Va-t-en guerre

Jeanne quitte Ydril avant l’aube, son cheval lourdement harnaché, un magnifique frison noir zain sur lequel elle paraît naine. Son armure sur le dos, épée au fourreau et bouclier au bras, elle chevauche bille en tête en direction du nord. La guerre civile tonne à l’horizon, elle ne doit pas descendre aux portes de sa ville natale, elle doit empêcher ça coûte que coûte, et c’est en cravachant qu’elle traverse la plaine. Là elle se sent vivre, en selle sur Hecton, ce destrier de charge au poitrail large, le galop puissant.

Le domaine de Solaria, les armées du duché doivent converger ici avant de marcher vers Diantra, mais elles tardent, que font-elles ? La capitale est assiégée, les faibles se font arracher leurs dignités et leurs vies. Jeanne n’attendra pas chez les Soltarel.

Hecton a bavé toute son eau aujourd’hui, à ce rythme, nous y serons dans moins de deux jours mon ami. Halte à l’auberge, elle s’installe et commande de la viande, Jeanne est viandarde. On la regarde manger dans son armure, tenir sa fourchette de la main gauche, mais on détourne les yeux si elle plante les siens dans les notre. « Zallez à la guerre m’a p’tite dame ? » risque un voisin. Elle opine du chef en mâchant un morceau. Le vieux lève son bock et lance à la cantonade, « Alors je bois à ton épée la donzelle ! », ses compagnons de table l’imitent et c’est bientôt toute l’auberge qui trinque à ses futurs combats. On gueule et on lui offre à boire, elle donne le change mais elle s’éclipse rapidement, demain elle part tôt, s’agit pas de chevaucher vaseuse.

Et elle s’endort à l’étage, sans son armure, mais l’épée à portée.