[EGA] Quand le Voile s'étend sur Miradelphia

Ils étaient Cinq, et chacun choisit sa terre, y imposèrent leur loi et la changèrent à jamais. Ils étaient Cinq, cinq divinités, cinq puissances contre lesquelles un mortel ne pouvait que ployer. Et ils ployèrent, pas milliers. Ils succombèrent à cette présence plus grande que tout le reste. Si bien que pour tous, et pour longtemps, Voile resterait synonyme de destruction, d’angoisse, de crainte et d’espoirs déçus. Comment prêcher l’amour d’une Mère rejetant ses enfants ? Comment vénérer un Créateur ne faisant qu’exacerber, étirer, dénaturer son Œuvre ? Alors que le soleil, enfin, parvenait à déchirer le linceul d’obscurité, la vérité éclatait. Entre Façonneurs et façonnés, le fossé serait long à combler.

Mais qu’avait donc déclenché le Voile ? Pourquoi le ciel, au mépris de l’ordre naturel ancestral, était-il resté sombre un mois durant ? La réponse se cachait dans le cœur des Dieux, ou plutôt d’un seul. Un cœur rongé par une soif de liberté intacte, prisonnier d’une île que d’aucun qualifieraient de mythe. Profitant d’une chance longtemps attenu, Arcam s’était lancé dans une entreprise inédite. Quand il eut terminé son Œuvre, il n’y avait plus d’île, juste le corps de son Gardien, entièrement et indéniablement sien. Ce qu’il n’avait pas prévu, c’était l’Equilibre qui régissait Miradelphia. Qu’un revienne, et serait proclamé le Retour des Cinq.

Kirgan n’est plus. On peut apercevoir ça et là quelques ruines, souvenirs éparses de ce qui fut l’une des plus grandes cités naniques jamais crées. A la colère de ses habitants a succédé la lave, monstre vorace dévorant tout sur son passage. A Almia, les lances gobelines délimitent les frontières de ce qui avait été une cité. Ailleurs, le constat est similaire, même si les raisons varient de cité en cité. Le Royaume de Feu Garmin le Vengeur n’est plus qu’un vaste champ de ruines, où s’entassent pêle-mêle restes de bâtiments et dépouilles abandonnées. La colère n’est plus, ne reste plus qu’un désespoir mêlé de fatalité. Trahis par leur Père, traîtres à leur Créateur, les nains n’ont plus pour eux que leur opiniâtreté légendaire pour faire face à leur cruel destin.

Fuyant au Sud, les survivants se massent à Lante, depuis longtemps sous gouvernance naine. La situation de la ville est cependant difficile : seule rescapée du Royaume nanique, elle n’en fait pas réellement parti, et entend à ce que cela reste ainsi. Reste au général Hardrek Ironwist de faire un choix : rester ou faire demi-tour, et tenter de se réapproprier les terres délaissées. Une page de l’histoire nordique vient de se tourner, une nouvelle s’ouvre, mais il manque l’encre pour l’immortaliser dignement.

Relativement épargnée par la fureur de Néera, Diantra se réveille d’une longue nuit d’attente avec un Royaume hagard. Là où l’influence de la Déesse s’est faite la plus forte, on ne compte plus les morts tragiques et les miraculés inespérés. Mais plongés dans un enfer de lumière et de son, ceux qui n’ont pas pu rejoindre une terre plus hospitalière était devenu pour la plupart fous. Prophètes, pour les masses impressionnables, qui voient en eux des élus touchés par la Déesse. Hérétiques, pour ces mêmes fidèles, qui ont vu leur Foi réduite à néant par une colère qu’ils n’ont ni anticipée, ni supportée. Dernier coup porté aux foules humaines, les récoltes qui s’annoncent généreuses ont subi de plein fouet le manque de lumière, et on craint désormais une famine inévitable.

Au Nord, les masses innombrables du Prophète s’agitent, ployant sous les attaques toujours plus nombreuses des armées Odéliannes. Malheureusement, l’homme à l’origine du mouvement fanatique n’a pu être arrêté, et encouragés par ce symbole insaisissable, toujours plus nombreux étaient les convertis. Et déjà, alors que la Déesse quitte finalement cette terre qu’elle a jadis peuplé, on murmure que le Prophète lui a parlé et, qu’élu, il revient parmi ses ouailles.

Depuis l’avènement des races mortelles, il a été le Délaissé. Celui qui, pourtant, est à l’origine de toutes les sociétés n’a jamais trouvé terre sur lesquelles régner. Libéré de ses chaînes, Arcam a pu installer sa Cour, dans ce qui a été le théatre sanglant de son Œuvre exacerbée. Ainsi, rassemblé à Naelis, le Culte du Prisonnier s’est lancé dans la construction d’un Temple en son honneur, dans le Cœur Historique de la vieille cité. Dans les consciences d’Ithri’Vaan, bercées par le Chant, une adoration certaine a germé.

Lui-même éprouvé par la présence divine, en contradiction avec les projets d’Arcam, les jours de Feriwyr à la tête de Naelis étaient comptés. Les deux êtres n’ont que peu de chance de cohabiter pacifiquement.

Les Elfes regardent Anaëh d’un œil nouveau. La Forêt est sortie de son silence. Incarnée en l’Estel, l’arbre d’espoir qu’elle avait offert à son peuple un an plus tôt, Kÿria a renoué avec son Œuvre et lui a rendu sa gloire d’antan. Partout, les racines ont mordu les pavés, les lierres ont dévoré les habitations isolées, et la Symphonie des Arbres résonne de nouveau aux oreilles des plus sensibles. C’est un véritable âge d’or qui semble s’ouvrir, ou du moins la possibilité existe. C’est sans compter les drows, toujours plus puissants au sud. Yutar n’a plus d’ennemis, et lorgnent sur les frontières jusqu’alors épargnées de la Prime Forêt.

A l’intérieur même du peuple elfe, les dissensions naissent entre ceux qui demandent l’abolition des cités-pierres et ceux qui ne voient aucune raison de changer un mode de vie vieux de plusieurs millénaires. Les yeux se tournent vers le Conseil des Seigneurs Protecteurs, resté encore muet sur le Voile, et sur le Culte de Kÿria, dont la voix discrète ne s’est pas faite entendre depuis trop longtemps. Où est la Gardienne, demandent certains.

A l’Est, la vie reprend son cours normal. Les Terres Stériles respirent de nouveau. La mort s’en est allée, laissant un grand vide dans ces terres désolées. Les nomades pleurent les disparus, ceux qui ont quitté ce monde en même temps que Tyra, et les drows retrouvent la lumière du soleil avec un mélange de déception et de soulagement : la situation revenue à la normale, pensent-ils, leur éternité ne sera plus remise en cause. Ils ont en effet arrêté de compter le nombre de morts inexpliqués et inexplicables.

Tout naturellement, le peuple sombre se tourne vers la Péninsule et Anaëh. Ellyrion tombé, les espoirs se portent sur Yutar. D’avant-poste, l’ancienne forteresse humaine prend des allures de fer de lance.

Il tenta de le cacher à ses frères et sœurs, et y parvint même pendant un temps, mais il n’était un regard qui pouvait dérober quoi que ce soit à quatre, si bien qu’ils finirent par comprendre et y remédièrent. Esseulé, il ne put que s’incliner et ainsi se termina le Voile. De sa défaite vint la renaissance du soleil, et la naissance d’un nouvel astre.

Immobile et diaphane dans le ciel, trônait un nouvel astre. Une lune aux discrets effets dorés, que d’aucun appelleraient sans doute la « Demeure des Dieux », révélée par leur retour sur Miradelphia.

[Allez, Arthur, c'est à ton tour de poster ta fiche !]