Maudits braconniers ! [Mëlendill]

Lorsqu'elle émergea, les oreilles bourdonnantes, les yeux brouillés, il y avait un silence de mort qui planait dans la caverne. Elle ne sentait plus la présence d'Elsyrath, mais quelque chose l'alarma plus que cette absence. La jeune elfe était incapable de comprendre ou de poser des mots sur les sensations qu'elle avait, mais elle sentait que quelque chose clochait.

Les arbres avaient prit l'habitude de lui murmurer des choses, mais cette fois-ci, ils semblaient la mettre en garde. Sans vraiment réfléchir aux conséquences, elle s'élança lestement dans une direction qui pourrait sembler aléatoire aux yeux des novices ou autres non initiés. En réalité, elle ne faisait que suivre la voix diffuse qui venait de s'élever dans son esprit.
Tourmentée, elle sentait peu à peu la colère la gagner, et ne mit que quelques heures dérisoires dans sa vie d'elfe à retrouver leurs traces.
Le spectacle l'horrifia: des oreilles-rondes avaient réussit, par je ne sais quel miracle, à attraper son frère, et s'apprêtaient à l'emmener, vers une destination qui ne lui plaisait guère.

Ce dernier avait été agité tout du long du voyage, puis, soudainement, comme ressentant la présence de sa petite soeur elfique, eu une sorte de grognement proche du rire, et se détendit, oreilles à l'affût, prêt à bondir à la moindre occasion.

Mëlendill avait grimpé, à son habitude, lentement le long d'un tronc. Sa souplesse lui permettait d'étouffer toute source de bruit et surtout de jouer les monte-en-l'air, couteau entre les dents, telle une pirate de cet océan vert.
Elle visait l'un des hommes en armes, et n'avait que très rapidement, pour ne pas dire pas du tout, préparé un plan, qui consistait à bourrer dans le tas, avec la plus grande subtilité qui soit, plan qu'auraient sans aucun doute approuvé les plus téméraires des barbares ou autres berserkers.

Un bruissement se fit entendre, puis une forme élancée, féline, s'abattit sur l'un des humains, le propulsant à terre. Il eut à peine le temps de crier que son sang gicla allègrement sur le visage de la demoiselle: elle venait de lui planter le couteau dans une artère.
Enfin, l'enfant sauvage se redressa lentement, très lentement; ses mouvements semblaient si proches de ceux d'un félin, que les humains avaient crut être attaqués par la lionne, mais, quelle ne fut pas leur surprise de constater qu'il s'agissait d'une jeune elfe, dont la blancheur ferait pâlir les dames de la cours et leurs maquillages sophistiqués.
Cette dernière lécha sa lame, ses yeux verts d'or allant d'un humain à l'autre, sans doutes réfléchissait-elle à sa prochaine cible.

L'effet de surprise s'estompa assez rapidement, et bientôt, l'un des hommes poussa un cri, et chargea, ce qui, dans un premier temps étonna Mëlendill, qui esquiva tant bien que mal un coup, puis deux coups.
Elle avait encore mal calculé son affaire, et submergée par la nombre d'oreilles-rondes, ne pouvait pas baisser sa garde pour attaquer de nouveau. Contrainte à rester en défense, elle menaçait de s'épuiser plus rapidement que de raison.

Elsyrath quant à lui, tentait de se dépêtrer de ses liens, en se débattant furieusement, agitant ses cornes, griffes, dents.

Le tigre blanc courrait à longues et puissantes foulées dans la forêt depuis des heures, les arbres défilant autour de lui à grande vitesse. Son instinct animal, qui se renforçait à chaque seconde au détriment de sa réflexion elfique, lui dictait de sa hâter s’il voulait pouvoir rattraper les humains. La piste se renforçait, l’odeur acre de la sueur et du mauvais vin se faisant plus forte, indiquant au chasseur que sa proie était désormais proche de lui.

Brusquement, Hamanduil déboucha dans une clairière où un combat faisait rage. Une elfe… étonnante couleur de peau d’ailleurs… se défendait vaillamment contre quatre humains, reculant et esquivant mais le surnombre allait sous peu avoir raison d’elle. En tout cas un humain gisait au sol dans une mare de sang, signe que l’affaire était sérieuse et que l’elfe ne faisait pas semblant.

Et non loin d’eux, sur un chariot, tentant de se libérer du filet qui l’entravait… un leomenis ! Par les Cinq, ces carnassiers étaient aussi rares que les tigres blancs. Pas étonnant donc que les braconniers aient pris le risque d’encourir la colère d’un druide pour en capturer un. Cet animal devait valoir une somme rondelette dans les terres humaines, que ce soit pour être enfermé dans la ménagerie privée d’un riche noble ou pour récupérer sa peau.

La colère du druide s’amplifia en voyant cette infamie. Les tigres blancs, ses frères, avaient connus le même destin tragique que les leomenis et ces imbéciles de chasseurs continuaient à en capturer ? Ne comprenaient-ils pas que leurs actes signifiaient la fin des grands prédateurs, qu’ils brisaient l’équilibre fragile de la nature ? Pour quelques pièces d’or ces mécréants chassaient et traquaient les seigneurs des forêts, utilisant de vils pièges et de lâches filets pour capturer des créatures qui leur étaient infiniment supérieures.

L’heure du châtiment était venue…

Avant que quiconque ait eu le temps de réagir à son arrivée, Hamanduil sauta à la gorge du premier humain et planta ses dents dans la chair tendre, lui broyant la trachée et la colonne, savourant le gout du sang. Voyant cela, les autres braconniers hésitèrent. Cela peut se comprendre, un prédateur de plus de trois mètres qui vous tombe dessus est un événement qualifiable de « dérangeant », voire de « problématique ». Et à la régulière, ils savaient ne pas faire le poids contre le tigre.

Le second humain avait à peine levé son épée qu’il se prit un violent coup de griffe qui lui déchiqueta le visage. L’enfant sauvage en ayant profité pour poignarder un autre humain, le dernier survivant s’enfuit en courant, plongeant sous les arbres, Hamanduil aux trousses. Ses cris retentirent puis s’éteignirent après un ultime hurlement de douleur.

Lorsque le tigre blanc revint, la jeune elfe venait de libérer le leomenis.

Les choses allèrent très vite.
Un tigre sortit d'on ne sait où, jaillit des fourrais et attaqua l'un des humains. Elle se serait sans doutes demandée ce que faisait un grand prédateur blanc, surtout qu'ils n'étaient pas communs dans la région, et qu'il était quasi impossible que l'un d'eux puisse leur venir en aide aussi naturellement; mais à vrai dire, la situation faisait qu'elle accepterait l'aide de n'importe qui, pour peu que ses intentions soient louables.

Tandis que le tigre se chargeait des derniers oreilles-rondes, la petite elfe avait détaché son frère qui l'accueillit avec un ronronnement sonore, puis, se penchant vers l'un des humains, encore vivant, entama une sorte de manège pour le moins étrange, suivie du regard par le léomensis de nacre.

Accroupie sur le braconnier agonisant encore, elle murmurait des mots incompréhensibles, tandis que sa proie tremblait de tous ces membres devant cette apparition fantomatique.
Ses longs cheveux argentés tombaient le longs de ses épaules, venant chatouiller le visage du braconnier, comme s'il s'agissait d'une toile d'araignée, ou de petits serpents blancs.
De son index, elle avait dessiné des formes et autres entrelas sur le visage de l'humain, puis, un cri affreux s'éleva dans le silence de la forêt: elle venait de lui planter la lame dans les parties intimes, et enfin d'un geste sec les avait arrachées.

"Elle est folle! elle est folle!"

Le pauvre bougre répétait cette phrase comme si cela aurait put le sauver, mais il aurait mieux valut qu'il soit mort sur le coup.
Mëlendill le délaissa un instant, et alla enterrer le service trois pièces du bonhomme entre les racines d'un grand arbre. Sa force vitale et sa fertilité serait une offrande idéale.
Pendant ce temps là, Elsyrath avait traîné le corps près du dit arbre, prenant garde de ne pas l'achever, et surtout, semblant faire attention à ne pas salir sa belle robe de neige.

"Toi devoir payer pour les morts... devions purifier...toi rompus équilibre pour choses matérielles..." son commun était mauvais, et l'accent elfique terriblement marqué, mais cela sembla être suffisant pour que l'homme comprenne qu'il ne survivrait pas et surtout, qu'on ne l'achèverait pas comme cela.

Mëlendill prit une des cordes qui avait servit à retenir son frère prisonnier, et attacha avec soin le bonhomme à l'arbre. Puis recommença à murmurer des choses incompréhensibles, tout en entaillant diverses parties du corps de l'homme, de façon aléatoire, mais qui pour elle avait un sens. Enfin, elle se dirigea vers le cheval qui traînait la charrette, le détacha, coupa ses liens et autres artifices qui semblaient le brider et le laissa partir où bon lui semblait.

"Toi mourir quand forêt décide de libérer ton âme"


La petite sauvageonne se coucha enfin entre les pattes énormes du liomensis, qui commença à lécher son visage maculé de sang, ronronnant bruyamment, visiblement satisfait.
Ils avaient oublié la présence du tigre et de l'humain, trop pris par leurs tendres retrouvailles.

Lorsqu’il revint dans la clairière, Hamanduil fut le témoin d’une scène bien étonnante et à laquelle il ne s’attendait pas. Agenouillée près du braconnier agonisant, l'elfe sauvage dessinait d’étranges motifs sur le visage de l’homme blessé… étrange bien que correspondant d’assez près à des éléments de rituel… jusque là rien de très…

Oh !

Le coup de couteau qui tranche les parties intimes, voilà qui devait faire mal. Se relevant, la jeune elfe alla les enterrer au pied d’un grand chêne. Surprenant, car elle accomplissait là un rituel de la fertilité. Pas tout à fait dans les règles de l’art, mais il semblait au tigre… enfin au druide… qu’elle agissait suivant son instinct plutôt que suivant une habitude, ce qui pouvait expliquer les quelques écarts. Certains druides utilisaient en effet les parties génitales lors des sacrifices à la Nature, habitude que lui-même n’avait pas adoptée. Mais après… chacun ses méthodes hein ?... le druidisme n’était pas un dogme rigide comme les religions, et la Mère acceptait bien des offrandes.

La suite étonna encore plus Hamanduil. L’elfe, aidée par son compagnon à quatre pattes, traina le braconnier jusqu’à un arbre et l’y attacha, expliquant dans un commun balbutiant qu’il devait payer pour ses crimes, et que la Nature déciderait seule du moment de sa mort. Puis elle commença à l’entailler un peu partout, laissant son sang couler sur l’herbe et sur les racines. Bien, très bien même, elle agissait comme un druide doit le faire.

Mais elle n’alla pas au bout du rituel, ne chercha pas à récupérer la force de son adversaire vaincu. Retournant vers son compagnon, elle se fourra dans ses pattes et se laissa lécher son visage maculé de sang. Si Hamanduil avait été sous sa forme humaine, il aurait soupiré d’agacement, comme un maître face à un élève qui n’utilise pas toutes ses qualités. Les rituels, les sacrifices, sont choses sérieuses, et celui là n’était pas achevé. Laisser le braconnier se vider de son sang serait peut être justice mais ce serait aussi une perte. L’homme pouvait encore leur servir.

Luttant contre son instinct animal qui tentait de le retenir, le druide inversa la métamorphose et revint à sa forme naturelle. L'étonnement de la jeune elfe fut évidente lorsqu’elle vit du coin de l’œil un des siens en lieu et place du grand tigre blanc qui l’avait aidé, et elle se réfugia prestement derrière son compagnon. Sans tenir compte d’elle, Hamanduil sortit son couteau de sa sacoche et s’agenouilla aux côtés du prisonnier humain qui faiblissait de secondes en secondes. Il lui fallait faire vite, s’il mourrait le rituel ne serait pas correctement effectué.

Posant la pointe du couteau sur la poitrine de l’humain qui le fixait terrifié, le druide murmura :

Mère Nature, Source et Fin de toutes vies, entends ton serviteur et vois le sacrifice qu’il t’offre.

Plongeant brutalement le couteau dans la poitrine du braconnier, le druide tailla une large entaille qu’il élargit rapidement. Sourd au hurlement d’horreur de l’humain, il plongea sa main dans la cage thoracique ouverte et lui arracha brutalement le cœur, le tenant dans le creux de sa main durant ses dernières palpitations. Mordant dans l’organe encore chaud, laissant le sang lui couler sur le menton, le druide savoura cet instant, puis il le tendit à la jeune elfe qui s’était un peu approché.

Mords dans le cœur de ton ennemi. Tu en tireras sa force, son courage et sa ruse.

Alors qu'elle se lavait de ce sang, confortablement installée entre les pattes d'Elsyrath, le tigre blanc revint d'un pas lent et saccadé, un pas étrangement commun aux grands félins par ailleurs.
Toujours est-il qu'elle ne se serait pas posée plus de questions que cela, si le dit tigre en question, ne s'était pas changé en elfe sous ses yeux.
La réaction fut immédiate. Elle sentit un frisson lui parcourir le long de la colonne vertébrale et d'un bond souple, se cacha derrière son compagnon, qui lui, ne bougea pas d' un cil.
Elsyrath regardait l'homme devant eux, ses yeux azurs fixes, brillants d'une forme d'intelligence qu'on ne croissait guère d'ordinaire.

La petite elfe continua à le surveiller, et, elle fut quelque peu déroutée de voir l'oreilles-poitnues arracher le coeur du braconnier, et d'en croquer un bout.
Il avait l'air si succulent, si saignant, si gluant ce coeur...haaa...
Il lui fut alors bien difficile de résister à l'appel de l'estomac, et, oubliant sa méfiance, avança lentement, ses yeux verts d'or grands ouverts, ses lèvres pincées comme espérant qu'un petit bout ne tombe pour elle. Ce qui, en sommes, ne fut pas nécessaire, car le druide le lui tendit, expliquant certaines choses, dont les concepts lui échappaient pour le moment.

Une petite main délicatement taillée avança vers le coeur lentement, puis, en un rien de temps, il avait disparut; elle venait de se l'approprier (bien qu'en réalité, il lui avait donné) d'un geste rapide, son visage illuminé par la gourmandise.
Il y eut un léger feulement provenant du grand liomensis.

"Sais"
et d'un geste assuré, elle coupa son butin en deux, lançant l'une des part dans la direction de son compagnon qui l'accueillit ravi dans sa gueule, tandis qu'elle enfournait sans ménagement l'autre part dans sa bouche, lui donnant alors l'aspect d'un hamster jovial.

Pendant ce laps de temps bien court, elle en avait oublié la présence de l'inconnu, mais très rapidement, sa curiosité revint au galop, et ce fut, le ventre plein, qu'elle commença à lui tourner autour.

"Oreilles-pointues quoi faire là? dedans forêt? "

Mëlendill pencha sa tête sur le côté, en signe d'interrogation. Elle avait apprit à accompagner ses paroles de gestes simples, car il lui semblait que les autres comprenaient mieux ainsi.
Elle n'aimait pas trop les oreilles-pointues, car souvent, ils la prenaient de haut, leur comportement était plus étrange à ses yeux que celui des oreilles-rondes, et bien souvent, elle les évitait comme la peste.

La petite elfe accepta le cœur de l’humain et mordit dedans à belles dents. Le liomensis ayant lâché un grognement réprobateur, elle coupa ce qui restait de l’organe en deux et en laissa la moitié à son gourmand compagnon. A deux, quelques bouchées suffirent pour achever le repas… euh pardon le rituel.

Rassasiée, elle se mit à tourner autour de lui, apparemment incapable de rester en place dès lors que sa curiosité était éveillée. Penchant la tête sur le côté d’un air interrogatif, elle lui demanda ce qu’il faisait là. Souriant, le vieil elfe répondit d’une voix douce :

Mon nom est Hamanduil Elandriel, je suis un druide, un protecteur des forêts.

Mouais, pas vraiment de réaction, elle continua à le regarder sas ciller. Apparemment elle n’avait pas du tout comprendre. Le nom avait bien du passer, mais le rôle d’un druide, pas sur qu’elle le connaisse… Il allait falloir être un peu plus clair à ce niveau pour lui expliquer ce qu’il en était dans les faits. Désignant la forêt tout autour d’eux, Hamanduil réessaya :

La nature a besoin d’être protégée des humains et des drows. Les braconniers – il pointa du doigt les cadavres – les bucherons, tous ceux là sont nos ennemis et nous autres, les druides, les empêchons de faire du mal à la forêt ou aux animaux.

Un peu simplifiée cette explication, mais Hamanduil cherchait surtout à faire comprendre à la petite elfe qu’il était son ami.

Il parlait avec douceur, ce qui était un bon point, car elle était très sensible au ton, comme beaucoup d'animaux.
Mëlendill aimait bien sa voix, car elle était profonde, calme et posée.
Un sourire s'afficha sur son visage mutin, alors qu'elle s'approchait de plus en plus près.
Elle inspira, cherchant sans doutes à détecter une quelconque odeur qui lui paraîtrait non naturelle, ce qui ne fut pas vraiment le cas, à sa plus grande satisfaction.

La petite elfe avait apprit à ses dépends, à ne jamais trop faire confiance aux blablas des deux-pattes, car leur langue pouvait se révéler pleine de traîtrise et de malice.
Par ailleurs, son nom était fort compliqué pour elle.

"Ham...dul...eldrie...poufff!"

Elle secoua la tête avec une moue agacée par la difficulté à prononcer ce mot si long, avec une pointe d'ironie dans le ton, se moquant quelque peu d'elle-même.
Enfin, elle se planta devant Hamanduil, ses yeux vert dorés grands ouverts, pétillants d'une malice évidente:

"Ham! "

Elle venait de vaincre la vilaine langue! lui assénant un coup fatal en simplifiant avec une certaine élégance (ou pas) le patronyme du druide, et elle en semblait si fière, qu'elle posa son index sur le torse de celui-ci, pour lui faire comprendre son nouveau merveilleux surnom; quelle chance il avait!

Il lui fallut un moment afin de mettre en ordres les autres mots:

"Protégions forêt? hum...Mon frère et moi protégions aussi forêt....mais quoi tess humains? et drouwe? "

Encore un piège syntaxique! elle lança un regard au lion Blanc qui, nonchalamment, léchait sa grosse patoune tranquillement, il s'arrêta et émit un léger feulement.
La demoiselle des bois, parut comprendre enfin quelque chose:

"Haaa les oreilles-rondes et les tout-gris! ça n'avions croissé des zoreilles-rondes, mais les tout-gris pas souvent... sentir étrange, pas approchions"

Puis, son visage s'illumina de nouveau, assaillit par une autre nouvelle formidable:

"Elsyrath et moi j'étions druide alors! "

Enfin elle était quelque chose, et fièrement, elle sembla bomber son torse, tentant de se grandir, mais elle n'était vraiment pas impressionnante du haut de son petit mètre 70 et de sa stature de danseuse classique. Toujours est-il qu'elle semblait y croire, sans doutes le complexe du yorkshire.

Le druide sourit en entendant son surnom. Ham ? Si un humain ou un de ses frères elfes s’était risqué à l’appeler ainsi, ca se serait mal passé, mais il y avait une innocence si touchante dans le comportement et les manière de la petite elfe qu’Hamanduil ne pouvait pas lui en vouloir. Alors allons-y pour Ham, adjugé vendu !

Bon, ca ne l’avançait pas vraiment sur l’identité de la taquine enfant sauvage. Le peu de vocabulaire dont elle disposait semblait indiquer qu’elle n’avait jamais vécu dans les cités elfes mais avait probablement du être élevée dans la forêt. Une paria à cause de son apparence ? Possible, sa pigmentation pouvait laisser croire qu’elle avait du sang drow dans les veines. Décidément, son passé ne devait pas être simple, mais pour l’instant pas question de la brusquer en abordant de front un sujet probablement sensible.

Eh bien, apprentie druide en tout cas, je suppose que oui. Elsyrath, c’est donc le nom de ton compagnon ?

Le léomenis justement, le fixait attentivement. Apparemment il avait senti le totem d’Hamanduil, et reconnaissait en lui un frère de chasse. Des images jaillirent dans son esprit, images qu’il savait venir du lion… une petite elfe seule dans la forêt… une sœur de lait du lionceau… la douceur de la fourrure de leur mère... leur première chasse ensemble… leurs jeux… Rouvrant les yeux, Hamadnuil s’était fait son opinion : la jeune fille avait été abandonnée pour une raison inconnue dans la forêt et adoptée par une lionne. Pas étonnant dès lors que le léomensis et elle soit si proche, le lien entre un frère et une sœur de lait est l’un des plus puissant qu’il soit dans la nature.

Enfin, les explications seraient pour plus tard. De sombres nuages s’amassaient sur la l’Aduram, annonçant un orage pour la nuit. Se relevant et époussetant rapidement sa tenue, le druide fit signe à ses deux compagnons de le suivre.

Elsyrath restait couché nonchalamment là, remuant lentement la queue. Tête haute, ses yeux se fermaient de temps à autres mais il prenait toujours la peine de garder son regard fixé sur le druide.
Il avait beau avoir l'air sympathique, il fallait tout de même se méfier: la prudence est mère de sûreté.

Mëlendill quant à elle retournait le mot "apprenti" dans sa tête, mais ne semblait pas trop lui trouver un sens, arbrentis...quelqu'un qui monte aux arbres? et un arbrentis druide? quelqu'un qui monte aux arbres en protégeant la nature. Tout sembla alors s'illuminer, elle acquiesça d'un mouvement de tête brusque: c'était évident qu'elle en était une, puisqu'elle grimpait très bien aux arbres.

"Ouiiii, je grimpions très bien à l'arbre!"

Il demanda si Elsyrath était bien le patronyme de son compagnon, ce à quoi elle acquiesça, son visage marqué par une forme d'incompréhension:

"Lui Elsyrath nom... comme toi Ham. HUmm... "

Visiblement, elle avait interprété les paroles du druide, et pensait naïvement qu'il n'avait pas comprit le nom du Liomensis.
Elle allait ouvrir la bouche pour ajouter quelque chose quand le vent se fit plus intense. L'elfe marqua un temps d'arrêt, parut perdue dans ses pensées un court instant, mais fut très vite tirée de ses rêveries par un coup de tête d'Elsyrath.

"Ha..oui"

L'animal baissa la tête, ce qui permit à Mëlendill de poser un pied sur une des larges cornes afin de se hisser sur le dos de ce dernier, le tout avec souplesse et rapidité, puis, Elsyrath, d'un pas lent et saccadé, alla à la suite du druide, sans doutes par curiosité: où pouvait bien vivre cet étrange personnage?

Une fois sur le dos de son compagnon, Mëlendill fit un beau sourire satisfait, un peu comme si elle présentait un spectacle, et que son action de monter aussi haut était extraordinaire.
Le Liomensis quant à lui, suivit tranquillement le druide, calquant son pas au sien, afin de ne pas le dépasser. Pour Elsyrath, il s'agit là d'une forme de politesse, il reconnaissait en lui une personne à part entière et acceptait donc de ne pas être en tête, chose plutôt rare, mais cela lui permettait aussi de le surveiller au cas où: sa petite soeur était bien trop naïve par moment.

Le temps se gâta très vite, les bourrasques de vent se firent bien plus violentes, la luminosité virait à un ocre plus sombre, alors que quelques gouttes çà et là annonçaient la tempête à venir.
Il était vrai qu'il avait fait dernièrement un climat plutôt chaud, et les orages étaient donc fréquents, voir prévisibles.
Pendant le voyage, Mëlendill n'hésita pas à poser moults questions, et à parler, elle semblait être loquace, une vraie pie.

"T'avions une maman Ham? maman nous étions très belle! toute orange! .....et quoiqu'on ferions dedans ta caverne? nous dormir dedans caverne...quand c'est kon miam? "

Bien entendu, de temps à autres elle s'arrêtait pour écouter un bruit dans la forêt, visiblement habituée à son milieu.

"Grand Ham! t'avions fait comment? j'ai souviendre de voir grands oreilles-pointues! mais toi grand-grand presque Elsyrath grand! "



De temps à autres, le dit Elsyrath émettait un feulement, un léger grognement, comme pour participer lui aussi à la conversation, mais semblait bien moins bavard.
Donc, une heure à ce rythme passa, entre baragouinage dans un elfique plus qu'approximatif, et réflexion quelques peu étranges.
Enfin, il arrivèrent en vue d'une parois rocheuse, dans laquelle était lovée une caverne.

"Hooo! caverne chaude!" fit la voix enjouée de la petite elfe qui sauta à terre avec souplesse et courut vers l'entrée, plongeant sa petite tête blanche à l'intérieur, et semblant piaffer d'impatience.
Elsyrath émit un grognement, comme pour l'intimer à plus de réserve, ne savait-on jamais! elle pourrait tomber dans un trou, se blesser ou autre mais Mëlendill semblait bien trop absorbée par sa curiosité maladive, et se retournait de temps en temps vers le druide, sautillant presque sur place, comme pour marquer son envie profonde de visiter.

Pour Mëlendill, tout était source de jeux ou de découverte, elle était à l'image du furet ou de la loutre: joueuse, taquine, malicieuse, sans cesses en mouvement.
Mais ses gestes trahissaient son instinct de prédateurs.

Après une inspection minutieuse de l'habitation, s'extasiant sur ceci, ou cela. D'ailleurs, la source elle s'y jeta allègrement, provoquant un grognement de la part d'Elsyrath, qui lui, comme tous les lions, répugnait l'eau.
Une fois rafraîchie, elle sortit et finit par suivre le druide. Fort heureusement, ce dernier semblait dotée d'une grande patience, car plus d'un aurait trouvé cet être bien trop dynamique, voir épuisant.

Elle consentit contre toute attente à s'assoir, à côté d'Ham-ham, secouant sa longue chevelure d'argent, suivie par son frère qui se coucha tranquillement près d'elle.

"Asseoir"

La petite elfe sembla fort contente d'elle, puis, vinrent les questions.
Son nom, était une question évidente, mais, bien qu'elle demandât facilement un patronyme, elle n'avait pas vraiment le réflexe naturel de donner le sien.
Un index pointé sur son elle-même, elle afficha une mine sérieuse:

"Mëlendill je suis."

La question d'après parut la perturber, car elle tourna ses yeux vers le liomensis, et ils échangèrent un regard, sans doutes communiquaient-ils ainsi.
Enfin, elle revint au druide:

"Mais j'étions pas vivre seule dedans forêt, j'étions avec Elsyrath. "

Elle n'avait visiblement pas comprit le sens réel de la question. Pour elle, tout était normal, sa vie, la compagnie du lion à cornes.
De son enfance avec sa mère elfe, il ne lui restait pour ainsi dire rien, juste un visage, qui, au fur et à mesure que le temps passait, devenait de plus en plus flou. Elysyrath ne pouvait lui-même répondre à ces questions, il était bien jeune lorsque sa mère ramena la petite sauvageonne, et n'avait jamais croisé la route de cette noble dame.

"Et toi, pourquoi tu vivre dedans forêt tout seul? les oreilles-pointues ils vivrent dedans grande villes..."

Avec soin, elle remit en place les quelques breloques qui ornait sa chevelure claire.

Mëlendill, tel était donc le nom de la petite sauvageonne. Bien, voilà déjà un indice de plus, quand bien même la réponse suivante n’avança guère le druide. Apparemment elle ne comprenait pas la question sur le fait de vivre seule dans l’Aduram, ce qui pouvait laisser supposer qu’elle estimait cela comme tout à fait normal.

Un pas logique après l’autre… tout se tient… tout à une raison d’être…

L’elfette devait avoir été abandonnée dans la forêt très jeune, les images mentales qu’il avait échangées avec Elysyrath le confirmaient. Quand à la maîtrise plus qu’approximative de la langue, très probablement cela venait-il d’un manque de pratique. De fait Mëlendill comprenait mieux qu’elle ne parlait… elle n’avait donc pas été abandonnée dès sa naissance et un elfe avait du l’élever durant ses premières années.

Qu’était-il ensuite arrivé à ce protecteur mystérieux ? Hamanduil doutait de jamais pouvoir l’apprendre. Certains rituels druidiques permettaient de clarifier les brumes de l’esprit, de replonger à sa source, mais lui-même n’y avait jamais eu recours. De plus, Mëlendill ne semblait ni malheureuse ni inquiète de ne point connaître son origine. Son esprit, pareil à un plan d’eau calme, pouvait cacher des douleurs et des secrets enfouis dans ses profondeurs, aussi mieux valait-il ne pas le remuer inutilement.

A son tour maintenant de répondre à la question de sa visiteuse. Expliquer en termes simples la voie des druides est loin d’être chose aisée, mais il pouvait toujours essayer. En un sens, la jeune elfe le fascinait, car elle paraissait étonnamment proche de la voie de la nature, aussi proche que certains druides eux-mêmes. Sans doute fallait-il en chercher la source dans le fait d’avoir vécue quasiment toute sa vie dans la forêt au contact du léomensis.

Comme je te l’ai dis, je suis un druide. Devenir un druide est long et difficile, mais cela est nécessaire pour pouvoir ensuite protéger la nature. Les villes ne sont pas naturelles, et je n’aime pas y aller. Je vis sois ici, au cœur de la forêt, soit près des falaises de Kirgan lorsque je vais à la recherche des tigres blanc, mon animal totem.

Rha ! Et voilà, encore un terme qu’il aurait du éviter. Parler d’animal totem à une personne non adepte du druidisme risquait d’embrouiller les choses.

Il était évident à ses yeux que le druide se posait pas mal de questions, mais, accoutumée à ce que les personnes qu'elle rencontre aient le même type d'attitude, elle pensa cela normal, et ne s'en offusqua point.
Certes, elle ne comprenait pas vraiment à quelle espèce elle appartenait, sans doutes à la même que celle de son imposant frère, ou une sorte de sous-race, mais jamais, elle ne s'était comparée aux deux-pattes qu'elle avait rencontré jusque là, car elle avait peur de se rendre compte de quelque chose de plus profond.
Le choix de la candeur semblait alors le plus salutaire, et elle avait embrassé cette attitude avec force et conviction, comme un marin à une bouée de sauvetage.

Alors qu'il lui présentait son métier, ses yeux se perdirent un instant dans le vague et sur son visage mutin, sembla s'afficher une sorte d'expression pensive, comme si elle engrangeait les informations, tentait de trouver un sens à ces paroles, bien qu'il était évident que le message principal était passé.
Par contre, le nom des lieux ne lui disaient rien, car, n'ayant pas été civilisée, elle avait donné ses propres noms aux endroits qu'elle était coutumière de fréquenter.

"Mais toi né dedans grand village non? "



Puis, elle bloqua effectivement sur le mot totem, et garda le silence un instant, un long instant avant d'ouvrir de nouveau la bouche pour donner sa conclusion:

"Toi tigre alors... moi...Lion. Alors mon totem Lion?" finit-elle par demander en pointant Elsyrath du doigt, une expression de réflexion intense accroché sur son visage blanc.

Il y avait beaucoup d'informations à engranger, beaucoup de concepts qui pouvaient paraître simples, mais qui étaient pour elle si flous, nébuleux.
Et si elle était capable de comprendre le lien d'une personne à un animal, elle avait plus de mal quand ils 'agissait de choses dites "normales" dans une société construite et civilisée.

"Tout seul? vivre toujours tout seul?"

La solitude était sa plus grande angoisse, et elle ne comprenait pas ceux qui la recherchait, sans doutes la présence constante de son frère, ou une blessure plus lointaine dont elle ne se souvenait plus.

Au méandres du passé, il n'y avait aucune solution de secours. Il était là, il le resterait à jamais, et même enfouis, il finirait par remonter à la surface. Le temps en ferait son affaire.

Mais aujourd'hui, il ne s'agissait pas de cela.
Mëlendill comprit qu'il ne fallait pas chercher plus, le silence était parfois une réponse bien plus prenante, plus imposante que tous les mots du monde.
Le druide devait avoir ses raisons, des raisons propres et profondes, elle ne chercherait pas ce jourd'hui à aller plus avant.


La jeune elfe jouait avec une mèche de cheveux, les yeux encore un peu perdus dans le vague.
Les explications du druide s'entrechoquaient dans son esprit, tout semblait si compliqué et brumeux... que conclure de tant d'informations en même temps?

"Non, Elsyrath frère" finit-elle par rectifier d'une voix un peu perdue.
Ce n'était pas la même chose, le lien était bien plus fort.

D'une main distraite, elle caressait la tête du liomensis.
Cet homme vivait donc bien seul dans ces bois, mais il avait une vie bien plus itinérante qu'elle.

Puis, une question lui vint à l'esprit, et tournant son visage mutin vers son interlocuteur demanda:

"Pourquoi tu voulions parler avec nous? "

Elle ne se l'était pas demandé avant, mais subitement, il y avait une sorte d'angoisse dans sa voix, une angoisse sourde. Que cherchait ce deux-pattes en réalité? d'ordinaire, ils devenaient dangereux au bout d'un moment, ils pouvaient vous emmener loin, dans un endroit inconnu, pour faire on ne savait quoi avec vous.

La jeune elfe se leva, lentement, gardant ses yeux posés sur l'elfe. Elle n'avait pas envie de finir dans une cage, et surtout, pourquoi s'intéressait-on subitement à elle?

L'elfe devant elle gardait un calme parfait, ne se souciant que peu des sautes d'humeurs ou d'angoisses de sa jeune interlocutrice.
Il continuait à parler lentement, avec une certaine précaution, car chacun de ses mots semblaient choisis avec soin, aucune affirmation que des suppositions.

"T'entendions les murmures des arbres?"

Elle les entendait d'ailleurs de plus en plus récemment, ce qui la perturbait pas mal, car Elsyrath refusait de l'emmener en chasse de peur de la voir tomber de son arbre, ou autre maladresse.
Il sortit de quoi manger, ce qui sembla la calmer un peu, elle s'accroupit observant chacuns des gestes du druide, avec minutie: comment il coupait la viande, comment il tenait son couteau, comme si elle essayait de se familiariser avec lui.
Au fur et à mesure elle se rapprochait, toujours un peu plus. Pour enfin arriver à quelques centimètres de lui, humant avec délectation l'odeur de la viande fraîche.

Il prenait tout son temps le vaurien, quelle tristesse ! son estomac criait famine.

"Cuire? quoi ça? cuire? haaa... cuir!" finit-elle par conclure en désignant la ceinture de cuir de son interlocuteur. "ça pas bon manger, dur "

D'un geste lent, elle prit entre ses petites mains la grande paluche du druide, qui étaient tachée du sang de la proie. Elle la renifla un instant, puis porta un des doigts à sa bouche, qu'elle lécha , lécha, lécha, prenant son temps, comme heureuse de sentir ce goût là dans sa bouche.

"J'avions faim" conclut-elle avant d'entamer le second doigt avec une sorte de candeur toute étrange.

Le repas fut bien vite avalé.
La demoiselle allait entamer une toilette salvatrice, lorsque le druide lui demanda de le suivre, chose qu'elle fit sans trop se faire prier, encore une fois mue par une curiosité maladive.
La poésie, elle ne comprenait pas vraiment le concept, et encore moins l'intérêt. Sans doutes était-ce dû à sa maîtrise de la langue bien pauvre, et la poétsie, ça ne se mangeait pas!

Donc, dans ce blabla, elle avait comprit qu'à ses oreilles, les chants étaient agréables, ce qui parut l'étonner un tant soit peu, car elle n'avait pas cette chance: ils étaient parfois tellement dissonants, qu'elle en était toute retournée.
A cela s'ajoutait parfois des vertiges, ou sentiments étranges qui la bloquaient, mais aussi fou que cela puisse paraître, elle aimait cela, comme si ce sentiment était additif.

Arrivés près d'un grand chêne, elle leva les yeux, pour mieux voir son ramage, son visage teinté d'une sorte d'expression désolée:

"J'décidions pas de quand les arbres me parlent. "

Elle poussa un soupire alors qu'il lui prenait la main pour l'attirer vers lui. Il disait qu'elle devait écouter ce que l'arbre racontait, mais, comment faire?
Plus loin, le grand lion blanc s'était de nouveau couché, remuant sa longue queue lentement, mais visiblement, n'en loupait pas une miette.
Mëlendill sembla perdue, un court instant. Il n'était pas aisé pour elle de faire quelque chose sur demande, surtout lorsque celle-ci était, à l'accoutumée, quelque chose d'inné, qui venait et partait.
Mais devant l'assurance du druide, la demoiselle consentit à essayer tout de même, et fermant les yeux, essaya de se concentrer sur le son léger du bruissement des feuilles, le craquement à peine audible des branches dansant avec rigidité. Il se passa bien une bonne minute avant que les sons ne lui semblèrent amplifiés, puis, subitement, ils emplirent son esprit, le poussèrent. Elle rouvrit les yeux , une expression douloureuse sur le visage, pour enfin tourner de l'oeil. Elle tomba à la renverse, sans pouvoir se retenir à quoique ce soit: les sons étaient bien trop forts, et elle n'avait jamais essayé de les entendre par elle-même.

Visiblement, Elsyrath sembla comprendre que quelque chose clochait, et avait bondit avec légèreté malgré son poids imposant, oreilles baissées, il émit un grognement contrarié à l'attention du druide, comme pour lui demander ce qu'il avait bien put faire.

Hamanduil avait lui aussi ouvert son esprit à l’arbre afin de partager son chant. Les feuilles du vieux chêne bruissaient, son tronc grinçait, ses racines creusaient le sol. Bien sur, un humain n’aurait rien remarqué d’autre qu’un arbre agité par une légère brise peut être, mais pour un elfe, et plus encore pour un druide, l’arbre se voyait par son esprit, pas seulement par ses yeux ou ses oreilles.

Doucement, il se laissa voguer, bercé par la mélodie lorsque la main de Mëlendill se crispa dans la sienne. Revenant brutalement à la réalité, le vieil elfe vit sa jeune amie tourner de l’œil et s’effondrer. Le léomensis avait bondi sur ses pattes, conscient que quelque chose n’allait pas. Il grognait doucement à son attention, semblant exiger une explication sur ce qui arivait à sa protégée.

Se concentrant, le druide envoya des images mentales au compagnon de l’elfette afin de l’apaiser… un lion montrant à son lionceau comment chasser… le lionceau qui esquive de justesse un coup de sabot de leur proie… les grognements d’Elsyrath se calmèrent, mais Hamanduil pouvait lire comme une muette réprobation dans son regard. Estimait-il que Mëlendill ne soit pas prête à apprendre la chasse aux pensées ?

Prenant Mël dans ses bras, Hamanduil retourna dans sa grotte et l’allongea au coin du feu. Allant chercher de l’eau, il lui en passa doucement sur le visage. Le choc mental avec l’arbre avait été violent mais le druide n’était pas inquiet. Elle n’était qu’assommée, l’arbre n’ayant rien tenté d’agressif envers elle. Lentement, elle rouvrit les yeux, le regard encore un peu vitreux.

Doucement ma fille. Tu as trop ouvert ton esprit à l’arbre. Je suis désolé, j’aurai du te prévenir, mais je ne croyais pas qu’une première tentative te permettrait de l’entendre aussi fort.

Oui, de fait Hamanduil était surpris. Bien sur, sachant ce qui allait se passer, le druide avait verrouillé son esprit par sécurité. Il s’attendait à ce que Mëlendill ne puisse entende qu’un murmure, un bruissement de la symphonie, alors qu’elle l’avait aussi bien entendu que lui.

Il y eu un trou noir, qui sembla durer peu de temps mais aussi une éternité.
Enfin, la jeune elfe sentit quelque chose sur son visage, quelque chose de frais qui la fit émerger doucement. Un court instant, elle fut prise de panique à nouveau, mais le druide sembla avoir anticipé la réaction et sa voix calme et douce la calma aussitôt.

Elle se sentait bête, épuisée, et bête.
A côté d'elle ronronnait Elsyrath comme pour la rassurer. Ce léger bruit, cette petite vibration lui procurait réconfort et sécurité. La petite elfe avait sentit son petit coeur battre à tout rompre, et désormais, il avait du mal à reprendre un rythme normal.
Mëlendill essaya de se redresser, mais il était trop tôt, et sa tête retomba lourdement sur le sol:

"Je...des fois, c'étions tout doux petit chanson....et...et des fois très forte, forte, remplir la tête et, plus rien, rien entendions. Et tomber."

Elle avait essayé d'expliquer ce qu'elle vivait régulièrement, avec des mots, ce qui était si difficile pour elle, si difficile, car elle tout était confus.
Se sentant de plus en plus stupide, incapable de s'exprimer, son petit visage se déforma en une grosse grimace enfantine, ses grands yeux vert d'or remplis de larmes , qui commencèrent à perler sur son visage blanc.

"Pas parlions...bhu...pas bien parlions....bhuhuhu...pas expliquions bien...nif!"