Retrouvailles prophétiques | Faustine

Sujet: Retrouvailles prophétiques | Faustine Mar 30 Nov 2010 - 23:37

Au loin, Loup pouvait apercevoir les lumières tremblotantes des braséros d’Escault. Juché sur sa selle, il ne savait pas s’il devait se réjouir de ce caprice du destin ou maudire Néera pour l’avoir emmené exactement où il avait tant voulu se rendre, avant que n’éclatent les troubles liés au Prophète. Ce maudit… Insaisissable comme une anguille. Loup avait cru l’avoir, la semaine passée, pour se rendre compte qu’il n’avait fait que massacrer une nouvelle pléiade d’odélians fanatisés. S’il y avait eu un homme qu’il aurait voulu tuer, c’était bien celui-ci, et lentement. Le regard assombri, il demanda à ce qu’on commence à monter le campement. Ordre égoïste d’un homme profitant de son droit de naissance, ils auraient pu en effet continuer encore quelques heures, mais il y en aurait peu dans les rangs pour lui en tenir rigueur. La vie d’un soldat n’était pas facile, mais devoir enchaîner les attaques dans l’obscurité était proprement épuisant. Le premier reflexe fut d’ailleurs d’allumer une multitude de torches, qui agressèrent les yeux fatigués du maître d’Assar.

« Escault doit déjà être au courant de la menace que représente les fidèles du Prophète, fit-il remarquer à l’homme à ses côtés, mais j’irai tout de même. Ils pourraient craindre à des agresseurs. La Dame de ces lieux est une vieille amie, ne m’attendez pas. »

N’ayant rien à ajouter sinon un léger sourire amusé – il connaissait la réputation de l’homme qui lui donnait ses ordres –, l’homme se contenta de hocher la tête avant de s’en aller participer à l’établissement du campement. Si bien que, s’élançant seul, Loup de Rochefort disparu bientôt aux yeux de ses soldats.

******
« Dites à votre maîtresse que Loup de Rochefort attend à ses portes. »

La voix était claire, le ton altier et rien dans son regard ne trahissait l’étrange frénésie qui l’agitait. Les roueries du Voile l’avaient tenu à l’écart d’Escault pendant près d’un demi-mois, et pourtant, il n’avait pu oublier Faustine. Comment l’aurait-il pu ? Il ne se souvenait que trop leurs ébats, leur ballet interminable, laissé en suspens mais qui n’attendait que de reprendre. Ce n’était pas de l’amour, ce n’était pas non plus du désir, c’était autre chose. Il avait goûté à ses crocs, s’était laissé aller dans ses griffes. Elle était dangereuse, pour lui plus que pour quiconque, car il lisait ses mensonges et tentait de s’en jouer. Ce n’était pas de l’amour, c’était une forme de folie. Un plaisir interdit, celui de courir au devant du danger plutôt que de le fuir, celui de le côtoyer et d’y survivre. Une relation incroyablement destructrice, mais aussi incroyablement rassurante. Car il savait que, quoi qu’il arrive, elle serait là.

Démontant, il regretta de ne pas s’être défait plus tôt de sa cotte de maille. Non pas qu’il ait une quelconque envie de cacher ce qu’il pouvait être à Faustine, et il était un homme de guerre autant que du reste. Mais au vu de ses dernières rencontres avec la maîtresse de céans, il se doutait que sa protection métallique serait un gène plus qu’un salut. Il sourit en imaginant sa réaction quand elle le verrait, il était en effet nettement moins présentable qu’à ce qu’elle pouvait être habituée.

« Dix souverains qu’elle me force à prendre un bain », murmura-t-il avec bonne humeur.

Pitié qu’était l’ignorance des hommes crédules ! Faustine était agacée, énervée par ces troubles qui agitaient ses terres. Fanatiques aveugles qui prônaient le retour des dieux et se proclamaient de ses Elus. Idiotie ! Cependant, Faustine avait du faire doubler sa propre garde, sans compter celle qui patrouillait avec plus de zèle. Les ordres étaient simples cependant, les fauteurs de trouble devaient être arrêté. Elle ne supporterait pas de voir la tranquillité de ses terres corrompue par je ne sais quelle aberration ! Bien que juste avec ses gens, Faustine n’en demeurait pas moins ferme. Pierrick parcourait les chemins, oreille attentive et de ce fait, elle savait a peu prêt tout.
Néanmoins, le manoir semblait fébrile, les troubles rendaient les gens nerveux, même elle n’était pas en reste bien que cela ne se traduisit pas par de la peur aveugle, mais plus par de l’énervement. La nuit semblait éternelle et peu à peu, certain en perdait le sens du temps.

Au dehors, les gardes tenaient a l’œil les portes du domaine, leur nervosité faillit avoir raison de la plus élémentaire politesse lorsqu’un cavalier se présenta au devant d’eux. Cependant, la voix forte et empreinte d’autorité sembla doucher leur apparente agressivité. Il le laissèrent passer.

Elle était assise a son bureau, l’œil rivé sur des lettres de doléances, de plaintes, suintant la peur, derrière elle, l’âtre ronflait doucement. Elle en avait assez de ses lettres qui dansaient devant ses yeux. La fatigue c’était faite omniprésente ces derniers temps et ce, malgré le sommeil qui restait fort clément avec elle. Doucement, elle se massa la tempe, luttant contre l’endormissement qui la guettait quand un coup frappé a sa porte lui fit ouvrir les yeux.

« Oui ? »

Son intendant passa la tête par l’embrasure de la porte et Faustine fronça légèrement les sourcils.

« Qu’y-a-t-il ? »
« Le Seigneur d’Assar se présente a votre porte Madame… »
« Faites le entrer. »
« Mais Madame… »

Faustine sourit légèrement en entendant le ton plus que réprobateur de l’intendant, mais le congédia d’un geste de la main. Il serra les dents et se retira. La Belle d’Escault se leva avec, au cœur, comme une étrange fébrilité. Elle aurait pu le faire attendre, juste coquetterie, mais elle n’en eu pas envie. Le temps avait filé depuis leur dernière rencontre, trop peut être, mais elle n’avait pas oublié. Dieux qu’elle aurait aimé d’ailleurs, mais cela ne lui était pas offert. Une étincelle agacée s’alluma un instant dans ses iris bleues avant qu’elle ne s’éteigne sous un feu bien plus grand.

Elle força son pas a n’être que langueur et lenteur mais devait bien se rendre a l’évidente constatation que ces nuits restaient étrangement vides. Sa fierté ne s’était pas abaissée a lui rendre visite, maigre consolation lorsqu’elle pouvait sentir dans ses veines la colère et l’envie parcourir son corps alors qu’elle se dirigeait vers le petit salon qui accueillait ses invités. Elle savait sans coup férir qu’aucune oreille indiscrète ne se laisserait aller a l’espionnage, car ici était son domaine, son terrain de jeu, son royaume dirait certains.

« Aurais je vraiment a te forcer ? »

Le rire ondulait suavement dans sa voix alors que son regard s’agitait avec une étrange nervosité. Sa santé lui faisait défaut ces derniers temps bien que parfois, elle semblait s’apaiser. Etrangeté que celle-ci donc elle ne voulait imaginer la cause. L’homme est d’acier, harassé mais envahissait son salon avec une souveraineté qu’elle trouvait particulièrement inacceptable tout en s’en gorgeant. Sa mise était simple, chez elle, nul besoin d’apparat pour rayonner, elle le savait, bien que l’étrange contraste entre la douceur que l’on devinait de sa robe s’imposait avec sensualité a la bestialité de son habit a lui.

« Ainsi donc, le Prophète fait courir le Loup…Une belle traque que voilà n’est ce pas ? »

Ses lèvres s’incurvèrent lentement, suavement alors que le narquois s’invitait dans ses yeux. Mais si seulement tout pouvait être aussi simple.

« Veux tu rester cette nuit ? »

Murmure outrageusement félin qui passa les lèvres rosées de la belle….

Loup ne s’attendait à rien d’autre que le silence. Laissé seul dans un petit salon, pièce si éloignée des murs austères du château d’Assar, mais qui correspondait bien mieux à la dame de ces lieux, il n’avait cru avoir pour seul spectateur que la poussière qui encrassait ses vêtements. Elle n’avait fait aucun bruit pour entrer, ou tout du moins aucun bruit qu’il n’ait pu capter, et il ne put que la laisser admirer sa surprise. Il lui cédait la première victoire, mais avait été pris en traitre. Un rappel qu’il n’ignorerait pas. Aux côtés de la Dame d’Escault, l’esprit alerte risquait trop pour qu’on le laisse se détendre.

« Tout dépend du bain. »

Il n’y avait guère de doute à avoir quant au scénario qui l’attirait le plus. Le regard de connivence et le léger sourire assuré démontrait que l’homme n’avait rien perdu de sa superbe et de son assurance, même après plusieurs jours d’incessantes chevauchées. Il laissa le rire teinter à ses oreilles, aima la façon dont il glissa sur sa conscience, la tirant de sa torpeur. Que pouvait la fatigue contre les sonorités d’une femme épanouie ? Se tournant finalement vers Faustine, Loup put lui faire face et l’admirer. Enfin. Elle était comme une rose, se complaisant dans sa sobriété. Grand bien lui faisait, sa simplicité ne la rendait que plus authentique et désirable. Son regard s’assombrit pourtant, laissant un simulacre de Voile s’installer dans ses prunelles.

« J’ai plutôt l’impression de courser un lièvre prenant un malin plaisir à affoler les souris qu’il croise sur son passage pour me ralentir. »

Il ne répondit pas à son sourire, mais ne s’en offusqua pas plus. Il savait quelle femme elle était, de quoi était fait son être et sa volonté. Lui-même n’avait aucun remord à pourchasser et tuer les masses abêties par les discours approximatifs et hasardeux du Prophète. Bien plus le tourmentait la facilité avec laquelle un homme pouvait en soulever d’autres. Et le faisait réfléchir, aussi. Lui-même avait l’habitude d’être écouté, mais s’il pouvait jamais agiter autant les esprits contre un Comte trop directif, s’en priverait-il ?

« Viendra un temps où les rumeurs ne suffiront plus. Il lui faudra se montrer. Et un lièvre arrêté n’est pas plus rapide qu’une flèche décochée. »

Mais qu’importait le gibier, quand ce qui les animait chacun était bien plus bestial, plus primaire ? Absent du règne animal, pourtant, car la faim qui les rongeait tout deux ne trouvait pas satisfaction qu’en étreintes et unions consommées. Aussi belle fut-elle, la première qualité de Faustine n’était pas son sourire, pas plus ses formes qu’il vénérait pourtant.

« On ne m’attend pas avant le petit matin, aussi pâle soit-il. Ma troupe sous bonne garde, je crains de devoir abuser de ton hospitalité. » S’arrachant à la vision qu’elle lui offrait, il prit le temps de se détailler, et haussa les épaules dans un discret concert métallique. « J’aurais sans doute dû venir vêtu plus convenablement. »

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