[Palais] Deux Sengers pour une cérémonie : nommination Obok Senger du Ve

Certaines circonstances sont des invitations à des situations inédites… Si la nouveauté était l’ennemi de la tradition, le Prima Sanguis devait reconnaître la nécessité des dernières exceptions. Ce jour seront intronisés deux Sengers au cours d’une même cérémonie, et l’un d’eux accèderait à ce titre une seconde fois.

Pour l’occasion, il avait fait faire une armure, réplique de celle qu’il avait portée le jour de sa première intronisation, exception faite d’une gravure représentant ce qu’il considérait à présent comme son symbole personnel, le serpent des Zaurahel s’enroulant autour d’une flamme, le tout surmontant une pièce de tissu légère carmin.
Sa lame reposait dans son fourreau, la paire ayant été parfaitement restaurée après des années d’un soin presque absent du fait de la cécité qui frappait alors le Prima Sanguis, maintenue à la taille par un ceinturon et son baudrier. Une bandoulière complétait la pièce de cuir, celle-ci servant à porter le marteau de guerre de facture naine remontant au Premier Âge, restauré sans être altéré, qu’il portait tant par attachement que pour symbole.

Il adressa un mot à celle qui serait bientôt la nouvelle maîtresse du Cinquième Ost. Puisse-t-elle briller suffisamment pour faire oublier Kaherith, et plus longtemps que le regretté Haldren.

« Vous serez bientôt élevée au plus grand des honneurs. Lorsqu’on vous remettra l’anneau, considérez que vous serez devenue l’égale de toutes celles et ceux qui ont eu ce privilège avant vous, même ceux qui devinrent de véritables héros mythiques aux yeux du peuple. »

Un petit présent gratuit pour qu’elle vive plus intensément encore ce moment, compensant, espérait-il, le fait qu’elle ait à le partager.
Dans l’autre salle, quelques percussions retentirent, invitant les deux futurs Sengers à s’avancer.

Il adressa un hochement de la tête et d’un geste invita la Drow à s’avancer la première. Ce qui put paraître un geste issue de la galanterie en était un autant qu’une petite faveur supplémentaire… A ses yeux, c’était la cérémonie de cette sombre, lui n’était là que pour que la restitution de son saphir soit plus officiel. Il marcherait dans son ombre ce jour, afin de ne lui en faire aucune, elle serait la première à apparaître aux regards des témoins, la première à recevoir son anneau mais qu’un seul ne suggère qu’il lui fut inférieur et il lui en couterait la langue et une lente agonie.

Ainsi tous deux avancèrent vers le trône d’obsidienne, sous le regard de chacun des officiers des Premiers et Cinquième Osts et des prêtres d'Uriz... Comme la tradition l'exigeait, n'était présent que des militaires et le culte guerrier.

Le Prima Sanguis gardait un air solennel et fermé, ne laissant rien filtrer, quoiqu'il offrit quelques regards aux officiers qu'il savait les plus loyaux et les salua d'un léger mouvement de tête. Son regard se posa plus longuement sur celle qui fut prétendant – a ses yeux – à sa succession et qui avait demandé son retour, en échange, il lui avait assuré qu'elle préserverait sa place et continuerait de le seconder.
Il constata l'absence du moindre chant, de la moindre prière à Uriz de la part des quelques représentants du Culte du Père présent. Il n'était pas un mystère que le sombre qui trônait là n'avait que peu de confiance envers les cultes, certains murmures faisaient même état de sa préférence à l'égard de Teiweon.
Le Prima Sanguis était, par les symbole qu'il ornait, un opposant avéré tant il exprimait sa préférence manifeste à Uriz par les symboles, les couleurs et les armes.

Face au Karliik Glenn et probable futur souverain, il n'offrit qu'un salue courtois, n'offrant pas le moindre signe d'une quelconque soumission. Il l'avait averti, si il respectait le titre et le rang, il demeurerait aussi libre et indomptable qu'une flamme, il ne serait aucunement le chien soumis...

Mais il n'avait pas le regard limité à cela... Il voyait déjà au-delà, aux lisières d'Anaëh... Il avait faim de combat et de guerre, et son cœur brûlait sous les coups de cette appétit.

La patience était une vertu que les Drows ne maîtrisaient généralement pas. Alyriweën ne faisait pas exception. Elle ne tenait plus en place. Il lui fallait de l'action, quelque chose qui puisse la sortir de son inactivité ne serait-ce que pour un court instant.

Elle arborait pour ce jour exceptionnel une armure légère d'apparat de bonne facture mais malgré tout efficace en terme de protection, elle avait pris ses précautions au cas où un drow animé de quelques desseins obscurs voudrait attenter à sa vie ; en effet, même si elle avait en quelque sorte vengé les familles des favoris drows, à ce jour tous éliminés définitivement de la course à l'Ost, par une décapitation dans les règles de l'art du colossal drow meurtrier tout en lui suggérant habilement de tuer son assistant afin de diminuer la force de frappe qu'ils formaient tous deux, Alyriweën n'était pas à l'abri de la haine que pouvaient ressentir les proches en deuil que ce soit familles ou amis du colosse et de son partenaire de fortune à son égard et par conséquent elle n'était pas à l'abri de leurs représailles.

Ses fidèles épées toujours ceinturées solidement à portée de sa main gauche, cliquetaient incessamment. Son congénère drow, le prestigieux Ust'Chath, un Prima Sanguis de carrure solide, a dû percevoir son besoin d'action car il se pencha vers elle et lui confia discrètement :

« -Vous serez bientôt élevée au plus grand des honneurs. Lorsque l’on vous remettra l’anneau, considérez que vous serez devenue l’égale de toutes celles et ceux qui ont eu ce privilège avant vous, même ceux qui devinrent de véritables héros mythiques aux yeux du peuple. »

Alyriweën était consciente de l'importance de la cérémonie. La future Senger était économe en bavardages. C'est pourquoi, elle se contenta d’opiner de la tête et d'avoir un bref sourire envers le drow. Elle allait remplacer à partir de maintenant son ancien Senger et son prédécesseur, le défunt et regretté Haldren. Elle allait devenir la Cinquième Obok Senger et commander les soldats qui fussent un temps ses camarades.

Puis le moment venu, le Prima Sanguis l'invita galamment à s'avancer la première. Les lumières étaient toutes atténuées afin de ne pas agresser et rendre aveugles les Drows qui est une race nyctalope. Le décor était sombre mais décoré avec goût et raffinement. Silencieusement et avec solennité les deux futurs Sengers, respectivement du Premier et du Cinquième Ost, se dirigèrent en ligne rectiligne vers l'imposant trône d'obsidienne. Tous deux restaient de marbre et sérieux face à l'assemblée qui les regardaient avec respect. On aurait dit un recueillement. Alyriweën s'arrêta devant l'une des personnes les plus importantes de la Société drow : Malag'Eyl et c'est avec élégance qu'elle s'inclina respectueusement devant ce dernier.

La salle était parfaitement silencieuse, le moindre son aurait été renvoyé à l'infini par les parois de pierre lisses comme des miroirs. Malag'eyl attendait, debout devant son trône, dans son armure cérémonielle, la bague d'onyx à la main droite, celle d'émeraude à l'autre et une longue cape d'épaule rouge sur son bras droit. Son cimeterre battait contre son dos, le bourreau simplement retenus par une lanière de cuir qui se glissait sous les plaques de protection.
Autour du trône, et du chemin qui menait à la porte, les officiers des Premier et Cinquième Ost venait assister à l'élévation de leur nouveau -ou ancien- chef. Aucun ne manquait à l'appel, ce qui aurait été une faute grave pour laquelle certains avaient péris, et tous restaient plongés dans le mutisme, attentif à ce qui allait se passer. Ceux du Cinquième Ost le semblaient plus encore, un nouveau Senger pouvait beaucoup se faire respecter par sa simple attitude lors de sa cérémonie.

Des autres osts, il n'y avait personne : le quatrième n'existait plus, le troisième était encore à Yutar et le deuxième était représenté en la personne de Malag'eyl. Les seuls autres invités étaient les prêtres d'Uriz qui représentaient le Père des Batailles. Ils étaient aussi dignes que les militaires, dans leur tenue rituelles, peut-être bien plus encore. Et étonnamment silencieux. Malag'eyl n'avait assisté qu'à une seule cérémonie de ce genre par le passé, celle de son prédécesseur, mais il lui semblait se souvenir de prière et de chant à l'intention d'Uriz. Il devinait le ressentiment qui couvait.
Enfin, derniers invités, quatre percussionnistes se trouvaient dans une alcôve. Il était commun d'accompagner la plupart des cérémonies de ce genre d'instrument. Mais comme un simple artiste, aussi doué fut-il, n'avait pas à assister à ce qui se passait, ils se trouvaient tous les yeux bandés, ne pouvant compter que sur leur habitudes et leur toucher pour battre la mesure qui s'éleva dans les airs, bientôt suivis de l'apparition des deux futurs Obok Sengers.

Alyriweën, s'il ne se trompait pas, s'avançait en tête. Il ne faisait guère de doutes que Tebirahc l'avait laissé passer, quant à savoir pourquoi, les raisons possibles étaient multiples. Il ne s'attarda pas sur ces considérations. Tous deux s'inclinèrent devant lui, bien que n'importe qui aurait sentis le peu de respect qu'y mettait le Prima Sanguis. Malag'eyl crut même distinguer un sourire en coin de la part d'un prêtre mais n'y prêta pas attention.
Puisqu'Alyriweën c'était avancée la première, elle serait la première élevée. Malag'eyl prit avec une certaine déférence la bague au diamant qui reposait sur un petit coussin à son côté. Il lui en avait coûté une fortune pour la faire refaire par le maître artisan joaillier du Puy, encore plus pour acheter son silence. Les officiers savaient bien ce qui était arrivé aux précédentes bagues, mais il était mieux que les soldats du rang puissent croire que l'original était toujours en place. Un symbole n'avait de force qu'à cette condition. Il tendit sa main vers la sombre, paume vers le ciel, où reposait l'anneau.

« Alyriweën Na'Jihing, pour tes actes et par mes pouvoirs, reçoit l'Anneau de diamant, symbole de ta charge, de tes devoirs et rappel de ta puissance à tous ceux qui voudraient te défier. Mène le Cinquième Ost à la victoire et conduis-toi en véritable guerrière. »

La dernière phrase fit hausser quelques sourcils chez certains, mais surtout la commissure des lèvres des officiers du Cinquième Ost. Bien qu'Haldren n'ai pas été détesté, la rivalité entre guerriers et mages étaient toujours forte, et certains avaient vus d'un mauvais œil l'arrivée d'un archimage à ce poste. En insistant sur ce retour à la normale, Malag'eyl espérait l'aider à asseoir son autorité, bien qu'à titre personnel il est apprécié la compagnie d'Haldren et son aide, il devait plier aux besoins de la politique.

-Suis le chemin du Père et accomplis Sa volonté.

Le prêtre venait de prononcer sa petite phrase rituelle, sans hésiter ni même jeter un regard hostile à Malag'eyl. Les attitudes de ce genre avaient d'ailleurs cessées dès le début de la cérémonie à proprement parlée.
Puis vint le tour de l'ancien Gardien. Présentant l'anneau de Saphir de la même manière, il s'adressa néanmoins en des termes différents.

« Tebirahc Zaurahel, pour tes actes et par mes pouvoirs, je te remets cette bague que tu portais autrefois. Taille-lui de nouveau un parcours glorieux, écrase tes ennemis et brûle leurs maisons. »

Nouvelle litanie du prêtre, puis le Karliik Glenn recula d'un pas tandis que tous les officiers de la salle s'agenouillaient devant leur nouveau maître.

Il est quelques détails pour donner de l'intérêt à ce qui en avait été vidé. A ses yeux, cette cérémonie, toute sacrée qu'elle aurait du être, n'apparaissait que comme une formalité. Ses officiers autant que ses hommes l'avaient choisi et le désirait de retour jusqu'à la tête du Premier Ost. Se voir remettre l'anneau de saphir qu'il avait lui-même rendu à Malag'Eyl devant ces hommes n'était qu'une façon de rendre la chose plus officiel et respecter la tradition, qui s'était par ailleurs déjà vu perdre quelques pans au gré des goûts et affinités du nouveau Karliik Glenn.

Ce sourire discret d'un prêtre du Père devant l'absence de soumission du Prima Sanguis qui n'offrait à celui qui en viendrait à poser son séant sur l'obsidienne que le strict nécessaire pour lui présenter respect en vertu de son rang, c'était un message fort. Le Sombre et le Culte possédait-il d'aussi mauvaise relation ? Qu'importe ! Il porterait encore la voix et le regard d'Uriz jusqu'à l'Olath Blada, dut-il se détourner de Teiweon si c'était nécessaire.

On remit d'abord l'anneau, comme il l'avait voulu, à sa nouvelle « sœur », quoiqu'il était délicat désormais d'employer pareil terme pour lui... Katalina demeurerait à jamais une sœur car le fardeau qu'il avait porté était le même, et ils étaient les survivants d'une expérience que ne partageait certainement que peu de Gardiens dans l'Histoire. Mais ses égaux de l'Olath Blada l'était également, à leurs manières.

Il balaya bien vite ses pensées futiles tandis qu'il était venu son tour de retrouver son bien et héritage. Les mots du Karliik Glenn suscitèrent une petite réflexion. « Écraser ses ennemis et brûler leurs maisons ». Il était reconnu qu'il ne voyait que les elfes en ennemis, bien qu'il ait à deux occasions combattus les Hommes. Le Karliik Glenn nourrissait-il l'intention d'illuminer le monde avec un grand brasier ?
Cette idée le fit sourire, et tandis qu'il renfilait l'anneau de saphir, il répondit de façon solennel.

« Je ferais honneur à cet anneau, comme l'on toujours fait les miens et comme je le fis moi-même. Et je vous jure, que le Père m'en soit témoin, d'enseigner à nos ennemis qu'il est dans la nature d'un Feu d'embraser le monde. »

Là-dessus, il offrit un nouveau salut respectueux, d'abord au Karliik Glenn puis aux prêtres présents avant de se tourner vers les hommes qui ployèrent devant les deux nouveaux Sengers. Et là-dessus de se pencher légèrement vers Alyriwëen pour lui murmurer doucement.

« Vous voici bien au dessus du commun, chère sœur. »

Ce qui était appréciable selon Alyriweën, c'était donc la sobriété de la cérémonie. En effet, ce n'était pas de grandes réceptions où le faste abondait en tout sens partout où l'on posait le regard, pas comme chez nos chers humains. Il n'y avait pas non plus de célébrités de fonctions diverses et variées conviées à ce genre de cérémonie. Non, rien de tout cela. Juste un petit comité privilégié des deux institutions les plus importantes du Puy d'Elda et les concernés bien entendu, à savoir l'institution militaire et l'institution religieuse. La cérémonie était d'une organisation parfaite. Aucun chuchotement moqueur ou conspirateur ne troublait la petite assemblée.

Alyriweën n'était pas dérangée par la présence des prêtres, même si ces derniers avaient l'air d'avoir un très léger mépris pour Malag'Eyl. Peut-être à cause du fait qu'il se méfiait du Culte et qu'il avait une préférence pour Teiweon ? D'après la guerrière, leur rigueur et leur loyauté étaient aussi indéfectibles que celles des soldats même si les deux pratiques différaient sur la forme. L'une étant plus spirituelle que l'autre. Malag'Eyl coupa court à ses réfléxions :

« -Alyriweën Na'Jihing, pour tes actes et par mes pouvoirs, reçoit l'Anneau de diamant, symbole de ta charge, de tes devoirs et rappel de ta puissance à tous ceux qui voudraient te défier. Mène le Cinquième Ost à la victoire et conduis-toi en véritable guerrière. » Aussitôt enchaîné par le Prêtre qui fit une phrase concise et la Senger nouvellement promue répondit :

« -Consciente de la tâche et de l'honneur représentés, je jure sur le sang de mes ancêtres et de mes descendants, de toujours me comporter comme tel et d'honorer à jamais le Cinquième Ost. »

Elle avait prononcé ces paroles en toute franchise, ce n'était pas le genre de personne qui allait mettre à sang et à feu le Puy d'Elda juste par soif de pouvoir. Bien que la guerrière était animée par une puissante ambition, c'était plutôt une ambition pour le bien de la collectivité et non pas pour son bien propre en tant qu'individu. Lorsque Malag'Eyl fit référence à son statut de guerrière, Alyriweën réprima du mieux qu'elle put un sourire. En effet, la Senger faisait parti de ceux qui n'avait pas vu d'un oeil bienveillant la mise en place d'un mage à la tête du Cinquième Ost à savoir Haldren. Alyriweën n'avait pas de problèmes avec les mages, au contraire, elle s'était toujours bien entendu avec ces derniers et elle avait apprécié les qualités d'Haldren lorsqu'il était dirigeant du Cinquième Ost, mais pour elle étant grandement attachée aux principes ainsi qu'aux traditions, c'était une fonction qui convenait plus à un guerrier qu'à un mage, aussi puissant soit-il.

En effet, un guerrier connaissait nettement mieux son affaire, à savoir les différentes stratégies de combats à adopter. C'est un homme de terrain, ce qui implique une certaine expérience dans la bataille. Il est directement impliqué. Il se dépense pour tuer, physiquement, il sait qu'il risque à tout moment de trouver la mort, mais il continue toujours comme s'il était invincible. Un mage est plutôt théorique, c'est quelqu'un qui ne se salit pas les mains du sang de son ennemi. La magie s'en charge pour lui ... Elle prit l’Anneau de diamant comme la tradition le voulait et l’enfila. C'était un bel anneau, le style d'anneau qui en impose de part son aspect à l'image même du Obok Senger. Anguleux, sombre mais élégant. Il était froid, quoique légèrement tiédi par la chaleur de la paume de Malag'Eyl.

Enfin, il était temps. Alyriweën était désormais à la tête du Cinquième Ost officiellement. Il était bon pour la réputation du Premier et du Cinquième Osts d'avoir retrouvé des meneurs, afin de remettre de l'ordre au sein de leur Ost respectif et de rassurer la population drow. Elle fit un salut formel au Karliik Glenn, puis aux prêtres. La guerrière se redressa et se mit en retrait pour que la cérémonie puisse continuer son cours, le tour de Tebirahc étant venu. Après le même rituel, Tebirahc se pencha imperceptiblement vers Alyriweën :

« -Vous voici bien au dessus du commun, chère sœur. »

Elle ne pût qu’opiner de la tête en regardant la petite assemblée.

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