombre le lui permit. Le remue ménage des gardes courant au rassemblement, le fracas des hallebardes qu’on tire prestement des râteliers d’armes, les ordres aboyées par les sergents, tout cela lui rappelait les délices de la guerre.

La Drow avait compris en quittant le Puy que les Triumvires tramaient quelque chose. Comme tous ses frères de sang qui appelait de leurs vœux une revanche contre la débâcle d’Alonna, elle n’aspirait qu’au combat. Son orgueil criait vengeance contre cette Humanité éphémère et faible qui pensait pouvoir donner des leçons au monde entier. Les vieilles Races n’avaient rien à tirer des humains décadents, sinon à les considérer comme des bêtes de somme. L’Homme semblait d’ailleurs parfaitement adapté à la servilité qu’il acceptait comme une fatalité, comme si son destin était d’éternellement courbé l’échine. Se plier aux règles établies ainsi qu’à la morale, sacrifier aux commandements de la religion, baisser la tête devant des Seigneurs qui se gavaient des fruits de leurs privilèges sans jamais satisfaire au devoir universel des castes dominantes : s’ériger comme exemple à la face des autres, tel lui apparaissait le sort des humains : la condamnation de vivre à genoux, les yeux implorant tournés vers les Dieux…

Vyl ne savait rien des plans du Karliik Glenn. La mission de reconnaissance qu’on lui avait confiée n’était que de pure routine. Les Drows passaient leur temps à espionner leurs voisins, et la Dothka envoyait ses yeux dans le monde entier pour construire et maintenir dans sa toute puissance le plus magnifique réseau de renseignement de la civilisation. Mais elle craignait soudain que les festivités débutent sans qu’elle puisse y prendre part. Que l’Histoire de la Nation Drow s’écrive sans elle, par delà les murailles de cette noire citadelle. Et son visage tout entier se ferma à la seule idée de mourir là, entravée comme une esclave, sous les coups d’une brute avinée. Ses lèvres se pincèrent, et ses yeux se plissèrent, comme si l’effroi l’avait submergée.

Lorsque enfin elle redressa la tête, son regard croisa celui du Baudrier d’Argent qui ruminait sa haine, derrière un calme trompeur. Pour celui qui savait laisser parler son instinct, le ton de sa voix ne dissimulait rien de la haine incommensurable qui germait derrière son visage de cire. Et la Sombre se promit à elle-même de lui briser les vertèbres plutôt que d’endurer une seule fois encore l’humiliation de ses coups.

"Des explications. Et une raison de ne pas vous faire endurer la mort la plus lente qu'il soit possible d'infliger."

La guerrière ne parvenait plus à cacher le malaise que lui inspirait son impuissance. Sa crispation était si intense que tous ses muscles s’étaient raidis et qu’elle sentait son sang palpiter à ses tempes. Fière et arrogante, elle fixa froidement le Balafré. Malgré ses liens, son visage ensanglanté et sa posture, - elle était demeurée assise sur le sol pour reprendre complètement ses esprits et ses forces -, elle ressemblait soudain à quelque princesse captive, courageuse et hautaine. Sa voix sonnait clair.

« Tu as sur moi, Seigneur, le pouvoir de vie et de mort. Est-il nécessaire que tu m’insultes ? Tue moi, fracasse mes os, découpe mes chairs, gorge toi de ma vie et de mon sang ! Mais, par les Dieux, ne souille pas mon honneur… Je n’ai que faire de tes brigands sordides ! Je suis mercenaire, Seigneur, et je n’ai jamais combattu que contre pécunes, vendant mes services dans les villes libres. Regarde mes armes que tu as fait saisir. Tu es homme raffiné et tu possèdes l’art de la guerre tel un maître : il ne t’échappera pas que l’arc, comme les lames, valent à elles seules plusieurs fois leur poids d’or ; qu’appareillées, elles n’ont rien à voir avec ses équipements hétéroclites qui caractérisent les malandrins. Combien de décennies de larcin faudrait-il pour s’offrir de tels bijoux ? Ce sont là mes outils de travail, et comme le forgeron chérit marteau et enclume, je les entretiens parce que ma vie dépend de leur toute puissance…

Vyl se tut un instant, laissant le silence s’installer. Pour mieux redresser la tête, la bouche tordue par une colère à peine réprimée, hostile.

« Tes gardes m’ont trouvée loin à l’est d’ici revenant de Serramire ! Je t’ai dit avoir incendié la forêt à la frontière ! Tout cela est vérifiable par le premier chien-courant venu ! Qu’aurais-je été faire si loin aussi loin au sud alors que ton éclaireur prétend avoir vu des Brigands en Aduram ?

Comme découragée, Vyl se rassit, ses mains liées entre les genoux. Herménégildoricius ne l’avait pas encore interrompue et elle comptait pousser cet avantage un peu plus loin.

« J’ai épuisé tous mes arguments ! Fais de moi ce que tu veux, Seigneur, mais ne commet pas l’erreur de me condamner juste parce que je traversais l’Oësgard au même moment où quelques excités couraient les bois. Je n’ai pas la même histoire qu’eux, et j’aimerais, puisque je dois mourir, qu’on ne me rabaisse pas au point de me comparer à ces fils de la fange… »
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeSam 10 Oct 2009 - 14:35

Hermenegildoricius était las, fort las de toutes ces vétilles qui le conduisaient à des bourbiers toujours plus inextricables. Cette drow était de toute évidence une créature abandonnée qui méritait la sentence fatale. malgré tout, l'urgence de la situation conduisit le Baudrier à prendre une décision plus prompte qu'il ne l'aurait voulu. Les arguments de la drow étaient convainquants bien qu'il ne put s'expliquer qu'une mercenaire de sous-race puisse envisager s'engager sous les ordres de la baronnie d'Oesgard. Lieu au bocage fleurissant et à la gouaille populaire appréciée par toute les terres civilisées certes, mais les représentants drows n'étaient généralement pas traités avec les égards que l'on espère lorsqu'on désire visiter un lieu hautement interessant.

Vyl devint l'un des soucis les plus futiles d'Herménégildoricius et il tendit l'oreille au discours de la créature sans faire montre de quelque signe d'impatience ou de courroux que ce soit. Lorsqu'elle eut achevé son laïus, il croisa les bras et dénoua les liens de son esprit si truculent. Il pesa en son for interieur le pour et le contre des directivesqu'il serait amené à prendre la concernant. Il ne la libèrerait pas, c'était bien certain. On ne relâche pas un tel ennemi dans la nature, fut elle Oesgardienne et vigoureuse!

Ses sourcils finement taillés (car il est coquet homme) froncèrent et la langue enserrée dans cette bouche si finement dessinée se délia afin qu'il puisse s'exprimer, le ton haut et la mine superbe.

"Madame Ilwe. Je vais vous faire l'insigne honneur de croire à vos dires. Cela ne m'engage que très superficiellement." Il réfléchit... "Vous êtes fort en veine car il reste justement quelque geoles inemployées au fond de nos oubliettes." Fit il en souriant, omettant un instant les périls qui menaçaient sa citadelle.

"Les bourreaux y sont de belle humeur et les compagnons de cellule ne font jamais de manières, cela devrait vous seoir puisque je vois que vous-même n'en connaissez aucunes. Je ne vous tuerais pas, enfin, pas pour le moment. J'ai l'idée que la solitude et l'ennui seront un poison bien plus mortel que toutes nos armes effilées."

Il enjoignit les deux gardes à l'emmener de force vers les funestes bas-fonds de la citadelle. Ceux-ci s'executèrent sans demander leur reste tandis que Baudrier se penchait à nouveau sur ses vieilles cartes étalées.

"Mes amitiés au geolier!" lança-t-il à la cantonnade.

Les deux soudards et la créature méphistophélique descendirent des milliers de marches en colimaçon, pour le novice, ce voyage donnait l'impression de s'enfoncer jusque dans les entrailles de la terre. La lumière se raréfiait peu à peu, l'air devenait putride et suffoquant. Une odeur stagnante de purin et de corps en decomposition flottait partout. Les deux molosses ne semblaient pas s'en formaliser, ils pressèrent un peu le pas pourtant.

Arrivé au terme de l'infernale descente, Vyl fut présentée à un geolier à l'hygiène plus que douteuse. Il ne portait pour toute parure qu'un pagne grossier et des boucles d'oreilles de fer. Son ventre grassouillet parsemé de touffes de poils inégales le rendaient délicieusement authentique. Le type de personnage qui n'a jamais connu une goutte d'eau, sur sa peau ou dans son gosier.

A la vue de la drow, il bondit vers elle tel un primate et à l'instar des reïtres de la haute citadelle, se chargea de caresser avec force indélicatesse les courbes de la créature. Il parvint meme à donner un coup de langue à quelque endroit impromptu.

"Suffit" Hurla l'un des gardes.

Honteux de sa conduite ou peut être happé par la pieuse crainte d'être crucifié par les gardes personnels du baudrier, le geolier stoppa son activité et mena le trio jusqu'à une cage ou dormait un aventurier à la musculature plus que développée. Vyl fut jetée en sa compagnie et la porte fut verrouillée à l'aide d'une clé et d'une chaine.

L'homme n'avait rien d'un compagnon idéal. Barbe fournie, manières peu raffinées, à moitié somnolent. Il leva un bras mou.

"Salut..." murmura-t-il.

l'ambiance était glauque. Des cris de prisonniers retentissaient partout aux alentours, ils hurlaient à l'affameur et au désir de vengeance. Certains sifflaient encore le corps de drow qu'ils avaient vu défiler devant leurs cages ferrées.
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeDim 11 Oct 2009 - 0:06

« Mes amitiés au geôlier ! »

Le Baudrier d’Argent cultivait un sens de l’humour de la plus grande finesse. Mais il confondait manières et éducation. Alors qu’il n’avait ni les unes ni l’autre…

Vyl éclata d’un rire sonore pendant que les gardes la soulevaient littéralement de terre pour la jeter en cellule.

Elle avait réussi à gagner du temps et à sauver sa vie. Ce qui s’avérait tellement inespéré, qu’une fois encore, la guerrière interpréta ce coup de pouce du destin comme une intervention divine. Uriz veillait sur sa fille, et elle lui rendrait grâce bientôt en faisant couler le sang en son nom !

Le chemin pour les prisons avait de quoi donner le vertige. La Sombre cessa bien vite de compter les marches que les reîtres lui faisaient dévaler quatre à quatre, et, prise de nausée dans la vis sans fin qui s’enfonçait dans les entrailles de la terre, elle renonça même à tenter de prendre ses marques pour un éventuel retour.

Elle se laissa porter par les colosses jusque dans les dédales nauséabonds des geôles.

Le cortège parcourut d’étroits couloirs tout juste éclairés par quelques mauvaises torches égrainées ici et là.

Vyl remarqua que les deux hommes portaient souvent leur main à leur narine, comme pour filtrer les effluves pestilentiels qui flottaient dans l’atmosphère. On ne devait pas laver souvent les cellules ici, ni même les vider : l’odeur de la mort et de pourriture saturait l’ambiance. La Sombre s’imagina des rats plus gros que les chats à force de se repaître des chairs décomposées des locataires des lieux.

Les deux soldats pressaient ostensiblement le pas, pour se débarrasser de cette nouvelle corvée que leur avaient imposée le Balafré et qu’ils accomplissaient, serviles mais de mauvaise grâce. Force était de constater que les lascars, bien que fortement armés et pourvus de noueuse et vigoureuse musculature, semblaient décontenancés par le caractère malsain de l’endroit, craignant d’y faire quelques mauvaises rencontres peut être. Pour Vyl, tout cela n’était que folklore : elle se rappelait les cachots du Puy d’Elda, et considérait, goguenarde, que ceux là passeraient pour confortables comparés aux prisons Drows.

De temps à autre, à travers les barreaux des cages ferrées, des bras décharnés jaillissaient sur leur passage. Des créatures grotesques et puantes se jetaient de tout leur poids sur les portes ferrées, certaines pleurant de désespoir, d’autres vomissant leur haine. Les gardes sursautaient, mais se reprenaient bien vite et frappaient de la hampe de leur lance les membres qui dépassaient, faisant craquer les os comme bois sec.

Vyl n’opposait aucune résistance aux deux sbires du Borgne.

Les cordes commençaient à déchirer la peau de ses poignets liés l’un contre l’autre, et son crâne la faisait souffrir. Sa fièvre avait passé et elle constata avec plaisir qu’elle avait oublié jusqu’à l’existence de la morsure qui blessait son bras gauche. A peine un léger tiraillement trahissait-il la cicatrisation que l’onguent de Blomghal avait accélérée. Le sang sur son visage avait coagulé, et les lèvres de la plaie qui zébrait son cuir chevelu s’étaient refermées.

La guerrière songea à son arc et à ses coutelas que les hommes d’armes de la forteresse joueraient aux dés, et son cœur se serra. Elle ferait reforger des lames, mais rien ne remplacerait jamais l’arc elfique qui l’avait tirée du ruisseau et accompagnée jusqu’au sein de la révérée Dothka. Elle espérait secrètement que les hommes du Tourmalin obéissent aveuglément aux ordres de leur maître et jettent le tout dans les fossés de la forteresse. Au moins aurait elle une chance de récupérer son arme favorite.

Aux détours d’un couloir plus sordide que tous les autres, les gardes poussèrent Vyl vers un monstre bedonnant qui déambulait à moitié nu.

Le gaillard se faisait précéder par son odeur : un mélange chargé de vinasse et de crasse dont les fragrances porcines couvraient jusqu’aux pestilences locales. La Drow eut un haut le corps tant la chose suintait la laideur et la saleté.

Et elle s’adossa sur la muraille humide, menton redressée, lorsque le difforme se jeta sur elle et s’occupa de la peloter. Elle sentit ses mains râpeuses partout sur elle, au point qu’elle se demanda combien le quidam avait de bras. Mais le plus insupportable furent ses coups de langue, prodigués avec largesse et gourmandise. L’ordure la souilla de sa salive malodorante, pendant qu’il se pressait contre elle en gémissant comme un chien en rut. Vyl se laissa faire, encore. Inutile de se faire un ennemi de ce gardien somme tout si bien attentionné à son égard. L’adoration baveuse qu’il lui vouait présentait bien des avantages pour qui savait dépasser ses répulsions naturelles pour parvenir à ses fins. Pourtant, elle manqua de remercier les Gardes lorsque ces derniers firent cesser le manège de l’obsédé sexuel qui l’aurait sans doute violée avec vigueur sans leur intervention.

Dépité, le gros accompagna la guerrière jusqu’à une cage, et l’y poussa sans ménagement avant d’en barricader la porte avec force serrure et chaîne de fer.

« Salut… »

Voix masculine un peu lasse, coulant d’une bouche pâteuse.

Vyl Thanat’Khor contempla un instant son compagnon de cellule. Un aventurier barbu et sale, roulé en boule contre la muraille au beau milieu des rats, levait en sa direction un bras mou. La Drow le jaugea : musculature imposante, certes, mais un corps déjà rouillé par l’oisiveté.

Elle ne daigna pas répondre immédiatement. Elle portait toute son attention sur le gardien, espérant que les remontrances des soldats du Tourmalin avaient au moins découragé pour l’heure la concupiscence exacerbée du gros. Soulagée, elle vit le libidineux s’éloigner en se grattant les fesses à travers son pagne crasseux.

Ne perdant pas une seconde, la Sombre s’enroula dans sa cape… et disparut aux yeux du monde. De ses mains liées, elle tira le stylet camouflé dans sa cnémide. Serrant la garde entre ses dents, elle frotta ses liens sur la lame acérée et put enfin libérer ses mains. Elle massa ses poignets et laissa son sang réchauffer ses doigts. Puis elle ôta sa capuche… et réapparut, replaçant discrètement son arme dans son fourreau.

« Tu peux revenir mettre tes mains sur moi, maintenant… lança-t-elle mentalement au gardien qu’elle entendait faire les cent pas.

Détachée, elle se sentait invulnérable.

« Salut ! » Répondit-elle au malabar qui n’avait pas bougé d’un poil.

Vyl avait entrepris de sonder le lascar. Ami ou ennemi ? Le bonhomme serait-il une entrave à ses projets ou un allié de premier choix ? C’est ce qu’elle avait envie d’explorer. Et elle ne se donnait que peu de temps pour le faire, anticipant le retour inopiné du gardien.

« Qu’as-tu donc fait mon gaillard pour croupir dans cette prison fangeuse ? Tu me sembles pourtant taillé pour la guerre, et les Serramirois frappent aux portes de l’Oësgard ? Quel crime as-tu commis pour qu’on te cloître ici plutôt que t’envoyer te faire trucider sur un champ de bataille ? »
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeDim 11 Oct 2009 - 13:53

La putréfaction et la crasse, au fin fond de ces geôles, avaient trouvé un écrin parfait pour étendre leur empire sur l'atmosphère humide et malsaine de ces caveaux. Il y avait de quoi rendre nauséeux le plus vigoureux loup de mer que l'océan ait connu! Rien ne ressemble plus à l'odeur de moisi que celle de la décomposition de la chair fraîche. Le camaieux de senteurs atroces donnait la migraine et s'infiltrait par tout les pores de la peau. Les yeux piquaient, même en retenant son souffle l'on senté l'air vicié s'imiscer dans les corps.

Vyl n'était pas encore véritablement souillée. Mais s'ajoutant à la puanteur, les plaintes et les cris des damnés de cet enfer jouaient une musique de dément qui procurait des frissons tant il s'en dégageait une mélodie odieuse et dissonante.

Le compagnon de cellule de la drow patienta fort longtemps avant d'obtenir une réponse. Cela ne le chagrina pas outre mesure. Le temps n'avait pas de prise sur un homme depuis si longtemps privé de liberté et qui avait dressé l'ennui en compagnon de route, en absolu, en mode de vie. Le barbu se perdit dans ses pensées et les mots de Vyl l'arrachèrent de ses divagations pour ramener son âme dans la sinistre cellule. Il ne se hâta pas.

Il observa Vyl et discerna une drow à la lumière vacillante des larges torches qui illuminaient le couloir de loin en loin. il n'était pas dans les coutumes du cru de faire enfermer de tels être en compagnie des détenus "classiques"! De grands événements devaient avoir lieu hors de ces murs.

On entendit un gémissement rauque au loin, comme le son de voix d'un homme aux prises avec un effort surhumain. Un "ploc" sonore fit comprendre à tous qu'il ne s'agissait que du bonhomme geolier qui se délestait de ses substances fécales dans une flaque, au grand délice des rats qui accourrurent pour festoyer, et des détenus qui applaudirent leur ravisseur à tout rompre, congratulant vertement le porc fait homme qui les détenait.

Le rustre gaillard finit par se soucier de répondre à la mortelle demoiselle qui lui tenait compagnie. Son parler était faible et il détachait chaque syllabes comme si il avait peur de ne pas être entendu. Tout son être était pris d'une joie fondamentale de n'être plus seul pour un instant.

"J'suis Gautyé. On m'a j'té en taule parce que j'massacrai des bourgeois quand j'etais dans l'armée haha...

Un large sourire fendit son visage rugueux. Une étincelle de démence luisait dans son regard.

"Y z'ont préferé me mettre ici plutot que d'me tuer parce qu'ils pensaient que ça m'ferait plus souffrir! mouarf mouarf... Ces bandes de crapeaux!"

Un brin hilare il poursuivit, visiblement galvanisé par ses premieres paroles qu'il avait trouvé fort avenantes.

"Gaffe au gros Gaucelm, le geolier! Y aime bien tater des culs si tu vois qu'est ce que jveux dire! mouarf mouarf! même moi y ml'a fait! Alors toi jte dis po! t'es plutot ben gaulée"

Il se leva, fit le tour de sa petite cellule et décela la course d'un rat. Il bondit, l'enserra à deux mains et lui arracha la tête avec ses dents. Il croqua avidement, le sang noir se deversant sur ses levres et sa barbe. Il cracha deux petites billes qui devaient être les yeux de la créatures dont les nerfs faisait gigoter le corps décapité entre les grandes mains de Gautyé.

"Le meilleur c'est la cervelle... t'en veux??" Fit il.

"Et toi la Drow?? J'ai vu qut'en étais une! Harf harf!! Qu'estt ce tu fous là, Y t'ont po buté la haut?"

Gautyé ne parvenait pas à comprendre pourquoi ce gouvernement persistait à penser que la détention en geoles était un châtiment plus dur que la mort elle même. Sans doute était-ce teinté de vérité... Mais chaque homme a sa propre experience et sa propre vision des choses, ainsi gautyé s'était accoutumé à cette vie souterraine, coupé de la vie et du soleil, ayant rendu sa peau diaphane.

"Harf harf, j'en ai bien buté dla bourgeoise et meme des bébés au berceau, des momes!! Tu verrais comme y gueulent quand on les p..."

Il s'arrêta net, le geolier semblait s'approcher de la cage ou ils se trouvaient... Avant de bifurquer dans un autre couloir pour mieux revenir quand le moment serait venu.
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeDim 11 Oct 2009 - 15:21

Pauvre humanité dégénérée…

Pauvres larves privées de repères qui grouillent, aveugles dans l’obscurité…

Quelle déchéance avait conduit les Dieux à souiller la Nature de cette engeance éphémère, percluse de tares obscènes ?

J’observais le quidam pendant qu’il égrenait les vétilles qui l’avaient conduit en prison.

Ainsi avait-il assassiné des hommes, des femmes et des enfants au maillot alors qu’il exerçait le métier des armes ! Etait-ce là péché capital ou ce faraud se gaussait ?

Quel être dégénéré pouvait prétendre qu’exercer les privilèges du vainqueur constituait une atteinte quelconque à l’honneur ?

Les Sombres préféraient mourir que de subir l’humiliation de la défaite. Alonna avait mis une nation entière à genoux. Des centaines de milliers de Drows qui auraient tout donné pour mourir plutôt que de contempler l’Ost Noir en déroute ! Mais les hommes, favorisés par les Dieux, n’avaient pas eu le courage de pousser la victoire jusqu’au bout, et comme des couards, étaient restés cachés sous les cieux d’occident plutôt que de porter le fer dans les entrailles du Puy, et d’éteindre la Race qui les faisait trembler de temps immémoriaux ! Alors nous avions relevé la tête, pansé nos blessures, et nous nous tenions prêts, guidés par les Triumvires, à fondre une fois encore sur l’ennemi pour le dévaster.

Le devoir du plus fort était de soumettre les vaincus, les réduire à l’esclavage et d’égorger leurs épouses et leurs rejetons pour épargner à leurs descendances la honte absolue de la défaite. En Oësgard, on emprisonnait les soldats qui revendiquaient leurs droits en épargnant l’honneur des fils et des filles de leurs victimes… Je me rendis compte alors que je ne comprendrais jamais l’Homme.

Le Gautyé, - car c’est ainsi qu’il se nommait lui-même -, ne semblait pas totalement maître de sa personne. Il était passé de l’apathie la plus complète à une ridicule exaltation, comme si chacune de ses paroles galvanisait son être tout entier. Hirsute et barbu, sale à faire peur, son regard trahissait la démence qui dévastait son esprit. Et je pensai un instant que c’était peut-être la folie qui l’avait conduit à accomplir ces actions qu’on lui avait reprochées, et non pas sa volonté, saine et sereine. Quelle faiblesse intrinsèque dans cette conformation grotesque de l’esprit humain ? Ainsi il fallait être l’esclave d’un dérèglement de l’âme pour pouvoir passer à l’acte ? Au fond de moi-même, je ricanais secrètement, révulsée jusqu’au dégoût par cette sinistre découverte. Je songeais à Blomghal et aux soins qu’il m’avait prodigués avec des gestes empreints de tendresse paternelle, et déroutée, je commençais à comprendre qu’il ne m’avait pas épargnée pour le seul plaisir de me livrer en pâture à son maître, mais bien par pure bonté ! J’étais écoeurée…

Mon esprit gambadait. Il avait fui au-delà des barreaux de cette prison.

Je repensais à ce que m’avait confié Gautyé. Ses paroles sonnaient dans ma tête et m’éclairaient encore sur la nature humaine, au-delà de toutes mes espérances.

« Y z'ont préféré me mettre ici plutôt que d'me tuer parce qu'ils pensaient que ça m'ferait plus souffrir! mouarf mouarf... Ces bandes de crapauds! » M’avait-il dit…

Des mots qui entraient en résonance avec ceux proférés par un autre esprit malade, le Seigneur des lieux, Herménégildoricius de Tourmalin, - Uriz le condamne à crever les entrailles à la main !

« … Je ne vous tuerais pas, enfin, pas pour le moment. J'ai l'idée que la solitude et l'ennui seront un poison bien plus mortel que toutes nos armes effilées. »

Et je ne réprimai plus un éclat de rire qui me secoua toute entière.

Pauvre hère ! Misérable fiente abâtardie ! Quelle sottise infâme ! J’avais connu, enfant, les cachots du Puy d’Elda. J’avais de mes mains déchirer en lambeaux les corps des prisonniers torturés pour nourrir les vautours. Des années durant, j’avais lavé le pavé des geôles noirci par le sang caillé et les jus morbides expulsés par les cadavres gonflés des esclaves morts dans les affres des pires tourments. J’avais jeté la nourriture aux vivants à même la terre battue des cachots au milieu des excréments et des déjections de toutes sortes. Et le Borgne voulait m’atteindre en me cloîtrant dans ses prisons ? Pensait-il sincèrement qu’il m’impressionnerait en me faisant subir les exploits scatologiques d’un gardien obscène revenu à l’état de nature ? Ou me faire trembler à l’idée d’avoir à être prise de force par une ordure comme ce Gaucelm ? Pour moi les Hommes valaient les porcs. Et j’avais eu la chance d’être immunisée contre la race porcine en naissant parmi truies et verrats, noyée dans la lie de la société Drow ! Quant au viol ! Quelle fatuité incroyable de penser que toute cette mascarade m’affecterait ne serait-ce que l’espace d’un souffle ! A peine si l’ambiance parvenait à percer mes défenses naturelles !

Voilà que l’autre rebut s’amusait à décapiter les rats avec ses dents maintenant !

"Le meilleur c'est la cervelle... t'en veux??"

Je lui souriais et d’un geste de la main, lui faisais comprendre que je n’avais pas faim. En d’autres circonstances, j’aurai partagé son festin sans rechigner. Mais j’avais encore sur l’estomac la viande crue de la louve que j’avais saignée en Serramire, et j’avais besoin de toutes mes facultés…

« Et toi la Drow?? J'ai vu qut'en étais une! Harf harf!! Qu'est ce tu fous là, Y t'ont po buté la haut? »

L’hercule de foire faisait de l’humour sans le savoir. Pour donner le change, je partageai son hilarité.

« Tu es vraiment un fin observateur, Ser Gautyé ! Je vois que l’on ne peut pas t’en conter à toi ! Tu as l’œil à tout ! Eh oui ! Je suis une Drow, sang pur et véritable… Et si l’on ne m’a point occis, c’est parce qu’on a pensé que je souffrirai davantage cloîtrée dans une geôle !

Le gardien interrompit notre petite discussion. Manifestement, il rôdait. Plus léger maintenant, il ne faisait aucun doute à mon esprit que le goret avait derrière la tête quelques idées salaces qui lui trottaient. Je n’avais plus envie de perdre de temps.

« Gautyé ! Dis moi ! Toi qui as été homme d’armes en Oësgard, connais-tu cette prison, et le moyen d’en sortir ? J’aimerais me faire la belle et t’emmener avec moi courir la campagne ! Les alentours regorgent de femmes seules, abandonnées par leurs époux, et d’orphelins tragiques qu’il faut libérer de leurs souffrances… Que dirais-tu de t’amuser un peu ?
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeLun 12 Oct 2009 - 14:25

Le narrateur qualifierait les agissement et les dires de la drow comme étant de nature à manipuler odieusement un pauvre d'esprit complètement vulnérable et innocent. Toutefois, loin d'envisager une telle stratégie, l'ineffable Gautyé fut transporté par les doux compliments qu'il avait reçu de sa tendre compagne. Selon lui, courant d'affection pur passait entre eux et sentit les mains doucereuse de la confiance l'envelopper comme au temps ou sa mere s'occupait de son confort et lui préparait des biberons de lait de chèvre caillé. Des temps que les moins de 20 ans ne peuvent même pas envisager, des époques bénies ou l'on chargeait encore sabre au clair et où l'on préferait une bataille en bon ordre à un siège destiné à affamer l'adversaire. Le sens de l'honneur se perd comme la neige fond au soleil de mars (ou quelque soit le mois auquel il correspond sur Miradelphia).

Gautyé se sentait bon mâle par les flagorneries de Vyl, observateur, guerrier, quel homme ne sentirait pas son coeur se serrer à l'évocation de tels mots venant d'une créature sublime? Notre ami, lui, prit le parti de se laisser aller à la confidence.

" Oh oui ça! Jsuis bon guerrier y a pas à dire, j'en ai egorgé des vilains hahaha!!!"

Tout à son hilarité, il dodelinait de la tête comme si de la drogue pure circulait dans ses veines. Ses yeux injectés de sang lançaient des éclairs de haine violente à la pensée des holocaustes qu'il avait fomenté. Il offrit le misérable spectacle d'un sourire édenté à la drow. On discernait sans peine des morceaux de chair de rongeur autour des rares prémolaires et incisives qui persistaient à survivre dans un environnement si nauséabond. Monolithes oranges dans l' océan noirâtre et rose de la bouche du ladre.

"Jsuis bon observateur aussi! oh que oui!!! Je sais bien comment qu'on sort de ce trou, jme souviens, jme souviens quand y m'ont amené chez l'baudrier! Dehors fait beau! y a plein de gens! haha!!"

Il n'inspirait rien de bon.

"Pour sûr que jveux mfaire la malle!! j'veux tuer herf herf!! Ca fait ben longtemps hihi, les boyaux de ptites filles sont goutuuuus!!! Oh bah vla Gaucelm!"

Le funeste bourreau d'enfants n'avait pas tort en effet. Le geolier à la moralité aussi pure que son hygiène était iréprochable approchait à pas léger. Tout à son excitation, on voyait déjà une bosse vicieuse déformer son pagne. Son bide voluptueux et apte à susciter un désir inextinguible dans le coeur des femelles alentours devaient sans aucun doute faire craquer Vyl. Gaucelm esperait secrètement que la Drow résisterait, un viol lui semblait toujours plus agréable qu'une relation sexuelle consentie bien qu'il ne connut jamais femme qui fut enthousiaste à l'idée de passer un moment intime avec un homme d'un raffinement si peu évident.

Le satyre se frottait les mains entre autres parties de son anatomie alors qu'il n'était plus qu'à quelque mètres de la porte. Il entonnait un air des plus malsains.

Il observa Vyl à travers les barreaux et se pourlècha les lèvres afin de lui faire sentir, si elle ne l'avait pas encore assimilé, qu'il désirait ardemment culbuter son arrière train dans le fond de la cellule crasseuse. Après cette étape de séduction d'usage, il sortit sa clé et la fit tourner dans la serrure et à la vitesse de l'éclair pénétra dans la pièce avant de refermer la cellule à l'aide de sa clé. il devait avoir coutume d'agir de la sorte car il était littéralement impossible, fut-on un drow de sortir de la cellule à cet instant.

"Haaaa ma douuuce... Vient voir tonton gaucelm, l'a un gros cadeau pour toi har har" commença Gaucelm en s'approchant de Vyl. Son haleine aux relents de vomi poissoneux était desagréable, et c'est un euphémisme.
Il posa ses mains sur les cuisses de son invitée, la dévorant des yeux, sa virilité toujours fixe.

Gautyé observait la scène, pret à agir au moindre signe de la drow à qui il adressa un clin d'oeil entendu. Peut être n'était il pas si idiot qu'il n'y paraissait...
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMar 13 Oct 2009 - 20:31

[Ames sensibles, passez votre chemin ...]

Vyl observait Gautyé l’œil sec, bien qu’elle réprimât une phénoménale envie de rire.

Le pauvre bougre n’avait manifestement pas toute sa tête. Il semblait perclus de névroses comme d’autres de rhumatisme. Mais son enthousiasme délirant faisait plaisir à voir ! Et sa frénésie de meurtres s’avérait presque contagieuse tant il possédait en maître ce don de dédramatiser jusqu’aux crimes les plus odieux.

« … Les boyaux de ptites filles sont goutuuuus!!! »

Il avouait même un penchant certain pour le cannibalisme ! Péché somme toute véniel au Puy d’Elda, mais qui frisait l’abomination absolue dans ces contrées humaines abandonnées des vrais Dieux.

Il n’y avait que cette bouche édentée encombrée de morceaux de rat à peine mâchés qui pouvait rebuter. Dommage que ce corps musculeux soit surmonté de la citrouille fendue et velue qui lui servait de tête, car le bonhomme aurait été presque comestible…

Après tout, il y avait si longtemps que la guerrière n’avait pas rencontré un vrai mâle pour lui faire bouillir le sang !

La Sombre repensa soudain à Herménégildoricius de Tourmalin. Le Balafré avait belle allure… Vyl en vint presque à regretter, l’espace d’une milliseconde, que leur rencontre ne ce soit soldée que par ce minable coup de botte. A l’évocation de la vieille brimade, elle se frotta machinalement la tête et ne fut pas surprise de trouver sous ses cheveux encore poisseux de son propre sang, une bosse qui la faisait autant souffrir qu’une vilaine ecchymose.

Mais l’heure n’était pas à la bagatelle, et encore moins à la franche rigolade.

Gautyé avait avoué, dans son délire verbal, sa connaissance des méandres des culs de basse fosse de la citadelle du Borgne. Et avait fait retentir les sonneries triomphales de l’espoir d’une évasion possible !

Fallait-il lui faire confiance, où craindre que Ses désordres mentaux n’aient profondément affectés jusqu’à ses facultés d’apprécier à leur juste valeur ses capacités ? Se vantait-il, porté par la liesse qui emplissait tout son être, ou avait-il réellement le pouvoir de leur frayer un chemin vers la liberté ?

Vyl accorda au colosse le bénéfice du doute.

Elle contempla une fois encore le balourd qui lui souriait avec une si filiale dévotion qu’il aurait pu en être attendrissant. Avec ses épaules hypertrophiées et ses biceps qui faisaient songer aux cuissots d’un buffle des marais, le quidam avait du répondant, et on la guerrière imaginait les dégâts qu’une telle force de la nature provoquait lorsqu’elle mettait sa masse musculaire en mouvement. Même s’il ne savait pas où aller, au moins Gautyé ferait-il office, avec talents, d’ouvreur de route. Ou au pire, s’il s’avérait moins doué que prévu, de bouclier. Le rustre faisait penser à un de ces sangliers géants inarrêtables lorsqu’ils chargent l’ennemi : truffés de lances et pissant le sang, il avancerait encore et encore, décimant les rangs de ceux qui s’interposeraient. Et la guerrière pourrait progresser derrière cette machine de guerre vivante pour couvrir sa fuite.

Vyl rendit de bonne grâce à Gautyé son merveilleux sourire, le couvant d’un regard d’une bienveillance rare s’agissant de la pire garce que les Terres Arides aient jamais engendrée…

« Oh bah, vla Gaucelm ! »

« Il était temps ! Pensa Vyl en elle-même, ne cherchant même plus à cacher sa satisfaction.

La Drow était adossée à la muraille, un pied appuyé contre les pierres derrière elle. Elle fit mine de réajuster sa cnémide pour se saisir de son stylet. Elle glissa subrepticement la lame acérée entre sa peau et la doublure de son bracelet, de telle manière qu’elle puisse dégainer l’arme à la vitesse du vent.

Le spectacle qu’offrait Gaucelm le Goret valait la peine, et comme la guerrière ne boudait jamais son plaisir, elle s’en régala.

Le monstre au sobriquet ridicule avait enfin fini par se laisser dominer par sa concupiscence. La tentation l’avait certainement tenaillé au point qu’il avait erré dans le dédale des couloirs de ses geôles bien-aimées pendant de trop longue minute qui lui avaient paru des siècles pour calmer ses frustrations. Comme on peut être libidineux et pervers sans en être moins prudent, le taré avait patienté de peur que les Gardes du Tourmalin, se ravisant, ne reviennent sur leurs pas pour le surveiller.

Gaucelm avait encore dans sa gueule gâtée par des gencives faisandées qu’infectaient des chicots noirs pourrissant le goût délicat de la peau de la Drow. Ses doigts fourmillaient toujours des violentes sensations que lui avait procurées la palpation appuyée des parties charnues de sa prisonnière. Il avait conservé sur son corps adipeux que couvraient de vieilles pelades, le parfum de la guerrière et, marqué au fer rouge sur son désir charnel, la moiteur de ce corps sculptural qu’il convoitait avec violence. On lisait son excitation sur tout son visage, le porc salivant et bavant d’impatience.

Il se livra à quelques exercices de contorsionniste, exécutés avec une célérité qu’on n’attendait pas d’un tel gabarit, pour se glisser dans l’entrebâillement de la porte de la cellule. Et referma l’huis bien soigneusement derrière lui. Il s’avançait maintenant, et Vyl, qui possédait assez bien l’anatomie humaine, comprit que ce qu’il brandissait sous son pagne n’avait rien d’un gourdin ou d’une masse d’arme.

D’autres femelles auraient tenté de fuir.

Tout dans cet individu suscitait le dégoût et la répulsion. Passe encore pour ce physique ingrat dont il ne dissimulait rien, se promenant presque nu dans les courants d’air de ses oubliettes. Mais il puait tant que ses fragrances couvraient la pestilence ambiante : un mélange de vieille crasse rance, d’urine et d’excrément que rehaussait les parfums d’une digestion rendue délicate par l’absorption d’une nourriture hétéroclite et discutable !

Lorsque Gaucelm posa ses mains sur les cuisses de Vyl Thanat’Khor, l’échine de la guerrière fut parcourue d’un frisson de dégoût qui la secoua toute entière. Mais elle ne laissa rien paraître.

« Approche ! Songeait-elle, approche sale ordure…

Et comme elle lisait dans l’âme du Gardien comme dans un livre ouvert, ayant elle-même du vice et de la perversion une connaissance pratique et étendue, elle décida de gâcher le plaisir du violeur en singeant plus que la soumission : le désir.

« Viens mon tout beau, murmura-t-elle d’une voix suave, - elle savait que l’accent guttural qui résonnait lorsqu’elle parlait la langue des Hommes avait un pouvoir érotique sur certains cinglés -, viens mon Maître ! J’ai envie moi aussi… Viens éteindre l’incendie que tu as fait naître en moi tout à l’heure avant que ces chiens de reîtres ne se mêlent de ce qui ne les regardait pas…

Et joignant le geste à la parole, elle se saisit des mains poisseuses aux ongles jaunes surchargés et les posa sur ses seins.

D’un coup d’œil, elle capta l’air entendu de Gautyé qui se terrait dans l’ombre, ne manquant rien du spectacle. Un seul signe d’elle et le tueur pathologique se ruerait sur sa proie. Mais il n’était pas l’heure, et elle darda vers son compagnon de captivité une œillade écarlate qui lui intimait de ne point bouger encore.

Gaucelm ouvrait des yeux ronds, incrédule. Le monstre ne comprenait plus. Au lieu de la peur et du dégoût qu’il espérait pour catalyser ses luxurieuses pulsions, il se heurtait au simulacre d’un appétit sexuel qui soudain lui faisait peur. Il ne savait même plus que faire, et ses grosses pattes demeuraient inertes sur les formes rebondies de la femelle faussement incandescente.

Soudain, minaudant avec grâce, Vyl glissa une main sous le pagne du Gardien. Une main brûlante de promesse. Effleuré dans son intimité, le gros déglutit avec peine, n’osant même plus bouger une paupière. Son rêve était détruit. La Drow avait tout foulé sous les pieds de sa nymphomanie chronique, et le pauvret sentait la colère monter en lui. Mais l’ire n’eut pas le temps de s’installer. La guerrière, qui avait plus d’une fois assister dans sons enfant au pathétique rituel de la castration des verrats, lui arracha, dans un geste technique qui aurait suscité chez n’importe quel éleveur une admiration béate, les attributs de sa virilité démesurée. Attributs qu’elle s’empressa de lui jeter au visage dans un éclat de rire à faire frissonner la Mort en personne.

Emasculé, Gaucelm poussa un cri rauque qui résonna dans les catacombes. Le cri d’un cochon qu’on égorge. D’un porcelet pour être plus exact ! Car le hurlement s’inscrivait dans des tonalités suraiguës. Le Gardien pressait ses mains entre ses cuisses pour tenter d’endiguer le flot de sang qui s’échappait à gros bouillon et lui maculait les jambes. Lançant à travers les grilles des regards affolés.

Vyl avait reculé d’un pas. Elle dégaina sa lame, et le stylet fendit l’air dans une demie ellipse parfaite avant de retrouver sa place entre chair et bracelet.

Sur le coup, Gaucelm ne comprit pas ce que la Drow venait de faire. Sur son ventre flasque, une ligne rouge, fine comme un cheveu, venait de se dessiner. Le Gardien fixa ce tatouage saugrenue, interrompant un instant son sinistre cri de douleur. Et à sa stupeur totale, la terreur se lisant dans son regard fou, il assista, impuissant, au spectacle abominable de sa panse flasque éclatant soudain comme un fruit mûr. Il comprit que Vyl lui avait ouvert le ventre. Un coup de couteau d’une précision telle que seuls le derme, les couches de graisse successives et les muscles avaient été touchés, la lame laissant indemne les viscères. Viscères qui, bientôt, libérées de leur enveloppe, menacèrent de se répandre sur le pavé sanglant de la geôle.

Gaucelm, couinant et pleurant, venait de lâcher son entrejambe mutilé pour tenter de remettre ses intestins en place. Et c’est seulement à ce moment là que, la Drow fixant sa victime avec un souverain mépris, lâcha à un Gautyé médusé :

« Gautyé ! A toi, mon ami ! Finis donc le travail…
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMer 14 Oct 2009 - 13:50

Vyl n'était donc pas le genre de femelle à se voir honorée par le bon Gaucelm. Avait-il mérité un courroux si implacable? N'était-il pas un simple esclave de ses envies primales, de pulsions irrépressibles? Ce geolier ne représentait il pas à bien des égards le retour à la nature prôné par de nombreux intellectuels? Le châtiment fut exemplaire et tandis que ses rognons fraîchement cueillis gisaient sur le sol poisseux, notre compagnon peu soigneux de son hygiène et de ses moeurs tentait de replacer ses entrailles en bon ordre dans sa panse béante. Ses plaintes auraient déchiré le coeur de quiconque possédait un soupçon d'humanisme, même habilement dissimulé dans un coin de son âme, mais le public de ce macabre spectacle n'était pas un terreau idéal et fertile pour la naissance d'idées pacifiques et de pitié.

A l'invitation de la drow, Gautyé répondit courtoisement en opinant. Il aurait été vain de parler, le pénitent s'étant remis à hurler. Entre deux eructations désesperées l'on pouvait discerner de vagues appels à l'aide et ce qui ressemblait à une invocation de sa mère. Gautyé, apparemment mis en appétit par la vue de tant de viande et d'andouillette prête à être consommé ne resista guère à ses pulsions cannibales et barbares.

Le païen immonde se jeta sur le pauvre hère qui grognait et le fit basculer sol, le dos comprimant une part importante de son intestin grële. Gaucelm gesticula comme un damné, les yeux exorbités. L'estomac de gautyé eut raison de son humanité, fut-elle déjà dissoute dans un océan de noirceur. Il approcha sa bouche de celle de Gaucelm et fit claquer ses mâchoires sur son nez qu'il arracha tel un lion déchiquetant sa proie. Une giclée de sang s'échappa de la blessure et Gautyé avala le sang qui lui lava le gosier du fluide vital du rat qu'il venait de déguster quelque minutes auparavant.

Le geolier hurlait désormais de façon parfaitement inhumaine. Ses plaintes résonnaient dans toute la prison, renforcées par les hourras et vivas des autres détenus, pas peu fiers de voir leur torsionnaire quotidien en une position délicate.

Gautyé ne conclut pas ainsi sa symphonie morbide et pourtant, les dieux savent que le clavier sur lequel il jouait était endommagé. Il plongea ses ongles dans les yeux du gras qui explosèrent sous la pression, laissant couler sur les doigts du tueur un mélange de sang et de mucus occulaire. Il lécha le nectar qu'il venait de tirer de sa fontaine humaine et releva après quelque secondes que le misérable avait rendu l'âme. Ses boyaux s'étaient sectionnés par les mouvements nerveux causés par la douleur et l'hémorragie avait eu raison du répugnant pourceau. Il avait ainsi payé sa dette envers toutes ses victimes.

Rayonnant de bonheur, Gautyé sourit à Vyl, la remerciant peut être ainsi de l'avoir laissé se régaler d'un peu de sang humain et d'avoir satisfait à ses envies de boucherie.

"On l' mange maintenant?" Demanda-t-il, presque convaincu que sa comparse l'approuverait dans cette orientation.

La clameur des prisonniers ne cessait pas...

"Faut l'manger vite sinon les gardes vont pas nous laisser l'temps et ils enlèveront le corps!" Fit il, visiblement paniqué.

"Y'z'arrivent très vite quand y a probleme...Y viennent par deux"

Ceci étant dit, il arracha un morceau de chair du biceps encore chaud de Gaucelm et se régala de son muscle cru, bien que de petits filament gras gâchaient son plaisir.
Plus loin, au bout du couloir, on entendait déjà des bruits métaux qui s'entrechoquaient , témoignage de l'arrivée imminente d'un groupe de reîtres qui dévaleint les marches en colimaçon à une vitesse vertigineuse. Torturer le vieux gaucelm de la sorte n'avait peut être pas été la plus radieuse idéee possible quant à l'envie d'une fuite.
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMer 14 Oct 2009 - 20:53

J’avais proprement expédié ce porc de Gaucelm. Le violeur aurait pu se remettre d’une castration. Mais une simple mutilation aurait exacerbé tout ce qu’il y avait de répugnant en lui, et j’avais été contrainte d’aller plus loin. Les acclamations qui accueillirent la déconfiture du gardien en disaient long sur les sentiments que ses prisonniers lui portaient. Il faut dire que le châtiment était exemplaire à bien des égards. J’avais confisqué à ce pervers tout espoir d’assouvir un jour ses pulsions écoeurantes, et il avait contemplé, impuissant, sa tripaille jaillir de sa panse et se répandre sur le pavé, comme ses victimes avait vu jadis ce qui leur restait d’honneur et de dignité s’évanouir sous les coups de boutoir de ses reins. Il n’y avait rien au monde qui ne me faisait plus plaisir que de me sentir un instant investie de ce privilège de divine justice !

Gautyé avait saisi mon invitation au vol, et il s’acquittait joyeusement de sa mission. Nul plus que lui n’aurait mis autant de cœur à l’ouvrage. Cette créature, - je ne saisissais plus vraiment ce que mon compagnon de geôle avait réellement d’humain -, jouissait d’un enthousiasme qui tenait du prodige. Et je ne pus qu’admirer la belle façon dont il acheva Gaucelm.

Je regrettais seulement de ne pas avoir sectionné la trachée du geôlier car il beugla longtemps. Et même si ses plaintes résonnèrent à mes oreilles comme la douce mélodie de ma vengeance, je m’inquiétais du délire qu’elles provoquaient au sein des catacombes. Toute la lie de l’Oësgard qui croupissait dans l’obscurité des cachots, saluait, unanime et joyeuse, dans une cacophonie terrifiante, l’agonie du soudard que mon Gautyé dévorait avec un bel appétit !

Dès avant de rencontrer Gaucelm et son cannibale, j’avais compris que s’évader des prisons de la citadelle relèverait de l’exploit. Expugnable lorsqu’on l’assiégeait de l’extérieur, la place forte avait tout d’un inviolable écrin lorsqu’on la considérait de l’intérieur. Je ne voyais pas très bien encore comment me sortir de ce formidable guêpier. Et la belle assurance de mon compagnon de cellule quant à ses capacités à nous extraire indemne de là m’avait à moitié convaincue.

Pourtant, il n’était plus temps de tergiverser : il fallait agir, et laisser parler l’instinct Drow.

Je m’empressais de retrouver sur la charogne encore tiède du gardien, parmi ses chairs molles ensanglantées et ses viscères éparpillées, la clé avec laquelle ce porc avait refermé notre prison derrière lui.

Je laissais Gautyé s’ébattre. Le pauvret avait besoin de recouvrer des forces avant de se lancer à l’assaut du labyrinthe des couloirs qui nous conduiraient à l’air libre, et je le voulais en pleine possession de ses moyens pour affronter les épreuves qui nous attendaient.

J’ouvrais prestement la porte, et me drapant dans ma cape, me faufilais à l’extérieur de notre cage pour une rapide mission de reconnaissance.

Je tombai par le plus grand des hasards sur la bauge du Gardien, plus écoeurante encore que son propriétaire avait pu l’être. Et après en avoir chassé les rats, - certains aussi gros que des chiens de manchon -, je retrouvais le trousseau des clés. Je trouvai aussi un gourdin de bois recuit cerclé de fer et armé de splendides chicots d’acier, - certainement l’arme de prédilection de ma dernière victime -, constatant avec regret qu’il me serait bien difficile de combattre avec un tel instrument. Gautyé, en revanche, se satisferait grandement de ma trouvaille et je me décidais à lui faire cadeau de la masse.

Sur le chemin du retour, je trouvais mon nouvel ami en proie à des craintes infantiles.

« On l' mange maintenant ? Faut l'manger vite sinon les gardes vont pas nous laisser l'temps et ils enlèveront le corps! »

Décidemment, l’idée d’être privé de son festin travaillait le bougre au plus haut point.

Captant, sous les lazzis des cloîtrés en délire, des bruits de botte dévalant les escaliers, je m’en allais mettre à exécution le projet qui me trottait dans la tête. Mais je ne pus m’empêcher de cajoler un peu mon hercule.

« Ne t’en fais donc pas, Gautyé ! Laisse moi donc cette charogne qui va finir par te rester sur l’estomac ! Et pense à tous ces enfants que nous allons te trouver dans les bocages ! »

Certains mots ont une puissance d’évocation phénoménale. Et l’allusion aux mômes que nous dégoterions dans les campagnes oesgardiennes ralluma dans les yeux de mon compagnon le brasier d’un espoir abyssale.

Déchirant, - pour la route -, une belle pièce de viande rouge dans le biceps de Gaucelm, Gautyé leva vers moi des yeux esbaudis, secouant la tête comme quelqu’un qui vient de saisir le sens caché de mystérieuses paroles. Soudain, le gardien n’avait plus le même goût. Peut-être l’idiot se remémorait-il en cet instant les saveurs subtiles des petites filles dont il m’avait parlé dans des termes si élogieux ? Quoi qu’il en soit, j’étais parvenue à le distraire de sa dînette et à capter toute entière sa volatile attention.

« Y'z'arrivent très vite quand y a problème...Y viennent par deux »

L’animal lui aussi avait entendu la garde qui volait au secours du gardien.

Je désignai de la pointe du menton l’arme que je lui avais ramenée, la traînant sur le sol pour ne point risquer le tour de rein. Le monstre se précipita, en empoigna le manche, jonglant avec la masse avec autant de facilité qu'il l'aurait fait avec une quille de liège. Il testa la dureté du bois sur les barreaux de notre cage qui ployèrent dans un fracas insupportable .

« Porte toi en avant, Gautyé… et Occupe ces ladres de soldat une poignée de secondes. Je vais nous chercher quelques amis ! »

Et je disparaissais aussitôt dans les galeries obscures, me coulant dans le noir, certaine que Gautyé retiendrait sans trop de difficulté l’avant-garde qui nous rejoignait en enfer.

D’ailleurs, j’entendis derrière moi les pas du guerrier, martelés sur un rythme simiesque, qui partait à la rencontre du guet.

J’arrivais devant la cellule la plus proche de la nôtre.

Des hommes se battaient derrière la porte pour jouir du privilège de glisser un œil par le judas pour se repaître de la vue du cadavre de Gaucelm. Ils étaient au moins une douzaine là-dedans, serrés les uns contre les autres, pouvant à peine s’asseoir tous ensembles sur le pavé de leur cachot tant l’espace leur était compté.

Je m’approchais alors qu’un œil unique d’un bleu céruléen surveillait le couloir.

« Je suis la guerrière qui a tué Gaucelm, amis… Je vais vous libérer. Je vais vous libérer tous ! »

Et plongeant la clé dans la lourde serrure, je tenais ma promesse.

J’avais anticipé le risque et je maîtrisais sans peine la situation. Les silhouettes décharnées qui jaillirent du noir d’encre du cachot recouvraient simultanément et l’ivresse de la liberté, et la satisfaction concupiscente de contempler le corps d’une femelle. Le plus maigre de la bande ne put se tenir et tendit vers ma poitrine une main crispée par la convoitise. Je dégainais mon stylet et lui tranchais la gorge d’un geste sec, séparant presque la tête du tronc.

« Faites passer la consigne… Je tue tout ce qui s’approche à plus d’un pied de ma personne ! Est-ce bien compris ? »

Les autres opinèrent du chef et s’engouffrèrent dans le couloir derrière Gautyé, silencieux comme des serpents. Je souris : quelle merveille que les habitudes encrées dans l’esprit des soldats à grand coup de pieds dans le derrière ! Remis en situation, les malfrats renouaient sans y réfléchir avec leurs vieux réflexes de combattants. Désarmés, les gueux joueraient sur l’effet de surprise pour capturer les premières sentinelles et confisquer leurs armes. Abrutis par des lunes entières de claustration et de privation, ils ne mesuraient même pas les dangers qui les guettaient à chaque instant. Ils plaçaient tout leur espoir et le reste de leurs forces abîmées dans ce projet fou de s’extirper de la puanteur et de revoir les cieux étoilés. Certains devaient se demander quelle saison les accueillerait dehors. La liberté charmait ses enfants retrouvés.

Un seul parmi les premiers sauvés était demeuré en retrait. Un petit bonhomme, chauve et glabre, assez corpulent encore malgré plusieurs semaines passées en captivité. Ses yeux scintillaient d’intelligence. Il me regardait, goguenard et admiratif. Celui là ne risquerait pas sa peau inutilement. Il analyserait la situation. Et peut-être se monterait-il d’un quelconque secours si les choses tournaient mal. Je décidai de sceller avec lui une alliance silencieuse. Et je lui lançai les clés.

« Libère les autres ! Tous les autres, jusqu’au dernier… Et pousse les dehors… Met le feu à la paille des cachots s’il le faut… Passe les consignes… Tous à l’avant en silence... »

L’homme attrapa le trousseau au vol et clignant de l’œil, il déguerpit dans le dédale des couloirs.

Rassurée, j’entendais le bruit des clés pénétrant les serrures, les pennes qui claquaient, les gongs rouillés qui craquaient et grinçaient quand les hommes poussaient les lourdes portes.

« Sortez ! Sortez ! On va tenter de s’évader... Silence ! Faîtes silence ! Rejoignez les autres ! Vite ! Et Ne touchez pas à la femelle ! Elle a crevé Gaucelm… »

Puis le bruit des pas des captifs qui partaient libérer les autres, et de ceux, plus nombreux, qui rejoignaient l’avant-garde.

Et je fonçais en avant pour récupérer Gautyé. Je dépassais vite le premier groupe des évadés qui s’amusait joyeusement avec ce qui restait du corps du gardien. De Gaucelm, il ne demeurerait bientôt qu’un pagne imbibé des jus de la mort. Même ses anneaux d’oreille avaient disparu.

Bientôt, les insurgés seraient près d’une cinquantaine, ivres de fureur, excités par le sang, à jaillir dans la cour intérieure de la citadelle. Ils se feraient massacrer, j’en étais sûre, car Herménégildoricius ne faisait jamais dans la demie mesure, et ses reîtres étaient aguerris. Mais au moins aurais-je eu le temps, moi, de rejoindre le chemin de ronde et de me jeter du haut de la muraille dans les fossés de la citadelle d’Oësgard !

Mais déjà, Gautyé et moi étions doublés par quatre lascars hirsutes et déguenillés qui longeaient les corridors dos au mur...
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeVen 16 Oct 2009 - 20:22

Ainsi donc la vilainie perverse et machinale de Vyl ne connaissait aucune borne. La turpide bête avait entrepris de mettre le chaos dans les sous-sols si bien entretenus de la riante Oesgard. Mais la cité, si fière et si juste soit-elle ne se laisse pas impunément souiller dans ses entrailles par des vers d'une fatuité sans mesure. Ainsi, à l'écho des plaintes et des vivas grassement perpétré par Gaucelm agonisant et par les Prisonniers en fureur, répondit la surveillance générale des oubliettes qui fit envoyer deux de ses gourgandins les plus zélés. Devant l'ampleur de la clameur qui se fit entendre cependant, la direction prit sur elle d'en appeler à un officier baronnial de belle renommée.

L'administration, bureaucratique comme peut l'être celle de Diantra-la-fort-pédante, ne se fit guère d'illusions quant au sort qui attendait les deux gens d'armes fanatisés qui descendaient à pas sûrs les marches en colimaçons qui les mèneraient vers leur funeste destin. La nuée des rebus de cellule abjectes et poisseux se fit bien virulente et si les armures et les dagues oesgardiennes ( toujours de belles factures et portent fièrement la réputation des aciers du nord) ne pourraient guère opposer de féroce meurtrissures à l'infâme Jacquerie des oubliettes, telle qu'on l'apellerait à l'avenir.

Les deux ladres furent effectivement submergé par le nombre et la rage des détenus, pourtant traités avec toute l'humanité qui sied à ces pittoresques invités. Bien sûr les oesgardiens firent moultes victimes avant de tomber, Bien sûr ils percèrent une brèche dans le nuage de mains et de dents acérées, bien sûr ils taillèrent dans le lard les diables qui s'opposaient à leurs lames, bien sûr ils invoquèrent le nom du baudrier en s'écroulant sur le sol, le crâne fracassé contre les pierres lugubres des cachots de la citadelle éternelle. Le sang et la cervelle mêlés se répandirent sur le sol au grand ravissement des pitoyables hères qui ne trouvaient leur salut que dans le pogrom et la pestilence.

Pendant ce temps, alors que les sous sols de la ville était en proie à la plus infernale comédie, un petit page courut vers le baraquement du lieutenant Blomghal qui prenait là quelque repos bien mérité après son exploit d'alors. Le jeune messager fit part de son angoisse quant à la furie qui grouillait dans les murs inferieurs d'oesgard et lui signifia la volonté du bureau pénitentiaire de l'y envoyer avec des troupes afin de calmer les ardeurs des félons libérés.

Sans plus de palabre, le féroce lieutenant sauta dans ses vêtements de combat et fit chercher kerreckson avec quelques hommes. Sans être descendus dans les ténèbres de la terre barroniale, il avait compris ce qui s'y jouait et qui pouvait être à l'origine du tumulte.

A l'instant ou les deux premiers envoyés de l'ordre rendaient leur dernier soupirs, donnant ainsi l'espoirs aux cruels massacreurs de s'enfuir sans plus de réprimande et à Vyl de vider les lieux sans délai, debarquèrent Blomghal et ses preux, glaives en main, hurlant de rage... Le combat s'annonçait terrible, sanglant et glorieux.

Le brave officier avait cependant gravement mésestimer le nombre des prisonniers en lutte... Il en restait une quarantaine quand sa troupe se réduisait à quelque 6 braves. La conflagration n'en serait que plus épique, cela galvanisait chacun des serviteurs d'herménégildoricius.

"HARO HAROOO, TUEZ LES TOUS!!!" Hurla, le maître d'oeuvre militaire tout en chargeant.

kerreckson obéit à l'injonction avec un zèle foudroyant, taillant d'un revers de la main les jambes de deux pourritures humaines qui osaient réclamer la liberté.

Gautyé, encore en arrière, le gourdin frémissant et la peau hérissée à l'idée de participer à un massacre lança un regard suppliant à sa nouvelle maîtresse afin qu'elle l'autorise à satisfaire sa soif de sang en attaquant une fois encore les doux serviteurs de l'Etat tout puissant. Il faisait peine à voir, ce Gautyé à l'esprit aussi perdu qu'un vaisseau miradelphien cherchant vainement un autre monde...

C'est ici que tout commence.
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMar 20 Oct 2009 - 11:32

Oësgard recélait des trésors inestimables, jusque dans le cul de basse fosse de ses geôles.

Des assassins dégénérés et faméliques oubliés dans des cellules insalubres le temps qu’on dresse leur gibet, et qui devaient leur survie au marasme qui balayait la Baronnie maudite telle une tempête. Il y avait peu encore, ces rebuts, violeurs patentés et mangeurs d’enfants, auraient été expédiés de la pire des façons dans les deux jours. Mais le Baudrier réservait le tranchant de ses armes à ses ennemis qui grouillaient comme vermine sur carcasse, et le chanvre de ses cordes à ses engins de guerre. Des voleurs, chapardeurs, et petites frappes qui patientaient depuis des lunes sur la paille des cachots, craignant qu’on ne leur coupe la main pour les punir de leurs larcins, à moins que le Tourmalin ne se lasse et les fasse égorger comme des porcs sur l’autel de sa justice implacable. Des parjures qui tremblaient pour leur langue. En bref, un florilège joyeux des vices et des turpitudes d’une société blessée par les révoltes et la guerre qui croupissait dans le noir sans autre espoir que la souffrance, l’humiliation et une mort lente.

Les gueux dépenaillés saisissaient la chance inespérée de leur libération comme le naufragé s’accroche à la barrique qu’il prend pour un radeau. Ils se précipitaient dans le boyau des galeries comme s’ils avaient aperçu les rayons du soleil au bout d’un tunnel. Avec rage, détermination, et un je-ne-sais-quoi de désespérance, ils se lançaient dans l’aventure, tentant leur maigre chance de sortir entier du royaume des rats et de la pestilence.

Tous doutaient de l’issue de l’entreprise. Tous connaissaient la haine mortelle de Herménégildoricius pour la racaille et devinaient sans peine le luxe de raffinements que lui et ses reîtres déploieraient pour mater la révolte. Mais d’aucun prétendait que l’ennemi frappait aux portes de la citadelle. La nouvelle s’était répandue parmi les évadés comme le feu dans la paille. La soldatesque devait serrer les rangs sur les murailles et n’aurait pas trop d’effectifs à distraire. Au pire, le Tourmalin ferait-il murer l’entrée de la prison et laisserait les prisonniers crever de leur belle mort. Il n’y avait pas d’autre alternative alors que de sortir. Et toute la lie perdue d’Oësgard, la peur au ventre, galopait dans le labyrinthe pour tenter de respirer une fois encore l’air libre du dehors.

Les premiers gardes envoyés pour réprimer l’évasion se firent cueillir par des ombres dès qu’ils foulèrent de leurs pieds le pavé infâme des oubliettes. Les plus expérimentés des captifs, et les plus dangereux aussi, s’étaient portés en avant. Le sort qu’ils réservèrent aux soldats n’est pas ici racontable. Tout au plus peut-on laisser imaginer de quoi des esprits dérangés, portés par nature à la perversité du crime, sont capables lorsqu’ils luttent pour leur survie. Les armes des cadavres furent partagées entre les assassins, comme d’ailleurs équipement et vêtures. Lorsque Vyl Thanat’Khor buta sur le corps des malheureux, elle ne reconnut pas immédiatement dans la charpie sanguinolente dans laquelle elle souilla ses bottes les vestiges d’êtres qui avaient appartenu à ce monde. Et elle loua Uriz pour lui avoir donné de si bons compagnons pour accompagner sa fuite.

« HARO HAROOO, TUEZ LES TOUS !!! »

La guerrière comprit qu’on avait envoyé des renforts pour lui barrer la route. Et elle se décida à prendre les choses en mains. Elle siffla entre ses doigts pour attirer l’attention des hommes qui la précédaient.

« Stoppez là où vous vous ferez réduire en miettes par la garde ! Gronda-t-elle. Emparez vous de tous les bancs, paillasses, tables que vous pourrez trouver. Nous sommes dans des boyaux étroits, et nous pouvons en tirer avantage… »

Les rustres se mirent en quête, fouillant les alcôves.

A l’avant, on entendait les hurlements des premiers prisonniers qui tombaient sous les coups des gardes. Et les ordres beuglés par l’officier qui exhortait ses troupes au carnage. Vyl dressa l’oreille : malgré la déformation de l’écho, et les braillements des combattants, elle venait de reconnaître le son de la voix de Blomghal. Le plaisir et la colère la transpercèrent alors : Kerreckson devait participer à l’assaut, et la Sombre se rappelait être en compte avec le quidam. Elle battit le rappel.

« Pressons ! Pressons ! Bougez vos carcasses si vous voulez revoir la lumière du jour !»

Les gueux revenaient, brandissant leur butin.

Il n’était pas possible de progresser à plus de trois de front dans les galeries. Vyl sélectionna parmi la trentaine de malfrats qui l’entourait neuf des plus robustes et les arma de la table de chêne arrachée à la salle où enquêteurs et bourreaux administraient la question.

« Vous serez notre rempart ! Vous avancerez en tête, poussant le bois devant vous comme un bouclier. Trois tiennent bon, trois les appuient. Si l’un tombe, l’autre le remplace. Bloquez l’avancée de l’ennemi et marchez sans vous arrêter. Et à mon signal, vous vous baissez. »

Tous les autres avaient ramassé chaînes, barreaux, manches qui traînaient. Ils les agitaient, menaçants, comme des armes merveilleuses.

« Tous les autres derrière… Lorsque le rempart se baisse, vous frappez… Les plus grands frappent au dessus du rempart pendant que la première ligne avance… Frappez de toutes vos forces… Frappez à la tête ! Frappez pour tuez ! »

L’instruction fut saluée par des acclamations. Les hommes sentaient que la Drow avait du métier, ne serait-ce qu’à sa manière d’organiser le chaos. Calme. Déterminée. Aiguisée comme un poignard. La conviction qu’on percevait derrière chacune de ses paroles renvoyait dans l’inconscient des brutes à un plan savamment orchestré dont ils ne connaissaient rien, mais qui avait le mérite d’exister. L’espoir renaissait, âpre, violent, mais fragile encore. Nul ne se souciait d’avoir remis sa vie entre les mains d’une Sombre, d’une femelle de la Race honnie. Elle était le général d’une troupe qui n’avait rien d’autre à vendre que sa peau, et tous ne voyaient plus en elle que le guerrier aguerrie. D’ailleurs, depuis sa mise en garde, nul ne songeait même plus à abuser de ce corps de statue, sensuel et délié, qu’elle drapait dans sa cape de nuit.

La piétaille se mit en marche. Presque dans le silence. Les humains, concentrés, soucieux de bien faire.

Vyl retint Gautyé en le rattrapant par son bras. Sous ses longs doigts fins, elle pouvait sentir le muscle tendu, dur comme un silex, et la palpitation du sang tiède. Elle sourit. Son arme la plus dévastatrice lui obéissait comme un enfant à sa mère abusive. L’âme simple du trapu répondait à celle, perfide et alambiquée, de la Drow. Un seul regard de la guerrière déclencherait instantanément l’apocalypse : un fou, assassin désinhibé et cannibale, fauchant les vies sous la puissance dévastatrice de son gourdin ferré. Rien ne pourrait l’arrêter. Il frapperait jusqu’à ce que son cœur s’arrête de battre…

« Reste en arrière, lui murmura-t-elle complice. Laisse les faire le vide. Réserve toi pour l’attaque finale… Je compte sur toi… »

Le monstre envisagea sa maîtresse d’un regard vide. Il lui en voulait presque de ne pas l’avoir laissé courir au-devant des gardes. Gautyé détestait toutes ses crapules qui se serviraient avant lui. Qui combattraient avant lui. Qui feraient mal avant lui. Que lui resterait-il si ces ordures s’avéraient par trop efficace ? Vyl lui ôtait le pain de la bouche, et la brute avait mal. Mais déjà, le colosse abdiquait. L’emprise de la femelle pliait sa volonté aussi facilement qu’il aurait tordu les barreaux de fer de sa prison si Gaucelm ne l’avait pas tyrannisé. La Sombre quant à elle se méfiait. Elle savait les caprices des bêtes sauvages. Leur versatilité. Et elle se tenait prête à occire son compagnon de cellule au moindre début de menace.

Devant, Kerreckson avait déjà causé quelques ravages. Le bougre avait du talent, il fallait bien le reconnaître. Mais lorsque Blomghal et lui furent confrontés à la muraille de chêne qui avançait, occultant la galerie, ils ne purent réprimer leur stupéfaction. D’autant que les prisonniers qui se trouvaient entre les gardes et les rangs serrés des évadés progressant lentement derrière leur rempart chargeaient maintenant avec l’énergie du désespoir, ne pouvant même plus reculer. Seul un des gardes du Tourmalin fut tué au cours de la rapide échauffourée qui s’en suivit. Les cinq reîtres restant et Kerreckson eurent raison de tous les autres.

Mais là se produisit le miracle qu’on attendait pas. La nature humaine a parfois des grandeurs qu’on ne lui soupçonne pas. Les deux assassins les plus solidement armés, se sentant perdus, se laissèrent égorger presque sans résistance. Ils avaient lancé les armes prises sur leurs victimes à la troupe d’insurgés en marche…

Bientôt, les gardes du Baudrier durent affronter le rempart. Ils l’attaquèrent à l’épée et à la lance, frappant à la volée. Mais leur fer rebondissait sur le vieux chêne. Lorsque le premier sifflement retentit, l’effet de surprise fut total. Le rempart s’affaissa, comme englouti par le sol, sous les yeux des gardes médusés. Et les hommes furent agonis par une pluie de coups. Un des soldats perdit un œil. Un autre eut le crâne défoncé par un barreau de fer et s’effondra, foudroyé. Tous les autres reculèrent alors que le rempart se redressait, reprenant sa marche inexorable. Les prisonniers grondaient comme des chiens enragés. Ils recouvraient leur confiance. L’espoir se ranimait comme la braise attisée sous les cendres. Et Vyl jubilait.

Au second sifflement, les soldats de Blomghal dressèrent leurs armes pour parer la grêlée de coups qui jaillissaient derrière la table de chêne. Les blessures infligées furent plus légères. Mais suffisamment cuisantes pour instiller le doute dans l’esprit des gardes. Ils avaient cru qu’ils piétineraient toute résistance en quelques minutes. Qu’ils lutteraient contre des sous-hommes retournés à l’état de nature. Que leurs fers trancheraient dans la chair nue de pauvres hères désarmés. Mais les voilà qui combattaient contre la folie du désespoir animée par un seul esprit. Et ils devaient reculer contre la force désemparée qui les chargeait sans relâche. Impossible de riposter lorsque la muraille de fortune brandie devant eux s’effondrait, car les miteux maniaient maintenant les armes prises sur les serviteurs de l’ordre. Et leurs coups faisaient mal.

Kerreckson venait de prendre la vie des deux derniers assassins de l’avant-garde lorsque tomba le troisième garde, la tête explosant sous le casque sous les hourras des évadés.

Vyl exultait. Trois ennemis à terre et aucune victime dans ses rangs.

Gautyé dévisageait la Drow, presque implorant. Elle comprit que se dresser contre cette volonté perturbée par la démence ne lui vaudrait rien de bon. Alors elle inclina la tête en signe d’assentiment. Lâchant le fauve qu’elle avait jusque là retenu.

Et c’est là que tout commence…
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeDim 25 Oct 2009 - 21:45

Il était inconvenant qu'une ribaude, une femelle vulgaire en haillon dirige une troupe de gaillards tous plus vaillants les uns que les autres. Un paradoxe total, une hérésie digne des esprits dérangés et outrecuidants des enchanteurs les plus farfelus. Toutefois, sa stratégie, fut elle brillante, n'avait pas de raison de s'exprimer en les mornes murs des geoles d'Oesgard. Avec la supériorité numérique dont disposait la drow, un enfant trisomique de 4 ans en aurait presque fait autant. l'amertume rend l'Oesgardien mauvais et retors... Aussi peut-être y a t il plus de mérite en ces actes que le narrateur en veut bien laisser paraître.

Blomghal reagrda avec flegme la marée humaine étrangement organisée fondre sur sa cohorte. Sondant le fond de son âme, il réalisa qu'il lui faudrait donner sa vie ce soir pour une cause qui n'avait rien de glorieuse. Stopper les damnés de la terre dans leur élan de fureur, n'importe quelle troupe d'un nombre satisfaisant aurait accompli avec succès et zèle cette tâche ingrate. Trois preux Oesgardiens tombèrent sous les coups des païens barbares, réduisant de moitié les ressources déjà faméliques du bon lieutenant.

Le sens martial de Blomghal ne lui fit jamais défaut, instinctivement, il ordonna le repli et les trois survivants entamèrent une lente progression en recul. Les pouces défilaient sous leurs pas, les rapprochant toujours plus de l'extrémité du putride et funeste corridor. Les féroces reitres du Baudrier ne firent point trop de victimes, mais là n'était plus le but de l'opération. Par accord tacite, ils s'étaient tout trois entendu sur la stratégie à tenir.

Enfin, après d'interminables minutes de conflagration durant lequel l'acier des lames de Kerreckson, Blomghal et Adelphrose tâterent du biceps malingre des démoniaque sbires de la sombre, ils parvirent non loin de la base des escliers en colimaçon. Aucun d'entre eux n'avait à se plaindre d'un quelconque heurt sur son armure,dans sa chair, ou dans son âme. Il s'agissait ici de trois des militaires les plus capables de l'humanité entière.

Sentant que les doigts glacés de la mort ne tarderaient pas à se poser sur ses épaules et celles de ses preux, le lieutenant Blomghal saisit une cordelette placée contre le mur et la tira deux fois de toutes ses forces. On entendit, très loin vers la surface, un tintement sourd et grave qui se poursuivit même alors que le lieutenant eut stoppé son mouvement. Le brave sourit alors, taillant toujours dans le vif les assaillants afin de ne leur céder désormais aucune once de terrain.Ils ne vaincraient pas, leurs coups n'étaient jamais létal, les prisonniers semblaient rompus aux manoeuvre d'esquive, même dans un lieu aussi clos et étroit.

Blomghal s'adressa d'une voix rauque à son fidèle second, lui même largement occupé par le découpage systématique des carcasses sanguinolantes qui lui faisaient face.

" Monsieur Kerreckson?" cria-t-il.

- Lieutenant? rétorqua-t-il avec non moins de volume.

- Vous savez comment se nomme cette citadelle?

- Absolument Lieutenant!

- Et vous êtes fier de ce nom n'est ce pas Lieutenant kerreckson? demanda-t-il un ton plus fort encore, porté par la rage de la bataille

- Très fier, lieutenant, rugit l'interressé

- Ses habitants sont ils respectables?

- Plus que respectable, lieutenant!

- Dans une cité admirable?

- Tout à fait admirable admirable, lieutenant

- Dans la plus grande nation du monde?

- Du monde entier, lieutenant!

- Et quel est ce nom, kerreckson?

- OESGARD!!!

- Que faut il dire??

"OESGAAAARD" Hurlèrent ils en coeur.

A ce nom, une déflagration retentit dans toute les entrailles de la ville et un déluge de flammes s'abbattit alors dans les couloirs comme un troupeau de chevaux ardents au galop, les premières victimes furent les trois patriotes rapidement rejoints par l'armée des infâmes ladres qui avaient cru pouvoir s'opposer à la toute puissance du Baudrier d'argent, le futur roi d'Oesgard et de tout son fief. Gautyé, pressentant le danger se jeta sur sa maîtresse afin de la protéger de la purification par l'immolation. Dérisoire stratagème, lui en tout cas, n'eut pas la chance de voir se lever le soleil sur le monde et il ne resta de cette engeance du diable qu'un petit cadavre calciné dont les cendres couvrirent rapidement le corps de la Drow.

Tout n'était plus que braises ardentes, fumées toxiques et brasier infernal, la chaleur luciferienne qui régnait aurait tué là le plus robuste des hommes. Les armes magiques achetées à grand prix par le baron baudoin, avaient trouvé là un charmant et efficace emploi. C'était le premier essai de ce lance flamme et force était de constater que l'objet était d'une précision et d'une puissance proprement hallucinante...
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Vyl Thanat'Khor
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeMer 28 Oct 2009 - 14:47

La horde des perdus avançait. Pouce après pouce, nous gagnions du terrain au détriment de Blomghal et des quelques cuistres qui lui restaient. Mon stratagème avait fonctionné au-delà de toute espérance. Et je pris un malin plaisir à piétiner les cadavres des reîtres occis par ma bande en haillons. A l’avant, les soldats du Tourmalin s’étaient repris. Ils n’essuyaient plus une seule perte et reculaient dans un ordre exemplaire, digne des meilleures légions de l’Ost Noir. Mes manants frappaient dans le vide. Lorsqu’ils faisaient mouche, leurs armes de fortune s’abîmaient sur le fer des épées et des lances de nos farouches gardiens.

Il devenait clair pour moi que Blomghal, en vaillant capitaine, ne ménageait pas ses efforts pour nous attirer à l’extérieur. Dehors, des arbalétriers devaient guetter les évadés pour les abattre, sans quartier, comme des chiens dès qu’ils pointeraient leurs nez sales à l’air libre.

J’anticipais le carnage et n’en avais cure. Que représentaient pour moi ces raclures d’humanité qui me protégeaient de leur viande comme si j’avais été leur bien-aimé capitaine ? Je les menais à l’abattoir et je me repaissais déjà en silence des affres interminables de leur agonie. Bien sûr qu’ils tomberaient les uns après les autres ! Bien sûr que cette folle entreprise était entièrement vouée à l’échec et que notre aventure ne compterait pas un survivant pour la raconter ! Je n’avais pas déclaré la guerre à Herménégildoricius pour libérer ses esclaves, ni pour renverser l’ordre établi. Je ne m’étais pas lancée dans une croisade impossible en faveur de la rédemption des criminels. Non ! Un concours de circonstances malheureuses avait conduit à ce que je sois jetée en prison avec la lie de l’Oësgard et j’avais décidé de sortir, tout simplement. Dès que ce qui resterait de notre groupe poserait le pied dans la cour intérieure, la tête sous les étoiles, je mettrai à profit les années d’entraînement avec les meilleurs des meilleurs de la révérée Dothka, et disparaissant à la vue de tous, je gagnerai le chemin de ronde pour me jeter dans les douves. Le seul que j’avais l’intention de préserver le plus longtemps possible, c’était Gautyé. Non pas que la créature me fut particulièrement chère : la Nature, si prisée des larves d’Anaeh, n’avait pas le droit d’engendrer pareil monstre ! Mais sa haute stature et sa force prodigieuse m’offraient un bouclier et un bras à la mesure de ce qui nous attendait en haut des escaliers.

Pourtant, plus nous nous rapprochions de notre but, plus ma troupe débandait. L’appel de la liberté hurlait dans les crânes de ces laissés pour mort qui, à peine deux heures auparavant, pourrissaient dans leurs déjections, cadavres parmi les cadavres, au milieu des rats. La rigueur des premières manœuvres se délitait, balayée, comme les feuilles d’automne emportées par le vent, par les premières bouffées d’air pur qui dévalaient les escaliers qui, maintenant, nous faisaient face. La horde qui s’était mue tel un être unique, hydre puante aux tentacules décharnées, se désarticulait. Lorsque la première ligne abaissait ses défenses, les gueux de la seconde ligne, l’esprit perdu dans le dédale des labyrinthes qui ouvraient les portes vers la liberté, oubliaient de charger l’ennemi, baillant aux corneilles. Et les hommes de Blomghal, Kerreckson le premier, s’en donnaient alors à cœur joie, donnant du fer dans la marée humaine, taillant de pointe et d’estoc dans la viande.

Le sang des prisonniers douchait les murs des corridors. Et j’avançais entre deux murailles rouges et poisseuses, glissant dans les entrailles répandues sur le pavé, butant sur les membres coupés. Jonchant le sol, les corps des doux rêveurs, morts d’avoir trop vite baissé la garde, jetaient vers moi des regards vitreux, agonisant dans les derniers râles de la douleur. Kerreckson payait de sa personne. Mes lignes d’attaque dégarnies, je pouvais les voir, maintenant, ces soldats qui nous barraient la route. Malgré notre supériorité numérique, nous ne venions pas à bout de leur dévouement à la cause. Ce Blomghal avait le sens du devoir chevillé à l’âme et au corps, et il attisait la détermination de ses hommes de son courage et de la force de sa volonté. Son lieutenant n’avait plus figure humaine, son armure rougeoyait des lambeaux de chair qui pendaient, il avait les cheveux qui disparaissaient sous des croûtes noirâtres. A voir la belle énergie qu’il manifestait sans relâche, ce porc n’avait pas subi la moindre meurtrissure, et ce sang qui lui faisait une carapace avait coulé des plaies de ses ennemis et non pas de ses propres veines. J’oscillais entre haine et admiration.

Gautyé ne tenait plus en place. Les lignes des braillards lui barraient la route du massacre. J’avais une fois encore retenu son bras car, dans la colère de l’impuissance, il s’en était pris à nos propres forces. Gautyé n’avait pas plus de jugement qu’un enfant attardé. Ses pulsions animales l’animaient. Comme notre troupe famélique ne lui cédait pas le passage, il avait décidé de se frayer un chemin par ses propres moyens. Nous y avions perdu quatre hommes, projetés contre les murs, les os brisés, les côtes ou le crâne broyés par les coups de masse du colosse. Alors que je retenais sa main, il avait tourné vers moi des yeux vides, tous ses muscles frémissant de la contrariété d’être entravé dans ses gestes, et j’avais crains qu’il ne se retourne contre moi. Mais en me reconnaissant, il m’avait souris, et docile, il marchait devant moi, me tenant en arrière d’un bras protecteur. Lui qui dévorait des enfants, il s’était épris de ma personne, et j’en concevais une perplexité sans borne. Etait-ce ma facilité à donner la mort qui l’avait séduit ? J’en venais à me dire que je conserverai volontiers la créature comme bête de compagnie. Quel magnifique chien de guerre…

Soudain, à l’avant, derrière cris et gémissements, je perçu un tintement sourd et grave.

Blomghal exhortait ses troupes, solennel. Et ses hommes redoublaient d’effort pour endiguer le torrent humain qui déferlait vers la gueule béante des escaliers. Il avait dans la voix d’étranges échos. Et ses reîtres répondaient, Kerreckson en tête. Mais au-delà du discours qui prêtait à sourire, c’est l’émotion que je sentais poindre derrière les mots qui captait toute mon attention. Comme si Blomghal préparait sa cohorte à quelque chose…

Le tintement sourd et grave…

J’avais pensé, naïve, que le vaillant capitaine avait sonné l’alerte, rameutant les renforts pour nous écraser définitivement. Et je m’attendais à livrer mon dernier combat. Mais s’il s’était agi d’une cloche d’alarme, pourquoi l’homme prenait-il la peine de galvaniser le courage des siens. Il lui aurait suffi de crier quelques « tenez bon ! » ou « hardi, soldat » pour contenir nos chétives offensives. La nausée me venait. L’instinct de survie titillait tous mes sens.

- RECULEZ ! Hurlais-je de toutes mes forces, RECULEZ !

Mais nul ne m’entendit.

A l’avant, les gardes du Tourmalin entonnaient leur cri de guerre d’une même voix avec toute la puissance de la colère et du désespoir, couvrant mes instructions.

- OESGAAAARD !!!!

Gautyé me lança un regard terrifié, comme s’il avait deviné l’ampleur du cataclysme qui assombrissait notre horizon. Il lâcha sa masse qui se fracassa sur le sol, et se précipita sur moi. Derrière lui, une lueur éclaboussait déjà la sortie des geôles. Un soleil dévalait les escaliers, rebondissant comme une balle de chiffon sur la muraille dans un vacarme assourdissant. Un souffle brûlant nous projeta à terre. Par réflexe, j’avais, avant de chuter, tirer les pans de ma cape, disparaissant toute entière dans la toile ensorcelée. La masse de Gautyé m’écrasa sur le pavé, me coupant le souffle.

Autour de nous, l’enfer vomissait ses entrailles.

Le feu vrombissait comme un torrent en crue. J’enfonçais ma tête dans le poitrail du géant pour protéger mes yeux, n’osant même pas hurler. Je marchais déjà au-delà de la peur. J’aurais préféré mourir sur le champ plutôt que d’affronter cette vague incandescente qui imprégnait les corps, les faisant exploser comme des saucisses sur un brasier. Des torches vivantes se jetaient contre les murs. Certains nous piétinaient dans une fuite illusoire. Mais tous périrent, endurant la morsure de l’incendie rageur qui nous donnait la chasse, impitoyable et aveugle.

La coulée de fusion atteignit Gautyé dont la masse dissimulait complètement ma silhouette recroquevillée. Je sentis tout son être convulser. Il se raidit d’abord, comme pour contenir la souffrance. Puis il se laissa aller à son martyre, se livrant entièrement à la douleur qui le dévorait. Il se mit à brailler. Brailler, brailler. Ses cris s’engouffraient dans ma tête, perforant mes tympans, et je crus que mon crâne allait exploser. La touffeur m’asphyxiait. La chaleur était telle que les fers renforçant ma cuirasse, mes bracelets, mes cnémides se mirent à rougeoyer, mordant dans ma chair. Je criais avec Gautyé, priant Uriz que mon calvaire prenne fin le plus vite possible. Puis mon protecteur s’affaissa, et le temps que la température dégringole dans les couloirs, il ne fut que tremblements et soubresauts. Jusqu’à l’apaisement total.

Je suffoquais dans la puanteur des chairs calcinées. Les flammes avaient épongé tout l’air disponible dans ces galeries déjà si mal ventilées. Autour de moi, le calme régnait en despote absolu. Seuls les crépitements de quelques loques embrasées troublaient le silence. J’ouvrais les yeux. Au-dessus de moi, le visage de Gautyé s’était figé dans un dernier beuglement. Ses yeux morts me fixaient, vitreux, opaques comme du blanc d’œuf saisi à la flamme. Tout fumait. Je me dégageais. Curieusement, le corps du colosse ne me parut pas aussi lourd qu’au moment de notre chute. Je compris bien vite pourquoi en rampant à ses cotés. Le feu avait rongé plus que la moitié de son corps, et sa colonne vertébrale, les os de ses épaules, de ses bras et de ses jambes, dépourvus de viande cuisaient encore. Je me retournais, me plaquant tout contre le sol pour aspirer le peu d’air qui circulait encore. Et je perdis conscience.

Ce ne fut qu’un pauvre petit saut dans l’inconscient. Le contrecoup de trop d’émotions réprimées et de la privation d’oxygène. Péniblement, je me redressais. Ma cape avait résisté, partout où elle avait été en contact étroit avec Gautyé. Tout ce qui dépassait avait été brûlé. On l’aurait dit joliment bordée d’une dentelle fine, comme l’ouvrage d’une fourmilière vorace ou de quelques chenilles affamées. La peau de mes bras et de mes jambes avait noirci, mais je ne déplorais pas de brûlure grave. Juste ça et là, quelques rougeurs et quelques cloques. J’avais encore tous mes cheveux, certainement grâce à ma capuche et à ma natte étroitement serrée, même si je trouvais, au touché, que mon front était bien plus large que d’habitude. Les pointes de mes bottes avaient éclaté sous l’effet de la chaleur, et la peau de ma cuirasse, craquelée, semblait un vieux parchemin.

Je mesurais l’ampleur de l’horreur que je venais de vivre en contemplant alentours, à la lueur de quelques corps se consumant dans une odeur horrible, le spectacle d’un abominable carnage. Plus je me rapprochais des escaliers, moins les formes collées à terre semblaient humaines. Gautyé et quelques autres avaient été atrocement mutilés, mais on distinguait encore quelques indices de leur humanité : silhouettes tordues, membres noirs et craquant comme du charbon de bois. Les autres n’avaient pas eu cette chance. Là où les flammes avaient pénétré la galerie, il n’y avait plus que des amas de cendre. Et derrière les monticules poussiéreux qu’un courant d’air éparpillait en volutes grises, il y avait des tas plus imposants. En y regardant mieux, on devinait des corps réduits de volume, pas plus gros que des chiens, repliés sur eux-mêmes dans la posture de ces avortons arrachés au ventre de leur mère. Je reconnus les reîtres du Tourmalin à leur cuirasse noircie. De Blomghal et Kerreckson, il ne restait que des cendres.

Gautyé m’avait arrachée à la mort et payé le prix fort pour sa générosité. Mais j’avais aussi une dette envers Blomghal, et je regrettais de ne plus jamais pouvoir m’en acquitter en ce monde. Je le reconnais sans honte : j’étais secouée par cette mésaventure. La peur s’était insinuée sous ma peau et me tordait le ventre. Quelle était la cause de cette coulure de lave qui avait terrassé gardiens et évadés ? Quelques dragons spécialement dressés pour le combat ? Un basilic domptant la foudre ? Ou quelque mage de guerre se dressant là devant, sur ma route ? Je redoutais plus que tout les serviteurs des arcanes et les scintillateurs car il n’y avait pas plus impitoyables et cruels qu’eux. Au Puy d’Elda, nous les révérions, et sur les champs de bataille, ils causaient tant de ravages que leur seul chant de guerre faisait éclore l’effroi dans tous les cœurs…

Je reprenais mon souffle, et rassemblais mes forces, surprise de ne pas entendre la garde venir à ma rencontre. Sur le sol, parmi les restes charbonneux, je ramassais une épée dont la garde avait légèrement fondu, mais dont la lame paraissait avoir résisté à la mortelle cuisson. Et lentement, un pas après l’autre, le dos tout contre les pierres des murs, ma cape ayant perdu sa faculté à me préserver des regards, je me lovais dans l’ombre et commençais ma lente ascension vers le ciel.
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Herménégildoricius
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeVen 30 Oct 2009 - 16:34

Le dispositif d'urgence pénitentiaire, jamais usité auparavant, avait été des plus efficients. Aussitôt la cloche eut-elle tinté que le personnel de surface, vaguement assoupi devant l'ampleur des tâches qu'ils n'avaient pas à accomplir, s'était empressé de saisir l'ustensile de préservation de l'ordre public" et de l'employer à l'entrée de l'escalier en colimaçon. Les rats qui croupissaient dans les oubliettes devaient se voir exterminés afin qu'ils ne soient plus jamais cause de tourments à la société des bonnes et honnêtes gens d'Oesgard. Un page zélé fut mandé quérir le baudrier qui s'était de fait déjà mis en marche en apprenant que des troubles secouaient l'institution des geoles de sa bienheureuse maison.

A l'entrée des escaliers noircis par la carbonisation, les deux employés en charge de la surveillance dépéchèrent une délégation de cinq fantassins pedestres, descendus spécialement en renfort pour appuyer le lieutenant Blomghal. Ils furent informé de la situation et dégainèrent sur le champs leurs dagues, bien décidés à occire les survivants, si tant était qu'il en subsistait dans le pogrom calcinateur qui venait d'avoir lieu. Revêtus d'armures lourdes intégrales, ils dévalèrent les marches jusqu'à tomber sur l'ombre qui gravissait pas à pas l'escalier vers la liberté.

D'un croche patte bien senti, elle fit dégringoler le premier reitre poussant un râle de rage jusqu'à la base de la structure. Ses frères d'armes, ivres de vengeance, s'apprêtèrent à faire cesser incessemment les méfaits de la drow en lui faisant pénétrer leurs lames au travers du corps. le combat s'engagerait à un contre un jusqu'à ce que la victime de la fourberie de Vyl ne remonte pour l'encercler.

Le combat fut bref tant il est vrai que les armures qui protégeaient les Oesgardiens n'avaient que peu de failles et que la drow était encore affaiblie par le manque d'air et les brulures qu'elle avait ressentie. Elle fut désarmée et alors que les troupes de choc allaient asséner le coup fatal, une voix de stentor venue de la surface fit trembler les murs de pierre du pénitencier.

" REMONTEZ LA!"

Il était aisé de discerner dans cet éclat de voix le timbre si aisément reconnaissable du truculent d'Argent, maître des lieux. Les féroces gardes baronniaux s'empressèrent d'empoigner la créature et de la remonter sans délais, ils accomplirent leur tâche sans violence cependant, si l'on considère que la pression monstrueuse qu'ils exerçaient sur les bras de Vyl pour la tirer n 'en était pas une des formes insidieuses.

A la surface se trouvaient les deux employés, vagues guerriers pansus en pensifs, plus scribouillards que soudars, plus veules et soumis que véritablement fidèles. Des êtres rondouillards sans grand intérêt, portant moustaches et pourpoint de circonstance. Près de ces deux engeances, une machine toute fumante d'un bon mètre de long. Un tube doré apparemment complété d'une arabesque complexe et de décorations fort peu dans les gouts d'Oesgardie. C'était là l'un de ces canons cracheurs de feux qui devait pouvoir éteindre les révoltes.

Au centre de la pièce se trouvait Herménégildoricius, le faciès soucieux et l'air peu engageant. Il n'affichait pourtant aucune hostilité outrecuidante. Sa contrariété se lisait dans son regard sombre. Ce contre-temps imprévu tombait au moment le plus importun. Son espadon dans le dos, son sémillant baudrier bien en place, il força un sourire qui tenait plus du rictus lorsqu'il vit Vyl émerger des profondeurs infernales entourée de ses gardes enragés. Il ouvrit les bras en signe de paix et commença à parler.

"Eh bien, je n'augurais pas que nous nous reverrions de si bonne heure, Drow..."

Il marqua d'emblée une pause afin de détailler la pauvre hère qui lui faisait face. Elle avait essuyée bien des assauts au cours de la nuit et malgré sa fierté naturelle (inhérente d'ailleurs à sa race) elle semblait un rien amoindrie mais néanmoins résolue.

" Vous m'êtes cause de bien des tracas, vous ne l'ignorez pas... Vous m'avez disgracieusement dépouillé d'un officier de la plus fine qualité et de nombre de braves reitres...

Il commença à faire les cent pas...

"Vous avez manqué de peu de permettre à la lie d'Oesgard de s'épandre avec force rage en ses paisibles rangs, vous avez survécu à l'assaut de mes preux, à l'incendie magique déployé contre vous, êtes vous donc dotée de l'immortalité?"

Le sourire du baudrier se fit alors plus franc et assuré à mesure que son verbe s'épendait.

"Je devrais vous immoler séant mais il serait criminel de verser plus avant le sang d'une créature doté d'un génie militaire et pratique si puissant. Vous avez gagné mon respect, quoi que vous soyiez, c'est la raison pour laquelle je vous offre votre liberté."

Le brave général officier s'approcha et tendit un sauf-conduit en bonne et due forme à Vyl.

" Vous serez escortée hors des murs par quelques uns de mes fidèles compagnons. Avez vous quelque chose à me dire?"
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Vyl Thanat'Khor
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MessageSujet: Re: Fièvres [libre]   Fièvres [libre] I_icon_minitimeSam 31 Oct 2009 - 14:49

Epuisement…

Depuis plusieurs jours, la mauvaise fortune assaisonnait l’existence de Vyl Thanat’Khor de son fiel empoisonné.

Sa mission de reconnaissance dans les contrées humaines avait tourné au cauchemar. Traquée dans les forêts de Serramire, attaquée par des loups enragées, terrassée par la fièvre, elle avait été faite prisonnière par Blomghal et Kerreckson. Et à peine remise de ses mauvaises fièvres, on l’avait battue et jetée dans au cachot. Elle aurait pu y subir tous les outrages, mais à la fin des fins, c’est dans les flammes qu’on avait choisi de lui faire payer sa soif de liberté. Secouée par la terreur que lui avait inspirée la perspective d’une immolation par le feu, elle se remettait à peine de ses émotions.

Ses brûlures, pour assez bénignes qu’elles fussent, la faisaient néanmoins souffrir. Sa plaie sur l’épaule s’était ouverte lorsque Gautyé l’avait projetée sur le sol pour l’arracher à la mort, et du sang suintait sur le haut de son bras. La douleur était encore supportable, mais elle l’affaiblissait. Et puis, il y avait le jeûne. Plusieurs jours qu’elle n’avait rien pu avaler de solide. La chair faisandée de la louve de Serramire avait été son dernier festin. Et puis, il y avait la soif. Le feu infernal qui avait terrassé son armée des ombres et tous les rats des geôles, avait desséché sa gorge. Sa langue lui semblait un morceau de cuir râpeux, et elle se serait prostituée pour une gourde d’eau claire.

Epuisement…

Mais au-devant d’elle, d’autres combats l’attendaient. Ce qui avait provoqué le brasier meurtrier la guettait dans ces escaliers en colimaçon qui n’en finissaient plus de monter vers la surface. Vyl résistait à l’envie d’enlever sa cuirasse qui lui broyait les côtes et pesaient sur ses épaules endolories. D’arracher ses bracelets qui alourdissaient ses bras et entravaient l’amplitude de ses gestes. De jeter aux ordures ses cnémides qui plombaient ses longues jambes, l’enracinant dans la pierre usée des marches qu’elle gravissait une à une comme autant de collines infranchissables. Tout cet équipement qui, d’habitude, ne faisait qu’un avec sa chair, semblait s’être retourné contre elle, et l’emprisonnait. A deux ou trois reprises, la Drow se retint même de s’allonger sur le sol. Ses forces l’abandonnaient. Elle n’aspirait plus qu’à la reddition et à une mort rapide et digne.

Fracas du fer et l’acier. Bruits de pas lourds. Des hommes en armure venaient au devant d’elle. Nombreux, mais sa perception était trop affectée par la fatigue pour qu’elle songea même à les compter.

Soulagement…

Rien que des hommes. Des créatures de chair et de sang. Qui protégeaient leur vulnérable nature sous la maille. Et pas une hydre ! Ni encore un mage désincarné, sournois et silencieux, incantant dans l’obscurité.

La guerrière rassembla ses dernières forces pour livrer l’ultime bataille.

Lorsque la première silhouette s’avança, elle se fendit sur le côté et d’un coup de pied dans les chevilles ennemies, l’envoya brinqueballer dans les escaliers dans un fracas de tôles froissées. Puis, sans réfléchir, frappant au jugé, elle chargea les ombres qui suivaient. Vain combat d’une femelle meurtrie contre des colosses de fer. Pathétique. Presque ridicule. L’épée arrachée au brasier tombait sans vigueur sur l’acier des cuirasses. Chaque coup porté par l’adversaire la projetait plusieurs pieds en arrière. Vyl, en contrebas de ces agresseurs, attaquait au niveau des genoux, gênant la progression des attaquants, paralysant leur progression. C’est cette position stratégique qui fit durer le combat plus qu’il n’était possible. Quand l’homme que la Sombre avait jeté dans les escaliers remonta vers elle, elle sut qu’elle était ferrée dans la souricière. Heureusement pour elle, le reître eut quelques scrupules à l’occire d’un coup de lance dans les reins. Il cogna de sa poigne de maille au bas du dos de la Drow, la faisant tomber à genoux. Et alors qu’il attrapait Vyl par les cheveux, lui tirant la tête en arrière pour que son compagnon puisse frapper à la gorge, retentit une voix de stentor.

- REMONTEZ LA !

Le Tourmalin sifflait en personne la fin de la mascarade.

On la traîna sous les regards ébahis de la troupe mobilisée pour mettre fin au baroude de la canaille jusque sous l’œil unique du Seigneur des lieux. Désarmée, les bras tordus dans le dos. Son épaule pissant le sang. Sorcière aux yeux écarlates jaillissant de l’enfer, la peau craquelant, maculée de cendres. Pour se donner contenance, pour ne pas s’effondrer, la belle serrait les mâchoires et affrontait l’épreuve avec une fière impassibilité qui prenait aux entrailles. Lorsqu’elle aperçut la machine maléfique qui fumait encore dans la cour intérieure, elle comprit alors de quelle gueule avait jailli le feu. Et elle éclata d’un rire de gorge à faire dresser les cheveux sur la tête, comme si quelque démon aliéné l’avait soudain possédée toute entière.

Herménégildoricius de Tourmalin, Capitaine des Leümberjak et Baudrier d’argent, présentement Seigneur d’Oësgard, attendait au milieu de la pièce, le visage pétrifié par la contrariété.

Si les rustres qui lui serraient les bras à les faire éclater lui en avaient donné la liberté, elle aurait porté une main à son front. Sous ses cheveux, la cicatrice causée par le coup de botte rageur du borgne la cuisait encore. Mais cette fois, l’homme ne semblait pas dans des dispositions d’esprit aussi hostiles qu’à leur dernière rencontre. Il l’accueillit même avec civilité. Et pendant qu’il se donnait en spectacle, partageant avec tous et toutes ses états d’âmes, la guerrière s’interrogea encore sur la nature humaine. Elle venait de fomenter une révolte qui avait coûté la vie de nombreux braves, et ses geôliers ne la mettaient pas à mort ? A moins que toute cette sérénité ambiante fut annonciatrice du calvaire à venir… L’appréhension la laissa sans voix, et elle ne répondit pas au Tourmalin qui l’apostrophait au sujet de son immortalité.

C’est alors qu’Uriz, une nouvelle fois, se manifesta dans toute sa splendeur, sauvant sa fille vaincue.

- Je devrais vous immoler séant mais il serait criminel de verser plus avant le sang d'une créature doté d'un génie militaire et pratique si puissant. Vous avez gagné mon respect, quoi que vous soyez, c'est la raison pour laquelle je vous offre votre liberté.

Un brouhaha salua la nouvelle. Empreint de surprise d’abord. Puis de dépit et de colère. Enfin d’admiration béate. Car nul en Oësgard ne souhaitait remettre en cause les décisions divines du Tourmalin, lequel dispensait avec autant de facilité et de désinvolture, les indulgences que les coups d’épée.

Vyl Thanat’Khor, quant à elle, resta coite, foudroyée par le plus impitoyable des effarements.

L’espoir est une drogue vive et pure. La décision seigneuriale s’insinua dans le sang de la Drow, galvanisant tout son être. Elle retrouva la force de bomber le buste et de redresser la tête. Plus ! Elle si farouchement fière de son courage et de sa ruse, elle goûta à l’hommage qu’on lui rendait contre toute attente, et elle s’en enivra.

Déjà, un officier tendait vers elle un mince rouleau de parchemin fermé par un sceau de cire. La Drow s’empara du document sans hâte ostentatoire. Le visage encore et toujours fermé.

- Vous serez escortée hors des murs par quelques uns de mes fidèles compagnons. Avez vous quelque chose à me dire?

La guerrière s’ébroua intérieurement. Que dire, sinon remercier ? Elle s’inclina donc en marque d’absolu respect.

- Je voulais juste te dire, Messire, que je regrette que Blomghal ait perdu la vie dans cette aventure. Car j’avais une dette envers lui, et qu’il m’est pénible de ne plus pouvoir m’en acquitter en ce monde…

Au-delà de ses forces, la Drow ne feignait plus. Elle ouvrait grand les vannes de son âme et chacune de ses paroles étaient frappées du sceau de la sincérité.

- C’est envers toi, maintenant, que j’ai une dette, Seigneur… Une vie pour une vie ! Si les circonstances un jour nous poussent l’un vers l’autre, mon bras sera ton bras. J’en fais ici le serment solennel, sur mon âme éternelle…

Alors qu’on la tirait pas le bras pour lui faire prendre congé de son hôte magnanime, la guerrière se tourna vers le balafré, et l’interpella le plus humblement qu’il lui était possible.

- Seigneur, pardonne mon insistance… Mes armes m’ont été confisquées. Je ne revendiquerai pas mes lames qui ne me sont rien. Mais j’ai pour mon arc un attachement sans limite… Le récupérer est mon vœu le plus cher.
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