Premier contact | Viliam & Fantôme

Troisième ennéade
Automne, Bàrkios 19:XI

Cette soirée n'est pas désagréable. Une bière à la main, des amis autour de la table, des vannes à n'en plus finir... Fantôme s'amuse bien. Cela lui fait du bien alors qu'il a souvent l'impression de ne pas être à sa place. Même s'il est un frère d'armes de confiance pour les Chimères, son comportement dans la sphère personnelle lui est souvent reproché. Il a quelques vices qui lui attirent des ennuis. Parfois, c'est le jeu. Parfois, c'est l'alcool. Parfois, c'est le tabac. Il a plus d'une fois promis d'arrêter mais il n'y parvient pas. Il a bien essayé de se caser à quelques reprises mais ça ne l'inspire pas. Il passe juste un peu de bon temps, et encore... les dames y mettent plus de cœur à l'ouvrage que lui. Alors il préfère se contenter de s'amuser, remettant sans cesse à plus tard ses bonnes résolutions.
Ce sont des nuits comme celles-ci qui lui font oublier ses ennuis, avant de finalement lui en attirer de nouveau. Pour l'instant, il est sage. Il est simplement assis à une table. Il rit avec ses compagnons en avalant quelques gorgées de houblon. Certains font quelques bras de fer. Il ne prête pas attention à ce qu'il se passe autour de lui. Tout du moins, jusqu'à ce qu'un peu de grabuge attire son regard vers un autre coin de la taverne.
Et attire le regard de presque tout le monde en fait...

C’était rare que Viliam sorte seul dans les rues de Thaar sans une bonne raison. Après tout, il pouvait à tout moment tomber nez à nez avec le guet et là, sans Ren ni Clarisse à ses côtés il était fichu d’avance… Mais le bandit avait aussi besoin d’air par moment, aussi proche était-il de ses lieutenants et de ses autres hommes. Alors ce soir-là, il s’était tenté à aller voir un ailleurs. En plus le propriétaire de l’endroit où il se trouvait était une connaissance. Lointaine et plus neutre que vraiment amicale, mais tout de même, c’était une protection de plus. Le bandeau blanc cachait son cou, et rien ne venait trahir son identité alors qu’est-qui aurait pu mal se passer…

C’était sans compter sur deux grands gaillards un peu trop avinés à quelques mètres de lui, près du bar auquel il était lui-même appuyé depuis peut être une heure, voir deux. A leur dégaine et leur parlés trop fort, tout d’eux devaient être déjà particulièrement avinés, chose qui se confirma lorsque l’un d’eux se pencha à côté de lui jusqu’à ce que Viliam puisse sentir son haleine alcoolisée.

-Hé je crois que j’te rconnais toi…

Aucune réponse. Même pas un coup d’œil.

-Hé c’était ta copine qui m’a plumé l’énnéade dernière j’en suis sûr. Cette pute avec ses petites mains toute douce là et ses loches toutes rondes bien en vue... T’était de mèche à jouer au con qui voit rien hein ?!

A nouveau, aucune réponse, Viliam se contenta de commander un second verre, l’air de rien. Le gros bonhomme s’énerva.

-hééé j’te cause le semi-elfe ! Tu va me rendre ce que t’as volé t’entend !
-T’es sourd ou t’es demeuré ? Mon frère y t’cause.

Et à nouveau, l’intéressé n’aurait pas réagi si une grosse main pataude ne venait pas de s’abattre dans le milieu de son dos aussitôt raidit. Un regard noir, mais toujours aucune parole ne sortit de sa bouche.

-Regardez moi cette minette. Rit le premier. A peine qu’on la touche et qu’il gémit comme une putain ! Si tu veux j’ai autre chose pour te faire couiner mon gars. Au moins j’en aurait ptetre pour mon argent.

Évidemment… Viliam soupira devant les rires gras et les mîmes grossiers des deux. Mais la main moite n’eut pas le temps de s’abattre a nouveau là où elle ne devrait pas. A peine se leva-t-elle, que la pointe d’une rapière trouva la gorge du gros bonhomme. Debout, le bandit faisait bien quelques bons centimètres de plus que lui et il fut nettement moins bavard d’un coup.

-Navré de devoir décliner, je préfère ceux qui font pas semblant d’en avoir une. L’alcool lui montant sans doute au nez, il appuya un peu plus la lame sous sa gorge jusqu’à ce que quelques gouttes de sangs ne perlent dessus, pourtant sa voix était claire et calme. On peut toujours vérifier qui couine le plus fort remarque.

-Viliam, pas d’arme dans ma taverne. Gronda le tenancier, l’air franchement mécontent. Si tu veux te battre fout le camp. J’veux pas d’histoires.

-Je m’en vais.Le bandit se contenta de vider son verre d’un trait, la rapière toujours sur la gorge de son agresseur qui semblait avoir perdu tout courage. On en avait finit lui et moi.

Et sous l’œil mécontent du tavernier, ses deux clients avinés le toisant avec une certaine appréhension désormais, les autres clients échangeant œillades et commentaires divers,le chef de l’aile blanche entreprit de rejoindre la sortie à l’opposée. Pour une soirée ‘’discrète’’ on faisait mieux…Surtout qu’il butta contre le pied de la chaise d’un homme en essayant de se faufiler derrière lui. Il lâcha un "merde ‘solé’’ sans plus s’attarder sur la flaque d’alcool qui baigna les planches de la table et s’apprêta à disparaitre dans la nuit. Presque ivre, agacé contre lui-même, il était  d'autant plus contrarié qu'il était sûr que Ren se foutrait bien de sa gueule lorsqu’il rentrerait dans leur abri du moment.

Fantôme et ses compagnons observent la scène mais ne cherchent pas à intervenir. Déjà parce que, s'ils sont des mercenaires avec certaines valeurs, ils ne sont pas là pour jouer les gens d'armes. Et puis il semble évident que le type à la rapière veut juste tenir les deux brutes à distance sans forcément les blesser. La seule raison qui pourraient les pousser à intervenir, ce serait pour éviter que leur soirée soit gâchée par un incident stupide. Fantôme étire un sourire en coin en voyant le gars vider son verre, toujours prêt à embrocher celui qui le menaçait. Son style l'amuse.
Un Chimère attire son attention, lui proposant une partie de lancé de couteaux. Il accepte et se lève pour rejoindre la marque à distance de la cible. Cependant, son verre n'arrivera pas entier jusque là-bas. Il a juste le temps de rattraper le gars qui vient de trébucher sur quelque chose pour l'empêcher de s'affaler sur le sol, sa pinte se renversant à moitié par terre et sur sa main. Le poing fermé sur la veste du mec à la rapière qu'il a saisi au vol, il croise son regard.

-Ça va ?

Il l'aide à finir de se redresser. Il a l'air déjà éméché. Il baisse les yeux pour observer son état à lui. Il en a même sur les bottes.

-Dommage qu'on t'ait demandé de partir, je t'aurai bien demandé de me payer un verre...
-Ça va, Fantôme ? S'enquiert le tenancier qui a vu la scène.
-Aucun problème, Sam. Il m'en faut plus que ça.

Il comprend que la tavernier s'inquiète qu'une bagarre finisse par éclater dans son établissement. Deux incidents coup sur coup, ça commence à sentir mauvais pour lui. Néanmoins, les Chimères ne sont pas enclins à la bagarre et l'éclaireur ne fait pas exception à la règle. Alors certes, il lui arrive d'être bourré ou de finir une partie de jeu avec une dette à rembourser mais il ne fait pas de scène et n'est pas un mauvais payeur. Alors le fameux Sam le laisse continuer à fréquenter son établissement et ne le considère pas comme un mauvais client. Il en a des bien pires et pas forcément recommandables...

-Ah, y a toujours d’autres endroit si tu y tiens…

Viliam était peut-être contrarié sur l’instant, mais il était joueur. Et quand on était respectueux avec lui, il pouvait se montrer nettement moins froid que quelques instants plus tôt. Son regard se perdit pourtant quelques secondes sur les probables compagnons de beuveries de l’inconnu qui les fixaient et son sourire changea un peu, comme s’il se ravisait.  Il en avait certainement assez fait pour aujourd’hui. Il frappa alors sur son épaule, gentiment.

-Je crois que tes amis t’attendent. Tient. Pour le verre. Ou les chaussures c’est toi qui voit.

Il lui tendit quelques pièces d’or, attendant simplement qu’il le lâche avec le même sourire amical. Après cet incident, il va sans doute s'empresser de rentrer. La nuit commence à s'épaissir et ce n'est pas le plus sur pour un homme seul et surtout à moitié ivre.

Fantôme a eu une hésitation, rendu un peu perplexe à la proposition du dénommé Viliam. Mais le tavernier l'ayant interrompu à ce moment, il n'a pas eu le temps d'y répondre et, après avoir rassuré le fameux Sam, l'autre homme semblait avoir subitement changé d'avis. Il lui offrit quelques pièces en compensation mais le mercenaire leva les mains pour refuser, lâchant son interlocuteur par la même occasion maintenant qu'il tenait debout sans problème.

-Pas la peine. Je vais peut-être me salir moi-même dans quelques verres de toute façon. Ça va aller ? Devant la réponse de l'homme à la rapière, il insiste légèrement, juste histoire de... Sûr ? Puisqu'il campe sur sa position, Fantôme ne va pas plus loin. C'est toi qui voit. A un d'ces jours peut-être.

Puisqu'ils semblent fréquenter tous les deux cet endroit au point que le gérant connaisse leurs noms, ils vont sans doute être amenés à se recroiser. Bon, Viliam a peut-être intérêt à se faire oublier quelques ennéades et Fantôme est régulièrement absent pour ses missions avec les Chimères mais, sait-on jamais. Le mercenaire le regarde s'éloigner avant qu'un de ses comparses ne le sorte de ses pensées.
C'est vrai qu'ils ont une partie à jouer... Il avait presque oublié. Et son soudain manque d'intérêt pour un tel sujet provoque quelques railleries dans son groupe. Lui qui aime tant le jeu, comment cela a-t-il pu lui sortir de la tête ? Ça doit être le choc de l'alcool perdu dans la carambolage, se moquent-ils...