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 "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]

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Dun Eyr
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MessageSujet: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeLun 12 Juil 2010 - 1:11

A Messire Anseric de la Rochepont, Comte en les Terres d’Arétria, Sieur du Goupillon, et bienveillant Seigneur sous les astres,


Salutations,


Il est sous le Soleil, Maître, de noirs nuages qui couvrent les cieux de leurs tentacules d’ombre, et les ténèbres étendent leur emprise sur les contrées libres encore de ce monde.
Depuis leurs demeures enchâssées dans la pierre, les Nains n’ignorent pas que quelque obscur drame se trame dans les méandres de la pensée des Dieux, et Yaron lui-même paraît être revenu hanter les arcanes torrentielles du flux de ces lieux. Le fier peuple des montagnes, quelque folie que soit la sienne, a choisi de patienter sous le ciel que les nuées s’évanouissent au lointain.

Sachez, Sieur de la Rochepont, que les Nains ne portent pas tous yeux d’aveugle. Moi, Dun Eyr, Haut-Prêtre sous la Montagne, ai, au nom de l’ancestrale bravoure d’un peuple qui jamais ne fut vaincu, et jamais honneur ne céda, décidé de relever le défi des sombres matins de ces jours.
Les yeux des Hommes, quoiqu’ils n’égalent ceux des Elfes, portent la large gloire d’une clarté d’aigle céleste, et nul ne saurait douter que les éclaireurs d’Arétria ont vu cheminer, sous la blême lumière qui toujours s’amenuise, la courte colonne de ceux –hélas trop peu – des Nains qui choisirent de lutter. Quelque restreint que soient leurs régiments, il n’est pas, en Kirgan ou Almia, plus nobles cœurs que ceux qui en ce jour vont sur les terres d’Arétria, et à leur tête je marche.

Il fut un temps, Messire de la Rochepont, où des Montagnes du Septentrion aux Plaines de l’Ouest allaient d’entières caravanes de Nains et d’Hommes mêlés, compagnons de commerce, et frères d’arme sous les bannières. En ce jour, voici que les Nains se sont éveillés de leur sommeil pour revenir honorer vos terres, et c’est moins en hôte qu’en suppliant que je viens vous implorer, Seigneur, de porter votre cœur à l’antique alliance des peuples – alliance qui ne fut point brisée, mais oubliée sous les âges.
Lirgan l’Agile saura ciseler nos destins.

Que votre âme accueille mes salutations respectueuses,


Dun Eyr.




~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~



L’œil circonspect du coursier Nain se promena dans les tréfonds de l’écurie, entre la paille et les mangeoires, vers les formes sombres qui se mouvaient en ruminant leur avoine. Tout proche, le paysan arétrian mâchait son noir tabac aux effluves rances, et le souffle chaud de l’Humain allait agacer la nuque de son interlocuteur de courte taille.
Etait-ce donc là tout ce qu’ils avaient ? L’Homme grommela quelque chose dans sa barbe de trois jours, éventant une mouche d’un revers de sa main calleuse, et de confuses paroles sortaient d’entre ses dents brunies par le vent : il était question, d’aussi loin que le Nain parvint à y démêler un quelconque sens, de réquisitions, d’armée et de guerre, de chevaux pris par les cavaleries décimées. Lorsque le paysan pestait de sa bouche pâteuse, les fragrances de tabac roux redoublaient de virulence, tant et si bien que le Nain – après un dernier coup d’œil sans grande lueur d’espoir vers les montures de l’étable – tendit à la rude paluche du laboureur sa fière poigne de fils des cavernes, et la petite main alla se noyer dans l’étau du paysan.
Alors, tirant sur le licol des montures, le Nain les porta au-dehors et s’en fut avec, laissant à l’Homme une besace d’or aux flancs bien rebondis de piécettes.


- Est-ce donc là tout ce que ces campagnes possèdent ? D’aussi veilles carnes ?

La voix de Dun Eyr portait au loin dans les brumes matinales d’un été sans Soleil, tandis qu’il contemplait les montures, et leurs pattes tremblaient tant sous la brise que le Haut-Prêtre se résolut à baisser la voix, de peur de les ravager d’un cri.

Trois poneys. Et sales, qui plus est.
C’était là tout ce que le coursier Nain avait pu trouver dans les fermes proches.
Chaque heure qui s’écoule est du temps de perdu, et les cieux s’assombrissent toujours davantage, se murmurait Dun Eyr en lui-même. Mais comment porter au fief d’Arétria la double bannière du Nain, sur de telles montures ? Jamais l’honneur des montagnes ne survivrait à ces tristes baudets des plaines aux mornes reflets.
Le Haut-Prêtre rejeta la tête en arrière, et contempla l’éclat du soleil mangé par son masque de nuages perlés. Le temps, le temps… Tout ne serait que question de fuite, à la fin de toute chose. Fuite des Nains, fuite des heures, fuite des astres…
Inspirant la froideur de l’air matinal, le Nain clama au milieu de cet ost de son peuple :

- Que l’on me lave ces bêtes, et à grandes eaux. Nous toucherons au Manoir avant que le Soleil n’entame sa chute.

Et, tandis que s’activaient les Nains, Dun Eyr contempla la faible caravane qu’il avait su réunir. A peine deux douzaines des fils de Kirgan avaient entrepris leur quête jusqu’en Arétria et, bien que leur convoi eut été renforcé par les bottes de quelques errants des cimes du Sud, ce n’était pas même trente Nains qui cheminaient en ce jour contre les rives du Comté.

Trente Nains.
Soixante bottes.
L’honneur de toute un peuple dans soixante bottes.

Alors, le visage fermé, Dun Eyr se détourna des pâles oripeaux du Soleil.



~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~



Arétria. Arétria et son Château.
Aux claires soirées d’hiver, lorsque mordait le vent du Nord, s’élevaient les conteurs aux longues rimes, et de leur vielle chantante déclamaient la noble geste de la demeure des Comtes d’Arétria aux blanches plaines. Et c’était pure splendeur que leurs voix aux rimes chevrotantes, quand s’attardaient les mots entrelacés à chanter la haute beauté du plus beau des fiefs, contant l’épique fureur de quelque héros de sièges immémoriaux, ou l’ardente flamme des huskarls crachés au cœur d’une bataille ravagée de pourpre.
Mais pour ce triste jour d’un été mort-né, sous le voile des nuages de grise-robe, ce ne fut qu’un bref regard que Dun Eyr jeta aux merveilles de l’architecture arétriane. Au passage de la porte par les sabots de son poney à la crinière éclaircie, le Haut-Prêtre bâtisseur, l’Artisan aux doigts d’argent – car tels étaient sous la roche les gloires de Dun Eyr – n’honora pas même la double herse levée d’une œillade. Son regard fixe, érigé comme pierre sous la taille, passait, vague et perdu, sur le voile de roche comme les brumes, et nulle corniche, nul parapet n’absorba l’oeil du Nain.
Car, sous ses paupières semblables au marbre, c’était toute la fierté blessée d’un peuple qui embrasait l’âme du Nain. Que la masse de ses frères fût demeurée dans le douillet réconfort de tavernes sans lune, voilà bien qui torturait l’âme du Haut-Prêtre, et tourmentait sa bravoure. Un instant même, la fugitive pensée de fuir à bride abattue caressa ses esprits, mordillante de désir. Fuir et ne point se retourner, fuir et sous le monde se terrer, et puis boire, encore et encore, à l’aube rouge en son crépusculaire berceau…

Et pourtant, dans la cour du Manoir battu aux vents, Dun Eyr héla un garde, et de sa voix forte lança aux cieux sans soleil :

- Que le Maître d’Arétria apprenne que Dun Eyr patiente en son domaine, et que selon son cœur il m’accueille par le fer ou le vin.

Et, sous les murmures de la colonne des Nains, toujours juché sur son poney à la robe démêlée, Dun Eyr attendit que le Comte parut.
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Hans
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeLun 12 Juil 2010 - 11:58

« À Messire Anseric de la Rochepont, Comte en les Terres d’Arétria, Sieur du Goupillon, et bienveillant Seigneur sous les astres » l'entête avait réussi à arracher un sourire fat à Anseric. Si le Renard se plaisait à flatter certains de ses compères, il n'en était pas moins la victime, dans cette lettre. Quoiqu'il conspuait allègrement cette écriture, toute lyrique, car c'était à son goût celle des fardés et des poudreux langecins, le Comte goûtait des allusions à la bravoure humaine.

Dument paraphée par le dénommé Dun Eyr, Haut prêtre sous la Montagne, rien de moins, la missive avait dans la bouche du Chevalier au Goupillon un
doux goût teinté d'une interrogation amère : où voulait en venir le petit homme ? L'Antique alliance, les nuages noirs ; tant d'absconses évocations qui laissent un Anseric quelque peu pantois.


Quelques jours plus tard fut donc clamé céans le Haut prêtre sous la montagne Dun Eyr, arrivé tout droit de la malelande, qui étonnamment, n'avait pas la boue jusqu'au cou, contrairement à ce dont on s'était attendu. Anseric était alors en ce moment en train de faire justice, au centre de la citadelle. à l'image du morceau de viande qu'il avait terminé prestement, il venait d'expédier, au profit du nain, une étrange affaire de viol de chien. Cette histoire malsaine l'avait autant ennuyé que dégouté, aussi s'était il dépêché de rendre justice, pour ne pas rendre son agneau. Ce fut donc un Anseric maître de son estomac que rencontrerait Dun Eyr, quoi qu'encore perplexe sur les motivations de l'éphémère violeur de clébards.

Quatre huskarls comtaux vinrent encadrer la petite silhouette, bien que trapue, du Haut-prêtre, et la firent déambuler dans l'ensemble les couloirs dédaléens de la citadelle Arétrianne - l'on était au Nord, ici, ce n'était pas un décor palatial aux grandes allées que l'on trouvait. Ils débouchèrent dans la salle des doléances de la Citadelle, la pièce vraisemblablement majeure, de par son usage, du complexe. Il s'agissait là plus d'une petite chapelle, où à défaut d'autel se tenait le trône de granit d'Anseric, taillé d'un seul bloc de pierre Rochepontaise. Si la stéréotomie était parfaite, les finitions elles laissaient à désirer, tant pour la pièce que pour l'objet ; les piliers étaient solides, les voutains bien maçonnés, mais le tout était d'une sordide austérité, comme si l'endroit était voué à être morne - ce en quoi le bâtisseur ne s'était pas trompé, cela dit.

Sur la pierre de Rochepont se tenait le sire éponyme, dans la rutilante armure qui le caractérisait tant. Le visage creusé à l'image des rocs érodés, sa mine aride s'accommodait fort bien avec le trône, et, à la chiche lumière des quelques fenêtres aux vitres salles et aux grillages serrés, on aurait pu confondre à s'y méprendre chair humaine et rocher. Le seigneur au Goupillon avait conscience de cela, et aimait se dire qu'il était à l'image des Anciens, un homme de pierre. De quoi ravir le nain, ou, s'il en est, le faire apprécier ce spectacle.

Tandis que le susdit nain passait la porte, et que le garde en énonçait les titres à vive voix, la face granitique se décrocha d'un sourire, mi-bienveillant mi-carnassier, et ses yeux clairs fondirent sur le petit être.

« Maître nain ! Votre présence, en ma modeste demeure nous ravit, nous autre Arétrians. Mais dites moi, que m'en vaut il l'honneur ? »

Les paroles du comte se répercutèrent plusieurs fois sur les murs, tandis qu'Anseric s'enfonçait un peu plus dans son fauteuil, son demi-sourire gouape toujours en coin de bouche.




Dernière édition par Anseric de la Rochepont le Lun 12 Juil 2010 - 23:15, édité 1 fois
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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeLun 12 Juil 2010 - 15:16

Dans la rude salle aux murs de pierre, entre les pilastres comme des météores, sous la blanche lumière d’un ciel du Nord, se dressait l’enchâssée silhouette d’un Homme.

Ainsi, c’était donc cela, le Sieur de la Rochepont.
Un fier visage poli par l’austère clarté de ses nuages sans flammes, la vaste crinière du chevalier contre les souffles, et ces éclats sombres engoncés dans la roche d’un front dur, ces yeux qui faisaient le siège de l’âme du Nain.
Un noble cœur, se murmura Dun Eyr, mais de longues dents. Et, dans ces prunelles d’acier, la tempétueuse bravoure des maîtres de chevaux.
Il n’était que des murs dénudés pour auréoler une telle fierté, mais pas même les plus beaux atours du Langecin, les plus fastueuses tapisseries, les rouges bannières de riche étoffe, n’auraient pu arracher Dun Eyr à l’éclat des yeux du Comte. Quelque honneur de loup hantait le regard du Seigneur d’Arétria, quelque morgue de bretteur à la lame certaine.

Lorsque le Haut-Prêtre fit trois pas vers les marches dominées par la pierre de Rochepont, les anciens braves aux longues balafres auraient pu y voir étinceler l’âme du lion, de la bête entrée en sa fureur.
Et pourtant, ce fut comme l'agnelle frémissante que Dun Eyr courba l’échine face au Seigneur, et laissa sa courte silhouette se rapprocher plus encore du sol, agenouillé sur le granit froid, sa face hiératique défaite par les révérences soumises.

- Il n’y eut jamais, Sire de la Rochepont, de Nain courbé en terre amie, et voici pourtant que sous vos bannières, Comte, je me prosterne.

Comme quelque eau folle sur les parois aux reflets moirés, la voix du Nain roula longuement sous les voûtes de pierre brute, et revint chanter aux oreilles et aux âmes. Fier était l’écho sous le domaine de l’Arétrian.

Alors, lentement, comme la forteresse se prépare aux assauts, Dun Eyr se releva, et dressa entre l’écrasement des voûtes superbes sa courte stature de Nain de la pierre.


- Seigneur, mes yeux de Nain ont longuement erré sur ce monde, depuis les grottes de nos cités jusqu’aux ocres rives océanes, et jamais l’été n’a porté lumière aussi basse qu’en ce jour. Ce n’est plus qu’à reculons que le Soleil parcourt notre ciel, et dévoré par les marées de nuages, avant que de replonger en sa longue nuit. Les bras blancs de Briessa ne s’élèvent plus pour enluminer ces contrées-ci, et l’âme des cités du Nord n’est plus qu’un faible murmure sous d’aussi sombres heures.

Il est en votre cour, Messire, trente des fils de Kirgan ou d’Almia qui ont bravé les montagnes et les plaines jusqu’en votre noble Comté, où jamais Nains n’avaient été aperçus depuis les âges des grandes guerres. Nombreux furent les yeux qui sur notre cortège se retournèrent, car le petit peuple s’est trop longtemps enfermé dans ses cimes aux hautes forges, et quelques mémoires d’Hommes nous ont même affublés du nom de mythes.
Mais en un temps aussi rude que celui de ce Soleil, les plus braves des Nains ont délaissé la voie des profondeurs pour rejoindre leurs frères les Hommes sous l’éclat de la surface – et ces Nains se trouvent dans vos murs.

Quelle ombre s’apprête en ses antres à fondre sur les feux du Soleil, nul ne saurait la nommer, Seigneur de la Rochepont. Mais braves sont les Nains, et fiers les fils d’Hommes, et jamais péril ne s’est abattu sans heurter les pavois mêlés de nos deux peuples.
Si quelque nuit venait à s’effondrer sur nos clartés, je veux pouvoir dire, moi, Dun Eyr, que les lourdes tentacules se fracassèrent contre l’honneur des Hommes et des Nains, des Nains et des Hommes.

Et si Kirgan n’est plus que l’ombre silencieuse d’un Roi défait, que le Maître d’Arétria sache en son cœur que les Nains marchent encore sous les nuages de ce monde, et leurs haches ne s’abattront point contre les citadelles des Hommes.



Il n’était plus que silence sous la voûte, lumière et silence.
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Hans
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeLun 12 Juil 2010 - 22:28

« Allons, allons. » à la manière dont on chasse une mouche, Anseric avait expressément mis fin aux effusions nanesques. Il y avait fort à douter qu'un Haut-prêtre ne se déplaçasse sur la moitié du pays pour échanger des flagorneries. Plus que des génuflexions, c'était les motifs de sa venue qui intéressaient le Comte.

S'il s'était quelque peu avancé, pour mettre fin à la louange du nain, Anseric se garda bien de continuer ; mieux, il se renfonça dans son trône de granit, tandis que son interlocuteur, lui, restait debout sur ses deux pieds. Chose cocasse, l'Arétrian, même sur son séant, dominait toujours son invité. La nature était ce qu'elle était. Alors que le petit être s'apprêtait à parler, le Comte s'appuya sur ses deux genoux, se penchant tout en feignant l'intérêt. Plusieurs moues ponctuèrent le laïus, tantôt circonspect, tantôt gouape. Mais l'impression finale était plutôt dubitative.

Le discours du nain avait été un embrouillamini de métaphores rocheuses, d'allégories aux anciens Éponymes, le tout paraphé d'un "nos haches ne vous menacent point". Certes, ce salmigondis verbal avait bon goût, mais il laissait une note d'interrogation sur la langue d'un Anseric de plus en plus perplexe. Se radossant lentement à son siège, le Comte se gratta le menton, où florissait une vilaine barbe de quelques jours. Un sourcil, sceptique, s'était levé sur sa figure marmoréenne.

Autant que la raison de sa venue, Anseric souhaitait se faire une idée de l'animal. C'était chose rare de voir
venir un nain, Haut-prêtre qui plus est, gratter à sa porte, d'autant plus que depuis la querelle de Glunmar, Arétria était sérieusement conspuée par une frange de la nanie. Et quoique souhaitât son interlocuteur, il n'était guère entré en l'entendement de l'homme, ce qui n'aidait en rien.

Un quasi-silence régnait sur la salle, occasionnellement perturbée par le crissement de la barbe d'Anseric, que l'homme était toujours occupé à gratter. Il n'avait pas quitté le nain de yeux, dont la lumière terne des quelques vitres ne donnait pas sa plus belle image. Alors qu'un filet de mots s'apprêtait à couler de la bouche du Comte, celui-ci fut devancé par les éléments ; il y eut un violent coup de tonnerre, et les goûtes s'abattirent incontinent sur la Citadelle. Un hurskarl de la garde, plein de verve, ponctua laconiquement d'un "Il va pleuvoir", et ce fut, alors que de véritables hallebardes tombaient du ciel, un Anseric qui, théâtralement, frappa à deux reprises dans ses mains. L'écho des deux gantelets entrechoqués éclipsa bien vite l'orage d'avant, et quelques pages acheminèrent quelques bûches dans l'âtre.

S'appuyant nonchalamment sur un de ses coudes, le seigneur au Goupillon toisait le nain, son habituel demi sourire trônant sur sa figure.

« C'est avec plaisir que j'entends vos paroles, maître nain. commença-t-il, bienveillant. Et il ne sera pas dit que vous fûtes venus vainement, car vous et vos trente braves seront dument reçus. » cette promesse d'un bon repas, serait, il le pensait, l'exutoire au lyrisme au nain. De quoi mieux -et moins- parler. Un silence vint appuyer cette idée, laissant au petit interlocuteur s'imaginer tout ce que la table Arétrianne pouvait contenir. « Mais, je vous en prie, puisque vous évoquâtes l'antédiluvienne alliance qui nous unit, mettez en ma connaissance les idées qui sont vôtres, maître nain. »

Le feu crépita, donnant un caractère affable au visage qui s'était montré de pierre. Mais derrière cette bonhommie apparente se cachait désormais une carnassière envie d'extirper le moindre savoir du dénommé Dun Eyr, jusqu'à ce que ce Haut-prêtre sous la montagne soit aussi transparent qu'un de ses lacs d'altitude.


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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeMar 13 Juil 2010 - 17:49

La faim.

Pour un peu, Dun Eyr en aurait ri.

Voici que le Nain avait dressé légion de trente des plus braves de ses frères, que sous sa bannière ils avaient franchi les cimes du Nord, et parcouru les longs sentiers pluvieux d’un été qui ne voulait naître, pour atteindre les lointains reliefs du pays arétrian, voici que sous les voûtes de pierre du Manoir s’esquissaient les plus vastes projets du Haut-Prêtre, qui portaient l’honneur du petit peuple et bien plus encore… et la faim rongeait les esprits de Dun Eyr. Déjà, il fallait au Nain les rudes carcans d’une discipline d’acier pour maintenir droit ce regard aux dents creuses, qui toujours sur l’âtre revenait, sur l’âtre et le feu crépitant.
Quelques rudes gouttes de sueur se mirent à perler sur la nuque de l’étranger en ces terres. A sa gorge revenait toute la lourdeur des sentiers aux vastes mottes, les nuages desséchés de la poussière volant sous les bottes, le vent fouettant les visages et le Soleil faisant le siège des gosiers cramoisis. Les pieds du Nain n’étaient plus que fatigue et délassement, rongés par les morsures du cuir parsemé de fer, tandis que sous les capes et capelines du voyageur s’empourprait un corps rompu par un voyage précipité. Quelque part au-dehors, sous quelque toit de chaume battu par la pluie, les trente Nains devaient avoir trouvé refuge et repos, s’abandonnant à la douce retraite de l’errance arrivée à son terme.
Mais sous les pierres brutes de ce ciel de granit, toute la torpeur d’un estomac aux crocs dévorants enserrait l’esprit de Dun Eyr. Dans sa gorge, déjà, s’embrumaient les tournures en usage chez les fils des Hommes, et de lourds mots du parler Nain revenaient déformer l’éloquence de ce petit être égaré entre de tels pilastres.
Combien de temps encore avant que le Comte et sa garde ne remarquent la famine ravageant le Nain ?

Pourtant, le masque de pierre qu’était Dun Eyr finit par s’évaser d’un doux sourire, à peine esquissé, aussitôt ravalé.
Il était face à lui quelque grand stratège de l’âme, et fort était à parier que ce Sieur au Goupillon allait lentement supplicier le Nain, orchestrant d’un rictus de douce cruauté le ballet des serviteurs et des chasseurs, faisant élever tout à côté du voyageur fourbu une grande table couverte de mets succulents, riches denrées de ses provinces aux larges champs.
Mais il ne serait pas dit que Dun Eyr serait défait par la ruse d’un petit-maître de la terre des Hommes. Et si ce Comte dardait des yeux habités d’autant d’ardeur sur le Nain, et que son ouïe de maraudeur des plaines épiait le moindre gargouillement d’un estomac colérique, cela pourrait bien servir les intérêts du Nain.
Car il ne faut jamais ruser avec la faim du petit peuple.

Alors, dès cet instant, ce ne fut plus qu’une symphonie d’œillades sur les servantes, de grognements d’envie, de lourds sursauts du ventre creusé par les chemins. Les mains de Dun Eyr se tordaient, les doigts de crispaient sous l’éclat du feu et la promesse de divins rôtis, et les bottes raclaient le sol de pierre devant le Seigneur, renvoyant le lourd écho de sa faim contre les murs tendus de gravité, aveux d’avidité hantant la voûte de pierre, et voguant sans cesse du Nain à l’Homme, et de l’Homme au Nain.
Et, dans le bastion de son âme, Dun Eyr souriait à l’ingéniosité de ses esprits. Se gardant d’en faire trop, toujours mesuré mais jamais apaisé, le Haut-Prêtre se soumettait bien volontiers à ce jeu du dresseur de chevaux.


Mais voici que Dun Eyr s’apprêtait à délivrer la suprême félicité au Sieur de la Rochepont. Car, sous ses prunelles de marbre, c’était un esprit dévoré de questionnements qui s’agitait face au voyageur imprudent, et qui toujours errait autour du Nain, pourfendant ses discours, auscultant les ombres de son visage, pour y trouver des confessions.
Que pouvait donc bien faire là cet étrange convoi de Nains ? Et qu’avait à accomplir Arétria dans l’odyssée d’un Haut-Prêtre sous la montagne ?

L’âme ruisselant de plaisir, mais le visage buriné par les sillons de la famine, Dun Eyr entra à pas de loup dans les jeux d’esprit du Seigneur en son trône tapi, fauve à l’orée des aveux.

- Maître Comte, il est de lourdes tempêtes qui agitent les cités sous la pierre, et les Nains commencent à douter des plus nobles de leurs chefs. Quelque endormissement semble avoir enserré le petit peuple sous ses hautes-cimes, quelque lourde douceur du guerrier assoupi sur ses gloires. Il fut un temps où mon suprême Roi, Garmin le Nouvellement Couronné, marchait comme sous la bénédiction des Nains ancestraux, et tous…

Là, Dun Eyr marqua une pause, et sa gorge laissa chanter sous sa barbe un bref gargouillement d’envie.
Et si les cieux étaient pluvieux au-dehors, c’était l’été en l’âme du Haut-Prêtre aux mille ruses.

Alors, d’un style plus vif et plus concis, la voix du Nain s’envola de nouveau sous les voûtes argentées.

- Noble Seigneur, Kirgan tonne sous les houles, et les Gardes ont doublé leurs patrouilles dans les hautes profondeurs. Mais, dans les plus basses, il n’est plus de milice qui ose parcourir les travées enténébrées de murmures, et parfois même, sous les capes rebelles, s’esquisse l’armure de Gardes séditieux. La guerre enfle, et sous les voûtes n’a plus jamais reparu Garmin le Brave depuis des siècles, depuis l’hiver.

Crescendo, final, apothéose. Voici que déferlaient sur le trône de la Rochepont ces confessions tant espérées par l’Humain aux rudes pensées.
Il était midi dans l’esprit du Nain.

- Fier Comte, Brave Maître d’Arétria la douce, les Nains viennent aujourd’hui implorer votre aide contre les armées dupées de nos frères. Si trois régiments déjà se sont ralliés à notre cause, vastes sont encore les garnisons fidèles au Roi évanoui. Mais il est, dans vos champs et vos plaines, et sous les ardoises de vos granges aux larges flancs, les plus fiers destriers de toutes les Baronnies sous le Soleil, et la meilleure des cavaleries pour brandir lances et fléaux tournoyants. Que votre blé et votre pain à la belle renommée atteigne les coteaux de nos bastions, et le Royaume du petit peuple sera tout acquis à notre force.
Et si Arétria venait en cette heure délivrer Kirgan de son joug de bâillon, il ne serait plus un seul jour sans que les lourdes caravanes des Nains ne trouvent leur voie jusqu’à vos douces contrées, armant vos légions des plus féroces armes et ferrant vos étalons de nos plus habiles artisans, pour la grandeur du Comté d'Arétria et de son Souverain.
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeMer 14 Juil 2010 - 14:26

Si Anseric n'appréciait guère que les eunuques ne vinssent se mêler de politique, le Haut prêtre semblait n'en avoir cure. Mieux encore, il alléguait allègrement la somnolence du royaume nain, le présentant comme un met de choix, dont il fallait se sustenter prestement. Un brouet fort appétissant, qui, s'il était avelé, vous remplirait l'estomac à satiété.

Plus renfoncé que jamais dans son trône de granit, c'était la vraie nature d'un Anseric prédateur que les flammes révélaient ; dans l'obscurité de la pièce, le feu de l'âtre coulait sur l'armure du guerrier, et son visage dur était devenu une face cramoisie. Sur ce faciès de djinn ardent trônait deux yeux perçants, qui, quoique mi-clos, perçait le nain de part en part. En vérité, c'était lui même que ce dernier avait offert. Ainsi tout ouvert, tel une huître, il était à la merci de l'Arétrian, qui pouvait en disposer selon son bon vouloir, après de telles paroles.

Le Chevalier au Goupillon fit durer l'instant, d'un reniflement qui devint une quinte de toux, avant d'entreprendre son discours. « De pareils mots témoignent à merveille la révolte qui gronde dans le cœur de vos frères, maître nain, entamma-t-il. Riant sous cape, Anseric désirait avant tout ne pas braquer le frondeur. et votre vindicte témoigne bien de l'avilissante apathie du monarque. »

Si cela semblait doux et ouatiné, le verbe n'en était qu'intrinsèquement mauvais et gluant. L'Arétrian aurait pu dès à présent engeôler le nain, et par la suite s'en serait gargarisé auprès de son roi, pour recevoir une récompense. De quoi obtenir plus ou moins les mêmes bénéfiques que ceux allégués par le félon. Cependant, plus qu'un modeste gain, le seigneur voulait connaître les fondements de l'histoire. Assuré d'avoir le nain en son pouvoir, l'humain ferait durer l'interrogatoire. Car hélas pour son compère, qui s'était bellement fourvoyé, Anseric n'était pas plus porté sur le régicide que son peuple n'était cavalier.

« Mais maître nain, vous qui semblâtes tant épris de kabbale, dites moi quelles fûtes vos idées, lorsque vous vîntes quérir mon aide. Vous semblais-je d'un bellicisme égal au vôtre, vous qui usez si bien qu'une alliance pour justifier ce qui demeure être un crime et une félonie ? » Plus que vraiment le menacer, l'Arétrian souhaitait avant tout rappeler au au petit être que, quelque soit la justification, sa proposition restait des plus ignominieuse. Il lui proposait, au prix de quelques retombées, d'économiques, d'éconduire un Roi su séjour des morts. Une telle margoulinerie pouvait lui valoir la potence, si ce n'est plus, l'immolation. « Mais après tout, lorsque le peuple souffre, n'est il pas notre apanage que de l'aider ? ajouta-t-il, balayant l'air d'un soufflet. L'Arétrian souhaitait se montrer complice, tel un oncle sympathique auquel on confesser ses erreurs, avant d'aller voir le prêtre. c'est ce à quoi j'aspire : une vie heureuse, des gens non moins. Ne serait-ce que souffrances pour mon peuple, si je vous suivais dans votre croisade ? Ma modeste terre ne saurait vous y aider, et je ne saurais porter l'affliction d'avoir laissé pareille félonie se faire. Pourquoi cela ? »



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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeMar 20 Juil 2010 - 23:56

Dun Eyr partit soudain d’un rire tonitruant, un inextinguible rugissement qui roulait et revenait sous la voûte de pierre, un tonnerre de joie et de larmes d’abondance mêlées, un vaste rugissement à décrocher les étoiles qui ne chantaient point. Toute l’obséquieuse gravité du manoir semblait gronder et tonner contre le Nain aux larges joues fendues de gaieté, et qui se tenait les côtes face au hiératique Suzerain des lieux.

- Les Fils d’Hommes resteront toujours les Fils d’Hommes, frère du Sud !

Il y eut un bref instant d’étrange silence, durant lequel les tristes sires de la garde d’Arétria contemplèrent les rires déversés par les larges mâchoires du Nain, lui qui insufflait à la vieille pierre aux rances fragrances un éclat de joie pétillante, de bonhommie tout Nanesque. Puis le calme des gothiques forteresses revint entre les murs, mais nul sérieux sur le visage du Nain.

Mi-affamé, mi-exténué, Dun Eyr laissait planer un regard enchanté sur les lourdes figures de l’Arétrian et de sa garde aux rudes silences, et le sourire transparaissait dans la voix du Nain lorsqu’il reprit la parole sous les pierres :

- L’on professe trop que les Elfes sont maîtres de sagesse, car c’est bien dans les Comtés des Fils de la Péninsule que s’amassent les trésors d’esprit de votre peuple, Noble Sire. Et je vous vois qui tracez les larges visées d’un grand suzerain et d’un sage stratège aux vastes pensées, pour ainsi vous enquérir du bien de nos deux peuples ; et il n’est que ma déférence pour saluer votre bravoure, Sieur de la Rochepont.

Le Nain jubilait, et ses doubles joies s’en trouvèrent décuplées lorsqu’il put plier sous son sourire toute la courte silhouette de son corps des montagnes, pour en une profonde révérence rendre hommage au maître de la contrée alentour.
Pourtant, lorsque Dun Eyr releva les épaules vers le trône comme le grès, une fière lueur baignait son regard aiguisé par la faim et la poussière des chemins de traverse.

- Toutefois, Maître dresseur de chevaux…

Et c’était là la belle grandeur de la race Naine qui hantait le brave héraut, et son souffle brûlait lorsqu’il lança ces quelques paroles au visage figé en sa roche :

- Les Fils de la Boue et les Fils de la Pierre ne s’allient que s’il y a honneur et éclat en leur cœur, Monseigneur.

D’un bond – bien surprenant pour le fou ne connaitrait pas les Nains – le Haut-Prêtre se rejeta loin du trône, sous le regard des colonnes taciturnes, et, à douze pas de la Rochepont, sa large silhouette dépliée sur le silence des murs, Dun Eyr tira de ses besaces une courte lame du meilleur airain pour la jeter sur le sol de pierre froide.
Le métal cingla rudement sur la roche d’en-bas, et l’écho se répercuta en longues déliquescences de marbre.

Ceci était très exactement ce que les Nains nommaient un défi de bravoure.

La Haut-Prêtre délaça sa capeline ocre, laissant choir la bure loin de lui, pour dévoiler son ample robe d’adepte surmontée de ses deux yeux placides comme les forêts de loups, et d’un sourire dévastateur esquissé par des dents comme des pierres tombales :

- Que l’Arétrian ou le champion de ces terres s’avance, et il sera jugé sous Mogar si les Nains peuvent partager la chère des braves.
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeJeu 22 Juil 2010 - 18:23

« Peste soit des nains. » c'était à peu près ce qu'il y avait à en retirer. Passant de la flagornerie la plus obséquieuse à une impudence sans nom, le petit être dévoilait là un caractère on ne peut plus taciturne. Il louvoyait, renardait, puis s'ébrouait et caracolait, avant de terminer fier comme un coq, quand bien même ses pattes étaient dans la plus infecte fange - ce qui pour un nain, devait d'autant plus désagréable.

Aimant se désigner comme un "modeste seigneur aux ambitions honnêtes", chose qu'il n'était - heureusement - pas, Anseric avait fait preuve de bien plus de largesse à l'égard du Haut-prêtre qu'il ne l'eut témoigné envers un de ses petites gens, et c'était normal, cependant, les pitreries dudit Haut-prêtre, que l'on aurait aisément imputée à un rodomont de base étage, et non à un clerc, avaient mise à mal la patience du Comte. Derrière ce reître aux allures vaguement chamaniques se cachait en vérité un matamore de la pire espèce.

Comment pouvait en témoigner l'exécrable grimace qu'arborait Anseric, l'air de dire "Je vais te me le....", ce qui n'était initialement qu'une entrevue, quelque peu brumeuse, devenait une entourloupe grandiloquente, chose ne seyant point au Comte. Non content des quelques murmures rampants au sein de sa coterie, l'homme jeta au sol un calice doré, et il s'en fut de peu que le vin ne vinsse tâcher la houppelande nanesque. Avec un certain sens théâtral, dont il se plaisant à dire qu'il était l'apanage des grands, l'homme ponctua la scène d'un crachat, qui assura à l'autre en face ses intention on ne peut plus pacifistes.

« S'il est vrai que j'ai pu croire un instant que vous fussiez un nain honorable, il m'apparait désormais que vous demeurez être un fier-à-bras rare par la témérité. lança à brûle-pourpoint un Anseric impavide et vous qui témoignâtes tant d'instance, quand à vouloir vous lier au pays Arétrian, je puis vous garantir que vous en aurez au moins le goût de son terreau. »

Peut-être une rencontre était en pays nain prétexte à un duel, mais de telles pratiques n'avaient cours en l'Arétrian, où pourtant l'ordalie était tolérée avec plus de largesse qu'ailleurs. Cependant, et cela, le nain devait sûrement l'ignorer, on réglait tout autrement les différends, dans le boueux terreau. Il y avait en ce pays force traditions, issus de l'antique primitivisme. Les combats rituels étaient légions, et il n'était un seul village sans son aire de pancrace. Il était de coutume qu'on abreuve abondamment la terre avant les combats, lorsque les pluies diluviennes ne s'en chargeaient point. Et si d'aucuns, souvent extérieurs au comté, jugeaient ces agissements sauvages, les grands
pancratiaste, eux, demeuraient être des hommes respectés, et des combattants plus qu'émérites, à la guerre.

Ne faisant point durer la provocation, l'Arétrian leva son séant du granit, dans un grincement strident de métal. Prenant la tête d'un cortège réunissant ses huskarls et son adversaire, ils quittèrent la modeste chapelle pour se rendre dans la baille. Après que le groupe nain ne les eut rejoint, ils déambulèrent dans quelques menus couloirs, au sein de la citadelle, débouchant sur une une cour cloîtrée. Prestement, quelques pages vinrent délester le comte de sa plate, si bien qu'il fut rapidement nu, et se jeta dans la cour.

C'est ainsi que, lui ayant laissé le soin de se dénuder, l'Alcide attendit son adversaire, la pluie ruissellant sur sa peau, et ses jambes engoncée dans plus d'un pied de bonne boue Arétrianne.


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Dun Eyr
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeSam 24 Juil 2010 - 15:17

Des couloirs, des dédales, des colimaçons... Quelle démence que les architectes Humains, songea amèrement Dun Eyr.
Partout, ce n'était que murs vertigineux, pilastres engoncés en ces murs, froideur gravée sur ces pilastres. Le silence et la brume, le murmure de la torpeur, des escaliers sans âme, de glaciales galeries gorgées de néant, et la lumière blafarde d'un monde sans ciel. Ce n'était pas la rouge splendeur d'une Kirgan peinturlurée de Nains, ce n'était pas l'ocre opulence d'Almia aux mille trésors ou des belles forges rugissant sous Lante et ses fourneaux. Ce n'était qu'abîme et dévastation, les pierres fendues par l'utilité, les châteaux bâtis sans âme.
De rudes colosses que ces bâtisses, se dit le Nain, mais de la pierre morte sur les collines.

Les mornes songes de Dun Eyr passaient dans son cœur embrumé, et toute la roche de ces lieux n'était plus que glace, lorsque, au détour d'une galerie tracée à la hache, parurent les fidèles Nains. Ils étaient tous là, vingt-huit des plus braves compagnons, embrasant la triste lumière arétrianne de leurs capes de feu, les rousses crinières flottant sur les capuchons de rude cuir, et à leur tête marchait Thori-Korun l'Amiral, les yeux perlés de bleu. Cet étrange capitaine de la flotte naine, cet infatigable chasseur d'ours, cet ami des Elfes, était bien le plus étrange des Nains que Dun Eyr eût jamais croisés en ses montagnes, et ce fut d'une grande accolade qu'il le salua une fois encore entre les murs délavés de tristesse.

Le noble voix de Thori-Korun vint doucement heurter les oreilles du Haut-Prêtre, alors que cheminait le convoi des Nains vers l'improbable poterne du dehors.

- Où nous mène ce mal-grandi ?
- Peu importe. Ce n'est pas un brave, pas même un demi-brave, rien qu'un vieux loup offensé dans sa tanière.
- S'il y avait lutte...


Un simple acquiescement, dans la broussaille de leurs barbes, et plus un mot ne vint flotter autour des deux Nains. Trop de sentiers, trop de traques pour ces deux frères des cimes, et Dun Eyr savait que, si ces fils de la boue avaient raison de lui, une hache viendrait promptement redessiner le rictus de l'Arétrian.


Voilà que s'élargissait la clarté d'un vieux jour, et sur une cour pavée de fange se peinturluraient quelques ombres sans grâce dans un décor de sombre bourgade crachée par les brumes. De mornes oiseaux, des nuages crevassés de fatigue, un ciel cave et alourdi de sanglots sans éclat.
Et par-dessus ce caveau des espoirs, venait agoniser une pluie torve, pas même battante, pas même tourbillonnante, mais tombant comme rêve sous les citadelles de crasse.
Arétria la Splendide.

Là-bas se dénudait le Comte à l'honneur bafoué, et il fulminait sous les reliquats de ses nuages éventrés par les brumes. A quelque vingt pas de là, Dun Eyr contemplait ses Nains sous les cieux de grisaille. De fiers hérauts des cimes, d'infatigables compagnons de guerre et de taverne, des seigneurs aux barbes d'acier, et braves au-delà des monts. Ceux-ci patientaient tranquillement sous le crachin de ces terres, l'œil vif et pétillant de malice, tandis que se mouvait l'assoupissant ballet des huskarls engoncés dans l'obséquieuse lenteur de leurs armures.
Englouti par la masse des siens, sa courte stature avalée par les plus grandes des silhouettes du petit peuple, Dun Eyr retroussa la manche de son surcot jusqu'à révéler son bras entier, et il tira un long stylet de sa besace. La dextérité du Prêtre, doublée de la méfiance du Nain égaré le repaire des hyènes, entailla largement la peau tannée d'une pointe sans dent, et fit courir sur la chair du Nain les longues arabesques de la parole runique. Quelques gouttes de sang, soupirant aux commissures des œuvres, vinrent perler sur le bras et se mêler à la pluie, rubis ravis par les saphirs.
D'un sourire, Dun Eyr se délesta de ses lourds habits de voyage, et parut nu aux abords de la flaque de boue, la pluie coulant le long de ses épaules tout à fait nanesques.
Un denier regard à Thori-Korun, et le Haut-Prêtre plongea dans la fange gelée de ces rustres Arétrians, noyé jusqu'aux cuisses dans la pâteuse ordalie, tandis que ses doigts frôlaient la surface baveuse de cette mare. Là s'avançait le Comte, dans sa carcasse aux muscles bandés, et Dun Eyr, à six pas, lui sourit. Tendrement.

Cela ne devait pas être bien plus difficile que le pugilat des Nains...
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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeMer 18 Aoû 2010 - 23:45

Se penchant lentement vers le sol, l'Arétrian ramassa dans ses mains deux plâtrées de glaise. Il s'en badigeonna le corps et la figure, revêtant l'originelle tenue. L'homme, recouvert d'argile, darda alors son adversaire d'un regard goguenard, comme s'il eut su les aboutissants de ce combat. En vérité, ç'aurait été folie de la part du nain de croire pouvoir ici triompher ; il était l'étranger à la boue, et, s'il avait autrefois combattu sur le sol, ne pouvait se vanter d'avoir éprouvé un adversaire, ayant les jambes sous un pied de fange. Le prométhéen, lui, s'en gaussait d'avance ; il aimait la victoire, et ne l'avait certes nullement modeste.

Libre dans ses mouvements, au contraire du nain, entravé dans la boue, Anseric leva une de ses musculeuses échasses, et en fit cadeau au poitrail de l'autre ; de tout son poids, l'Alcide fit choir dans une grande giclée gadouilleuse son adversaire. L'homme tressaillit du rire bête qu'on impute aux ivrognes, et tira hors de la glaise un nain désormais aux couleurs arétriannes.

« Vous m'appelâtes fils de la boue, nous voila frères ! » Lança-t-il, avant de replonger la tête de son nain dans sa fange. Il s'ensuivit un burlesque pancrace, où, tour à tour, l'un terminait sa course la tête glaiseuse, dans l'hilarité la plus totale. Anseric e se lassait d'envoyer ainsi son adversaire à terre, avant de lui même basculer dedans, emporté dans son élan. L'homme harassait aussi bien le nain par ses gestes que par ses mots, et il ne fut aucun doute que si le Huttin ne lui avait pas barbouillé la bouche de terre, maître Dun Eyr aurait lui aussi juré.

« Vous vouliez le soutient du terreau Arétrian ? Vous en avez à l'aulne ! »

Tout colosse qu'il était, le Prométhéen fut éreinté par ce violent pugilat ; il avait soulevé poi plus poi moins deux douzaines de fois la carcasse du nain, avant de la rejeter dans la terre ; son dos était dolent. Autant devait l'être celui de Dun.
L'hilarité du combat avait laissé place à une certaine appréhension ; des hommes et des nains on hésitait encore de la conduite à tenir ; d'aucuns souhaitaient que l'on se mette à table prestement, comme ce fut promis, d'autres désiraient quant à eux se battre galamment. On en convint qu'on irait se plonger dans un baquet d'eau, après quoi, on mangerait frugalement.



Une demi douzaine de porcs furent mis à rôtir, ainsi qu'une bonne trentaine d'anguilles, à moult gran fuisson de verjus.

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MessageSujet: Re: "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric]   "Qui chevauche si tard dans la brume et le vent ?..." [Anseric] I_icon_minitimeSam 11 Déc 2010 - 0:31

Badigeonné de boue sur tout le corps, enduit de crasse des mollets velus aux sourcils touffus, noyé sous le bonne glaise Arétrianne, Dun Eyr vint échouer sa carcasse éreintée sur le rebord de l’arène fangeuse, et souffla en grognant dans l’air froid. Le bon Comte avait dévasté les forces de notre petit Nain déjà vermoulu par les voyages – et si ce pugilat à l’Arétrianne était bien animal, le Haut-Prêtre ne pouvait que lui reconnaître de vraies valeurs de lutteurs. Déjà son esprit tambourinait en tous sens, et il réfléchissait à exporter vers les Mines des Nains ce pancrace d’Humains ; avec de la rude cendre de volcan pour tenir la place de la boue, ces petites luttes pourraient vite devenir fort populaires parmi les excavateurs de Kirgan…
Et si une chose était dès lors bien acquise, c’est que ce grand buffle d’Arétrian qui se décrassait auprès de ses pages était, et sans conteste possible, un brave – et pas des moindres. Un vrai colosse, un seigneur à l’ancienne.
D’un coup d’œil amusé, Dun Eyr vit quelques Nains en pagne contempler avec soupçons la mare de boue, et y tremper un orteil frileux avant que d’y plonger. Quelques solides gaillards de l’Arétria les attendaient de pied ferme – façon de parler – et déjà jaillissait Thori-Korun pour distribuer à l’envolée des roustes tout à fait Naines.

Pendant ce temps, Dun Eyr fut conduit jusqu’à une table fort frugale tout à côté – frugal semblant une idée inconnue des Arétrians comme des Nains, le Haut-Prêtre se retrouva bien vite devant des montagnes de viande rôties à la chair, et n’hésita pas à y plonger les mains pour repaitre son grand estomac de Petite Personne épuisée par les routes et la boue. Le repos des guerriers, attablés à une riche table noyée sur la bonne chère, voilà qui allait effacer les petites brouilles du début de la journée, et permettre à ces deux esprits-forts de trouver un terrain d’entente – un autre que le champ d’honneur, s’entend.
Happant un fier jarret de porc, Dun Eyr l’éperonna d’un grand coup de mâchoires, croqua, avala, et lança à l’Arétrian tout proche ces quelques mots englués dans la barbaque de cochon.

– Seigneur Anseric, mes Nains sont bien épuisés par la grande route que nous avons courue jusqu’à vos portes, et une bonne écurie fournie de doux fourrage leur suffirait à dormir pour quelques siècles. Mais plus encore, ce sont les grandes mines de vos terres qui sauraient les ravir ; et si ces deux douzaines de Rejetons de la Roche pouvaient tirer la pioche contre quelques pierres de fer, de belles haches à larges tranchant iraient bientôt jaillir des forges de vos collines, là-bas dans le Nord et l’Est de ces contrées

Un petit instant passa dans un silence écrasé, et pas même un sourcil n’avait frémi sur la vaste figure de cet Anseric – alors le Nain crut bon d’ajouter :

– Et la moitié de leurs pioches et forges viendraient alimenter vos nobles armées en belles trancheuses de facture Naine, tandis que quelques-uns pourraient bien vous redécouper la silhouette de quelques citadelles de l’Arétrian, cela va sans dire. Tout ce qu'il leur faut est une bonne montagne, du rude minerai et quelques fourneaux et feux.

D’un coup de pogne assez habile, Dun Eyr arracha quatre côtelettes et les porta goulûment à sa grande bouche pleine de voraces dents ; spectacle peu ragoûtant, certes, mais notre Haut-Prêtre semblait se régaler à grandes baffrées.
Et pourtant, les doigts dégoulinant de sang de porc, ce n’était pas sans anxiété que Dun Eyr attendait la réponse de l’impassible Comte au visage comme pierre.
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