Une vie sans repos/ Arrivée au Fort

Timide? C'était là une bien étrange supposition que de qualifier Mëgilen'syre de timide, lui qui se baladait publiquement avec cette humaine peut-être capable à elle seule de briser toute son image politique. Certes, chaque jour les rapprochait de l'instant fatidique où le monde elfique apprendrait l'appartenance raciale d'un valet de la maison Wirskeïnfyl, mais tout n'était pas tout noir ou tout blanc et la chose avait dans les desseins de Mëgilen'syre plus d'avantage que d'inconvéniants.

Comme la remarque de l'humaine n'était apparemment pas des plus sérieuses, le Protecteur ne se permit pas de rétorquer, continuant silencieusement le chemin dans la nuit étoilée. Un silence s'installa, et plus le temps passait plus la fatigue d'Etheldred se voyait faire des siennes jusqu'à ce qu'elle succomba à cette faiblesse naturelle et si tendre à observer à travers un humanoïde.

" Messire... Je suis désolée, mais je ne peux plus rester éveillée. "

En elfique, il ordonne de suite :

- Amemroth, occupe toi d'elle. Anöl prendra soin de Lonàriel. (Lonàriel était l'étalon noir offert part les elfes de Wyslena.)

Mëgilen'syre se détacha de la compagnie de l'humaine pour se mettre en avant du groupe, derrière Dïanesterwyl qui était toujours en tête et qui semblait s'ennuyer quelque peu de l'avancer tardive de ses compagnons. Les jumeaux s'exécutèrent et aidèrent Etheldred à monter sur le cheval d'Amemroth avec toute la délicatesse dont ce peuple était capable, tandis qu'Anöl emportait Lonàriel par la bride. Mëgilen'syre se retourna et adressa quelques derniers mots à l'attention de l'humaine.

- Reposez-vous donc autant qu'il vous plaira, demain vous aurez une couche digne de ce nom entre les mûrs du Fort pour vous récompensez de votre ténacité, nous ne sommes pas inconscient des maux que procure des voyages si peux interrompues. Que la nuit vous soit douce et que vos rêvent soient plaisant...

Elle ne tarda pas à sombrer dans le sommeil, et eux qui n'avaient pas gouter au délice du repos depuis moult années continuèrent leur paisible chevauchée.

La nuit fut des plus calmes et les elfes firent une pause au milieu de celle-ci, histoire de se soulager un peu les jambes et de laisser les chevaux reprendre quelques forces. Durant ce même laps de temps ils adressèrent quelques prières à Kyriä leur tant aimer protectrice d'Anaëh. Quand ils repartirent ils atteignirent la frontière géographique du fort une heure avant le crépuscule, et au petit matin la voix encore endolorie de sommeil d'Etheldred vint leur caresser les tympans. Comme ils furent surpris en l'entend se lever et non en l'entendant parler, ils n'eurent aucun mimique d'étonnement lorsqu'elle prononça son bonjour, juste un froncement de sourcil sur le front de Mëgilen'syre dut au langage employé pour le dire. Presque comme une réprimande instinctive, il lui répondit en sa langue natale :

- Bonjour Etheldred...

Mais au même moment elle s'était repris et avait répéter ce bonjour en bon elfique, ce qui soulagea un peu le coeur du Protecteur car il avait trouvé ce bonjour bien barbare.

" Pourrais-je avoir une idée du temps qu'il reste à chevaucher ? "

A elle seul elle brisait toute la solennité du cortège qui depuis son sommeil était resté quasiment silencieux et tout reprenait vie après les ténèbres nocturnes. Telle était aux yeux de Mëgilen'syre la beauté résidant en ce peuple de mortel, s'éteindre et se raviver était leur seule finalité.

- Nous allons bientôt pouvoir voir les hauts remparts du Fort d'après ces arbres que nous croisons, d'ici une heure nous devrions d'ailleurs être arrivé à destination si vous voulez savoir. Là je vous laisserez si vous le désirez toute cette journée pour vous remettre du voyage, à partir de demain par contre je vous veux à disposition, espérant que cela ne vous brusque pas trop.

Il se pencha un peu sur le côté de son cheval pour pouvoir attraper sa gourde d'hydromel qu'il lança à Etheldred. A cet instant il entendit quelques bruissements dans la forêt, il lança un regard fugitif aux jumeaux qui semblaient eux aussi l'avoir entendue et dans la minute qui suivit le bruissement se faisait dans plus en plus distinct, comme étrangement presser. Qui pouvait bien être presser dans cette forêt? La chut de Mëlendil leur ayant servit de leçon, tous était sur leur garde s'apprétant à recevoir quelques terribles danger, Amemroth fit un léger "chut" dans l'oreille d'Etheldred et la chose surgit enfin avec peu de discrétion. C'était un elfe. Un elfe essouffler qui semblait tout hébété de tomber sur eux. Mëgilen'syre l'interrogea avant qu'il ne put répliquer le moindre mot, d'un ton tranchant et sévère dans l'elfique qu'il articulait si bien.

- Qu'avez vous donc, frère, à parcourir ainsi la forêt si sauvagement? L'affaire me semble grave à votre expression, parlez donc!

L'elfe en question était loin d'être un civil, vu son accoutrement il aurait plutôt sembler s'agir de quelques rôdeurs ou sentinelles, celui-ci reprit une dernière fois sa respiration et parla enfin en suffoquant.

- Messires de Wirskeïnfyl!... (Car il fallait être un sot en étant dans l'armée sans reconnaitre cet elfe malgré de plus les couleurs qu'il portait lui et ses gardes, et Dïanesterwyl qui était à leurs côtés.) Vous tombez ma foi assez bien, deux de mes compagnons ont été fait prisonniers et je n'ai trouver que deux seuls braves pour aller à leur secours, cela contre 4 drows nous ayant eu par surprise...

Mëgilen'syre fronça les sourcils, et bien que ni son corps ni sa verve ne montra de colère dans sa façon de parler, l'on pouvait sentir toute son exaspération et tout le blâme qu'il avait envers cette pauvre sentinelle.

- Des drows qui réussissent une embuscade à des sentinelles elfes dans Anaëh?! Ma foi ce n'est pas tous les jours qu'on entend dire pareil sottises! Voilà donc où mènent certains relâchements de certains de nos dirigeants...

Mais comme il voyait que la sentinelle ne tenait plus, trop inquiet pour la vie de ses compagnons, il arrêta un peu ses blâmes pour passer à quelques dires plus concrets.

- Mais ne soyez donc plus inquiets, malgré la honte dont vous m'affliger cher camarde, les deux elfes que vous voyez là vont rejoindre l'équipée dont vous nous avez parlez et je pense qu'il n'y aura plus grands soucis à se faire quant aux sujet de ces deux là, peut être en est-il autrement de vos compagnons d'armes je ne serais le dire.. Par où se passe donc votre aventure?

A moitié dépiter par les réprimendes mais ne perdant pas le nord pour autant il donna toute les indications nécessaire à leur départ.

- Allez donc, Anöl, Amemroth, et faites nous honneur, apprenez à ces sentinelles comment l'on garde une frontière en Wirskeïnfylie! Laissez vos paquetages ici...

Rapidement ils se défèrent de tout leur surplus, mettant ce qu'ils pouvaient encore mettre sur le cheval de Mëgilen'syre et celui d'Etheldred. Etheldred d'ailleurs ne dut pas comprendre grand chose à ce qu'il se passait là, Amemroth la pria assez vulgairement de descendre de part son empressement. En une trentaine de secondes ils furent prêt à partir et ils le firent avec assez d'aisance et de rapidité vers la direction indiquée par la sentinelle. Tout ce fit un instant silence puis Mëgilen'syre s'adressa à Etheldred en commun..

- Une affaire toute sotte... Prenez donc Lonàriel, bien violente fut votre mise à pied mais les raisons en étaient bonnes.

Puis, avant de s'en aller, en elfique il s'adressa à la sentinelle restée auprès d'eux.

- Marché donc paisiblement, nous atteindrons le Fort avant vous et j'arrangerais les choses du mieux que je le puis.

Un sourire se dessina sur les lèvres de la dite sentinelle qui le salua bien bas en signe de remerciement, ils s'en furent ensuite aussi vite qu'ils purent avec la charge qu'avait leurs étalons sur le dos et il prit ensuite la peine d'expliquer la petite histoire à Etheldred et conclu de la sorte :

- Vous même je ne comprends pas bien comment vous êtes parvenue si loin dans mes terres! Enfin, peut-être que votre mémoire retrouvée sera nous expliquée un jour...

Etheldred ne put retenir un sourire quand elle fut reprise un peu sèchement par Mëgilen. Oui, oui, elle allait finir par penser à parler en elfique, mais là, au saut du lit - enfin, façon de parler vu les conditions de sommeil qu'elle avait eu - il lui fallait quand même un petit temps d'adaptation. Et puis, il lui arrivait encore parfois de se demander comment s'exprimer en langue humaine, alors l'elfique...

La jeune femme fut soulagée de savoir qu'ils arriveraient bientôt. Bénéficier en plus d'une journée de repos, serait parfait, elle n'allait pas refuser une telle offre dans l'état de fatigue où elle était. Elle hocha donc la tête, visiblement enchantée :

" Je vous remercie, ce sera parfait... et je pense que ça suffira amplement. Enfin, je l'espère. Avec un peu de chance, je serai même en forme avant, une bonne nuit de sommeil devrait suffire à me remettre. "

Certes, elle sentait qu'elle avait besoin de repos, mais en même temps, elle ne se voyait pas paresser plus que nécessaire. Elle voulait vivre pleinement pour se souvenir, pas perdre son temps à dormir plus que nécessaire. Elle attrapa la gourde au vol, en but une ou deux gorgées sans se faire prier. Elle aurait préféré de l'eau pour se désaltérer et n'avait pas spécialement envie de se retourner avec la tête qui tournait pour avoir abusé de l'hydromel, mais elle n'avait pas vraiment le choix pour le moment. Elle avait eu de l'eau dans sa gourde, lorsqu'elle avait reprit connaissance, mais l'avait rapidement épuisée, en deux jours d'errance et avait été incapable de trouver seule un point d'eau. Elle n'osait imaginer ce qui serait advenu d'elle si Mëgilen et ses gardes ne l'avaient pas croisée. Peut-être la petite elfe l'aurait-elle aidée ?

Etheldred n'entendit les bruits que bien après les elfes et porta spontanément sa main à son épée sans pour autant la dégainer. Pour quoi faire ? Elle n'en avait aucune idée, elle ne se voyait vraiment pas manier cette arme, mais elle avait réagit instinctivement. Amemroth - à moins que ce soit l'autre des jumeaux, elle n'en savait trop rien - lui chuchota de se taire. Elle ne comptait pas parler, de toute manière et elle hocha la tête, scrutant les buissons avec inquiétude.

Un elfe surgit alors et une discussion précipitée s'ensuivit, du moins de la part du nouveau venu, car Mëgilen semblait conserver son calme imperturbable. Pour sa part, Etheldred ne cachait pas son inquiétude, se demandant ce qui se passait. Elle réussit à saisir le nom de Wirstrucmuche, du moins elle le supposa, loin d'en être certaine tant l'elfe parlait à toute allure. Puis le mot "Anaëh" qui lui disait quelque chose, même si elle ne se souvenait plus quoi. Hum... en avait-il été question la veille ? Peut-être... Elle reconnut en revanche avec plus de certitude le nom des jumeaux, juste avant de se faire jeter du cheval qu'elle partageait. Se doutant qu'il y avait une urgence quelconque, elle ne protesta pas, s'écartant pour les laisser passer. En revanche, elle craignit un instant d'être laissée là alors qu'un danger approchait.

" Une affaire toute sotte... Prenez donc Lonàriel, bien violente fut votre mise à pied mais les raisons en étaient bonnes. "

La jeune femme jeta un coup d'œil un peu perdu à Mëgilen, puis au cheval, comprenant soudain qu'il s'agissait de son nom. Elle entreprit donc de remonter en selle malgré ses courbatures et suivit l'elfe alors qu'il lui racontait ce qui s'était passé. A sa conclusion, elle haussa les épaules avec une mimique désolée :

" Je donnerai cher pour le savoir. Elle eut un temps d'arrêt et ajouta, un peu dépitée : surtout si cela vous semble tellement incroyable. "

Que pouvait-elle bien faire perdue chez les elfes ? Elle ne pouvait même pas se consoler en se disant qu'en lisant son carnet, elle aurait peut-être des réponses. Si cela avait été le cas, Mëgilen lui en aurait sans doute déjà fait part... ou pas. Elle n'était pas sûre d'être capable de cerner l'elfe. Il lui paraissait plutôt étrange quoique pas désagréable. Enfin, pour le moment, plutôt que s'inquiéter de ce qui justifiait sa présence en terres elfiques, elle préférait aller de l'avant et elle venait d'avoir une idée à ce propos.

" J'aimerais savoir si vous avez des... des... "

Elle bloquait, ne trouvait pas le mot adéquat. Ne pas réussir à s'exprimer était sans doute encore pire que ne pas se souvenir. Elle secoua la tête, agacée, reprit tout de même :

" Je me disais que quand j'aurai un peu de temps libre, je pourrai me replonger dans l'herboristerie. Si vous avez des... des... ces livres, là, avec des plantes séchées, je ne trouve plus le nom... eh bien si je peux en consulter, peut-être que je pourrai me souvenir par moi-même ? "

Cela lui paraissait important. Elle n'arrivait pas bien à cerner pourquoi, mais s'il y avait bien quelque chose qui lui semblait vital, c'était ses connaissances en herboristerie. Le reste... elle verrait en temps voulu. Mais elle ne voulait pas perdre ce qu'elle savait dans ce domaine.

Mëgilen'syre fut heureux de constater l'aisance avec laquelle l'humaine s'adaptait, elle ne protestait de rien. Etait-ce là un signe de force ou de faiblesse? Chez les elfes de Wirskeïnfylie qui n'apprécient la dialectique inutile qu'en temps de fêtes, cela était une force mais le Protecteur ne perdait pas de vue qu'il s'agissait d'une étrangère, amnésique qui plus est, sur laquelle faire de telles suppositions était assez complexe et risquer. Après lui avoir expliquer son petit incident, elle laissa échapper son envie de découvrir le pourquoi de sa présence en terre elfique. Décidément cette question semblait la chagriner au plus fort mais cela n'empiétait nullement sur son comportement ce qui était tant mieux.

- Ne vous inquiétez donc pas Etheldred, cela viendra avec le temps ou celui-ci sera compenser cette perte j'en suis certain...

Le Fort étant des plus proches, il ne lui sembla pas très utile d'entammer une quelconque autre conversation, les choses sérieuses allaient bientôt commencer, la reprise de sa stricte fonction après ce qu'il considérait comme un espèce de laxisme, mais Etheldred qui ne savait rien de leur position géographique ni rien des Wirskeïnfyl n'était pas de cette avis et essaya étrangement de décrire ce qui semblait être un herbier. Des herbiers pour qu'elle se replonge dans sa science, des herbiers pour récupérer un peu de sa valeur passée... Comme elle ne se souvenait nullement du mot adéquat Mëgilen'syre essaya de lui souffler en même temps que dans sa réponse, essayant au mieux de ne pas froisser l'amnésique car il aurait été de bien mauvais ton que d'émettres quelques sarcasmes à l'encontre de cette maladie.

- En Wirskeïnfylie il y ait peu d'herbiers, les connaissances que nous avons de la nature nous viennent pour la plupart de notre vécu et de notre simple mode de vie et seuls quelques érudits s'intéressent vraiment à ce qu'il y a hors d'Anaëh. J'ai en ma demeure quelques de ces herbiers dont vous parlez et d'autres livres traitant de botanique. Malheureusement je ne sais pas si il y a pareils choses au Fort, à vrai dire je n'y ai jamais été dans le but de m'instruire dans d'autres sciences que celle de la guerre..

Et pendant qu'ils parlaient ils finissaient de monter une petite butte, une fois celle-ci atteinte ils pouvaient voir au loin toute la splendeur du Fort Ellyrion. Montagne de cristal sur un tapis de chaude verdure, les elfes avaient fait de cet endroit aux connotations si strictes et lugubres, une merveille qui rendrait le paysage presque triste en son absence. Mais aux yeux de Mëgilen'syre il s'agissait là d'une abomination, un mal nécessaire pour le bien du peuple et d'Anaëh... Ne se souciant guerre que ce fut la première fois qu'Etheldred faisait face à l'architecture "moderne" elfique, il reprit sans aucune autre forme de délicatesse, pas une seule petite présentation touristique.

- Peut-être y'aura-t-il quelques érudits en la matière au Fort, on y trouve souvent toutes sortes d'individus... Puis, prenant un ton à cheval entre la réprimande et la supplication : D'ailleurs, éviter s'il vous plait, au cas vous dialoguerez avec quelques de mes congénères, de parler de la facilité avec laquelle je vous ai accueillie, nombre de mes détracteurs se feraient une joie d'apprendre une telle chose. Ne vous rendez pas sottes et soyez sûre de vous par pitié... Enfin, nous mettrons les choses au clair quand à votre statut demain, je suppose que d'ici là vos péripéties ne seront pas des plus nombreuses.

Il ne voulait nullement entacher son image publique, et particulièrement pas auprès de ses cavaliers... Si Etheltred voulait rester son valet elle allait devoir travailler ses connaissances au plus tôt. De toute manière les actes officiels n'étant pas encore parvenu, cette humaine pouvait très bien disparaitre de son existence du jour au lendemain, sans que personne ne s'en soucie guère. D'ailleurs, maintenant qu'il y repensait, au cas où Etheldred mériterait de reprendre une véritable liberté il était là une chose qu'elle devait garder pour elle.

- Ah, au fait, je vous ai dit qu'il y avait quelques choses qui devaient rester pour les elfes et d'autres encore pour mes seuls proches. En voici une de la première catégorie, le jour où vous nous quitterez oubliez pour les autres le Fort et les chemins de nos terres...

Ils ne distinguaient plus vraiment Dïanesterwyl entre les arbres maintenant qu'ils redescendait de l'autre côté de la butte, il devait déjà être aux portes du Fort pour ne pas dire à l'intérieur car il aurait été fort peut étonnant que nul n'ait été prévenue de leur arrivée sur une route aussi peu discrète.

Etheldred promis de garder le silence à Mëgilen'syre, ce qui était évidemment loin d'être suffisant mais elle avait l'air sincère et c'est tout ce en quoi il pouvait avoir confiance relativement à elle. Il ne lui répondit rien, car son avis sur cette promesse était bien trop partagée et il ne voulait nullement montré à cette humaine que sa confiance était un tant sois peu gagnée.

Autour d'eux les arbres s'étaient faits de plus en plus rare au fur et à mesure qu'ils s'approchaient des murs blancs du Fort Ellyrion. Les portes étaient grandes ouvertes, sans doutes elles l'avaient été pour Dïanesterwyl, et en haut des murailles l'on pouvait voir quelques elfes scrutant l'horizon ou les regardant avec curiosité. Déjà tous devaient être avertis de son arrivée, et particulièrement sa compagnie établie ici qu'il souhaitait ardemment revoir en plus des éventuelles personnalités militaires pouvant vagabonder dans les environs, s'entretenir avec son nouveau supérieur aurait été une véritable joie histoire de se soulager quant à ses compétences que son expérience en haut grade mettait en doute.

Avant de passer les portes il tourna son regard doré, entouré de sourcils imperceptiblement froncés, vers Etheldred et lui insuffla encore une énième exigence, qui n'allait pas être la dernière :

-J'aimerais à l'avenir que vous ne me parliez plus en commun lorsque nous serions en compagnie d'une tierce personne. Et même sans moi parlez un maximum elfique ou votre apprentissage de la langue risque d'être vraiment trop long...

Il finit tout de même sa phrase sur un ton moins solennel, ne voulant pas établir une relation purement professionnel avec Etheldred, comme avec le reste de son personnel il tenait à ce rien de familial. Mais qu'est-ce qu'une humaine si ignorante pouvait de toute façon comprendre aux délicatesses d'un Wirskeïnfyl, sa présence même à ses côtés était un scandale à lui tout seul et elle ne s'en rendait nullement compte.

- Bienvenue au Fort en tous cas, j'espère qu'il ne vous lassera pas trop vite, les humains, dit-on, se dépassionnent assez vite...

Il disait cela sans animosité, comme quelqu'un s'intéressant naturellement au sujet. Autour d'eux les regards commençaient à se faire de plus en plus intrigués et pesant, particulièrement sur Etheldred et cela assez peu pour ça race que pour la personne en plus qu'elle accompagnait. Mais heureusement ces regards là n'étaient pas bien grossiers, c'étaient des regards elfiques après tout et un croisement avec celui de Mëgilen'syre suffisait à les faire cesser.

- Avant de vous laissez à ce que bon vous plaira je tiens néanmoins à vous montrer votre chambre, de là vous risquerez moins de vous égarer.

L'intérieur du Fort était impeccable et loin des châteaux sombres et sauvages des hommes, l'on aurait facilement put se croire dans quelques villes de renom mais après tout il s'agissait tout de même de l'avant-poste elfe le plus célèbre. Mëgilen'syre, lui, habitué et presque dégouté de cette environnement ne dit mots sur celui-ci et dévia même ce qui devait être sujet à discutions par la force des choses pour parler de quelques détails de viabilité qui pour lui étaient des plus important, et en même de temps que de parler ils s'avançaient vers ce qu'il savait être l'écurie. Souvent les passants le saluait et il leur rendait de bon coeur d'un signe de main, d'un hochement de tête...

- Pour votre logement au fait, celui de mes gardes sera votre, les vraies chambres sont assez rares ici, mais comme vous avez pu le constater vous allez être des plus tranquilles pour votre repos, le sommeil ne faisant pas vraiment partis de leur vie.

Au détour d'une rue ils tombèrent enfin sur la vaste écurie d'intérieur, elle était visuellement fermée du reste du complexe et il fallait passer par dessous une petite arche pour y entrer. A l'intérieur était une vaste étendue d'herbe circulaire, autour de laquelle étaient partout disposés des boxes sur trois rangs dont peu d'entre eux étaient occupés. Quelques chevaux gambadaient librement sur l'herbe fraiche et tous étaient soignés par une poignée de passionnés de cette noble espèce.

- Lonàriel sera bien ici, ne vous inquiétez pas pour lui.

Bien sûr il se doutait un peu qu'une humaine pouvait se moquer royalement que son cheval soit bien traité ou pas du moment qu'il revienne dans le même état qu'il était entrer, mais lui faire entendre le respect inter-espèce auxquels tenaient assurément les elfes étaient important pour quelqu'un qui allait bientôt pouvoir se dire de sa maison.

Deux écuyers dont un responsable des autre vinrent directement à sa rencontre, ils le saluèrent et il rendit leur salut, suite à quoi il descendit de son cheval pour le confier au plus important et intime d'entre eux.

- C'est Mirinwë.

Le maitre écuyer fit un signe de tête affirmatif comme ayant reconnu d'avance l'équidé en question, puis, Mëgilen'syre désigna la monture d'Ehteldred :

- Et celui-ci nous vient de Wyslena, son nom est Lonàriel.

Il prit ensuite l'épaule de l'écuyer par la main pour lui souffler quelques mots à l'oreille, ces quelques mots étaient la situation établie dans la forêt et le nombre d'hommes devant se joindre à l'opération de secours le plus tôt possible, une trentaine exactement. Il le laissa ensuite s'occuper librement des chevaux et des paquetages qu'ils transportaient.

Il fit ensuite signe à Etheldred de le suivre, il allait bientôt être temps pour eux de se séparer une première fois depuis leur rencontre.

- Mémorisez bien le chemin jusqu'à votre chambre, si vous l'oubliez demander votre route en sachant qu'elle est voisine à la mienne.

Ils sortirent donc de l'écurie pour se diriger vers une des nombreuses structures du Fort. Toutes étaient construites dans le même style architecturale mais aucune ne se confondait vraiment avec l'autre si bien que l'errance était restreinte au mieux entre ces murs blancs.

Avant d'entré dans le bâtiment désiré, un elfe assis sur un tabouret vint se précipiter à leur devant après un salut bien bas, il portait à la main un impressionnant jeu de clé. Ils passèrent moult portes, couloirs et escaliers, croisant une bonne quinzaine de gens exigeant chaque fois le salut. Au bout d'à peu près cinq minutes de marche dans les divers chemins du bâtiments, ils s'arrêtèrent enfin devant une porte assez semblable à beaucoup d'autres vu jusqu'ici mais portant la l'emblème du Protectorat de Wirskeïnfylie en son haut. Le porteur de clé ouvrit la porte en ayant à peine chercher la clé en question puis, d'une énième clé mise autour de son cou il ouvrit le jeu pour mettre la clé dans les mains du Protecteur qui l'a tendit à Etheldred.

- Voilà donc, vous êtes libre... Venez à ma chambre exceptionnellement demain au levé du jour, vous commencerez les autres jours deux heures avant celui-ci.

Il lui fit un léger salut puis, presque paternellement :

- Reposez vous bien, et n'allez pas trop vous faire remarquer même si vous me semblez assez discrète..

Etheldred hocha la tête lorsque l'elfe lui demanda de ne plus parler qu'elfique, au moins en présence d'une autre personne.

" Comment dit-on "oui", dans ce cas ? "

Autant commencer simplement, mais le plus rapidement possible. Elle voulait y mettre de la bonne volonté mais encore fallait-il qu'on lui donne les clefs pour y parvenir. Elle nota la façon qu'avait Mëgilen de lui parler et eut l'étrange impression qu'il essayait de se montrer aimable sans réellement savoir comment y parvenir. De son point de vue, c'était un peu amusant, mais en tous cas, elle lui était reconnaissante de faire son possible pour qu'elle s'adapte. Qu'il se montre exigeant ne l'ennuyait à la vérité pas plus que ça. Après tout, elle arrivait dans un monde qui n'était pas le sien et il lui avait expliqué que cela risquait de porter atteinte à son image, elle comprenait qu'il prenne ses précautions. Tant qu'elle était traitée correctement, elle n'irait pas se plaindre.

" Bienvenue au Fort en tous cas, j'espère qu'il ne vous lassera pas trop vite, les humains se dépassionnent assez vite... "

La jeune femme ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire et répondit doucement :

" Merci ! Il faudra que vous me disiez comment cela se dit en elfique... Je crois cependant que la vitesse est relative. Sans doute ne pourrais-je jamais être aussi patiente que vous qui avez probablement vécu bien plus longtemps que moi... Mais je ne pense pas me lasser rapidement tant que j'aurai de quoi m'occuper, rassurez-vous. "

Mëgilen l'amusait, d'une certaine façon et le regard qu'elle lui lança l'indiquait clairement. Il avait une de ces façons de lui lancer des clichés sur les humains, qu'elle ne pouvait réellement pas s'en offusquer. C'était presque touchant, de le voir s'occuper d'elle comme si elle était une drôle de petite chose aux mœurs étranges. Surprenant les regards qu'on leur lançait, elle se tut aussitôt et reprit un air plus réservé, aussi bien parce qu'elle ne souhaitait pas mettre l'elfe dans l'embarras que parce qu'elle se sentait un peu impressionnée tout de même.

Mëgilen lui expliquant qu'il allait lui montrer sa chambre, elle le remercia en elfique, y adjoignant un "messire" pour faire bonne mesure. Elle s'efforça de copier sa prononciation, mais si elle avait retenu les mots, l'accent n'était clairement pas au rendez-vous. Tout en avançant, elle essayait de repérer les lieux et de ne pas se faire remarquer à la suite de Mëgilen. En revanche, lorsqu'il lui dit qu'elle aurait le logement de ses gardes, elle protesta, un peu ennuyée pour eux :

" Je ne veux pas les déranger... "

Enfin, il s'organisait comme il le voulait, mais elle ne voulait pas s'imposer, même si effectivement le sommeil n'avait pas l'air d'être leur principale occupation.

Ils finirent par arriver à une écurie et Etheldred flatta l'encolure de Lonàriel. Finalement, elle s'était adaptée au cheval et en était même venue à apprécier le trajet, bien qu'elle ait trop de courbatures pour dire sincèrement que c'était un mode de transport confortable. Enfin, au moins, sa monture était paisible et méritait bien une petite caresse de remerciement.

La jeune femme jeta un coup d'œil un peu inquiet à Mëgilen :

" Je suis désolée, mais je ne sais pas ce qu'il faut faire pour le desseller et s'en occuper, à présent... "

Elle se tut en voyant approcher deux elfes. Bien, en fait elle n'aurait rien à faire, apparemment. Comme les sylvains se saluaient, elle s'inclina sans trop savoir si elle faisait bien, mais préférant toujours avoir l'air trop polie que pas assez. Elle ne comprit rien de ce qui se disait mais repéra le nom de son cheval.

Après quoi Mëgilen repartit et Etheldred essaya de calquer son pas sur le sien. Quant à mémoriser le chemin jusqu'à sa chambre... c'était difficile et elle craignit assez vite ne rien retenir du tout. Enfin, elle verrait bien. La chambre de l'elfe était voisine à la sienne, au moins, il n'y avait vraiment aucune raison pour qu'elle se perde. Et pourtant... étrangement, elle sentait qu'il allait lui arriver quelques mésaventures. Elle ne dit rien, pourtant, se disant qu'il ne comprendrait pas et le remercia à nouveau avec un sourire avant de pousser la porte de "sa" chambre.

Un lit... Elle avait bien noté que par la suite elle commencerait à travailler avant le lever du jour mais cela ne la perturbait pas plus que ça. Elle s'y habituerait sans doute. Elle ne tarda pas à profiter du temps libre qui lui était imparti pour se laisser aller au pays des songes.


[hrp : terminé pour moi :) ]