[Palais] Conseil de Guerre | Les Obok et Y'Shahinn

Le Puy d’Elda, terre promise des uns, honnie par les autres, cœur de la civilisation sombre, qui allait accueillir, pour la première fois depuis de longues années, l’Olath Blada, le conseil de guerre des Sengers et du Karliik Glenn. La chambre magmatique semblait bouillonait toute entière, faisant frissonner le volcan sur ses fondations même. La missive, griffonnée avec soin sur un papyrus était parvenu jusqu’à Yutar il y a déjà plusieurs jours. Alder’Aak avait donc laissé le soin des derniers renforcements à ses Streea Jabbuk et avait pris le chemin du sombre berceau sous bonne escorte. L’atmosphère âcre et poussièreux de Yutar semblaient s’estomper peu à peu, pour laisser la place à celle, plus grandiose, d’Elda. Il se dirigea vers la chambre magmatique, ne détournant pas un seul instant les yeux vers ceux qui avaient la malchance de se trouver sur son chemin. De son pas lent mais régulier, il fendait la foule qui se massait dans les boyaux du Puy, jouant avec son anneau emprisonnant un améthyste brut et massif, symbole de ses fonctions dans le troisième ost. Une certaine tension se nouait en son sein, lorsqu’il se présenta face à la salle du Conseil. D’un geste de la main, il fit arrêter ses guerriers qui se mirent au garde à vous, en attendant que leur chef rejoigne Brylyan et ses pairs.

La lourde porte émit un léger chuintement alors que le colosse faisait son entrée, détournant les regards présents vers lui. Il se dirigea vers le nouveau chef de la nation drow et inclina la tête en guise de salut. Ses mots craquelèrent à mesure qu’il prononcait ses premiers mots.

Salutations, Karliik Glenn … Fils d’Uriz et Seigneur des Drows.

Il releva la tête pour apercevoir son frère d’arme, son plus ancien camarade, qui visiblement avait retrouvé le chemin du Puy. C’est avec une satisfaction non dissimulée qu’il se dirigea vers Tebirahc, lui serrant le poignet dans un geste fraternel et viril.

Frère Tebirahc … Te voici enfin de retour … Uriz et Teiweonn ont su te guider jusqu’à nous … Loué soient ils.

Si ses muscles faciaux s’étaient souvenu de la tension à obtenir pour dessiner un sourire sur son visage, ils l’auraient fait, mais ce fut juste un étrange ressenti, souvenir d’une époque révolue où il était « normal ». Il se dirigea vers l’un des fauteuils somptueusement massif et orné de bas reliefs rendant hommage à la violence, la cruauté et la luxure, se saisissant du dossier relié en cuir carmin pour faire reculer l’assise, prêt à s’installer à sa place. Du coin de l’œil, il aperçut Y’Shahinn, la Prime Sorcière et ne put retenir un sifflement respiratoire méprisant. Sa sentence fut irévocable, comme à l’accoutumée.

Que fait-elle ici ? … Seuls les Sengers ont droit de siéger ici !

La réunion semblait débuter sous de bons hospices, non ?

Un froissement de tissu annonça l'entrée de Bakilas. L'excentrique Senger avait, dans une certaine mesure du moins, préféré la discrétion à l'exubérance. Vêtu comme pourrait l'être un cossu dandy de Diantra, il offrit son plus charmant sourire à l'assemblée avant de s'avancer de sa démarche de squale si particulière vers le Karliik Glen.
D'un geste ample il retira son chapeau à larges bords et effectua une courbette devant le souverain. Tandis que l'unique plume de son couvre chef balaya le sol il déclara d'une voix calme, presque chuchotant.

- Seigneur, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer.

Les yeux pétillants d'espièglerie, comme s'il venait de faire une bonne blague, il se redressa pour contempler les autres occupants de la salle. Quelques secondes passèrent où il détailla chacun, puis son regard abyssal se dessilla. Son sourire s'élargit encore, laissant apparaître quelques dents immaculées, avant qu'il ne tende brusquement le poing vers le ciel.

- Sang et morts, mes amis.

Comme il était étrange ce mot, ami. Sa dissonance provenait de l'absurdité de son sens en un tel lieu que d'aucun n'aurait hésité à qualifié de centre de la perversion Drow. Bien conscient incongruité de ses salutations, Bakilas savourait intérieurement le mépris que lui valait généralement ses manières déplacées.

Sans plus de cérémonie le Senger d'Thalass To'Ryll s'affala sur un des sièges capitonnés. Il n'eut pas le temps de s'ennuyer que déjà le puissant Alder'Aak, Senger d'améthyste, entama les hostilités. Bakilas ôta son par dessus, révélant ainsi une chemise en brocart parsemée d'éclat d'opale. Sans manche, le vêtement laissait paraitre les bras couturés du sabreur. Comme en réponse à la pique de son homologue, le sombre au regard azuré ne put s'empêcher d'effleurer l'anneau d'émeraude qui perçait le cartilage de son oreille droite, symbole de sa main mise sur le second ost.
Son attention s'arrêta sur la prime sorcière nouvellement promue.
Allait-elle s'offusquer des manières du Senger ? Se défendre par elle même ou laisser le souverain fraichement couronné mettre la situation au clair ? Le sourire charmeur de Bakilas subit une subtile altération, quelques secondes plus tôt il était charmeur et envoutant, désormais il se faisait carnassier témoignage de la férocité sous-jacente du personnage. Visiblement il se délectait de l'entrée en matière et espérait davantage encore d'effusions.

Avec une nonchalance affectée il fit craquer sa nuque raide puis chacune de ses phalanges. Il soupira d'aise.

Bien Mon Maître... Mais c'est Vajihn... Pas Vajihn...

L'esclave se raidit sous le regard malsain que lui lança Brylyan. Il reconnaissait entre mille cet air menaçant... Un jour, il allait l'avoir son stage chez... Glurps... La sœur du Karliik Glenn... Son maître s'amusait et riait de sa façon d'être nuit et jour et il devait sa vie uniquement à cela. Discrètement, très discrètement, sans frustrer plus l'exemple, l'homme de sa vie, Vajihn Yn'Bhaerb se retira dans les coulisses du Conseil de Guerre. Il appréciait ce jour comme si c'était le dernier... Brylyan lui avait juré la présence de... mâles.

Charles, mon meilleur copain... Tu vas voir ce que sont de vrais hommes, des vrais, aujourd'hui...

L'homosexuel prépara comme son maître lui demanda une carafe à vin et cinq verres cristallisés. Son Maître... Les trois Obok... Brylyan lui avait promis une dernière surprise qui lui dresserait les poils du caleçon qu'il n'avait cependant pas. Charles, escargot dans sa condition et pauvre victime incompréhensible du serviteur de Brylyan, trônait sur l'épaule droite de son propre Maître. A sa façon, Vajihn aimait aussi se sentir comme un maître... Il pensait niaisement pouvoir ressentir les plaisirs de Brylyan et il se trompait lourdement. Lorsqu'il eut fini, il revint vers la salle du Conseil de Guerre sans passer le rideau qu'il avait traversé auparavant. Il jeta un regard indiscret et tâta des yeux le potentiel... Mais c'était quoi que ça ?!

Charles ! Y'a une fille ! Tu sais ces machins avec deux gros ballons d'eaux qui pendent et qui essaient de t'appâter parce que les autres trouvent ça joli et appétissant ! Bah elle ! Elle en a deux gros ! ... Et elle a un gros cul en plus... Et elle est assise à côté de Brybrychounet... Oh mon Uriz ! J'en peux plus...

Vajihn était en sueur et en état d'alerte. La présence de la femelle qu'il détestait par son éducation le rebutait. S'il n'avait pu ne jamais revenir pendant cette réunion... Mais Brylyan lui aurait infligé bien pire tournant. Il se devait d'être l'esclave parfait et attentionné pour satisfaire son Maître. Son regard se perdit sur le masque d'Alder'Aak Dolérian. Il le connaissait bien évidemment de réputation et son Maître en avait déjà parlé devant lui.

Il doit être craquant sous son déguisement... Il est quand même bien modeste de cacher ce qu'il y a de plus beau chez lui, cet Obok... Tu ne crois pas, Charles ?

Le mystère du masque l'emportait largement sur la présence des deux autres Obok, Tebirahc et Balikas. Pourtant, Vajihn n'allait peut-être pas se casser les dents sur le plus sympathique des trois... Replaçant son chapeau sur sa tête et sa tenue de serveur, Vajihn fit son entrée en scène avec le plateau entre les mains, la carafe à vin et les cinq verres en cristal sublimement disposés dessus.

Messieurs... Et... Mademoiselle... hésita-t-il, lançant un regard quelque peu repoussant à la Prime Sorcière. Enfin, Madame aux gros nichons quoi... Bien le bonjour !

Le serveur s'approcha de la table du Conseil de Guerre et servit tour à tour le Karliik Glenn, l'Obok Senger et... la Prime Sorcière dont il ne tarda pas à s'éloigner comme un enfant apeuré. La dame lui faisait plus peur qu'elle n'était laide à ses yeux. Il se replaça à côté de Brylyan, attendant une nouvelle instruction et en contemplant le mystère de ses nouveaux fantasmes, Alder'Aak.

La surprise était de taille alors qu’entrait Y’Shahinn, la nouvelle Prime Sorcière succédant à la défunte Reine. Que faisait-elle ici ? Il ne préféra pas afficher autre chose que de la surprise alors qu’il portait un regard sur Brylyan. Sous cette apparition pouvait se cacher tant, mais il espérait bien que ce ne soit pas de la provocation, car il savait déjà qu’un au moins n’y verrait rien de très agréable. Cela restait déconcertant, troublant, offensant même… Depuis sa création, l’Olath Blada n’avait jamais accueillit d’autres que les légitimes, et là…
Pareilles pensées furent bien vite écartées, les explications viendraient… Mais avant cela, il y aurait un homme à gérer… Son Frère, comme ils se plaisaient à se considérer, au vue de leurs histoires étroitement liées, avait beau avoir un masque des plus froids comme visage, il savait être des plus expressifs, et il n’avait pas la finesse que lui abordait dans ces situations.
Ainsi, se contenta-t-il d’un geste de la tête en guise de salut et attendit.

Le son grave et lourd attira l’attention du Senger alors qu’entrait l’imposant Alder’Aak, qui vint à sa rencontre, le saluant d’une manière qui indiqua clairement les rapports qui les liaient… La fraternité et une amitié si forte, ancienne, engendré par les conflits, qu’on ne saurait briser.

- Mon frère, c’est un plaisir de te revoir…

Il faudrait qu’il le voie, après tout ceci… Car Oloryle était absente, et il se doutait que cette idiote n’avait pas obéit, préférant le rechercher plutôt que d’attendre sagement, aussi voulait-il en être assuré, et récupérer sa précieuse esclave.
Entrait alors le dernier convié… L’Obok Senger Bakilas. Tebirahc du admettre qu’à part de réputation et de fait, il n’avait jamais partagé autre chose que des mots ici, dans cette assemblée, avec lui… Il jeta un regard au siège vide, à celui qu’occuperait sans doute Y’Shahinn et soupira… Oui, deux d’entre eux étaient morts, et il n’était encore personne pour prendre la succession… Deux Osts inactifs, il fallait également que ce problème soit traité aujourd’hui.

Et bien sûr, comme il le présentait, Alder’Aak fit ce que Tebirahc attendait de lui, ce qui paraissait des plus normal, au vue de la situation… Tebirahc se pencha vers lui, lui soufflant ces mots.

- Paix mon frère… Je sais ce que tu penses, mais du moment qu’au-delà de sa présence, elle demeure à la place qui est la sienne, aujourd’hui, je te demande de l’ignorer… Il dit assez bas pour que nul autre ne puisse l’entendre, ils sont si jeunes… Ils n’ont pas le respect des traditions que nous possédons… La situation exige que l’Olath Blada ait lieu, et ce n’est pas sa présence qui doit le troubler… D’accord ?

La dernière phrase pouvait être entendue, seule la remarque au sujet de l’âge ne pouvait être entendue que des deux frères d’armes.
Alors qu’il allait s’adresser aux deux jeunes en question, pour lui et surtout, pour Alder’Aak, une nouvelle perturbation vient troubler ce début d’Olath Blada… Un esclave. Il est difficile de décrire tout ce qu’il put éprouver en le voyant… Il avait d’abord du mal à penser que c’était un sombre, s’affichant avec cet… cet escargot oui, sur l’épaule et l’air si pitoyable… Ce devait être un de ses bâtards humanisés… C’était forcément ça.
Il le vit dévisager Alder’Aak d’une manière qu’on attribue généralement au désir charnel, ce qui s’ajouta au tableau des curiosités… Mais où le Karliik Glenn avait déniché ce… cette chose ? Finalement, il en vint à réviser sa pensée… Il y avait pire qu’un esclave elfe… Il y avait ça.
Puis, comble de tout… Il osa s’adresser à eux, mais pour qui se prend-il ? Alors qu’il allait faire une remarque à ce dernier, sur sa façon de dresser et d’éduquer ses serviteurs, ce dernier réagit d’une façon forte brutale… Ecrasant la tête de cette chose sur la table… Sa pensée alla à cette table millénaire, la pauvre devait avoir souffert d’accueillir ça. Aussi, alors qu’il décidait de le mettre à la porte, Tebirahc décida que la réaction fut suffisante pour contenter chacun des personnes à cette table.
Il regarda autour de lui, cherchant le prochain élément qui retarderait le début de ce Conseil de Guerre. Quand enfin, on en revint au sujet, Tebirahc se permit de s’adresser à Y’Shahinn, voulant bien éclaircir certaines choses… Sur la réaction d’Alder’Aak et cette place qu’elle occupait.

- Prime Sorcière, afin que vous compreniez mieux l’agressivité logique de mon frère, et que vous ne vous emportiez pas dans un raisonnement qui n’a pas lieu d’être… Vous êtes ici à la table de l’Olath Blada, qui aurait du être réservé aux seuls Obok Senger et aux Karliik Glenn… Une Prime Sorcière n’a pas sa place ici… Aussi, je vous en prie, sans y voir d’offense, votre parole ici n’a aucun poids, et votre rang n’existe pas… Vous avez un privilège en étant ici, en espérant, et il porta son regard à Brylyan, que cela ne se reproduise plus par la suite, aussi vais-je vous demander de ne pas déranger la discussion qui suivra.

Il n’était pas agressif, calme, posé il tenait toutefois un discours qui se voulait sans véritable possibilité de réponse… Ce n’était pas une demande mais un ordre indirect. Il préférait ne pas trop montrer son mécontentement, mais le regard porté à Brylyan l’exprimait néanmoins clairement… Plus rien de tel par la suite.

Il laissa ensuite la parole à son frère alors que le Karliik Glenn l’avait interrogé… Avec attention, il ne réagit sur rien, et reprit la parole quand on lui posa une question… Surprenante d’ailleurs, puisqu’elle touchait à Tagnik’zur… S’en inquiétait-il vraiment ? Sans doute que non. C’était certainement une façon déguisée pour s’interroger sur son propre état.

- Tagnik’zur sera pleinement remit de son dernier combat avec un Dragon de Perrelin quand nous nous remettrons en marche, afin d’honorer notre Père, Uriz. Comme son maître, il n’en gardera que de nouvelles blessures de guerre, mais il est prêt à repartir. Je vous remercie de vous en inquiéter.

Une réponse simple, courte au sens double… Des mots valables pour lui comme pour sa monture. Il posa son regard un instant sur Bakilas qui avait apparemment l’intérêt de Brylyan, et se remit à une pensée plus vaste de la situation.

L’air de la Salle du Conseil bourdonnait déjà des mots craquelants de l’Obok Senger wun Renor Skraggharigg, lorsque la porte s’ouvrit en grinçant légèrement, révélant Bakilas Oskis, Senger du Deuxième Ost. Le drow, légèrement dégingandé, avança d’un pas assuré vers la petite assemblée qui avait pris place dans la salle de l’Olath Blada, puis salua Brylyan et ses pairs.

Seigneur, c'est toujours un plaisir de vous rencontrer. Sang et morts, mes amis

Dolerian inclina légèrement le masque en guise de salut, alors qu’il empoignait le bras de son vieux frère d’arme, ressentant presque la joie, si cela eut été possible, de revoir le visage de l’héritier des Zaurahel.

- Mon frère, c’est un plaisir de te revoir…

Au fond de la carapace brute, les souvenirs de batailles passés et de débats amicaux mais acharnés flottaient toujours autour de la pierre gelée qu’était son cœur. Il se tourna alors vers la Prime Sorcière, se raidissant à sa vue, offusqué par sa présence intolérable. Son compagnon d’arme se pencha légèrement vers lui, parlant calmement et simplement, comme à l’accoutumée.

- Paix mon frère… Je sais ce que tu penses, mais du moment qu’au-delà de sa présence, elle demeure à la place qui est la sienne, aujourd’hui, je te demande de l’ignorer…

Il baissa légèrement le ton, pour en venir à presque murmurer ses paroles, trouvant une confidentialité et une complicité perdue depuis de nombreux mois, et la disparition du Senger wun Tagnik’Zur.

ils sont si jeunes… Ils n’ont pas le respect des traditions que nous possédons… La situation exige que l’Olath Blada ait lieu, et ce n’est pas sa présence qui doit le troubler… D’accord ?

Le colosse répondit sur le même ton de la confidentialité.

La jeunesse n’excuse pas … Le manque de respect … Sa présence trouble à elle seule … L’Olath Blada …

La porte s’ouvrit pendant l’échange, claquant sur le mur, tellement l’entrée du nouveau protagoniste se voulait fracasante. Un être étrange, vêtu de fushia et se dandinant comme une catin des bas-fonds d’Elda entra, hêlant les membres du Conseil, comme de vulgaires paysans.

Messieurs... Et... Mademoiselle... Enfin, Madame aux gros nichons quoi... Bien le bonjour !

Un frisson remonta l’échine du Jinburn Xuileb, alors que l’esclave ridiculement fagoté, avançait d’un pas assuré vers la table. La sensation électrique qui remontait son dos, se mua en feulemment aigu et menaçant. Si cette chose continuait à le dévisager en souriant niaisement, il allait connaître une mort aussi douloureuse que rapide. Il tourna son regard vers Brylyan, semblant l’avertir silencieusement du meurtre qu’il allait commettre, sans plus de considération que pour son premier heaume, et le Karliik eut, enfin, une réaction digne d’un drow. Il se saisit du coup de la chose, portant un escargot baveux, aussi ridicule que son perchoir, et propulsa sa tête contre l’antique table qui trônait au centre de la pièce. Il ne lâcha pas sa proie et le traîna hors de la Salle, avec autorité, même si Alder’Aak aurait régler le problème de manière moins … délicate. Le grondement sourd qui s’échappait du poitrail massif du colosse, laissait présager l’agaçement dont faisait de plus en plus preuve le vieux senger. Jamais il n’avait vu ça … Une sorcière, une catin mi-mâle mi femelle … Dans cette salle sacrée, malgré les mots de Tebirahc, la colère grondait sous le masque. Le Karliik Glenn tenta de calmer à son tour, l’agacement du Senger.

Allons Senger Dolérian, je suis sur que Dame Y'Shahinn saura garder la place qui est la sienne.

Tebirahc sembla vouloir en rajouter une couche, diplomatique cette fois. La complémentarité des deux vieux compagnons d’armes était aussi évidente que le nez au milieu de la figure, la finesse de l’un était contre balancé par la brutalité de l’autre.

- Prime Sorcière, afin que vous compreniez mieux l’agressivité logique de mon frère, et que vous ne vous emportiez pas dans un raisonnement qui n’a pas lieu d’être… Vous êtes ici à la table de l’Olath Blada, qui aurait du être réservé aux seuls Obok Senger et aux Karliik Glenn… Une Prime Sorcière n’a pas sa place ici… Aussi, je vous en prie, sans y voir d’offense, votre parole ici n’a aucun poids, et votre rang n’existe pas… Vous avez un privilège en étant ici, en espérant, que cela ne se reproduise plus par la suite, aussi vais-je vous demander de ne pas déranger la discussion qui suivra.

Et ce fut au tour d’Alder’Aak d’enfoncer le clou, par une réplique cinglante, adressé en priorité à Brylyan.

Elle doit garder sa place … Oui … Hors de cette salle … Si elle demeure … Je quitte cette mascarade

Il n’en dirait pas plus, mais s’était déjà levé, prêt à sortir de cette piste de cirque, qui bafouait tout honneur de ce conseil sacré. Les mots du Senger ne laissaient place à aucune équivoque. Il partirait si il fallait. L’Olath Blada devait avoir lieu, Tebirahc avait raison, mais la plaisanteire était indigeste aux goût de Dolerian. La Prime Sorcière prit alors la parole, répondant au Senger wun Tagnik’Zur, avec un détachement frisant l’insolence, bien que ce fut un serment d’allégeance qu’elle faillit prononcer.

Je consens parfaitement au fait que ma place n'est pas à ce conseil Senger Tebirahc. Le privilège que m'a accordé le Roi Brylyan en réponse à ma requête est un honneur que je respecte et remercie.
Mon rang n'existe pas au sein de ce conseil, pas plus que le C'nros n'est sous votre commandement.
Mais je suis venue en personne vous délivrer un message.
Je suis venue solennellement annoncer aux Obok Sengers que l'époque de l'ancienne reine Aetherya est révolue. Durant cette période, des effets pervers se sont vus au sein des rangs des mages du C'nros. J'ai moi-même veillée à ce que ces malversations soient corrigées.
Dorénavant les Obok Senger de l'Olath Blada pourront compter sur le soutien magique et une discipline exemplaire des mages de combat lors de leurs combats. Je me porte garante de l'efficacité du C'nros afin que le peuple des Drows connaisse une oeuvre guerrière efficace.

Un nouveau frisson s’était emparé du corps massif du Jinburn Xuileb et déjà un nouveau sifflement agressif résonnait à chaque exhalation douloureuse et crépitante. Elle se détourna, en poursuivant son plaidoyer, un petit sourire aux coins des lèvres, fixait par les prunelles cramoisies qui semblaient transpercer le masque de leur haine naissante pour cette petite impudente.

Dès à présent je vais vous laisser. J'attendrais avec impatience la décision de l'Olath Blada sur les stratégies à venir et espère que vous passerez une bonne soirée.
Je vous salue Obok Sengers .. et vous aussi Karliik Glenn.

Le colosse tourna la tête vers Brylyan qui s’enquérissait de l’état de Yutar, alors la tension rageuse faisait rouler les muscles sous sa toge pourpre, accrochée par une broche d’or. Il toisa son nouveau Roi, lui parlant avec franchise, comme à chacun de ses interlocuteurs.

Devenir Roi … Nécessite un respect des traditions …

Il se tut un instant, laissant à Brylyan le soin de se rendre compte que cette sentence, aussi froide que directe, n’était ni un avertissement, ni un conseil, seulement un fait, une chose avec laquelle un Roi devait vivre, pour espérer être un grand roi. Il ôta l’anneau d’améthyste qui trônait à son index droit, puis le posa sur la table face à lui, signe que l’Olath Blada pouvait enfin commencer, pour lui. Il répondit alors aux interrogations sur Yutar.

]Les travaux avançent bien … Les souterrains ont éré multipliés par trois … De nombreuses plates formes de tirs ont pu être creusés dans la roche… Et les fortifications devraient être terminées… À l’heure où je vous parle … Je peux affirmer que Yutar est désormais un fort … Non plus une ruine conquise sans gloire …

Il plongea la main sous sa toge, et en sortit un parchemin, scellé par un amas de cire noire comme l’onyx. Il fit sauter le sceau et, d’un geste ample, déroula le plan du fort en question, puis le tendit au souverain.

J’ai fait ceci … Pour que vous puissiez vous rendre compte … Des améliorations … Une tour supplémentaire … Les plates formes, là, là, là … Et là … Le mur d’enceinte reste en projet … Mais il faudrait repousser les elfes … Pour entreprendre un tel chantier …

Son rapport était précis, comme à l’accoutumée, tel un métronome, ses phrases, rythmées par sa respiration crépitante, filaient avec une simplicité mécanique. Il se tut alors que Tebirahc répondait à son tour à Naerth. Etrange de s’inquiéter du sort du lézard de son vieux frère, mais peu importait. Le Conseil avait débuté, et la suite devrait être intéressante.

L’Olath Blada avait enfin débuter, pour de bon. Les voixs des Senger et du Karliik Glenn s’élevait entre les sombres colonnes qui parsemaient la salle du conseil. Alder’Aak fut écouté avec attention par ses pairs, qui se penchèrent sur le plan qu’il avait sorti, pouvant ainsi juger des avancées du chantier. Le vieux drow masqué s’était lové dans le fond de son siège massif attendant les réactions et les commentaires de l’assemblée et ce fut Brylyan, qui prit la parole le premier, semblant tiquer sur l’usage du terme « Roi ».

Je ne suis pas roi, Senger Dolerian. Je ne suis pas roi car je ne marcherais pas sur le chemin qu'on prit mes prédécesseur. Je ne deviendrais pas cette larve oisive qu'a été Tebryn. Je ne deviendrais pas cette catin plus prompte a ouvrir les cuisses qu'a mener son peuple a la victoire qu'a été Aetherya. Je ne suis pas roi, Senger car avant cela, je suis Karliik Glenn. Ce trône est devenu le réceptacle de l'inactivité, de l'oisiveté, j'abore cela. Demain, je veux que tous sachent que notre sommeil est terminé et en cela j'ai décidé une session extraordinaire de ce conseil. Vous êtes parmi les meilleurs, les plus forts, les plus purs. Qui d'autre mise a part nous pourrait conduire les Sombres a la victoire totale ? Uriz, Notre Père, ne peut que se réjouir a nouveau.

Les deux billes écarlates qui luisaient à travers les orbites effrayants du masque étaient posé sur le jeune Naerth, visiblement convaincu de ses propos et déterminé à appliquer ses desseins. Dolerian ne se retint pas et rebondit sur les propos de Brylyan, ne cherchant pas à courber l’échine comme beaucoup l’aurait fait.

Qu’importe le trône … Qu’importe le titre utilisé … Vous êtes à l’heure actuelle le Roi … Mon Roi … Et celui de tous les drows … Que vous le vouliez ou non …

Le grondement rauque de sa voix pouvait laisser entendre un certain amusement à l’oreille habitué aux paroles d’Alder’Aak. Il se permit même de jeter un petit coup d’œil vers Tebirahc, renouant avec un sentiment de complicité pendant une fraction de seconde. Il poursuivit, prêchant sa parole et les traditions.

Seuls les grands Rois peuvent mener nos frères … A la victoire … Nous autres, Obok Senger ne sommes que ses serviteurs … au nom d’Uriz et de Teiweonn …

Le Karliik enquilla sur la poursuite des travaux, lorsqu’il se saisit du parchemin que le Jinburn Xuileb avait apporté.

Il nous faut se mur le plus vite possible, Senger Dolerian. Prenez des esclaves supplémentaires et, étant donné l'absence de deux Senger, je vous confie la responsabilité du 5ème Ost. A moins que vous ne préferiez le 4ème. Qu'importe, nos hommes ont besoin de bouger et Yutar d'être crainte. Choisissez selon vos besoins.

Il invita Tebirahc à se joindre à la conversation, attendant son approbation, visiblement. D’ordinaire, le Roi, ou qu’importe son titre, ordonnait et les Sengers éxécutaient, lui, préférait le dialogue, ou alors était-il juste plus intelligent en faisant passer ses ordres pour des prises de décision unanimes ?

Et bien… Je ne vois pas d’ombre dans ce plan… Finaliser les renforcements de Yutar sont prioritaires, car ce lieu est hautement stratégique, aussi, je ne peux qu’appuyer ce qui amènerait à son achèvement, et donc, son usage dans un futur proche.
Quant à la question des Osts… Il y a trop longtemps que ces hommes se tournent les pouces, à mon sens… Aussi, j’appuie l’idée d’intégrer temporairement, jusqu’à ce que deux officiers soient digne de rejoindre cette table, leurs effectifs aux nôtres, pour les campagnes futures.

Un rire, usé par le temps et déchiré, s’échappa pendant une seconde de la gorge brûlée du colosse, qui répondit avec une certaine insolence, dissimulée sous la voix craquelante.

Plus de drows … Font plus de bruits … L’offre est généreuse et je l’accepte avec honneur … Mais le chantier est lent … A cause de la proximité d’Ellyrion … Nous devrions réfléchir à détourner les yeux … Des Lumineux pour pouvoir avancer rapidement

Son vieux compagnon d’arme prit alors de nouveau la parole.

Si vous le permettez, Karliik Glenn, je tiens à soumettre à votre jugement une idée qui m’est venue après lecture de quelques rapports.
Comme vous le savez mieux que quiconque, nous nous battons seuls contre ces royaumes unifiés, sans différent d’ampleur, contre nos forces et notre présence. Sans remettre en cause notre puissance, nous ne saurions nous défaire de tous ces ennemis ainsi groupés, nous ne sommes pas en nombre suffisant pour cela.
Nous avons jusqu’alors usé de méthodes radicales et dures, usant du fer de nos lames et de notre force pour les affronter, et gardant l’intelligence de quelques plans audacieux pour cultiver la paranoïa et les divergences qui foisonnent en Elda, ne nous le cachons pas.
Aussi, d’après les rapports que j’ai demandé à quelques uns de mes contacts dans l’Ost Noir, j’ai appris le chaos, le trouble régnant dans cette région de la Péninsule qu’on nomme Oësgard, victime de prise de pouvoir par des félons, et de morts successives de dirigeants qui ont fini par rendre incertain sa stabilité… Aussi, ai-je entendu qu’aucun elfe, pourtant frontaliers de ce lieu, n’est venu porter main forte à leurs précieux alliés quand nous étions là…

Peut-être y a-t-il d’après moi là l’occasion d’agir, non par la force mais par la ruse, en usant de cartes encore inutilisées…
L’Ithri’Vaan messieurs… Ces terres que nous manipulons peuplées d’humains soumis à notre volonté, de dirigeants fidèles, par intérêts ou par principe, à l’autorité d’Elda sont une aubaine pour nous… Car nous avons là l’opportunité d’utiliser des humains dans notre combat.
Mon idée est donc la suivante… Faisons fabriquer chez nous des armures et des armes identiques à celle que l’Oësgard fabrique, des dizaines et des dizaines… Allons à la rencontre de Feriwyr Dreiv, dirigeant de Naelis et usons de notre influence, contre récompense, pour utiliser quelques dizaines de ses gens. Equipons en nombreux afin qu’ils ressemblent à des soldats humains. Envoyons-les ensuite en Oësgard, puis en Anaëh par ces terres… Qu’ils brûlent des hectares entiers, tuent les elfes qu’ils pourront et croiseront avant de disparaitre totalement, pour ceux qui survivront…

Tout ceci, afin de divertir et de tourner les regards de nos ennemis l’un vers l’autre, non contre nous… L’Oësgard est instable, désobéissant à l’autorité souveraine du Roi Trystan, aussi leur faudra t-il parlementer et se convaincre… Chasser même les gredins qui auront souillé la forêt qu’en sais-je… L’Oësgard au centre de toutes leurs attentions, sans aucun moyen de remonter la trace des concepteurs de ce stratagème… Nous aurons la voie libre ailleurs, si nous savons nous faire discrets avant de frapper… Peut-être même que cela ramènera à la surface et éveillera de vieilles rancœurs, des divergences nées des passés guerriers et opposés de ces deux mondes.
Cela ne nous coutera rien… Que la récompense et la conception des équipements, pas un homme… Et nous pourrons mettre à l’épreuve tant la fidélité et loyauté de Feriwyr que la confiance et les rapports entre nos ennemis, et nos offrir du temps pour nous préparer dans l’ombre.

Tebirahc aimait toujours autant les longs discours … Au contraire du colosse, qui était toujours conscit. L’idée était bonne cependant et avait le mérite de détourner un peu l’attention des elfes, donnant le temps au chantier de s’activer et même de prendre de l’ampleur, avec un peu de chance. Il objecta une seule chose, semblant ruminer sa phrase.

Nous ne pouvons pas nous reposer uniquement sur le bétail d’Ithri’Vaan … Mais, c’est une idée intéressante …

Il restait là, les bras posés sur ses accoudoirs, étalant son envergure sous les plis de sa toge légèrement froissée, attendant la suite du conseil, songeant déjà à l’organisation et à la sélection des futures troupes qui allait rejoindre son ost.