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 Maudits – Sur la route du Pieuré

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Le Vaisseau de la Voilée
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MessageSujet: Maudits – Sur la route du Pieuré   Maudits – Sur la route du Pieuré I_icon_minitimeMar 1 Jan 2019 - 15:30

Odylin d’Oquebosque

Calimehtarus 3 Barkios de l’An 11:XI, dans une taverne d’Ashaï.

Il se disait que l’Agora d’Ys était si haute qu’à son sommet, quand le temps était assez clair, on pouvait apercevoir Ashaï. Odilyn n’était pas resté assez dans la première pour avoir l’occasion de mettre à l’épreuve la véracité de l’adage ; les trois longues journées qui avaient été nécessaires pour conduire la dame Noblegriffon jusque dans la seconde en avaient sérieusement entamé la crédibilité. Seul, le paladin de Tyra aurait certainement pu parcourir la distance qui séparait les cités portuaires bien plus rapidement, mais il avait sous-estimé la faiblesse du Vaisseau. Quand il avait la première fois — et sans particulièrement réfléchir à la passagère qu’il avait installée devant lui sur sa scelle — sa monture au galop, la gardienne avait commencé à paniquer. Le trot n’avait pas eu beaucoup plus de succès : elle était restée muette quelques minutes, avant de le supplier d’arrêter.

« Vous devez manger, lui répéta-t-il sobrement en poussant un peu plus sa gamelle vers elle. Vous n’avez rien avalé depuis notre départ.

Ah, Odylin… soupira-t-elle en esquissant un pauvre sourire. Déjà, tu parles comme Pierre. » Elle avait calé son bâton entre ses jambes et en caressait la surface usée du bout des doigts. Elle lit, devina le paladin en la regardant faire avec un peu plus d’attention. Il voulait en apprendre plus, mais retint les questions qui lui venaient. Il ne lui appartenait pas de comprendre Son Vaisseau ; son rôle se limitait à la ramener au Pieuré. « Et bien ? » lui demanda-t-elle. Et, ce faisant, elle avait interrompu le fil de ses pensées. « La route est longue jusqu’à Serramire. Si tu gardes tes réflexions par-devers toi, c’est avec le silence que nous aurons l’impression de voyager.

Les pensées d’un paladin lui appartiennent, » répondit-il avec lenteur. Il s’était subrepticement redressé et la paume de sa main le démangeait de saisir son arme.

« As-tu peur que j’essaie de te les voler ?

Vous êtes le Vaisseau par le truchement duquel Elle agit, énonça-t-il avec retenue. Cela est connu. Qu’en est-il des heures où Elle regarde ailleurs ? Que faites-vous des dons qu’Elle vous a confiés ? »

Le pli de ses lippes frémit légèrement et elle baissa la tête. « Je n’ai de dons que les malédictions qu’Elle m’a enchâssées au Souffle, Odylin. Tranquillise-toi, tes pensées sont hors de ma portée. Celles que ton corps et tes manies ne trahissent pas, en tout cas. » Elle posa son bâton contre son épaule gauche, puis tâtonna de sa dextre la table devant elle jusqu’à trouver sa cuillère. « Quand tes lèvres retiennent une question, ton talon frappe le sol pour chasser ta frustration, lui apprit-elle avec une légèreté feinte. Que veux-tu savoir ?

Un paladin doit prendre garde avant d’accorder sa confiance, » répondit Odylin en se résignant à la sincérité. Il lui semblait que le Vaisseau finirait de toute façon par lui arracher tous ses secrets. « Vos actes, par le passé, ont nourri la méfiance de ceux que votre voix devrait pourtant guider.

Ah… » souffla Katalina en tapotant sa cuillère en boix contre la table. Comprenant qu’elle cherchait son plat, le paladin le saisit, le souleva, puis le reposa juste devant elle. Elle le remercia en inclinant légèrement la tête, puis commença à « jouer » avec son repas pour en estimer la nature.

« C’est sans doute froid, maintenant, lui apprit-il en croisant ses mains sur la table.

Ainsi, je ne me brûlerai pas, » observa-t-elle doctement.

Il s’attendait à ce qu’elle continuât, mais ne reçut en réponse à sa question que les tintements du bois contre l’étain. « Alors ?

Je n’ai rien à t’apprendre que tu sais déjà. J’ai promis de te laisser me conduire au Pieuré. » Elle reposa sa cuillère et le paladin nota par-devers lui qu’elle n’avait en rien rien avalé. « Ma parole gît au creux de Sa main comme tout le reste. »

Il fronça les sourcils, mais ne préféra pas insister. Chaque fois qu’elle mentionnait la Voilée, son estomac se nouait un peu plus. C’était une chose, que de discourir avec Manfred des visées de la déesse qu’ils servaient tous deux. C’en était une autre d’entendre son Vaisseau l’invoquer comme d’autres le faisaient d’une mère ou d’un frère. Il préféra changer de sujet. « Pourquoi avoir laissé la petite et son père derrière vous ?

Pierre n’est pas son père, crut-elle lui avouer.

Il faut bien que vous soyez aveugle pour espérer surprendre quiconque avec cet confession, objecta-t-il avec un haussement d’épaules. Vous n’êtes pas non plus sa mère, bien qu’elle porte désormais votre nom. » Il marqua une pause, avant d’ajouter avec peut-être un peu plus de cynisme qu’il ne l’aurait voulu. « Mais bien sûr, vous n’avez jamais rien dit de tel. Vous n’avez pas menti.

La vérité ne dort jamais mieux que dans le creux des paroles qui ne sont pas prononcées. » Elle secoua doucement son chef. « Tu savais, donc.

Tout le monde savait, asséna-t-il avant d’ajouter : vous n’avez pas répondu à ma question.

J’ai voyagé avec une enfant, une fois, » commença la gardienne. Elle dut sentir que le paladin n’allait pas s’en satisfaire, car elle leva sa main pour l’enjoindre à la patience. « Elle s’appelait Plume et elle m’accompagnait partout. Quelle vie terrible lui ai-je offerte, Odylin, souffla-t-elle et il pouvait voir ses lèvres trembler sous les assauts pernicieux de ses remords. Elle ne se plaignait jamais, mais je la tuais à petit feu. » Elle posa sa dextre à plat sur la table. « Aislinn ne subira pas semblables tourments. Pas si je peux l’empêcher.

Pour la protéger, donc, » résuma-t-il doctement. Il n’avait plus bougé depuis qu’il avait croisé ses mains. Toute son attention était entièrement tournée sur cette femme si étrange, si fragile d’apparence et pourtant ! Si dangereuse. « Et votre compagnon ?

Si elle ne peut m’avoir moi au moins pourrait-elle l’avoir lui. »

Elle allait pour dire quelque chose, mais se retint. Il esquissa un sourire torve. « Il n’est pas votre compagnon, c’est ça ?

Mon compagnon est mort. Mon seigneur est mort. » Elle ramena sa main sur ses jambes. « Moi, je reste. Je reste et me souviens. » Elle le regardait. Il pouvait presque deviner ses yeux aveugles posés sur lui, sous l’épaisse bande de tissu qui les recouvrait. Un mauvais pressentiment lui alourdit encore un peu plus l’estomac il se se redressa, comme si son geste rompait quelque chose qui s’installait entre eux. Cachant sa confusion avec un raclement de gorge, il se leva de sa chaise.

« Mangez, lui ordonna-t-il. Vous repartez demain à la première heure. » Ils repartiraient ensemble, ainsi qu’il en avait fait le serment, mais il lui tardait déjà que leur voyage prît fin ; le Pieuré lui semblait bien loin, cependant.

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MessageSujet: Re: Maudits – Sur la route du Pieuré   Maudits – Sur la route du Pieuré I_icon_minitimeMar 1 Jan 2019 - 17:25

Raton

Arkuisa 5 Barkios de l’An 11:XI, sur le pont de la Mouette d’Ole, en route vers Thaar.

L’Oquebosque n’avait eu qu’une seule consigne pour l’équipage de la Mouette : ne pas parler à la femme qui l’accompagnait. Comme Raton ne faisait pas vraiment partie de l’équipage, il ne s’était pas senti concerné par sa requête. Ce n’était pas pour autant qu’il avait osé s’en approcher plus d’à quelques mètres depuis leur départ du port d’Ashaï, au petit matin. Il s’était dit qu’il aurait toujours l’occasion de lui adresser la parole plus tard et avait plutôt concentré son attention sur le commanditaire. À sa grande frustration, il n’avait pas pu en tirer grand-chose. L’homme était austère, manquait de patience et s’exprimer d’une bien étrange manière. Raton n’avait pas tout de suite compris qu’Odylin était en fait le paladin dont il n’arrêtait pas de parler, ce qui avait donné à leur conversation un tour par trop pittoresque.

Rétrospectivement, il lui avait dit bien assez. Quand Raton lui avait demandé pourquoi ils se ruinaient à payer la Mouette pour les emmener à Thaar, pourtant si proche de leur port de départ, Oquebosque avait répondu que la femme était trop faible pour voyager à cheval. Ça avait été la plus longue phrase que Raton avait réussi à lui arracher et il avait chassé l’enfant peu de temps après ça.

Après une heure supplémentaire d’atermoiements que le jeune mousse avait occupés à aider qui de droit ça et là, le garçonnet se décida à rassembler son courage. Il serra une dernière fois le nœud qu’on lui avait demandé de refaire, puis épousseta rapidement — et un peu vainement — son pantalon de toile avant de commencer à s’approcher. Il prit son temps pour avaler la distance qui le séparait d’elle ; temps qu’il mit à profit pour la détailler des pieds à la tête. Elle n’avait pas bougé depuis leur départ, pratiquement. Elle s’était assise à même le pont, à la proue de la Mouette et contre le bastingage. Elle semblait si petite — mais en même temps, il était grand pour ses dix ans — et si frêle. Un vent un peu violent aurait pu la projeter dans l’Olienne. Sa robe était de bonne facture, mais Raton avait la désagréable impression qu’elle était beaucoup trop ample pour elle. Un coup de couteau porté au hasard avait plus de chances de la traverser de part en part que de blesser l’aveugle ; car aveugle, elle devait bien l’être, pour accepter le bandeau qui lui couvrait les yeux.

Alors qu’il était certain de n’avoir fait aucun bruit, elle réagit à son arrivée. Elle se redressa légèrement et tourna son visage vers lui. Ses longs — très, trop longs — cheveux noirs glissèrent sur ses joues et dévoilèrent de bien vilaines cicatrices à la comissure gauche de ses lèvres. Impressionné, Raton s’immobilisa et retint sa respiration ; cela sembla l’amuser, car elle sourit. « Approche, Raton, » l’invita-t-elle en reprenant sa position initiale.

Comme libéré d’une emprise invisible, le garçonnet sentit ses épaules s’affaisser légèrement et il dandina d’un pied sur l’autre, soudainement incertain. Il n’avait pas imaginé le début de leur conversation ainsi. Ce ne fut qu’après s’être exécuté qu’il se rendit compte qu’un détail n’allait pas. Il s’agenouilla respectueusement devant elle et demanda : « Comment connais-tu mon nom ?

Je m’en souviens, » répondit-elle d’une voix légèrement erraillée qui le fascinait. Il ne pensait pas en avoir entendu de semblable auparavant.

« De quoi d’autre te souviens-tu ?

De trop. De tout. »

Raton ne comprit pas, mais n’insista pas non plus. Il vit qu’elle serrait dans sa dextre un bâton ; son premier réflexe fut de chercher la sénestre et alors seulement il remarqua le nœud de sa manche gauche, là où aurait dû se trouver son avant-bras. Sa surprise céda bien vite le pas à une curiosité un peu morbide et il approcha sa main du moignon de l’aveugle. « C’est douloureux ? » l’interrogea-t-il au moment où ses doigts effleuraient le tissu doux de la robe.

Il sentit l’aveugle frissonner, mais décida que cela ne devait pas gêner son exploration, qu’il poussa plus loin. « Parfois, avoua-t-elle faiblement tandis qu’il palpait son reste de bras.

Comment c’est arrivé ? » demanda-t-il en se redressant, satisfait. Il ne voyait pas — ou ne voulait pas voir, à son âge c’était souvent la même chose — l’état dans lequel il avait mis son interlocutrice. En même temps, il n’éprouvait aucun dégoût pour cette étrange invalidité que sa jeunesse ne lui avait pas encore donné l’occasion de rencontrer.

« Sa main m’a broyée, répondit-elle faiblement, mais je suis heureuse en vérité qu’elle ait réclamé mon bras et non celui d’Aislinn. »

Qui est Aislinn ? désirait-il demander. quelque chose le retint, cependant.

L’aveugle pleurait.

Il s’éloigna de quelques pas, soudainement mal à l’aise ; avait-il fait quelque chose de mal ? Si c’était le cas, ce n’était pas son but et dans sa tête se bousculaient mille façons de le lui faire comprendre. Incapable d’en choisir une qui le convînt tout à fait, il préféra n’en dire aucune. « Tu as mal, là ? » lui demanda-t-il plutôt à la place.

Elle secoua faiblement le menton. « Je me suis souvenu de la première fois où j’ai senti ta sœur bouger en moi, lui avoua-t-elle avec une tristesse infinie dans la voix. Je me suis souvenu combien elle me manquait. »

Et Raton de se redresser précipitamment, sans vraiment comprendre. Il voulut répondre quelque chose, mais une fois encore, ses mots se nouèrent dans sa bouche et il crut qu’ils allaient l’étouffer. Il recula d’un pas, sans parvenir à cacher ni son désarroi ni sa confusion. Un second pas l’amena dans les jambes de l’Oquebosque, qui dardait sur lui un regard courroucé. « Que t’a-t-elle dit ?

Ce n’est pas… commença-t-il à répondre avant de ravaler ses paroles. Moi, rien du tout. »

Mais l’homme ne l’écoutait déjà plus. Il posa sa main gauche sur son épaule et l’écarta de son chemin. Raton trébucha, tomba lourdement sur ses genoux avant de se carapater aussi vite qu’il le pouvait. Il eut seulement le temps de l’entendre répéter sa question : « Que lui avez-vous dit ? »

Et la réponse : « Simplement la vérité. »

Le reste échappa totalement à l’orphelin, qui partit se réfugier dans la cale de la Mouette et n’en sortit plus avant leur arrivée à Thaar.

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MessageSujet: Re: Maudits – Sur la route du Pieuré   Maudits – Sur la route du Pieuré I_icon_minitimeSam 5 Jan 2019 - 13:24

Odylin d’Oquebosque

Oglicos 7 Barkios de l’An 11:XI, quelque part dans le port de Thaar.

La garce avait disparu.

Odylin ne savait pas contre qui il enrageait le plus ; contre la gardienne, qui à de nombreuses reprises lui avait rappelé sa promesse de le laisser la conduire au Pieuré ; ou contre lui-même, pour avoir si follement gobé ses mensonges. Il aurait dû se résoudre à l’attacher chaque fois que son regard la quittait, par pure précaution.

Furieux, le capitaine paladin l’était. Et dans le même temps, les propos sibyllines du Vaisseau n’avaient de cesse de le hanter et de nourrir ses doutes. Ma parole gît au creux de Sa main comme tout le reste. À cette prophétie qui ne disait pas son nom, il n’avait d’abord prêté qu’une oreille distraite. Depuis qu’elle lui était revenue en mémoire, il ne pouvait se départir d’un pernitieux sentiment. Il se souvenait que Katalina avait utilisé ; plus il y pensait, plus il avait l’impression qu’elle lui avait alors soufflé un secret qu’il avait bien trop prestement mis de côté.

Était-ce là Sa volonté ? En partant ainsi à la recherche de son Instrument, dans le but de la contraindre à le suivre, s’opposait-il en fait à Son dessein ? Un homme de foi ne devrait jamais approché de l’objet de sa dévotion. C’était une leçon bien étrange, qui allait à l’encontre du sens commun ; mais c’était l’enseignement qu’il retirait de sept jours à côtoyer Sa gardienne.

Des rires attirèrent son attention et il darda un regard sombre vers un petit groupe d’enfants qui se chahutaient gaiement. L’un d’eux cria quelque chose et ils se dispersèrent et hurlant à gorge déployée ; le capitaine paladin attrapa par le bras celui qui passa près de lui. Il fit fi de ses compréhensibles protestations et, après avoir posé un genou pour être se mettre à sa hauteur, lui demanda en usant de sa langue : « As-tu vu vielle femme ? Elle a longs cheveux. Très long, jusqu’au sol. » Et l’enfant de continuer à se débattre en l’insultant plutôt que de lui répondre. Resserrant sa poigne pour bien lui signifier sa détermination, le paladin se résigner à essayer de rendre la conversation plus motivante pour son interlocuteur. Il fit apparaître dans sa sénestre, sous les yeux soudainement intrigués du gamin, une petite bourse qui semblait relativement bien garnie pour sa taille. « Tu aides, j’aide.

À quoi t’as dit qu’elle ressemble, ta vielle ? » lui demanda l’enfant en cessant de se débattre. Ils échangèrent des regards suspicieux pendant une bonne seconde, avant qu’Odylin se décidât à le libérer.

« Longs cheveux noirs. Un bandeau sur le visage.

Drôle de spécimen, observa le gamin en se massant le bras. Elle est aveugle ? Comment t’as fait pour la perdre ? »

Ses camarades de jeu, eux, commençaient à s’approcher. Il était pour le moins intrigué par la scène, qui mettait à mal leurs propres projets. « Qu’est-ce que tu fous ? l’interpella l’un d’eux. On t’attend, nous.

Le vieux cherche une vielle, répondit la victime d’Odylin. Et il paie. »

Le péninsulaire se releva et darda son regard sévère sur la petite troupe qui se constituait autour de lui. Nul doute qu’avec ces rats de Thaar, son entreprise de remettre la main sur la gardienne — si tant était qu’elle était encore à Thaar, évidemment — avait soudainement beaucoup plus de chances d’aboutir sur une issue favorable. Il répéta donc une nouvelle fois la sommaire description qu’il avait déjà faite de Katalina, mentionna son bâton et promit dix pièces de cuivre à qui lui indiquerait où il pouvait la trouver.

Il s’attendait à ce qu’ils se dispersassent, mais à la place eut la surprise de voir une petite fille lever timidement le bras pour attirer son attention. « Je crois que je sais où elle est, monsieur. »

Ça ne manqua pas de faire réagir les autres qui, déçus sans doute que la récompense leur glissât si vite entre les doigts, protestèrent chacun à leur manière.

« Arrête de mentir !

C’est clair, tu fais toujours tout pour attirer l’attention !

Mais arrêtez ! s’indigna-t-elle. Je dis la vérité. Je le jure. »

Agacé par leurs simagrées, Odylin décida d’y couper court en haussant la voix. Après avoir ramené le calme dans le rang de ses troupes, il darda un regard sévère sur celle qui lui affirmait possédait le renseignement qu’il cherchait. « Si tu me mens, je saurais te retrouver pour reprendre ce qui m’appartient.

Je mens pas.

Alors, parle. Où l’as-tu vu ? Quand l’as-tu vu ?

Il n’y a pas une heure, monsieur. Sur les quais. Elle regardait la mer. »

Odylin opina lentement du chef, prenant le temps de la réflexion. C’était possible. Katalina n’avait pas fait mystère de l’attrait tout particulier qu’elle nourrissait à l’égard de l’Olienne ; elle avait aussi eu l’occasion de faire montre de sa capacité à se planter quelque part et n’en plus bouger, peu importait ce qu’il se passait autour d’elle. Le capitaine paladin n’avait aucune peine à l’imaginer, droite comme un i, face à la mer, à attendre elle seule savait quoi.

Il se sentait un peu rassuré. Si l’enfant disait vrai, il n’avait qu’à longer les quais pour la retrouver, la sermonner comme jamais il n’avait sermonné personne, puis la ramener dans la chambre qu’il lui louait et l’y enfermer jusqu’à leur départ pour Nelen.

« Tiens, lui asséna-t-il en lui lançant la somme promise — ce qui déclencha un nouveau brouhaha de protestation dans les rangs de ses amis — avant de se tourner en direction du port. La même chose si tu m’y conduis. » C’était sans doute mieux pour elle si elle ne restait pas avec ces rapaces une fois son petit trésor constitué. La rue pouvait être cruelle avec ceux qui n’avaient rien et obtenaient quelque chose.

Il ne leur fallut qu’une dizaine de minutes à peine pour se rendre où l’enfant disait avoir aperçu Katalina et, d’abord, Odylin crut qu’elle n’était plus là. Il baissa les yeux en direction de son informatrice, qui dut sentir le poids de ses reproches, car elle leva les mains devant elle, paumes vers son interlocuteur, comme pour l’assurer de sa bonne foi. Quelque chose accrocha pourtant son regard et elle tendit son bras vers la droite. « Je savais bien que je l’avais vu ! » se réjouit-elle avec un soulagement audible dans la voix.

Le paladin se tourna dans la direction indiquée et fronça les sourcils un temps. Son visage se détendit et il ébouriffa même les cheveux de sa bienfaitrice. « Tiens, lui dit-il en lui fourrant dans la main la seconde partie de sa récompense. Maintenant, dépêche-toi de filer confier ça à un adulte. » Et lui de l’abandonner là, sans un regard de plus. Il avança lentement vers Katalina, comme si le moindre mouvement un peu trop brusque pouvait la faire disparaître. Par les Cinq, elle est aveugle, songea-t-il en prenant la mesure du ridicule de la scène. Il ne fit pourtant pas mine de presser le pas.

« Je t’attendais. »

Odylin n’était plus qu’à deux mètres d’elle, mais il s’arrêta en entendant la voix de Katalina… car ce n’était pas vraiment la sienne, justement. Sans qu’il ne sût vraiment en décrire les différences, elle sonnait à ses oreilles complètement autrement.

Ma parole gît au creux de Sa main, lui avait-elle dit…

« Vous devriez rentrer manger quelque chose et vous reposer, expliqua-t-il en refusant de prendre la mesure de la situation Il fait froid, vous allez tomber malade.

Je ne le permettrai pas, le contredit-elle. Car elle est mon Vaisseau et mon Instrument. »

Les jambes déjà flageolantes du paladin cédèrent sous lui et ses genoux heurtèrent durement le sol.

« Elle voulait que tu saches, Odylin, qu’elle est désolée de ne pas pouvoir honorer sa parole donnée. »

Il n’avait rien à répondre et garda donc le silence, incapable qu’il était de s’adresser directement à Celle qui attend dans son Royaume souterrain. Il ne sentait pas plus capable de la regarder, aussi baissa-t-il le front.

L’instant d’après, le corps de Katalina basculait en avant, pénétrant les eaux sombres et froides et sales du port de Thaar.

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