Non mais et puis quoi encore! (PV Elya et Trystan)

Si Elya resta impassible face à l'arrivée tonitruante du vieux mage, ce ne fut pas tout à fait le cas du roi qui ne put retenir un sursaut de surprise. Ce fut d'abord une explosion, puis une voix familière mais dénuée de toute chaleur. Le vieux mage semblait... contrarié. Le jeune roi resta un instant interdit devant les paroles du vieux mage : pardon? Lui voler son élève? Était-il en train de remettre en cause le comportement du roi? Oui, cela en avait tout l'air. Estomaqué, Trystan ne trouva rien à répondre tant il trouvait ces accusations... puériles. Oui, voilà, c'était cela. C'était incroyablement enfantin de raisonner ainsi. Le roi était encore libre de s'entourer de qui il voulait et il n'allait surement pas dédaigner l'enseignement d'une elfe qui maitrisait la même sorte de magie que lui. Même si Elya et lui-même pratiquaient peu finalement, parlant davantage de choses de l'esprit. Mais cela aussi faisait partie de l'enseignement.

Mais quand Nakor commença à agresser Elya, le roi retrouva ses esprits, davantage encore quand Nakor se permit de lui faire des reproches. Il se leva d'un bond, soudainement furieux, mais une colère glacée simplement trahie par la tension soudaine de son visage. Mais Elya fut la première à réagir et si Trystan ne pouvait voir ce qu'ils trafiquaient tous les deux, les fluctuations de magie et les bruits lui permirent de comprendre que les deux se faisaient une petite démonstration. Il soupira bruyamment, avant de trancher :

- "Il suffit."

Si la voix du magicien charriait des glaçons, celle de son "élève" n'était guère plus amène.

- "Nakor, je vous serai gré de ne pas insulter mes invités. Ni de pénétrer ici comme en terrain conquis, en démolissant tout autour de vous pour ménager votre effet! Je suis libre de recevoir qui je veux et de recevoir les enseignements de n'importe quel professeur, vous n'avez pas l'exclusivité et plutôt que de vous comporter comme un enfant capricieux à qui on a dérobé son jouet, vous feriez mieux de baisser le ton. Je ne vous pensais pas si jaloux de la concurrence."

Non, il ne pensait pas le vieillard si possessif et capricieux. Ni si mal élevé avec une elfe, princesse de surcroit. Il reprit à l'adresse de la princesse :

- "Je suis désolé, veuillez accepter mes excuses pour cette intrusion et ces paroles, proférées sous le coup de la colère."

Il se rassit finalement, se passant une main sur le visage, sa colère douchée momentanément.

- "Nakor, mon vieil ami, asseyez-vous et de grâce, calmez-vous. La princesse d'Alëandir a le pouvoir de marcher dans les rêves et elle ne fait qu'évaluer mes capacités et m'apprendre à contrôler ce don. Comme vous m'apprenez à contrôler mon autre don. Vos enseignements sont complémentaires et en aucun cas rivaux."

Le roi soupira, se rasseyant et se massant les temps alors que Nakor ne décolérait pas. Il comprenait fort bien les paroles du vieux mage, qui prenaient un sens éclairé alors qu'Elya avait en effet bridé les pouvoirs du roi dés leur première rencontre. Nakor visait-il juste? Elya était-elle là pour saborder son potentiel et l'empêcher de s'en servir? Ce n'était évidemment pas à exclure. Et le roi n'était pas assez naïf pour négliger un avis, même soumis sous le coup de la colère. Nakor avait raison, les elfes étaient des conservateurs et Dyarque en était l'archétype même. Mais tous les mettre dans le même panier n'était-il pas un raccourci un peu trop facile?

- "Vous êtes le premier à prôner l'ouverture entre peuple et à encourager le changement et voilà que vous affirmez que les elfes ne changeront jamais... Étrange paradoxe."

La voix du roi était mesurée et avait recouvré tout son calme, de même que son visage. Il y avait juste une trace de lassitude sur ses traits sévères.

- "Elya, dois-je craindre une quelconque manipulation de votre part?"

Au moins, la question était posée, de façon directe. C'était encore le plus simple avec elle. Elle avait trop tendance à répondre de manière sibylline ou obscure, mieux valait ne pas poser de questions trop alambiquées pour éviter qu'elle ne se perde elle-même dans des considérations qui dépassaient le roi.

- "Nakor, je suis bien des choses, mais en aucun cas, on ne peut me qualifier de naïf. On offre de m'apprendre, je prends et j'engrange les connaissances. N'ayez crainte, vous restez mon Maître préféré."

Il avait mis une petite dose d'humour dans sa voix à la dernière phrase. Elya ne semblait pas du tout vexée par les paroles offensantes du magicien. Il n'avait pas tort : Trystan n'était pas roi, Elya pas princesse, il était l'élève et il se retrouvait le moins élevé des trois personnes présentes, ce qu'il avait du mal à concevoir et même à vivre. Même s'il n'en toucha mot. L'elfe finit par répondre qu'elle n'était pas son père, que ses défauts et qualités n'étaient pas les siennes. De même que ses idées. Trystan soupçonnait la jeune elfe de se moquer de toutes ces considérations politiques. Elle parla alors de la cage imposée. Il n'avait pas tenté de l'enlever depuis un moment, absorbé par les leçons et son travail, accaparant toute son attention. Et finalement, cela ne le handicapait pas tant que cela. Mais alors que les deux autres magiciens s'amusaient à jouer de la réalité avec leurs pouvoirs, Trystan restait prudent avec la magie, ne l'utilisant jamais sans raisons. Il cessa de s'intéresser à Elya et Nakor et se concentra sur le tissage de l'elfe. Il s'y était attelé quelques fois, sans jamais pouvoir le défaire, mais elle affirmait qu'il en était désormais capable, avec calme et concentration.

Il fit abstraction de ce qui l'entourait. Totalement. Il n'existait plus rien d'autre que la magie. C'étaient des tissages, des fils, qui s'entremêlaient de façon simple ou complexe pour former un motif... un sort. Le tissage d'Elya était visible, il suffisait de l'analyser et de le défaire. Cela demandait simplement une puissance nécessaire pour contrer le sort d'une magicienne telle qu'Elya. Ce n'était pas une mince affaire. Il n'aurait su dire combien cela prit de temps, sans doute quelques secondes, ou minutes tout au plus, mais il trouva la façon de faire. La magie du roi se déployait de façon subtile mais puissante. Peu de gens l'avaient déjà vu en user. Il ne le faisait jamais de façon très visible. Pourtant la puissance de ses visions du futur indiquait un énorme potentiel que les sorts classiques offensaient presque. Sans doute serait-il capable de tordre, plier, modeler la réalité lui aussi, de façon aussi spectaculaire qu'Elya et Nakor.

Il fit sauter le verrou magique, non sans ressentir une douleur fulgurante dans le crane, qui lui arracha une grimace alors qu'il pinçait les lèvres. Il poussa un profond soupir et se massa de nouveau les tempes, luttant contre cette douleur qui lui était, malheureusement, un peu trop familière. Elle lui rappelait cruellement celle qui avait suivi ses premières visions, en moins terrassante. Cela passerait. Finalement, retirer cette cage mentale, revenait à ébranler les fondations d'une demeure et à la faire s'écrouler, en s'attaquant aux points stratégiques... ou en retirant une carte des bases d'un château de cartes...

Seul un fin sourire rusé accueillit les paroles de Nakor, alors que le roi l'amadouait de quelques mots. Ce n'était pas un mensonge pour autant, il aimait bien ce vieux mage un peu fou et terriblement puissant et sous ses airs bonhomme, il ne se leurrait pas quant à sa potentielle dangerosité. Le reste de la conversation lui passa au dessus, alors qu'il se retranchait sur lui-même pour briser le sortilège d'Elya. Il y parvint, mais sans doute pas de la meilleure façon qu'il soit au vu de la douleur qui lui vrilla les tempes ensuite. Elya le lui confirma de quelques mots et il hocha simplement la tête. Recommencer... Subir de nouveau cette cage. Cette cage contre laquelle il avait très mal réagi la première fois, alors qu'elle le lui avait imposé sans lui demander son avis. Il ne répondit rien, préférant y réfléchir calmement avant d'accepter une nouvelle entrave.

Etant aveugle, le jeune homme ne pouvait se fier qu'à son ouïe pour garder contact avec le monde extérieur, aussi, malgré la migraine, ne perdit-il pas une miette de la conversation entre Nakor et Elya. Nakor qui s'offusquait de telles méthodes sur lui de la part d'Elya. Il n'avait d'ailleurs pas tort, même si l'elfe était absolument persuadée du bien fondé de ses démarches et ne savait pas remettre son comportement en cause. C'était peine perdue.

La preuve en était de la réponse d'Elya qui le fit frémir malgré lui quand elle parla de tuer Lilianna sans le vouloir. Était-ce réellement possible? Pouvait-il la tuer par une non maîtrise de sa puissance qui semblait erratique depuis qu'il avait perdu la vue et révélé d'autres pouvoirs, hors normes? Il n'en savait rien. Elya dramatisait peut-être... Mais il commençait à connaître ses méthodes et il doutait fortement qu'elle exagéra ou mente pour avoir raison. Ce n'était pas dans sa logique. Néanmoins, elle expliqua en partie où Trystan avait commis une erreur. Et il détestait cela. Il visait toujours la perfection et il ne serait pas dit qu'il resterait sur un échec. Même si cela voulait dire subir de nouveau cette entrave, ce qui pouvait aussi être un piège tiré à sa fierté pour lui imposer la cage de nouveau. Il hocha la tête quand elle lui proposa de lui apprendre un briser une véritable cage. Et si elle pouvait même lui apprendre à en créer une... Il saurait très bien s'en servir contre quelques ennemis.

Il nota les paroles d'Elya concernant cette cage imposée sur un esprit non préparé. De quoi parlait-elle? Elle semblait regretter de ne pas avoir eu les mêmes chances que lui... Mauvaise expérience personnelle? Expliquant son comportement de maintenant? Possible...

Elle revint sur un point plus terre à terre, défendant les elfes, expliquant que si son père était le guide, le peuple ne le suivait pas aveuglément pour autant. Et le roi tiqua quand elle parla de lui comme un tyran. C'était légèrement péjoratif, bien que pas tout à fait faux. Elle revint à la magie, parlant du fait qu'il avait accepté l'entrave. Un sourire ironique se dessina sur les lèvres du "tyran". Accepté était un bien grand mot, elle lui avait imposé tout d'abord et il avait accepté ensuite, un peu forcé. Elle avait une vision intéressante de la vérité et de la réalité.

Enfin, elle proposa un ultimatum à Nakor.

- "J'accepte cet enseignement Nakor. Mais je ne vous en exclue pas. Deux enseignements peuvent se compléter... Vous vous défiez d'Elya, soit, mais combien d'humains peuvent se targuer d'avoir eu un elfe comme professeur?"

Il ne pouvait pas passer à côté de cette chance, de cet honneur, même si Nakor y voyait là une façon de le brider ou de le contrôler. Il voulait apprendre la magie des elfes, la comprendre, y toucher, voire y goûter. Il voulait toucher à tout et il était presque à craindre que le jour où il aurait l'occasion d'apprendre d'un nécromancien, il n'ai guère de scrupules à accepter. Ainsi était la soif de connaissances : sans morale.

Ce qui était fascinant chez le vieux magicien, c'est qu'il était toujours capable de faire de très longs discours, sur à peu près tous les sujets. Malheureusement, Trystan n'en écouta pas la moitié, trop pris par sa migraine et par ses propres interrogations. Nakor avait réveillé quelques doutes chez le roi. Doutes qu'il avait fait taire pour pouvoir prendre tout ce qu'il pouvait prendre de l'enseignement d'Elya. Dyarque ne lui avait pas particulièrement fait bonne impression, c'était certain. Hautain, arrogant, se prenant pour un sage en considérant le roi des hommes comme un enfant. C'était un elfe, un elfe millénaire. Un elfe conservateur qui méprisait les humains. Pourtant, il avait envoyé sa fille enseigner à celui qui les dirigeait tous. Pourquoi? Cette question restait en suspens. Pour contrôler le roi ds hommes? Pour l'aider? Trystan doutait de la pertinence de la deuxième hypothèse.

Quoiqu'il en soit, Nakor n'était pas doué pour la diplomatie et il était fort heureux que la princesse d'Alëandir ne soit pas à cheval sur ce genre de choses. Elle se contenta de répliquer qu'il ne voulait pas entendre et qu'il l'accusait de maux imaginaires. Avant de demander congé. Ou plutôt, de décréter que la leçon était terminée avant de s'en aller, laissant le roi et le vieux mage seuls. Une expression de contrariété se peignit sur le visage du roi.

- "Peut-être devriez-vous l'observer et apprendre à la connaître avant de la juger."

Même si le roi avait passé du temps avec elle, sans jamais réussir à la cerner. Elya était concentré sur son rôle d'enseignante, répondait aux questions de son élève sur la magie. Ils échangeaient à ce sujet, mais tous les autres semblaient proscrits. Il ne cherchait pas à se lier d'amitié avec elle, elle était trop étrange pour cela, mais gagner son respect serait déjà bien suffisant.

- "Ainsi donc, vous allez rendre visite à Dyarque... Et dans quel but? N'allez pas créé un incident diplomatique Nakor. Nos relations avec les elfes sont suffisamment tendues sans aller déclencher un incendie par une petite étincelle."

Le roi secoua doucement la tête, comme indulgent face à un enfant alors que le vieil homme faisait des simagrées vis à vis de l'elfe qui s'en allait. Était-elle fâchée? Ennuyée? Trystan n'en avait aucune idée et il préférait autant ne pas savoir pour le moment. Devoir attendre le bon vouloir de l'elfe pour les leçons était quelque chose qu'il supportait difficilement, lui qui avait l'habitude d'exiger. Il fit d'ailleurs la remarque à Nakor qu'il y était allé un peu fort avec elle, et qu'il aurait du observer avant de juger. Il avait connu le vieux mage moins radical. Il esquissa un sourire quand le conseiller lui rétorqua qu'elle ne voulait pas être connue. Il avait raison, mais sa façon de le dire était des plus risibles. Il était clair que Nakor n'appréciait pas cette elfe étrange. Pour sa part, le roi ne parvenait pas à se faire une opinion à son sujet. Elle était trop inaccessible pour cela et trop secrète, comme l'avait fait remarquer le vieil homme.

Cependant, il ne put s'empêcher de s'inquiéter de ce que voulait Nakor au roi des elfes. Non pas qu'il douta des capacités diplomatiques du magicien mais... Si en fait, il en doutait énormément. Nakor n'avait pas la langue dans sa poche et il craignait déjà ce que ce vieux sacripant pourrait dire à l'austère roi des elfes. Il ne pouvait pourtant pas lui interdire d'aller voir Dyarque. Ses interrogations amusèrent fortement le vieil homme qui éclata de rire, comme il lui arrivait parfois. Comme si c'était la chose la plus amusante qu'il ai jamais entendu. Nakor lui livra alors ses intentions et le roi soupira en entendant son discours si peu flatteur pour le Seigneur des elfes.

- "Vous êtes si cynique... Mais soit, faites comme bon vous semble. Comme magicien, pas comme Conseiller du roi."

Parce que le roi ne l'envoyait pas du tout auprès du roi elfe pour en obtenir quelque chose. Il ne serait pas son ambassadeur et rendrait visite à Dyarque de son initiative personnelle. C'était sans doute mieux ainsi. Déjà qu'il avait insulté sa fille...

- "Vous pouvez disposer Nakor. Bonne fin de journée et bon voyage."

Il ne serait sans doute pas superflu d'adresser une prière aux dieux pour cette entrevue prochaine...

[TERMINE \o/]

Excellent!!!!! Mon roi je t'aime!