Une idée d'une pertinence des plus discutable... | Feriwyr

Kyrië s'était retrouvée bloquée par le passage d'une patrouille dissimulant sa présence dans l'ombre dispensée par la nuit encore jeune de ce printemps bien entamé. Elle grommela tout bas contre son impulsivité, se demandant de nouveau ce qu'elle était venu faire ici dans des termes peu flatteurs pour sa propre intelligence. Ah, oui elle se souvenait mais franchement l'elfe se demandait bien en quoi ça pouvait devenir une raison pour venir se fourrer dans une situation aussi peu enviable.

Quelque heures plus tôt elle était dans une taverne en compagnie de quelques un des séides de ce cher meneur de la glorieuse Naelis, à les faire boire plus que de raison. Enfin à les inciter à continuer ce qu'ils avaient déjà bien commencé eux même avant son arrivé. Ce qui lui avait permis de les approcher. Ils n'avaient plus tout à fait les idées en place quand ils lui racontèrent nombre d'anecdotes inutiles sur leurs exactions personnelles, mais deux, trois informations ressortirent entre autre que ce cher Feri' pensait envoyer sa tendre enfant sur la péninsule pour l'offrir à un nobliau gras et répugnant, n'importe lequel, si sa mère n'arrêtait pas de lui tenir tête. Bizarrement cette information glaça l'elfe qui étrangement adorait la gamine, venant parfois lui rendre visite à l'insu de ses gardiens, elle était moyennement appréciée par la jeune fille à cause de son attitude assez ambiguë qui la mettait mal à l'aise mais quoi qu'il en soit Kyrië adorait cette gosse.
Etant donné l'origine de l'info l'elfe voulut aller s'assurer de sa véracité à la source, c'est à dire poser la question à l'intéressée. Cela semblait une bonne idée, plutôt amusante mais maintenant qu'elle y était cela semblait plutôt stupide et affreusement risqué. Elle ne pouvait pas user de sa magie et pire, en plus de devoir éviter les gardes, elle devait dissimuler sa présence aux mages de ce cher meneur pour éviter de se faire repérer, mages qui avaient d'ailleurs essayé de la tuer sur ordre de Feriwyr.
Quoiqu'il en soit elle était dans la merde jusqu'au cou mais ça ne tarderait pas à s'arranger, un peu, quand la patrouille serai passée. Elle avait déjà réussi à pénétrer dans l'enceinte c'était déjà plutôt pas mal, en plus elle avait une voie de repli dégagée offerte gracieusement par ce cher Feri'. Une sorte de mansarde adossée à la muraille séparant le centre historique du reste de la ville et qui donnait sur une maison plus luxueuse de l'autre côté de la muraille en plein sur le coeur historique. Elle avait eu un mal fou à comprendre comment il entrait et sortait mais une fois qu'elle avait comprit c'était devenu un jeu d'enfant d'entrer dans l'enceinte. Le plus dure étant d'y rester sans se faire repérer, entre les patrouilles de garde et les mages à l'affut de toute intrusion magique c'était loin d'être une partie de plaisir.

L'elfe mit presque une heure pour faire un trajet d'à peine cinq minutes, louvoyant difficilement entre les mailles entrelacées des rondes des différentes patrouilles qui arpentent jour et nuit le périmètre du centre historique de Naelis. Elle atteignit enfin le palais mais ça ne voulait pas dire qu'elle était au bout de ses peines loin de là, elle devait encore traverser le palais ou escalader les murs pour atteindre l'étage de Leah. C'était plutôt débile comme idée, même très con mais maintenant qu'elle y était elle ne pouvait plus reculer et puis elle aimait bien l'escalade, alors pourquoi se plaindre. Peut être parce qu'elle devait éviter de se faire repérer par qui que se soit? Et pour réussir le tour de force qui s'annonçait elle allait devoir user d'un peu de magie au risque de se faire repérer par les mages drows. Elle était certes passé maitre dans l'art de dissimuler sa présence magique et même physique mais utiliser la magie sans laisser de trace ce n'était pas une mince à faire parce que fondamentalement lancer un sort c'était tout de même modifier la structure de la magie alentour pour qu'elle corresponde aux désirs du lanceur. Toute fois elle allait utilisé un sort ne modifiant que ses propres capacités, elle savait pouvoir cacher l'utilisation de ce sort mais ce serai un peu épuisant surtout additionné à son escalade future.
Un bruit de pas la fit se retourner et elle se rencogna dans l'alcôve de l'une des nombreuses statues qui entouraient le palais dissimulant son visage sous sa capuche pour que sa peau ne reflète pas la lumière des torches des gardes et que leur vision nocturne pitoyable fasse le reste. La patrouille ne fit que passer, très proche de sa cachette, mais elle ne fit que passer les gardes ne semblant pas très content d'être là. Quand elle fut passer Kyrië se retourna vers la paroi du mur du palais un poile trop lisse, elle allait devoir utiliser son sort de magia erebea.
Se concentrant sur la magie ambiante elle tira légèrement sur le réseau qu'elle formait autour d'elle pour activer la magie qui courrait dans son propre corps et la faire courir sous sa peau renforçant ses capacités physiques. Elle laissa sa conscience vagabonder sur les lignes de magie autour vérifiant qu'elle ne laissait pas de signature magique s'échapper. L'elfe fut contente de voir que la modification engendrée était mineur mais que le sort fonctionnait presque à pleine puissance. Elle se retourna vers la statue derrière laquelle elle était et sauta pour attraper son bras, elle sentit toute la puissance grisante qui courrait dans ses veines et son effet euphorique puis elle réprima cette effet certes indésirable mais tout à fait plaisant pour se concentrer sur ce qu'elle avait à faire. Elle attrapa ensuite rapidement une moulure du mur qui entourait l'alcôve de la statue pour se hisser et attraper quelque mètres plus haut le rebord d'un balcon, dépensant ainsi une bonne partie du temps du sort, accompagné d'une bonne dose d'énergie. Elle n'avait toute fois pas puisé dans l'énergie ambiante mais dans celle de ses pendants qui se vidèrent de toutes l'énergie qu'elle y avait stocké. Elle se hissa enfin sur le balcon de l'appartement par lequel elle voulait entrer juste à temps pour être hors de vue des gardes qui passaient juste en dessous au même moment, les rondes étaient très proche les unes des autres, affreusement proche. Elle pensait qu'elle était arrivée dans les quartiers de Leah mais vu la somptuosité sans goût qui régnait dans ces appartements elle s'était plantée et était arrivée dans ceux de ce cher Feriwyr.

« Kÿrie… »

Feriwyr esquissa un léger sourire, affichant en façade une assurance qu’il n’était pas loin de posséder. Dire qu’il était surpris de voir l’elfe était un euphémisme, il était bien la dernière personne qu’il aurait cru voir pénétrer par effraction dans ses appartements, mais il semblait qu’il s’était trompé. La fille d’Anaëh, aussi étrange pour ses semblables que pour les humains qu’elle côtoyait, était bel et bien à sa fenêtre. Pourquoi ? Souhaitait-elle le tuer, se venger de la façon fort peu cavalière dont il avait tenté de s’en débarrasser quelques années plus tôt ? C’était possible, mais peu probable, après tout elle aurait très bien pu s’en charger avant. Il devait bien se l’avouer, il était pris de cours, mais le jour où il laisserait le monde le prendre en défaut n’était pas arrivé. Torse nu sous son manteau d’apparat, portant un simple pantalon de lin, on aurait presque pu dire qu’il était vêtu sobrement, mais c’était sans compter la misère ambiante dans laquelle était plongée sa ville. Il aurait suffit de vendre sa tenue pour nourrir une famille entière un an durant… mais la dite famille avait peu de chance de se révolter contre cet état de fait à peine dissimulé. Elle était trop endoctrinée dans des préceptes qu’il avait habilement distillés aux fils des ans.

« Dis-moi, quel bon vent t’amène ? » et il insista sur le mot vent, sachant très bien de quoi elle était capable. Et ce qu’il risquait, par la même occasion. « J’espère que ce n’est pas… grave. »

Il s’amusait, du moins en apparence. Il la jugeait, aussi. Son arme était pendue à son côté, mais il doutait d’être assez rapide pour avoir le temps de l’utiliser. Si seulement elle était apparue plus près de lui, il aurait pu utiliser l’effet de surpris, mais il était désormais vulnérable… Et ce n’était pas réellement à son gout. Pour autant, il ne se permettait pas d’avoir peur. Attentif serait le mot approprié.

« Tu as pu esquiver mes amis à la peau sombre, je suis impressionné. Un brin irrité, aussi, il faut croire que les années les ont aidés à se relâcher. Enfin, j’espère que tu es au courant, il y en a toujours un qui rôde autour de moi, au moins. » De nouveau, il se permit un sourire, peut-être moins amical mais toujours aussi calme. « Je me demande comment il réagirait en apprenant ta présence. »

En vérité, si réellement Kyrië était venue pour le tuer, il ne devrait sa survie qu’à ses amis drows… Encore. Pour l’Histoire, il ne serait qu’un parvenu, un lèche-botte sans personnalité, n’ayant pour seul volonté que de se vautrer dans la luxure et l’abondance et de laisser les sombres d’Elda gérer leurs affaires comme ils l’entendaient. Mais il y en avait quelques uns qui savaient que la vérité était tout autre. S’ils laissaient libre court au joug des drows, c’était dans l’unique but de les voir épuiser sa chère et tendre cité. S’ils se vautraient dans le luxe, c’était pour savourer sa vengeance, pour admirer depuis son trône doré la lente mise à mort d’une société pourrie. Qu’importe l’Histoire, car après son passage, il n’en en aurait plus aucune pour conter l’histoire de Naelis, la cité achevée d’Itrhi’Vaan.

« Tu ne vas pas restée plantée là. Si tu le souhaites, tu peux partir, je te laisserai une ou deux minutes d’avance avant de prévenir la Garde et nos amis. Sinon, j’imagine que tu peux t’assoir. »

La petite Kyrië souhaitait-elle l’empêcher de savourer sa vengeance ? Etait-ce la sienne, en réponse à l’obéissance de Feriwyr ? Après tout, l’homme n’avait fait qu’obéir aux ordres des drows, mais cela il avait peu d’espoir qu’elle le comprenne. Elle n’était rien, comparé à son dessein. Sans attendre sa réponse, il contourna le siège le plus proche et s’y laissa tomber, avant de la regarder. D’une certaine façon, il était persuadé qu’il jouait sa vie, et cela lui plaisait. Voilà trop longtemps qu’il n’avait pas senti l’adrénaline se ruer dans ses veines.

Kyrië était bel et bien arrivée dans les appartements de Feriwyr, ce qui lui fut confirmé par la voix du meneur prononçant son nom avec un ton amusé teinté très légèrement de surprise, si légèrement qu'elle avait eu du mal à comprendre que c'était de la surprise. Cette humain était bien le seul à réussir à lui cacher ce qu'il ressentait. L'elfe affichait un air que l'on pouvait interpréter comme de la surprise, la tête légèrement pencher sur la gauche, ses lèvres fines arrondies sur un « oh » silencieux mais en même temps ses yeux étaient restés de glace et son visage avait gardé l'immobilité caractéristique des enfants d'Anaëh. Cela donnait un air étrange, et surement une nouvelle dimension à ce qui était possible ou impossible pour un visage humanoïde.

-Dis-moi, quel bon vent t'amène? J'espère que ce n'est pas... grave.

Evidement, il se souvenait de quoi elle était capable et fidèle à son habitude il cachait ce qu'il avait à cacher derrière une façade d'assurance amusée très difficile à percer. Il semblait dire qu'il savait très bien à quoi s'attendre et n'en avait cure, cela pouvait être déstabilisant mais cela ne tira qu'un faible sourire en coin à Kyrië, sourire qui n'atteignit jamais ses yeux qui restèrent glacés.

-Ce qui m'amène n'est jamais « grave » mais quand à le dire bon... ça dépend pour qui.

Elle avait les yeux sur lui détaillants sa mise assez... particulières, avec son manteau d'apparat passé sur ses épaules nues et son épée à son côté alors qu'il ne portait qu'un simple pantalon de lin. Elle essayait, malgré les trésors de mensonge qu'il déployait, de déchiffrer son expression. Il avait l'air amusé, du moins c'est ce que suggérait son attitude générale, et même la lueur dans ses yeux semblait confirmer cette impression, mais il y avait un froid léger montrant autre chose, comme une attention particulière. L'elfe malgré son habitude des menteurs qu'elle avait rencontré tout au long de ses voyages n'était pas certaine de ce qu'elle voyait dans les yeux de cette humain.

-Tu as pu esquiver mes amis à la peau sombre, je suis impressionné. Un brin irrité, aussi, il faut croire que les années les ont aidés à se relâcher. Enfin, j'espère que tu es au courant, il y en a toujours un qui rôde autour de moi, au moins. Sourire un peu froid. Je me demande comment il réagirait en apprenant ta présence.
-C'est vrai que je serais obligée de le tuer, fit-elle un air pensif, marquant ses traits, accompagnés d'un sourire rêveur qui n'atteignit pas non plus ses yeux froids, mais je m'y suis préparée.

Elle s'adossa tranquillement au chambranle de la porte fenêtre donnant sur le balcon des appartements de façon à garder un oeil sur la porte principale et sur Feriwyr tout en laissant son épée facile d'accès. Elle sentait la présence du mage drow attaché à la protection de Feriwyr, il n'était pas bien loin mais du moins était il seul, pour l'instant et il ne semblait pas avoir remarqué la présence de l'elfe.

-Tu ne vas pas restée plantée là. Si tu le souhaites, tu peux partir, je te laisserai une ou deux minutes d'avance avant de prévenir la garde et nos amis. Sinon, j'imagine que tu peux t'assoir.
-Je pense que je vais rester un peu et profiter de ton hospitalité, décréta-t-elle avec un sourire. En faite j'aurais même quelque questions à poser.

L'elfe regarda l'humain contourner tranquillement le fauteuil devant lui et s'y assoir lourdement, elle le laissa faire puis s'approcha elle aussi d'un siège. Elle défit le fourreau de son épée et s'assit sur l'un des accoudoirs du siège et posa son épée en travers de ses jambes à plat.

-J'ai entendu dire que tu comptais envoyer Leah sur la péninsule pour la marier. Je me demandais si c'était vrai, non pas que ce ne soit pas plausible venant de toi mais disons que ma source n'était pas d'une fiabilité à toute épreuve, fit-t-elle avec son éternelle sourire bâtard.

La conversation future s'annonçait difficile car elle devrait être mener avec pour interlocuteur le plus grand menteur, tricheur que la fille d'Anaëh avait rencontrer depuis plus de quarante ans et dans le même temps l'elfe devrait aussi garder un oeil sur les déplacements de l'aura du drow qui était censé protéger le meneur de Naelis. Une conversation des plus intéressante en perspective.

Quel étrange sourire. Feriwyr aurait pu passer une journée entière à le regarder sans parvenir à le comprendre réellement. Au fond, que savait-il sur Kyrië, mis à part le fait qu’elle semblait totalement détachée du reste du monde ? Elle pouvait vivre, s’entourer, elle semblait toujours seule. La raison de sa venue même était un mystère, et le meneur de Naelis ne croyait pas une seule seconde à une quelconque vengeance. Il était trop tard, bien trop tard pour cela. Plusieurs années les séparaient de la « trahison » qui avait été la sienne ; contraint, certes, mais jamais il n’avait éprouvé le moindre regret. Elle jouait sur les mots, rentrant dans son jeu, et ne fit pas mine d’avoir peur quand il parla de son chien de garde attitré. Il n’avait jamais été capable de déterminer avec précision de quoi elle était capable, mais une confrontation avec un Fils des Ombres ne semblait pas l’impressionner une seule seconde, et elle pouvait très bien être capable de l’emporter au vu de la façon fort peu commune dont elle était entrée dans ses appartements. Le tuer était bien facile, tout du moins était-ce l’impression qu’elle lui donnait, et ce n’était pas pour lui plaire. Il avait trop souillé le nom de Tyra pour envisager la mort avec stoïcisme.

« Tu as pensé à tout. » releva-t-il pourtant, sans se départir de ses faux sourires. « Sauf peut-être à me voir. »

Douce moquerie suintante de ses paroles. Il se riait d’elle, sans pour autant dépasser les bornes. Ne connaissant pas avec exactitude où se situaient les limites de sa patience, il n’essayait même pas de s’en approcher, la connaissant assez pour savoir qu’elle ne s’emporterait pas pour quelques taquineries ; après tout, même une tentative de meurtre ne semblait pas l’avoir vexé. Confortablement installé dans son fauteuil, il ne se gênait pas pour la détailler. Elle aurait pu être désirable si elle n’avait pas été aussi plate, on aurait presque dit un garçon manqué si elle n’avait pas possédé ce visage… Une vraie beauté, et le fait qu’il ne s’anime jamais n’était pas réellement gênant. Feriwyr ne put cependant pas s’empêcher de se demander à quoi Kyrië ressemblerait si elle souriait vraiment. Lui ne se gêna pas quand elle lui confia qu’elle avait des questions à lui poser. Présente sciemment ou non, elle avait décidé de ne pas gâcher l’occasion, et il n’en attendait pas moins d’elle. Il fit cependant plus que sourire quand elle lui demanda quels étaient ses projets pour Leah, et l’éclat de son amusement avait quelque chose de sinistre, si bien que beaucoup aurait été soulagé qu’il ne dure que quelques secondes. Par pitié, Néera et Tyra soient louées, elle ne pouvait pas être venue pour ça. Elle avait pris tous ces risques pour une fillette d’une douzaine d’années ? C’était pitoyable.

« Leah est à moi. » commença-t-il. « Peu importe, au fond, de quoi sera fait son avenir, cette vérité là ne changera pas. »

Et il y avait une sorte de défi, dans sa voix. Comme s’il la mettait au défi de tenter de la lui prendre. Maintenant qu’il savait qu’elle pouvait se faufiler jusque dans ses appartements, il allait changer plusieurs choses. Comme par exemple doubler le nombre de chiens de garde, et leur imposer de poser des protections, des charmes, que savait-il encore. Qu’elle ne puisse pas sortir de sa chambre plusieurs jours durant n’était pas un problème, il préférait cela à la voir en sortir définitivement.

« Mais je suis curieux, d’où tiens-tu ton information ? » Il n’imaginait pas Faye en parler, et encore moins à une elfe qui avait été proche de son ancien amant. Alors quoi ? Kyrië avait-elle été récupérer ses informations elle-même ? « Que je sache qui peut colporter ce genre de rumeurs sur mon dos. »

« Naelis, s’effondrer ? Oh… »

Oh oui. Naelis allait être ce château de sable qu’il foulerait du pied, sans le moindre remord, et avec la plus grande satisfaction. A la fin, il laisserait à Faye la possibilité de diriger le tas de ruine qu’il laisserait derrière lui. Si bien sûr, elle survivait à ce qu’il préparait. Quant à lui, il verrait bien, il n’avait jamais imaginé son « après Naelis ». Les possibilités étaient multiples, mais il était fort probable que les drows l’empêchent d’en réaliser la plupart. Déchu, il ne leur était plus utile, et il ne doutait pas une seule seconde du sort qu’il réservait aux collaborateurs humains inutiles, aussi zélés soient-ils.

« Ce serait regrettable. » lâcha-t-il, un éclat mauvais dans le regard. Un aveu, peut-être.

Kyrië était une elfe étrange, mais elle était surtout une spectatrice, de son propre aveu. Elle évoluait dans cette scène géante qu’était devenue la cité de feu le père de Faye, intervenait parfois mais jamais assez pour bouleverser le cours des événements. Une attitude étrange, mais il en fallait plus pour déstabiliser le Meneur. Il n’allait pas l’empêcher d’admirer son chef d’œuvre. Son plus beau bain de sang, celui qui condamnerait toute une ville à l’horreur. Comment reconstruire après son passage ? Où trouver les hommes nécessaires, quand la plupart serait mort, la gorge tranchée, les viscères laissées à l’air libre ? Mais il y avait plus important que ses desseins, il y avait le pouvoir qu’il gardait sur Faye. Et, pour que celui-ci ne lui échappe pas, il avait besoin de Leah, sa chère et tendre enfant, à qui aurait du échoir tout l’amour dont il était capable. Mais qu’était-ce que l’amour pour l’homme qu’était devenu le gamin d’une prostituée ? L’amour n’existait pas. L’espoir non plus. En ce bas monde, oublié des Dieux - sinon, comment aurait-il pu se proclamer demi-dieu aussi longtemps sans représailles ? - il n’y avait que la force, la volonté, la haine et le sang. Une leçon qu’on apprenait rarement, mais qui était devenue le dogme d’un des Tyrans les plus terribles de Miradelphia.

Il s’enquit donc de la source d’où provenait la fuite, et un rictus inquiétant apparu sur son visage quand il apprit qu’elle n’était rien de moins qu’un garde trop bavard. Il était bien connu qu’il était impitoyable avec sa Garde, et il vaudrait mieux à l’imprudent bavard que le Meneur ne découvre jamais son identité. Quels que soient les moyens qu’avait utilisé Kyrië pour parvenir à ses fins - charme, alcool, torture… - rien ne justifierait à ses yeux la trahison dont il s’était rendu coupable en avouant le secret de Leah.

« Donne-moi son nom, Kyrië. Donne-moi n’importe quoi me permettant de le retrouver. » commença-t-il, son sourire redevenant plus neutre. Ce qui voulait dire, dans son cas, qu’il se contentait de la seule moquerie. « Pense à ce que je pourrais t’offrir, en échange. » Beaucoup de chose. Tout ce que pouvait lui donner Naelis, si elle savait rester discrète. « Refuse, et je préviendrai nos amis d’ébènes de ta présence dans ma ville. »

Il la menaçait, mais se savait très bien en position de le faire. Elle savait très bien qu’elle n’aurait pas le temps de l’empêcher de crier si elle décidait de l’attaquer, et aussi puissante soit-elle, elle ne pourrait pas survivre au retour de bâton qu’elle recevrait malencontreusement.

« Qu’est-ce que ça peut te faire, la vie d’un cloporte dans son genre, après tout ? »

« Tu sais très bien que tu n’es pas en position de force. » répliqua-t-il tranquillement. « Me tuer, c’est te suicider, tu le sais, je le sais. »

Il ne sous-estimait pas l’elfe, non, mais il ne sous-estimait pas non plus la dizaine de drows qui lui tomberaient dessus s’il ouvrait la bouche. Et aussi puissante soit-elle, il n’était pas dépourvu de reflexe, et il aurait largement le temps de crier. En réalité, la question était de savoir qui d’entre les deux tenaient le plus à la vie, et y répondre n’était pas si aisé. Dire que Feriwyr avait des tendances suicidaires n’aurait pas été totalement mentir, après tout il ne s’apprêtait qu’à faire s’effondrer l’œuvre de sa vie. Sans Naelis, il n’était rien, et il n’était pas certain qu’il survive très longtemps s’il menait ses projets à bien. Il en avait conscience mais cela ne l’empêchait pas d’agir, et c’était révélateur en soit. Kyrië, quant à elle… Eh bien, elle prenait des risques, et pas que des petits. Venir ici, dans le cœur historique, était une folie pour quiconque. La puissance individuelle ne comptait pas dans un des endroits les mieux gardés du monde connu. Elle s’en sortait, certes, mais elle devait savoir qu’à la moindre erreur, ce ne serait rien de moins que sa tête qui serait prélevé en réparation des troubles qu’elle aurait causé.

Elle continuait, d’ailleurs, dans sa lancée. Après tout, ses propos n’étaient rien d’autre que des provocations, du début à la fin. Elle lui demandait sa fille. Sa fille ! Ce n’était pas réellement la fibre paternelle qui guidait son indignation, plutôt sa fierté de propriétaire. On ne lui volait pas ses biens, surtout ceux de chair et de sang. Il serra le poing, et son visage perdit toute expression amicale.

« Kyrië… » Il secoua la tête, comme s’il parlait à une enfant. Parfois, l’elfe se comportait comme tel. « Je n’aime pas qu’on se moque de moi, tu sais. »

Il jaugeait son interlocutrice, un brin méprisant. Avait-elle réellement cru qu’elle obtiendrait Leah ? Si le centre historique était la place la plus protégée de Miradelphia, Leah était la personne jouissant de la garde rapprochée la plus efficace. Et elle serait doublée à la seconde où l’elfe serait partie. Il n’était plus question qu’on s’en approche, elle devait sagement restée sous clé jusqu’à ce qu’elle serve ses desseins. Ce qui ne saurait tarder, du moins l’espérait-il.

« Soit. Je vais me passer de tes services. »

Croisant ses jambes, il s’installa un peu plus confortablement dans son fauteuil, posant ses mains jointes sur son genou relevé. Une position désastreuse pour se défendre en cas d’attaque, mais il pourrait toujours se jeter au sol, quitte à faire tomber son siège avec lui. Il pencha la tête, mimant l’ennui, un air trompeur qui jurait avec des propos durs. Quelques menaces lui chatouillaient des lèvres, pas forcément réalisable si les choses ne changeaient pas… mais le grand avantage de Feriwyr restait qu’il n’était pas seul, jamais. S’il lui mettait la main dessus, grâce à l’aide de ses mages drows, alors oui, ses menaces se retrouvaient concrétisées.

« Cet entretien touche à sa fin, nous n’avons plus rien à nous dire, je pense. » commenta-t-il, l’air de rien. « Que faisons-nous ? J’admire ta sortie, ou bien tu es devenue pudique et je quitte en premier la pièce ? » Il marqua une pause et sourit, moqueur comme à son habitude. « Je te laisse le choix. »

A quoi pensait l’elfe ? Pour Feriwyr, l’éternité n’était qu’une vague notion sans importance… Il plaignait même ceux qui devaient vivre avec. Lui brillait. Non, il brûlait, telle une flamme dans l’obscurité perverse de Naelis. Il serait le brasier qui mettrait un terme à cette mascarade, il priverait la cité de sa lente et décadente agonie. A quoi bon continuer, ensuite ? D’un autre côté, il n’avait pas le choix. Il ne devait pas mourir, du moins pas avant d’avoir trouvé un moyen de tromper Tyra elle-même… Un objectif des plus difficiles à réaliser, mais il n’avait pas réellement envie de brûler à jamais dans les flammes vengeresses de la Déesse de la Mort. Il n’avait que trop cracher sur son nom, s’était arrogé sa grâce et s’était autoproclamé son Fils, d’une certaine façon. Feriwyr Dreiv, Meneur de Naelis, Héros élus des Déesses Néera et Tyra, s’assurerait de la destruction de son âme quand viendrait pour lui le temps de mourir.

Comment Kyrië vivait-elle son éternité ? Pour elle, ce devait être aussi naturel que marcher ou respirer. Leah n’était-elle qu’une façon de tromper son ennui ? Ou bien était-ce autre chose ? Avec les elfes, il était toujours difficile de savoir, surtout quand il s’éloignait autant de la seule chose qui les unissait tous : leur précieuse Prime Forêt. Les drows étaient pour la plupart aisément prévisible, la violence restait la pierre angulaire de leur personnalité. Tous, à leur manière, lui vouait un culte… Parfois de façon surprenante, certes. Kyrië, elle… était plus complexe. Elle ne le quittait pas des yeux, comme si elle craignait une quelconque attaque de sa part. La folle. Feriwyr n’avait aucune raison de la tuer, elle s’inscrivait parfaitement dans son projets. Elle avait son rôle à jouer, comme les autres.

Bientôt…

« Leah vivra entre quelques années avec moi, puis elle s’installera dans la Péninsule. En tant que père aimant, j’ai pris la difficile décision de couper les ponts avec elle, afin de l’éloigner de cet environnement qui la ronge. » lâcha-t-il avec un sourire cruel… Dommage, sans cela, son discours aurait presque pu paraître sincère.

Tout n’était que mensonge, bien évidemment. En réalité, Leah avait bien peu de chance de quitter Naelis autrement qu’en se balançant au bout d’une corde sous le regard horrifié de sa mère. Feriwyr n’avait pas prévu sa naissance, mais il avait su faire de ce pion imprévu la pièce maîtresse de son échiquier.

Bientôt…

Et voilà qu’à son tour, l’elfe jouait la carte du mystère. S’approcher ? Pourquoi donc ferait-il une chose pareille ? L’homme esquissa une grimace contrariée, alors qu’il envisageait soudainement la possibilité de la voir faire une « sortie fracassante ». Etait-elle stupide à ce point ? A moins qu’elle ne sous-estime l’impressionnant arsenal utilisé par Feriwyr pour sécuriser son Cœur Historique. S’il n’était pas mort depuis longtemps, c’était uniquement parce qu’il avait fait des riches quartiers de Naelis une forteresse. Il semblait peu probable qu’elle l’ignore, après tout pour parvenir jusqu’ici elle avait du étudier pendant longtemps la chose.

« Ne fais pas l’idiote, Kyrië. » lâcha-t-il, haussant les épaules. « Je n’ai aucune envie d’entrer dans ton jeu. Pars, c’est la seule chose qu’il te reste à faire. »

Kyrië reposa la question qui l'avait amené à pénétrer dans le centre historique. Elle ne mâcha pas le meneur des yeux même quand elle se leva pour remettre son arme au creux de ses reins, un peu parce qu'elle n'avait pas envie de se faire surprendre par une attaque, certes peu probable. Un peu parce qu'elle n'avait pas envie qu'il puisse appeler ses chiens pour la museler elle et beaucoup pour étudier ses manière quand il lui répondrait pour savoir s'il mentait.

-Leah vivra encore quelques années avec moi, puis elle s'installera dans la Péninsule. En tant que père aimant, j'ai pris la difficile décision de couper les ponts avec elle, afin de l'éloigner de cet environnement qui la ronge, fit-il arborant un sourire cruel.

La réponse était assuré sans hésitation mais rien n'indiquait que c'était la vérité. Si c'était un mensonge il avait de forts accent de vérité et il était d'une vraisemblance terrifiante, si c'était un mensonge s'en était un bon. Mais si c'était un mensonge elle ne savait pas bien ce qui pourrait arriver à Leah. A part... Ce qui était tout aussi plausible et bien plus apte à déclenché ce qu'il visait.

L'elfe se rapprocha du balcon pour en descendre comme elle l'avait escalader, vérifiant qu'aucune patrouille ne passait en bas. Il avait proposé de resté pour la regarder partir, elle lui signifia qu'il pouvait même s'approcher pour mieux apprécier le spectacle. Elle avait eu plusieurs fois du mal à le lui proposer son attention ayant été détournée par un drow et le retour de ses souvenir.

-Ne fais pas l'idiote, Kyrië, fit-il en haussant les épaules. Je n'ai aucune envie d'entrer dans ton jeu. Pars, c'est la seul chose qu'il te reste à faire.
-L'idiote? Non, mais ce serai intéressant, elle ne rajouta pas la suite il la connaissait tout les deux. C'est la seul chose qui me reste à faire pour cette nuit, fit-elle.

Le sourire de l'elfe s'était élargi sans pour autant gagné en chaleur ou en expressivité, il semblait toujours aussi vide tout en ayant cette étrange atmosphère hautaine. Elle haussa finalement les épaules, elle s'assit sur le rebord, en le fixant toujours et se laissa tomber tête en arrière. Elle laissa son corps se réorienté un fraction de seconde avant d'attraper le rebord du balcon et de s'y accrocher d'une main pour ensuite se balancer en direction de la statue qui se trouvait dans une niche en contre bas. Elle s'élança, s'accrocha au bras de celle-ci et se laissa tomber quelques mètres plus bas avec grâce et légèreté. Le sort de magia erebea ne cessait de l'étonner, elle l'adorait, elle se précipita pour traverser l'espace à découvert avant que la prochaine patrouille ne se présente puis elle reprit le chemin qu'elle avait fait en sens inverse. Elle réussi à sortir du centre historique au bout de quelques heures et se dirigea vers la chambre où elle créchait pour s'y écrouler et rattraper son sommeil en retard et se remettre de son utilisation un peu trop intensive de son sort de prédilection.