Contact civilisé? [libre]

Aivân soupira pour la énième fois consécutive. Agenouillée sur le sol de la forêt, elle guettait les traces de ce qui aurait du être son repas du jour, si elle ne s'étaient pas révélées si anciennes. Elle cracha sur l'humus, retenant deux ou trois jurons colorés que Horan lui-même aurait qualifié "d'affreusement disparates dans la bouche d'une jeune fille". Il la faisait bien rire. Arrivé depuis une petite semaine dans leur village perdu au milieu de nulle part, ce petit aristocrate bedonnant essayait d'imposer sa loi, mais en vain. Si encore il avait tenté de se faire accepter plutôt que de s'imposer...

La jeune femme ricana. Non, elle ne regrettait pas son départ du village. Tiercoven n'avait plus rien à lui offrir depuis la mort de son père, et elle se doutait bien qu'une femme seule, même aussi aguerrie qu'elle aux arts de la guerre et à la lutte, ne pouvait résister bien longtemps à une dizaine d'homme l'agressant par surprise, surtout s'ils comptaient parmi les pires crapules. Et puis, elle voulait voir le monde.

De toute sa courte vie, Aivân n'avait jamais vu que son petit village natal et ses abords directs. Ils y avait bien quelques nouveaux arrivants qui parfois s'épanchaient sur leur ancienne vie, mais rien ne remplaçait l'expérience, clamait son père autrefois, alors qu'elle n'était que haute comme trois pommes.

Avec un soupir, elle se redressa et ramena une mèche châtain derrière son oreille. Sa brève course à la poursuite de son erzatz de repas l'avait mise en condition pour une chasse rapide et un repas tout aussi proche. Mais à présent, il lui faudrait se débrouiller avec des racines ou continuer d'avancer vers l'ouest.

Songeuse, Aivân s'arrêta. A l'ouest, se trouvait la société des hommes, cet endroit dont tous les siens avaient été bannis un par un. Ils en gardaient amertume ou regrets, mais rien ne venaient troubler les beaux souvenirs qu'ils racontaient à toute a marmaille grouillante qui leur courait dans les pattes. Elle aussi, elle avait grandit en écoutant les récits de son père à propos de la capitale, de l'armée, des drows, mais aussi des jeux, des beautés du pays et tant d'autres merveilles...

-Une belle utopie, papa... grogna-t-elle en reprenant sa marche.

Elle marchait vite, habituée à tous ces petits tracas de la vie hors du confort d'une maison. Sa vieille épée lui battait le flanc, pendue à sa ceinture de cuir éliminée qui pourrait lâcher à tout instant. Sa rapière était tout ce qu'elle avait de plus précieux dans ce monde. Elle ne la lâcherait sous aucun prétexte.

Selon les récits de son père, la ville la plus proche était Alonna, située au Nord-Ouest de leur village. Une cité-forteresse qui défendait vaillament les terres humaines contre les drows. Normalement, elle n'était plus très loin de ce point de chute, mais la nuit menaçait de tomber à tout instant... Continuer ou bivouaquer?... Ce genre de question ne lui plaisait pas. Aivân détestait hésiter, car cela la ralentissait un peu trop à son goût. Elle aimait l'action et les décisions rapides, car de toute manière, tout était toujours très clair à ses yeux.

Sauf là.

Elle jura brièvement puis se mit en route, gardant le soleil un peu devant elle, à sa droite, se guidant à l'inclinaison des ombres...

Il faisait nuit lorsque la jeune femme escalada un arbre et, le regard ancré vers l'horizon, elle distingua une silouette massive, bien plus grosse que les pauvres bâtisses de Tiercoven. Elle n'était plus très loin de son but.

~~~

Au petit matin, Aivân quitta sa couverture trouée et se redressa avec un baillement sonore, le dos ankylosé de s'être endormie assise au pied de l'arbre. Elle jeta un bref coup d'oeil vers le soleil pour vérifier sa position, puis elle s'élança vers Alona au pas de course.

Le soleil en était presque à la moitié de sa route lorsqu'elle fut enfin au pied des remparts.

-Enfin.

Aivân trotta à allure soutenue jusqu'à arriver au pied de la forteresse. Là, éberluée comme une enfant qui voyait quelque chose pour la première fois (ce qui était le cas) elle observa les haut remparts usés par le temps et les batailles, percés ça et llà de ces orifices étroits par lesquels sont père disait que les archers arrosaient l'ennemi de flèches. Son regard pour le moment innocent parcourut les tours et les coursives bordées de créneaux, distinguant à peine les têtes d'épaingles humaines qui patrouillaient paisiblement sur les hauteurs. Etait-on en guerre? Elle ne le savait pas. Peut-être, après tout...

Elle avala sa salive puis s'avança d'un pas décidé vers les portes, vastes orifices par lesquels elle apercevait la vie des hommes, ses semblables, mais très différents pourtant de ce qu'elle connaissait. Elle avait oublié quelque chose. Mais quoi? Bah, tant pis. Elle aviserait plus tard.

Sûre de son bon droit, soit, de pénétrer dans la ville comme n'importe qui le faisait dans son village, la surprise de voir des armes s'abbattre sur son chemin lui firent faire un bon en arrière, main sur la garde de son épée. Au moindre geste hostile de la part de ces deux hommes, elle frapperait sans autre signal, vite, comme le serpent qui avait mordu Heinrich quand ils avaient huit ans.

-Halte là voyageuse ! Qui êtes vous et que venez vous faire à Alonna ?

La réplique et le vouvoiement la surprirent suffisamment pour qu'elle baisse sa garde. Pourquoi lui dire vous? On disait vous aux vieux, à Tiercoven. Ces types-là pensaient-ils vraiment qu'elle était si vieille? Ou était-ce ue marque de respect? Etrange. Le premier contact avec des hommes civilisé était étrange. Elle els détailla un peu plus. Leurs cottes de mailles et leurs casques brillaient au soleil, bien entretenus, pas comme la sienne qui partait en loques faute de forgeron compétent au village. Leurs hallebardes aussi semblaient propres et tranchantes. Ils pourraient l'embrocher en un instant avec ça. Sans compter les belles étoffes aux couleurs éclatantes, propres et bien cousues. Non, vraiment, le monde extérieur n'avait rien à voir avec son monde à elle...

Elle sourit franchement. C'était excitant.

- Aivân Pajari, j' voyage. lança-t-elle pour toute explication. V'savez pas si y'a quelqu'un qui cherche une épéiste dans l'coin?

Les gardes ne parurent pas franchement impressionnés lorsque la voyageuse mis la main sur la garde de son épée. A deux, ils savaient ne pas avoir de difficultés à venir à bout d’elle si le besoin s’en faisait sentir, mais elle ne semblait pas menaçante, sa réaction relevant plus du réflexe qu’autre chose. En tout cas, elle ne semblait pas être une espionne, sinon elle aurait inventé mieux comme présentation. Non, elle devait être sincère… ou alors c’était une actrice de grand talent. Un sourire dévoilant ses chicots noirâtres, le plus vieux répondit :

Une épéiste. Ben si vous voulez vous engager dans l’armée faut allez voir le sergent recruteur à la citadelle. M’étonnerait qu’il vous accepte mais ca coûte rien d’essayer.

Relevant leurs hallebardes, les gardes s’écartèrent et laissèrent la voyageuse pénétrer dans la ville grouillante d’activités… une vraie fourmilière. En plus Aivân arrivait le jour du marché, réunion quasi obligée de la pègre du coin. Certes les patrouilles renforcées avaient bien calmées les choses, mais de là à croire que le crime à Alonna était éradiqué, il fallait être naïf. Tandis qu’elle s’éloignait, le plus jeune des deux gardes demanda à son voisin :

A ton avis, elle tiendra combien de temps ?
Deux ou trois jours je dirais, répondit son camarade du ton détaché de celui qui a vu bien des vies brisées.

Dans l’ombre Loupro suivait la voyageuse du regard, la détaillant avec attention. Mignonne, des courbes pas désagréables. Une inconnue en ville plutôt jolie se retrouvait généralement dans les bordels… et tel serait sans doute le destin de celle-là. Au vu de sa réaction, elle était plutôt du genre féroce, mais certains clients les aimaient méchantes… et payaient cher pour cela. D’un geste, le voleur fit signe à un petit mendiant de s’approcher. Le gamin leva son visage crasseux vers lui, attendant le message.

Va dire au chef qu’une fraiche pépée vient de se radiner en ville, des gambettes de rêve pour sur. Trop blaire pour se méfier j’ai avis, mais qu’il ramène deux ou trois costauds dès fois qu’elle fasse la difficile.

Acquiesçant, le mioche fila dans les ruelles tortueuses du quartier de la porte pour annoncer qu’une proie arrivait. Pour sur que le chef serait content, se dit Loupro, voilà qui allait rattraper sa bourde de la bourse du marchand. Rabattant sa capuche sur la tête, il se mit à suivre Aivân discrètement.

Les informations qu'elle cherchait obtenues auprès des gardes (qui n'étaient pas de mauvais bougres, au fond), Aivân s'avança dans les rues, puis s'arrêta. La citadelle. Ce devait être la section surélevée qui dominait l'ensemble de la ville, particulièrement fortifiée. Sans doute était-ce là le dernier bastion de la défence d'Alonna...

Son objectif défini, la jeune femme reprit donc sa route, souriante et marchant d'un pas vif. Elle regardait avec attention tous ces étals colorés et ces parures diverses, certaines d'un tissu qu'elle n'avait jamais vu. Seul sa méfiance vis à vis des hommes la retint d'aller palper les étoffes et toucher les bijoux. De toute manière, on la prendrait certainement pour une voleuse.

Un grondement sinistre la fit sursauter alors qu'elle portait la main à son ventre. C'est vrai qu'elle n'avait pas mangé depuis la veille, et ça n'avait pas été très substantiel. La jeune femme sortit distraitement sa bourse et compta les quelques pièces légueés par son père. Quelques souverains réccupérés ça et là sur leurs brigandages des jeunes années. Elle espéra muettement que cela suffirait pour trouver une chambre, ne serait-ce que pour ne pas passer la nuit dehors, seule, avec tout le petit peuple du crime de sortie. Avoir un rabatteur à putes pour nounou était pratique, pour connaître les méfaits de la ville...

Aivân reprit sa marche, droit vers la citadelle, cette fois. Son esprit vif ne manquait pas d'enregistrer son chemin, ainsi que l'orientation des ruelles sombres propices aux agressions. Toujours avoir un oeil devant et un autre derrière. Tel était le conseil favoris de Madrigue et elle avait toujours prit soin de l'appliquer à la lettre. Aujourd'hui surtout, elle devrait prendre garde. Le petit peuple n'était pas aussi faible qu'on le pensait, loin de là. Il s'agissait même du meilleur espion possible au coeur d'une communauté. Personne ne faisait plus attention à eux.

Elle tourna la tête et observa la foule derrière elle. Il y avait du monde, sûrement trop pour qu'elle voie la menace. Cette contrariété l'exaspéra et elle pressa le pas. Il fallait qu'elle atteigne la citadelle très vite, ou quelqu'un risquait de se retrouver avec une épée dans le ventre sans sommation. Ce qui metttrait fin à tous ses désirs de se faire engager ici.

La main sur le pommeau de sa lame, elle déboucha enfin, après une longue marche, dans une rue qui devait la mener directement à son but, pour le peu qu'elle en jugeait. Il y avait de plus en plus de gardes aux alentours, aussi se permit-elle de ralentir... en fixant les ombres autour d'elle.

N'était-ce qu'une impression... ou quelqu'un la suivait?

Loupro suivait la voyageuse, attentif à ne pas se faire remarquer. Cela lui demandait un certain savoir-faire car elle n’était pas aussi gourde que la plupart des pauvres hères qui arrivaient en ville. Non, celle là semblait savoir se défendre, et cela leur imposerait d’être beaucoup plus prudent avec elle.

A plusieurs reprises, le voleur du se réfugier en catastrophe dans une encoignure de porte pour ne pas être repéré. Tout en avançant, il se demandait ce faisaient ses camarades ? Jusqu’à présent, il n’en avait vu aucun. Le gamin avait-il bien apporté le message ? Mieux vaudrait pour lui, sinon Loupro le retrouverait et lui apprendrait qu’on ne se moque pas ainsi de ses ordres.

Alors que les deux « compagnons », le chasseur et la proie, débouchèrent dans la rue menant à l’une des poternes de la citadelle, Loupro sourit sous son capuchon. Il venait de repérer Jax, dit « La Fouine », un spécialiste des coups de couteau dans le dos. Normalement Jax opérait près de la porte Sud, sa présence ici indiquait que le piège se refermait. De fait, les voyous frappèrent alors qu’Aivân passait à hauteur d’une petite ruelle malodorante.

Un grand gaillard, une sorte de barrique humaine recouverte de bourrelets de graisse, une barbe épaisse et sale couvrant sa bedaine et sa tunique souillée par des tâches de gras et de bière sortit des ombres et se plaça net devant elle, la fusillant de ses petits yeux porcins. A la description, vous avez du comprendre que le bonhomme n’avait rien d’un Apollon…

Aivân eut un court instant d’hésitation, oh très court, moins d’une seconde. Sans doute aurait-elle réagie plus vite dans les petites ruelles obscures, mais là, à proximité de la citadelle, avec un poste de gardes à moins d’une cinquantaine de mètres, elle avait un peu ralentit, devant se croire en sécurité, et avait de fait légèrement abaissé sa vigilance.

Erreur…

Alors que la main de la voyageuse se posait sur son épée, Aivân put sentir la pointe d’un couteau se poser sur ses reins, et une voix glaciale murmurer à son oreille :

Suis-nous sans résistance si tu tiens à la vie.

[HRP : à toi de décider si tu résistes ou non à tes agresseurs, les deux options sont possibles]

Aivân fixa l'espèce de colosse luisant de graisse devant elle. Il fallait avouer que c'était bien la première fois qu'elle rencontrait un homme de sa carrure. A Tiercoven, les gens étaient maigres, voire squelettiques. Elle le jaugea un instant et fit un pas en arrière, mais une sensation de piqûre dans le dos la fit stopper très vite sa manoeuvre de recul.

Suis-nous sans résistance si tu tiens à la vie.

Lentement, la jeune femme se tourna vers la dague pointée vers elle, inexpressive, tandis qu'elle analysait la situation. Ils étaient deux, le colosse et l'autre, plus mince, mais visiblement confiant dans les talents de combat. Et puis, à leurs yeux, elle ne devait être guère plus que l'une de ses petites filles innocentes et sans protection qui se transformaient en putes dès qu'un rabatteur leur mettait la main dessus. Oui, elle ne devait paraître que comme l'une de ces petites imbéciles, en un peu plus dangereuse tout de même, ne serait-ce que par son épée. Mais elle savait d'expérience que les hommes se moquaient bien des femmes armées, les jugeant de toute manière bien plus faibles.

Là était leur pire erreur, preuve en était des femmes drow capables tout aussi bien que leurs hommes d'abbattre n'importe qui. Et Aivân, si elel n'était pas drow pour autant, en savait suffisamment de l'art del'épée et des embuscades pour se dépatouiller de là.

-Deux hommes pour une simple môme? Le p'tit peuple a donc si peur d'une d' ses semblables à peine sortie de l'oeuf? ricana-t-elle face à l'homme à tête de fouine.

Elle sentait qu'il n'aimait pas les affrontements directs. Le meilleur moyen de gagner était donc de le forcer à faire face. Et au moindre geste brusque, grosse barrique lui servirait d'appui pour envoyer monsieur la fouine dans les choux.

-Qui t'envoie, la fouine? Ton chef ou l'un d'vos stupides rabbatteurs?

Lorque Aivân sentit les bras graisseux s'abbattre sur elle, elle s'injuria copieusement de tous les jurons malsain que sa chère nourrice masculine s'était fait un plaisir de lui enseigner dès le berceau. Mais on n'avait pas idée d'être aussi stupide! La main sale qui la baillonna avit de tels relents de nourriture avariée qu'elle faillit tourner de l'oeil et commença à se débattre. C'est qu'il l'empêchait presque de respirer cet abruti!

Elle arma une de ses jambe et frappa de toutes ses forces. Peu importait l'endroit qu'elle frappait, tant qu'il la laissait respirer. La jeune femme atteignit le haut de la cuisse, mais sans réaction apparente, l'autre continua son bonhomme de chemin dans la ruelle, secondé par "Monsieur j'ai la lame sous ta gorge suis moi" qu'elle avait décidé de haïr de toute son âme pour avoir détourné son attention du gros tas de chair malodorante qui la retenait dans ses bras.

En désespoir de cause, et malgré son dégoût, Aivân planta ses dents dans la main qui la baillonnait et pu enfin respirer, non sans cracher tout ce qu'elle pouvait pour se débarrasser du goût.

-S'pèce d'abruti, t'vois pas qu't'étais en train de m'étouffer! Imbécile, crétin bouseux! T'auras l'air fin si j'crève avant qu'tu m'emmène à ton chef!

Et elle recommença à se débattre en se répandant en insultes de plus en plus imagées sur la petitesse de l'esprit de son porteur et de son partenaire, jusqu'au genre masculin en général, mais d'une voix suffisante pour ne pas faire mine d'alerter la garde et se mettre à nouveau dans de beaux draps. Non, le mieux était encore de prendre son mal en patience, rencontrer et négocier sa liberté avec leur chef et ensuite se tirer de ce pétrin.

N'empêche qu'essayer de prendre son épée et l'enfoncer entre les côtes de ses ravisseurs la chatouillait grandement quand la puanteur commença à devenir insupportable... Depuis quand ce lourdeauu avait-il prit un bain dans une rivière? Elle ne savait pas, mais ce ne devait pas dater d'il y a six mois...

Lassée de se répandre en injures continuelles sans obtenir gain de cause (enfin si, elle ne s'étouffait plus dans la crasse, c'était déjà un progrès certain) Aivân se tut et observa de plus près l'homme mince et extrèmement nerveux qui trotinnait devant, aussi tendu que si la garde au grand complet risquait de leur tomber sur les endosses. A croire que la sécurité de cette ville s'était renforcée de manière drastique pour que ce type se sente en danger.

Il les mena au coeur d'un quartier si mal en point et missérable qu'Aivân regretta un instant d'avoir quitté Tiercoven... Zut à la fin, les barraques étaient du même accabit que son ancien village de ruines et de cendres... C'était rageant. Elle avait parcourut des kilomètres pour retourner au même endroit. Ca lui faisait une belle jambe, tient... La Fouine sortit une clé rouillée de sa poche et ouvrit une porte presque invisible dans le délabrement des environs. Ses kidnappeurs avaient un quartier général? Et l'autre stressait quand même. Ils étaient pourtant sufisemment organisés pour échapper aux fouilles officielles sans problèmes majeurs, s'ils avaient pu tenir jusqu'ici. Bah, il est vrai que la paranoïa sauvait de nombreuses vies tous les jours...

Trois coups brefs la ramenèrent sur terre rapidement, et la porte s'ouvrit. La cave, sombre, ne laissait guère de choix quant aux issues. Soit elle pourrait remonter l'escalier en priant pour ne pas tomber sur le reste de la bande, soit elle repartait d'où elle venait, sans aucune garantie de retrouver son chemins avant qu'ils ne la rattrappent... Pfff... Elle en avait déjà marre.

-Belle prise les gars, elle fera une catin de choix celle-là. Je suis content de vous, c’est du bon boulot.
-Pas sur que ce soit si simple Verin, elle est du genre résistante.-T’inquiètes, j’en ai dompté de plus résistantes que ça. Allez hop, avec les autres, je m’occuperai d’elle tout à l’heure.

L'homme qui avait parlé, Aivân se grava son visage dans son esprit, associé à ce nom qu'elle commença à haïr dès que son regard eut aprivoisé son apparence. Ce type, elle aurait sa peau un jour où l'autre, même s'ils venaient à s'associer. Il avait un regard malsain qui ne lui inspirait aucune confiance, un ton qui transpirait la suffisance et la confiance en lui... Il ne devait certainement qu'à son désir de gloire sa prudence ostentatoire... Grrr...

Elle fut placée dans la cage à son tour et frotta ses poignet en restant au plus près de la porte en gromelant. Pour le moment, elle n'avait aucun espoir de sortie, si ce n'était cette prétendue menace de Verin de s'occuper d'elle ensuite. Elle jeta un coup d'oeil autour d'elle. Des regard hagards, froids, perdus. Il n'y avait plus d'espoir chez ses compagnons d'infortune. Elle siffle de dépit et se concentra sur l'homme, l'ennemi à abattre qu'elle dévisagea tout le long de son épluchage de bois. Sa maîtrise de sa lame, sa musculature nerveuse qui se distinguait vaguement sous ses mancches de sa tunique de facture simple, pauvre, sans raffinement. Il ne voulait pas se faire repérer et restait discret. Il n'était donc pas encore suffisamment puissant pour sortir au grand jour...

Des voix lui parvinrent d'au-dessus, probablement une patrouille. Elle leva le visage vers le plafond sans écouter l'avertissement de leur geôlier, encore une fois confrontée à deux choix. Situation insupportable. Crier ou pas? Prendre le risque d'affronter Verin et attendre les secours, ou atendre, et l'abbattre dès qu'ils seraient seuls, au risque de devoir affronter les autres compères? Le dilemne l'occupa encore une ou deux minutes. Puis elle quitta sa position au sol et se mit debout face aux grilles, aggrippant les barreaux avec hargne. Elle fixa Verin dans les yeux. Lui sourit.

Sa main droite saisit le poignet de son adversaire et le tira, plaçant la lame menaçante de son côté à elle de la grille. Elle tordit le poignet en sa possession pour qu'il lâche le coûteau et se mit à hurler dans la foulée.

-A LA GARDE! VERIN EST SOUS VOS PIEDS BANDE DE CLEBARDS SANS CERVELLE!!

Aivân retint encore un peu son geôlier, puis le lâcha lorsque son poignet menaça de céder. Elle répondit d'un sourire narquois à son regard assassin et le vit se précipiter en vain vers la trappe. En vain, puisqu'elle savait que son cri devait avoir atteint l'étage supérieur avec suffisamment de force pour se faire entendre. Mais elle n'attendrait certainement pas plus longtemps. D'une main leste, elle s'empara du couteau tombé au sol et vint s'acharner sur la serrure de la porte. Celle-ci n'était pas en très bon état, mais juste assez résistante pour lui donner du fil à retordre... De guere lasse, elle soupira en entendant les pas dans les escaliers et dissimula la lame sur sa hanche gauche. On ne savait jamais.

Une succession d'hommes en armes descendirent, défonçant les portes avec précipitation. Aivân les regarda avec mépris. Le petit peuple avait très certainement déjà prit les voiles. Il faudrait qu'elle y prenne garde, d'ailleurs. Il y aurait certainement un ou deux esprits vengeurs dans les rues pendant quelques temps.

Un soldat vint ouvrir leur geôle et Aivân observa ses colocataires sortir avec soulagement sans même lui jeter un regard. A vrai dire, elle s'en moquait complètement. Aucun de ces gens n'avait eu le cran de tenter de se libérer par ses propres moyens. Seuls, ils auraient été broyés sans pitié. Ce genre de personnes l'insupportait complètement... Si faibles...

- Le capitaine arrive.
- Sargril ? Bon sang, pour que le régent l’envoie, c’est vraiment qu’il s’intéresse de près au démantèlement des gangs.

En sortant, la jeune femme écouta avec davantage d'attention les conversations entre les militaire, en tâchant de resituer les plus hauts gradés, comme son père les lui avait décrit il y a très très longtemps. De ce qu'elle put comprendre, ce Sargril était très respecté, ou craint, mais il bénéficiait aussi de la confiance du seigneur régnant...

En le voyant arriver elle le détailla soigneusement, cherchant ses failles et ses forces, comme cette manie de garder la main sur sa lame ou sa raideur à l'épaule. Ce type en avait assez vu pour rester sur ses gardes. Bien, au moins le régent ne confiait-il pas sa vie et sa ville à n'importe qui...

- Vous paraissez différente des autres prisonniers. Qui êtes-vous ?

Aivân le dévisagea plus franchement, plantant son regard clair directement dans le sien et répondit fermement.

-Aivân Pajari, épéiste. J'ai l'hab'tude d'traiter avec c'genre de types.

Ce faisant, elle posa à son tour sa main sur la garde de son épée, sans perdre son insolence. Elle savait très bien que les femmes d'ici ne regardait pas souvent des hommes en face comme elle le faisait... mais elle ne se considérait déjà plus vraiment comme une simple femme, là était la différence.

-J'dois aller à la c'tadelle, mais j'connais pas c'coin d'ville... Pouvez m'dire où c'est si j'pars d'ici?

Plusieurs soldats eurent un petit sourire en entendant Aivân se définir comme épéiste. Une femme épéiste ? Allons allons… ridicule, tout le monde sait que les femmes sont là pour réchauffer le lit et faire la cuisine ! Non ? En tout cas Sargril ne souriait pas lui. Personne ne pouvait le savoir mais le capitaine savait mieux que quiconque que certaines femmes sont des guerrières plus redoutables que les hommes.

Enfin il n’allait pas raconter ces souvenirs douloureux qui ne concernaient ni Aivân ni ses soldats. Il fusilla les soldats du regard pour leur rappeler qu’ils étaient en service et représentaient la baronnie. Alors un peu de tenue ! Tandis qu’ils remontaient dans la salle de la taverne qui servait de façade aux brigands, il répondit à la question de la jeune femme.

Pour aller à la citadelle, prenez à droite en sortant de la taverne, et à gauche une fois sur la place du marché, vous y arriverez tout droit.

Sargril eut l’air d’hésiter un instant puis ajouta :

Si ce n’est pas indiscret, qu’allez-vous faire à la citadelle ?

En entendant les ricanements des soldats, Aivân crispa fermement la main sur la garde de son épée et chargea ses yeux de mépris. Ainsi, ces hommes pensaient une femme bien moins capable qu'eux de défendre sa vie par le fil de la lame? Quels naïfs! Quels simplets! Mais leur en faire la démonstration maintenant ne servirait à rien. De plus, si elle venait à provoquer du grabuge, elle ne serait certainement pas engagée. La jeune femme modéra donc ses ardeurs et relâcha sa lame, foudroyant ces simples d'esprits lorsqu'ils quttèrent la pièce sur l'ordre de leur capitaine.

Dire qu'elle devrait sans doute travailler avec eux plus tard... Et qu'en plus ils lui demanderaien de faire ses preuves... en tant que camarade, mais ausis en tant que femme. Tchh... Celui qui la trousserait n'était pas encore né.

aivân détourna son attention exaspérée des soldats pour revenir au capitaine. Lui, ne paraissait pas la sous-estimer. Enfin, il paraissait. Rien ne l'empêchait de la dénigrer en lui-même. aussi resta-t-elle froide et distante lorsqu'il lui répondit, sur ses gardes.

-Pour aller à la citadelle, prenez à droite en sortant de la taverne, et à gauche une fois sur la place du marché, vous y arriverez tout droit.

-M'rci bien, cap'taine.

Sans plus attendre, elle se dirigea à son tour vers la trappe, mais se retourna lorsqu'il s'adressa de nouveau à elle.

-Si ce n’est pas indiscret, qu’allez-vous faire à la citadelle ?

La jeune femme fit mine de réfléchir quelques secondes puis lâcha son "secret".

-J'm'en vais voir s'y'a pas une place pour une épéiste comme moi par là-haut. Au fait, cap'taine, y'a deux des types qu'on filé par la porte derrière vous...

Elle lui adressa un signe de main et commença à monter vers la trappe en se répétant l'itinéraire qu'elle devrait suivre. Droit, gauche, tout droit. Rien de très difficile... Et tant qu'à faire, si elle pouvait identifer l'abruti de rabatteur qui l'avait sous-estimé, elle se ferait une joie de lui apprendre qu'elle n'était pas si faible...

A la tienne Jax.
Cul sec !
On l’a bien empaqueté cette grognasse hein ?
Ouaich.

Jax, Hectoo et Loupro étaient dans une taverne en train de boire le coup de la victoire. Une jolie fille comme Aivân embarquée sans coup férir, le chef qui se déclarait ravi de cette prise… oui, cela méritait bien une petite célébration commémorative façon retour de guerre en fanfare. Après le travail le plaisir ! La journée était fructueuse pour la bande après ces semaines difficiles à éviter les patrouilles de milices.

Les trois hommes s’étaient donc retrouvés pour s’envoyer un godet dans le gosier. De fait, ils en étaient à plusieurs, de godets, ces petites bestioles vivant en général en groupe… Loupro paraissait déjà à moitié raide, et ses deux comparses ne valaient pas mieux. De la pisse de cheval cette bibine, mais l’ivresse était leur principal objectif, et à voir la quantité de choppes vides, elle ne tarderait guère à venir poser ses fesses à côté d’eux.

Tout en buvant, ils se racontaient des blagues salaces concernant ce qui attendait Aivân. Le boss devait être en train de s’amuser à tringler la prisonnière pour lui apprendre à obéir, mais eux-mêmes ne comptaient pas se la mettre derrière l’oreille. Justement, ils reluquaient une catin qui leur faisait de l’œil… pas du frais mais la faim est le meilleur condiment, à table comme au lit.

Soudain, Jax laissa tomber sa chope qui se renversa, la bière dégoulinant sur son froc. A voir son regard, on aurait pu croire qu’il venait de rencontrer un fantôme et de disputer avec lui une partie d’échec. Sans rire, ses mirettes baillaient sévères, comme si le ciboulot refusait d’accepter la réalité.

Que Tyra me tripote !
Quoi ?
Dans la rue…
Elle !
Mais… mais c’est impossible.

A cet instant, Aivân tourna la tête et son regard croisa celui des trois bandits avinés.

Aivân s'appliqua à suivre les instructions données par le dénommé Sargril et rejoignit sans encombre la place du marché. Arrivée là, elle s'étira en célébrant sa toute nouvelle liberté. Dire qu'en un peu moins de deux heures, elle avait eu le temps d'entrer à Alonna, se faire embarquer comme future-pute, et échapper à ce sort peu reluisant...

Bref. Elle repartit à longues enjambées, s'injuriant mentalement d'avoir égarée sa bourse dans l'intervalle de temps car son estomac criait définitivement famine. que n'urait-elle donné pour une soupe et un peu de pain... Grrr... Si elle trouvait ces enflures de maquignons pour femmes, elle se ferait une joie de les délester de certaines parties de leur corps pour les leur faire manger rôties aux petits oignons...

Le regard de la jeune femme passa sur les échoppes qui l'entouraient avec u air impassible qui ne traduisait pas encore son envie de violence. Rien de tel qu'un petit coup de sang pour oublier sa faim.

Soudain, elle s'immobilisa...

Si ce n'était pas ses deux kidnappeurs, là-bas, attablés avec un petit craintif chétif crasseux?

Toujours sans expression, elle s'approcha de leur table lentement, en savourant leurs regards égarés voire complètement affolés. Et oui, elle n'était pas une simple femme.

Sans un mot, elle attrappa la pinte à moitié vide du plus imposant, la renifla avec une grimace de dégoût et la renversa avec soin sur le crâne de celui qu'elle identifia comme le rabatteur.

-Pfff... même pas d'la bonne... Z'êtes encore plus pathétiques qu'je l'croyais...

Sur ces paroles crachées avec plus de mépris qu'à l'égard d'un cadavre putréfié, elle sortit le couteau de verrin, le fit tourner entre ses doigts avec un sourire mesquin. La lame s'abbattit férocement sur la table, clouant au passage la main de Jax avant qu'il n'ait pu dégainer une dague.

-La prochaine fois, faîtes gaffe à qui vous vous attaquez, l'vermisseaux... Ou vous f'nirez comme vot' chef...

Son pouce traça une ligne sur sa gorge et elle éclata d'un rire rauque, profondément moqueur, pour enfin s'éloigner. Libre à ces abrutis de la poursuivre ou non... à leurs risques et périls.

Bon, la citadelle, maintenant...

Aivân réfléchiassait, pour la troisième fois de la journée. Ca faisait beaucoup trop par rapport à d'habitude, mais cette fois-ci, elle n'avait pas vraiment la choix. Comment présenter sa requête? A qui devrait-elle s'adresser??? Rah! Mais pourquoi n'était-elle pas restée avec ce Sargril, il aurait pu l'aider! Grr... Et en plus de ça, elle n'arrivait pas à se calmer... Ce petit épisode avec ces abrutis ne lui avait pas suffit du tout pour calmer ses nerfs, et maintenant, elle en était rendue à foudroyer du regard tout ceux qui la regardaient de travers.

-Arrêtez-la!

La jeune femme se retourna. La voix ne lui disait rien, mais bizarrement, le ton employé lui suggérait que, peut-être, c'était d'elle qu'on parlait... En voyant la milice en arme approcher, elle eut un bref moment d'hésitation... Baston ou pas baston? Elle jeta un coup d'oeil à la citadelle, proche, d'un seul coup... Baston, pas baston?

Elle serra les dents et prit soudainement la poudre d'escampette, encore plus furieuse. En quelques enjambées, elle se faufilla entre les passants, habituées à ces courses éperdues en forêts où regarder devant soi avait autant d'importance que regarder derrière. Elle bouscula une ou deux personnes, courrut tête baissée droit devant pour être sûre qu'on la perdrait d'autant plus vite, et elle atteignit la porte de la citadelle avant ses poursuivants. Bien, maintenant qu'elle y était, loin de ce troupeau d'êtres humains qui aurait pu la gêner, elle allait pouvoir additionner deux et deux....

Sa vieille épée sortit de son fourreau et elle l'examina le temps que la garde arrive. Quand ils ne furent plus qu'à quelques mètres, elle se tourna vers la portier et demanda innocemment:

-Le recrutement?

Aivân se mit aussitôt en garde, dos au mur et regarda arriver ses, peut-être, futurs adversaires avec un sourire carnassier. Rien de tel qu'un bon combat pour calmer ses nerfs.

Rho !
Mais attention !
Andouille !

Les cris indignés des passants bousculés par Aivân retentissaient dans la rue. D’autres cris suivaient lorsque la milice les bousculait à son tour. Le sergent, gros gaillard ventripotent, fendait les flots humains, ses deux adjoints le suivant de près, lance au poing, comme des remorqueurs suivant le navire amiral.

Le garde en faction à la poterne regarda d’un air surpris cette étrange course-poursuite. Que la milice poursuive un voleur était fréquent, mais les voleurs prenaient rarement la direction du château. Même le brigand le mieux éduqué ne fonce pas de lui-même dans les bras des soldats de la forteresse…

La course poursuite s’arrêta à une vingtaine de mètres de la poterne. La « voleuse ? » se retrouva dos au mur face à ses trois poursuivants. Un petit attroupement commençait à se former, les habitants de la citadelle ne rechignant pas à assister à un joli petit duel.

Les trois miliciens pointèrent leurs armes sur Aivân et l’encerclèrent. S’ils n’étaient pas de vrais soldats et que leur rôle se limitait généralement à assurer la sécurité de la ville, ils n’en connaissaient pas moins les règles de base du combat… lorsque l’on a l’avantage numérique, mieux vaut attaquer de plusieurs côtés.

Rends-toi sans faire d’histories et il ne t’arrivera rien, ordonna le sergent.

Aivân jaugea calmement les trois personnes qui lui faisaient face, toujours en souriant d'un air de prédateur. Ces gens-là étaient plus habitués à faaire la paperasse qu'à combattre. éanmoins, ils bénéficiaient du nombre et de la position...

-Rends-toi sans faire d’histories et il ne t’arrivera rien.

La jeune femme planta ses yeux vert d'eau dans les siens, impassible, de nouveau il fallait réfléchir. Pourquoi devait-elle se rendre, elle n'avait rien fait de mal! Du moins pas à son humble souvenir. Et puis, c'était elle la vicitme, là! A moins que...

-V' pensez que j'ai mal agis 'vec ces trois rabatteurs à putes? Alors qu'à cause d'eux, j'ai failli passer un mauvais quart d'heure? Alors qu' leur chef est (ou était, plutôt) Verrin?

Elle ricana et se mit en garde. Si la raison de son arrestation était bien ce qu'elle soupçonnait, elle n'avait même pas besoin de rester ici plus longtemps. Non. Elle ne resterait pas dans un endroit où l'on ne pouvait pas punir soi-même ses agresseurs... Où ces abrutis auraient pu intégrer une nouvelle bande impunément et poursuivre leurs magouilles... Elle ne resterait certainement pas.

-Dégagez. J'quitte c't'e ville. D'mand'rez au cap'taine Sargril les aut' infos.

Sur ces mots, elle bondit avec souplesse vers le garde gauche, esquiva la lame de celui-ci d'un pas sur le côté et lui envoya son pied à la tête. Le tout n'avait prit qu'un instant. Aivân profita du recul de cet homme pour se glisser entre lui et le mur, et détaler à toutes jambes vers la rue transversale, se baissant pour esquiver les assauts des autres gardes derrière elle. Elle bouscula les passants à toute allure et fonça droit devant elle, guettant les ruelles en cul de sac qui pourraient la coincer ou la grande artère qui la mènerait aux portes.