[Haut-Temple d'Uriz] Le Senger aux Corbeaux (Senger wun Oreb Tiu'xa)

Par la fente de son casque massif, la cime du Puy apparut aux yeux cramoisis d'Alder'Aak. Après une si longue absence le Senger du 3e ost remettait les pieds dans le berceau de son peuple, l'écrin de roche en fusion qui s'étaient tus pour accueillir ses ancêtres. Si seulement cela lui avait procuré le moindre sentiment, si seulement il en était capable ... Son regard sociopathe se porta sur les flancs grisâtres de l'antique volcan, qui semblaient s'élever contre le ciel chargé de nuages. La route avait été longue depuis Yutar, où ils faisaient besogner avec rigueur ses guerriers. L'étrange cité troglodyte, ressemblait désormais à une forteresse s'extirpant de la roche des plateaux, et bientôt, même un fort comme Ellyrion aurait paru petit à côté. Le Jinburn Xuileb avait reçu une missive cacheté par l'emblème des Naerth, lui indiquant l'intronisation d'un nouveau Senger et selon la tradition, le dernier à avoir reçu sa bague aurait du accueillir leur nouveau frère. Mais c'est justement ce dernier qui avait disparu dans des conditions plus que douteuses. Le colosse n'avait jamais prêté attention à Bakilas, mais disparaître du Puy, alors que le reste de l'armée livre la plus grande bataille de son histoire, voilà qui était étrange. Frère Tebirahc avait accéder à un statut encore plus haut, d'ailleurs avait-il encore le droit de l'appeler son frère? Il ne pouvait plus porter son anneau de Senger et Dolerian se retrouvait le seul et unique Senger et donc le seul à pouvoir accueillir un nouveau frère au sein de l'Olath Blada.

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Le palais royal s'était couvert de longues tentures de velours pourpre, tendues depuis d'énormes tringles de bronze. Les Sargtlins du 2e ost étaient massés au bas des marches du palais, attendant que leur nouveau chef leur soit présenté. Des novices du culte du Père des Batailles répandait du sang sur les marches qui menaient au lieu même de la cérémonie, à l'aide d'étranges goupillons cuivrés. Au coeur du palais, au sein de la Salle du Conseil, Alder'Aak attendait face à la lourde porte qui s'ouvrirait bientôt sur son nouveau frère Senger, alors que les torches brûlant d'un feu magique jouaient avec les ombres du colosse. Les chants des prêtres et prêtresses d'Uriz montaient depuis les longs couloirs et semblaient faire vibrer la porte sur ses gonds. Le colosse avait quitté ses atours de guerre pour revêtir une toge magnifiquement brodé de runes d'Uriz et à la couleur écarlate du Dieu, ainsi que son célèbre masque de mort. Les chants montèrent en intensité, à mesure que les pas d'Aegnor l'approchait de l'anneau d'Emeraude. Alder'Aak tourna les yeux vers les officiers du 2e ost qui l'entourait, les dominant de toute sa stature froide, semblant analyser la tenue de chacun, puis observa le Karliik Glenn qui attendait à moitié affalé sur son fauteuil, attitude étrange mais la nonchalance de Naerth n'était plus un prétexte d'agacement chez le colosse, comme ce fut le cas aux premiers jours. Le colosse serra l'écrin qui renfermait l'anneau alors que les hautes portes de la salle pivotèrent alors que les litanies pulsaient une énergie guerrière et sanglante qui résonnait contre les murs du Palais et s'insinuait dans les pores de chaque Sombre. L'Ul'sarruk Nossta pouvait débuter.

Les mystérieuses disparitions avaient toujours été partie intégrante de la vie quotidienne des Drow. Un frère, une sœur, un collègue, un supérieur… disparaissait dans d’étranges circonstances puis réapparaissait quelques mois plus tard sous une forme, disons… plus décomposée. Quand il réapparaissait, ce qui n’était pas toujours le cas.
Lorsque ce genre d’évènement se produisait, il était fort rare que qui que ce soit se mette à rechercher la personne disparue, y compris si celle-ci était riche ou puissante. Bien au contraire. Suivant l’adage plusieurs fois millénaire selon lequel : « les absents ont toujours tort », les rivaux de la personne en question s’empressait de prendre sa place et/ou de piller ses richesses, qu’elles fussent d’or ou de chair.

L’ambition aveugle et impitoyable des Sombres avaient toujours raison des plus faibles.

Pour toutes ces raisons et bien d’autres encore, Aegnor n’avait jamais vraiment cherché à savoir ce qui s’était réellement passé avec son ancien supérieur : l’Obok Senger du Deuxième OST. De même que toute la société Drow dans son ensemble. Une véritable aubaine, puisqu’on l’avait officiellement choisit pour lui succéder, sans même prendre la peine de savoir si à tout hasard, il ne serait pas derrière cette disparition.
On s’en fichait, littéralement.

Ce n’était pas qu’une bonne nouvelle, loin de là. Tout simplement parce que lui aussi pouvait maintenant être victime de ces « mystérieuses disparitions »…

C’est avec ces pensées en tête que Kezz’ sortait de la demeure familiale. Cela plus le regard de son ancien égal : le second Streea Jabuuk. Lorsqu’il s’était saisit de la bague de son prédécesseur, il avait vu la haine et la jalousie de celui qu’il considérait alors comme un « frère ». Il avait lu les pulsions meurtrières qu’il lui inspirait dans ses prunelles dilatés. Mais tout à son exaltation du moment, il n’y avait accordé qu’un intérêt relatif.

Plus maintenant.

Si assassiner un Obok Senger en titre n’était pas des plus intelligents, surtout si l’on voulait profiter de son éternité, tuer un Drow en passe de le devenir n’avait en revanche rien de très extraordinaire. Bien au contraire, cela prouverait ainsi l’incompétence de ce dernier et la supériorité du tueur sur celui-ci. Bref, le trajet jusqu’au palais promettait d’être mouvementé.

Pour remédier à cette idée affreusement déprimante selon laquelle il ne serait bientôt plus qu’un cadavre pour ses propres corbeaux : Agenor avait organisé plusieurs diversions, avant de finalement faire le trajet seul. Se déplaçant d’ombre en ombre, ses amis ailés jouant les éclaireurs. Une promenade follement amusante, qui lui servit d’exutoire à toute cette nervosité qui l’accablait bien malgré lui.

Une fois entré discrètement au Palais. Il fut rejoint par des esclaves qui l’habillèrent selon les traditions Drow. Une fois fin prêt, on l’introduisit dans la Salle du Conseil.

Les hautes portes s’ouvrirent. Aegnor Kezz’ Taazmodesh pénétra dans l’immense pièce alors même que les chants des prêtres d’Uriz le frappaient de plein fouet. Comme envahi par une énergie nouvelle, il s’avança d’un pas sûr vers le célèbre Alder’Aak Dolérian, Senger du Troisième OST.
Peut-être plus impressionné qu’il ne voulait bien l’admettre, ou tout simplement par habitude ; il se demanda où se trouvaient ses corbeaux. Évidemment : ils n’étaient pas entrés avec lui, ça aurait fait mauvais genre. Mais étant donné que peu leur importaient les traditions et les religions : ils devaient être quelque part. Levant un instant la tête, il eu le plaisir de constater que le plafond était littéralement envahit d’une affreuse masse noire aux multiples yeux scintillant. Étrangement calmes pour une fois, ils semblaient observer tous les protagonistes.

Un bon point pour lui. Palais ou pas. Traditions ou non. Des Drow restaient des Drow. Et si quelqu’un essayait de le tuer, il aurait de quoi le recevoir, même en l’absence de ses cimeterres.

En plus des chants religieux, cette assurance supplémentaire acheva de le mettre en confiance. Abaissant le regard, il remarqua le Karliik Glenn affalé sur son fauteuil, ainsi que ses officiers. Après avoir adressé un sourire ironique à un Streea Jabuuk aussi furieux que désappointé, il reporta son regard sur le colosse alors même qu’il arrivait à son niveau.

Ignorant tout de la suite des évènements, il attendit que le Senger Dolérian prît les choses en mains.

La silhouette de son nouveau frère se découpa dans l'ouverture qui séparait les lourds battants. Sous le masque, les yeux d'Alder se dilatèrent en inspectant l'être malingre qui avançait vers lui. Ce drow devait faire la moitié du colosse, en largeur et en épaisseur du moins, et les deux statures qui se faisaient face étaient définitivement opposée en tous points. La respiration craquelante du colosse semblait au pas vif et tendu d'Aegnor. Il observait les visages qui l'entourait, scrutait rapidement chaque recoin de la salle, comme un condamné qui entrait dans les arènes du cirque. Craignait-il quelque chose ? Encore une sensation qu'il n'éprouvait plus mais qu'il savait reconnaître. Non, ce n'était pas de la peur ... De la nervosité ?
Aegnor s'arrêta face au Jinburn Xuileb qui du se pencher en avant pour croiser le regard azuré de son nouveau frère. Dans les orbites creux du masque, les deux billes écarlates du Senger détaillèrent le visage fin d'Aegnor, alors que les chants des fidèles d'Uriz s'estompaient peu à peu, et laissait place à un silence entrecoupé des exalements sonores de Dolerian. Le colosse se redressa alors et ouvrit ses bras en prenant la parole de sa voix déchiré par les flammes.

Frères ! ... Nous sommes réunis en ce lieu sacré ... Pour accueillir Aegnor ... Kezz'Taazmodesh ... au sein de l'Olath Blada.

A ses mots, des prêtres cachés dans l'ombre sortirent et entourèrent Aegnor, alors que Tebirahc Zaurahel, Gardien d'Uriz, approchait du drow avec un urne de bronze.

A genoux ... Aegnor

La voix de Dolerian se teintait toujours d'autorité mais aucune animosité ne transparaissait dans cet ordre. Zaurahel leva alors bien haut l'urne, alors qu'Aegnor s'exécutait. Il se lança alors dans une prière au nom d'Uriz en faisant couler le sang tiède que contenait l'urne sur le front du futur Senger. Les chants des prêtres reprirent alors, donnant à l'incantation du gardien une résonnance qui semblait faire trembler toute la salle et lorsque la dernière goutte de fluide vital tiède heurta la tête d'Aegnor, les chants se turent net. Tebirahc s'éloigna alors et Alder'Aak reprit sa place face au drow agenouillé.

Répètes après moi ...

Le vieux Senger déploya toute son envergure alors qu'il récitait le serment qu'il avait lui même prononcé des siècles plus tôt.

Par mon sang et par ma vie ... Par le choix de mes pairs ... et sous le regard bienveillant ... Du Père de toutes les Batailles ... Je prends la place d'Obok Senger d'thalack ... du IIe ost de guerre du Puy ... Je jure fidélité ... à mon souverain ... à ma race ... et à mes Sargtlin. Qu'Uriz guide mes pas ... que Teiweonn guide mon âme ... Que Meingal guide mon esprit.

Un râle expiratoire plus violent que les autres vint conclure le serment que répéter d'une voie claire et contrasté par rapport au râclement pénible qu'émettaient Dolerian. Le colosse se pencha vers Aegnor et amena son masque sinistre à hauteur du visage du drow, avant de lui demander.

Quel sera votre emblème ... Senger?

Question saugrenue s'il en était, mais qui avait son importance pour la fin de la cérémonie ...

Subissant sans broncher l’examen attentif de son nouveau frère, Aegnor restait impassible. Non pas pour tromper qui que ce soit, ce n’était franchement pas le lieu pour se faire des ennemis, mais plutôt pour éviter de se tromper lui-même. Bien qu’il fusse allié, le Drow rechignait à ce que ses « collègues » en apprennent un peu trop sur lui. Ne serait-ce qu’en examinant minutieusement ses yeux, que l’on disait être le miroir de l’âme.

L’examen prit fin alors même que les chants religieux s’éteignaient. Affectant toujours une expression neutre, il la garda tant bien que mal alors même que le colosse se redressait et écartait les bras. Une vision des plus impressionnantes, qui força même le respect lorsqu’il prit la parole. Une voix puissante et autoritaire, dénué de toutes traces de sentiments. Froide, métallique, méthodique. Même le fait qu’elle fusse hachée ne la rendait pas moins digne de cette légende des champs de bataille.

Bien au contraire.

Alors que Dolerian finissait sa première phrase, des prêtres jusqu’ici cachés s’approchèrent d’Aegnor et l’entourèrent. Une situation un brin sinistre, bien que le Drow ne se permit nullement d’en faire la remarque. Critiquer les serviteurs les plus zélés du Dieu de la Guerre était un acte où l’inconscience le disputait à la folie. D’autant plus qu’il arrivait. Lui. Le Gardien d’Uriz : Tebirahc Zaurahel. Le préféré du Dieu.

Celui à travers qui Il s’exprimait.

Même si il n’avait entendu l’injonction de l’Obok Senger du troisième OST, Kezz’ se serait mis à genoux. Ce dernier respectait bien peu de chose au monde, mais le Père des Batailles en faisait indubitablement partie. Et de toute manière, il n’avait sentit aucun mépris, ni aucun sentiment de supériorité à travers l’ordre (car c’en était bien un, nul doute là-dessus) d'Alder’Aak Dolerian. C’était quelque chose qui devrait être fait, et qu’il avait lui-même fait il y a bien longtemps. Voilà tout.

Le Gardien procéda alors au rituel. Le sang tiède coula sur le front de l’héritier des Taazmodesh alors même que la prière se faisait incantation, laquelle était appuyée par les chants des prêtres et des prêtresses. La salle se mit à trembler et lorsque la dernière fut tombée tout se stoppa net. Un silence presque assourdissant envahissant les lieux…

Toujours agenouillé, Aegnor se sentait serein. La page était presque tournée. Bientôt débuterait pour lui un tout nouveau chapitre.

Zaurahel s’éloigna et Dolerian revint. Était-il possible qu’il fusse encore plus impressionnant que précédemment ? Kezz’ se jura de ne pas s’en faire un ennemi. Et que si jamais leurs chemins divergeaient, il le tuerait avant que celui-ci ne s’en rendît compte. Dans son sommeil de préférence (mais ce monstre dormait-il seulement ?).
Sur un champ de bataille, le spectaculaire était très important car il influait sur le moral des troupes, lequel était indispensable à la victoire. Alder’Aak n’avait certainement aucun mal à exceller dans ce domaine, et toutes ses victoires ne s’en expliquaient que mieux.

Cela étant dit, Aegnor Kezz’ Taazmodesh répéta le serment d’une voix ferme. Il refusait de montrer la moindre faiblesse.

Par mon sang et par ma vie. Par le choix de mes pairs et sous le regard bienveillant du Père de toutes les Batailles. Je prends la place d'Obok Senger d'thalack du IIe OST de guerre du Puy. Je jure fidélité à mon souverain, à ma race, et à mes Sargtlin. Qu'Uriz guide mes pas. Que Teiweonn guide mon âme. Que Meingal guide mon esprit.

Le Drow accueillit le masque sinistre de son frère avec une relative indifférence. Si il n’aimait pas cette proximité, il n’en montra rien. Bien au contraire, il affecta un air ravi, prenant la personnalité d’un être bien plus joyeux qu’il ne le serait jamais.

Le Corbeau.

A cette annonce, les corbeaux au plafond se mirent tous à croasser bruyamment, alors même qu’Aegnor souriait d’un air affable. Une expression faciale qui contrastait étrangement avec ses yeux froid comme la glace, dénués de toute vie.
Toujours à genoux, il attendit la suite.

Le Corbeau

Un concert de croassement, qui imitait le grondement sourd de quelques bêtes légendaires résonna alors depuis les hauteurs de la Salle du Conseil. Tournant son faciès morbide vers le plafond, Alder'Aak put observer une véritable colonie des ses oiseaux joueurs qui remuaient des ailes et du bec comme si ils bénissaient eux aussi l'ascension du soldat jusqu'au grade ultime. Il tourna une nouvelle fois son regard vers le nouveau Senger, et ajouta sur le même ton que d'ordinaire, bien qu'on pourrait presque y déceler de l'amusement cette fois.

Le ... Ou les ?

Le colosse se redressa alors et dans un geste ample brandit l'anneau d'emeuraude. Sa voix décharnée emplit une nouvelle fois la salle.

Moi ... Alder'Aak Dolerian ... Obok Senger du IIIe ost de guerre du Puy ... accueille au sein de l'Olath Blada ... Aegnor Kezz'Taazmoresh.

Il tendit la main vers son frère, l'invitant silencieusement à se relever, puis il baissa l'anneau devant le visage d'Aegnor, alors que le chant des ouailles d'Uriz reprenait leurs psaumes obsédants. Ils s'éloignèrent d'Aegnor et se dirigèrent vers les portes qui se rouvrirent lentement, annonçant aux Sargtlin massés que leur nouveau chef leur serait présenté tout bientôt. Dolerian laissa Aegnor se saisir de l'anneau et le passer à son doigt. Le colosse suivit la course de l'anneau le long des doigts fins de son frère, et au moment exact où il heurta la base du dit doigt, le colosse proclama, le plus fort qu'il put de sa voix éraillée.

Rendez honneur au Senger wun Oreb Tiu'xa

Il saisit alors le poignet d'Aegnor et le serra dans une étreinte virile et guerrière, scellant son acceptation en tant qu'égal. Les officiers entourant la scène se mirent tous au garde à vous, saluant leur nouveau seigneur de guerre. Ne lâchant pas son étreinte, Alder'Aak attendait patiemment qu'Aegnor daigne croiser son regard incandescent sans qu'il cherche à le fuir. Il dit alors, couvert par les exclamations des officiers.

Il est temps ... De vous dévoiler à vos Sargtlin.

D'un hochement de tête, le colosse indiqua la porte qui menait à la cour et d'un petit coup sec du bras, fit pivoter Aegnor. Très étrange cette légèreté chez un guerrier ... Après la présentation aux guerriers, il devrait vérifier deux ou trois choses une fois les dernières obligations de la cérémonie achevée. Pour le moment, son nouveeau frère allait pouvoir savourer l'acclamation de son ost ...

Bien qu’il doutait un peu du colosse (était-ce une plaisanterie ? était-il seulement capable de plaisanter ?), Aegnor s’autorisa un sourire amusé, pour toute réponse à la question posée. Et pour cause, car celle-ci n’avait pas une mais plusieurs réponses. Une meute de corbeaux. Plusieurs volatiles. Une volonté. Des envies. Une organisation. Des participants. Une multitude qui se mouvait tel un être unique. Une société aussi structuré qu’efficace. Des êtres intelligents si il en étaient, bien plus que les autres oiseaux.

Brandissant l’anneau d’émeraude, le voix hachée de l’Obok Senger du troisième OST emplit la salle, alors même qu’il accueillait l’héritier des Taazmodesh au sein de l’Olath Blada. Le sentiment de fierté qu’éprouva le Drow était très largement surpassé par l’avidité qui le dévorait alors même qu’il observait l’anneau. C’était là la consécration de sa carrière. De rien du tout, il allait maintenant acquérir une identité, et pas n’importe laquelle. L’une de celle que personne ne pourrait ignorer.

Suite à l’invitation muette d’Alder’Aak, Kezz’ se releva. Les prêtres s’éloignèrent, les portes s’ouvrirent. Se saisissant de l’anneau avec autant de réserve que possible, le Drow aux corbeaux le passa à son doigt, avec le sentiment frénétique d’avoir accomplit quelque chose. Ce fut cet instant que choisit son nouveau frère pour demander qu’on lui rendît honneur, et lui saisir l’avant-bras dans un salut guerrier.

Sentant qu’il n’y couperait pas, Aegnor fixa les pupilles incandescentes du vieux Senger. Lui opposant un regard hivernal, dénué d’artifice, composé de différentes lueurs bleutés, chacune d’entre elles révélant une partie de lui-même : sadique, impitoyable, rusé et avec une tendance marquée pour la cruauté la plus raffinée.

Plus ou moins poussé par Dolerian, le Drow se dirigea vers le porte, tout en songeant que cette dernière action ne présageait rien de bon. Il était fort probable qu’une fois encore, son apparence ait poussée autrui à la sous-estimer. Il allait devoir faire ses preuves, et concernant le colosse cela signifierait probablement un affrontement. Ou pas. Restait à espérer que cette histoire se finisse sans trop de casse.

Arrivé en haut des marches du Palais, Aegnor Kezz’ Taazmodesh oublia momentanément ses soucis, tant le spectacle qui s’ouvrait à lui en imposait. Tout un OST de guerre, les yeux rivés sur lui. Une sensation des plus grisantes.
Des faibles vivats (par rapport à la foule immense) le saluèrent et il remarqua qu’il s’agissait de ses manieurs de cimeterres, qu’il avait commandé en tant que Veldruk. Ils furent rejoint par d’autres ça et là, qui l’avaient suivit en tant que Streea Jabuuk. Une bonne moitié en tout, restait à convaincre les autres.

S’avançant de façon à être bien visible, Aegnor fut rejoint par les corbeaux, qui sortaient en trombe du palais. Si beaucoup l’entourèrent, si certains se perchèrent sur ses épaules, la plupart se mirent à voler en cercle autour de l’OST.
Leur arrivée fut vivement saluée tant ils avaient démontrés leur utilité sur les champs de bataille et les oiseaux de mauvais augure répondirent aux cris de la foule par des croassements toujours plus strident.

Le Drow leva les bras au ciel et réclama d’un seul cri le silence. Lequel vint, de toutes les créatures présentes.

Mes frères ! Mes sœurs ! Aujourd’hui ce n’est pas le triomphe d’un seul Drow que nous saluons, mais celui de tous ! Car il ne s’agit pas de ma réussite mais de celle d’une société ! Une fois encore, notre système montre sa suprématie sur tous les autres ! Serait-il seulement possible chez les races inférieures, pour un rien du tout des bas-fonds de la capitale, d’accéder aux plus hautes fonctions ?! Non ! Pour cette vermine seule compte le sang. Mais chez nous, tout ce que l’on demande, c’est d’être compétent ! Alors battez-vous Sargtlin ! Et gagnez ! Et peut-être qu’un jour, vous siégerez à ma place !

Un rugissement de tonnerre accompagna ses paroles, tant l’ambition était le moteur de tout Drow se respectant. D’autant plus lorsqu’il faisait partie de l’armée.
Pour finir, Aegnor conclu avec la devise du deuxième OST suivit d’une amorce pour relancer les vivats.

Udos sila l'elghinn, lu'udos dro pholor ilta vdrei !

Ib'ahalii wun Ilythiiri ! Tois whol kl'eril ! Lu'laoles zhah Ilharn d'l'Xonathulls !

Ses paroles furent reprises et criés. Puis l’un de ses officiers, lesquels se trouvaient jusqu’ici derrière lui, s’approcha et cria d’une voix tonnante.

Bel'la ulu Obok Senger d'thalack wun Oreb Tiu'xa !!

Encore un qu’avait remarqué la place libre et qui louchait sur le poste de Streea Jabuuk. Enfin c’était dans l’ordre des choses. De même que Kezz' n'avait absolument aucune intention de laisser sa place à qui que ce soit...

La silhouette d'Alder'Aak restait immobile alors que le Senger wun Oreb Tiu'xa se dirigeait vers ses propres guerriers, suivis par chaque officiers et dignitaires présent dans la salle. Le cortège se formait dans le sillage d'Aegnor, qui atteindraient bientôt l'océan de métal et de chair qui frémissait d'impatience dans la cour sous les étendards qui pendaient mollement sur leurs hampes. Le vieux Senger saisit sèchement un veldruk avant qu'il ne sorte. Ce dernier se fixa, observant le sinistre masque qui lui faisait face, sans oser se montrer trop curieux. Le colosse se pencha en avant.

Dis à ton nouveau maître ... Que je l'attendrai dans la cour intérieure ... Qu'il m'y rejoigne dès ... Qu'il le peut.

A vos ordres, Senger Dolerian

Le Veldruk s'éloigna et rattrapa le petit cortège, qui était accueilli par des vivats des plus mitigés. Alder prit quand à lui la direction opposé, pour se diriger vers la cour intérieure du palais, se saisissant de sa vouge, qui attendait sagement derrière les portes de la salle de l'Olath Blada. Si le coeur de cette petite cour pavée n'accueillait pas une mare de lave bouillonnante, on aurait presque pu l'appeler un inpluvium, vu la taille réduite du lieu. Les hauts murs couleur de d'onyx accueillaient des torches métalliques brulant d'un feu qui ne s'éteignait jamais, et qui faisait vaciller les ombres des statues grimaçantes qui semblait s'extirper du mur. Le grondement rauque d'une foule en liesse résonna dans l'air sec du palais et ricocha sur les murs jusqu'aux oreilles du Jinburn Xuileb qui prenait le temps d'observer les sculptures décharnées et bondissantes. Une quinte de toux violente s'empara du poitrail trapu de Dolerian, qui tréssaillit avec virulence, alors que les cordes vocales du Senger semblait vouloir se décrocher. La silhouette massive se recroquevilla sous les assauts de la toux, et le Senger du poser une main sur le mur pour ne pas poser un genou à terre. La crise de toux se calma aussi rapidement qu'elle était venu et il porta la main à son masque, pour le faire légèrement glisser sur son front, révélant le bas de son visage carbonisé. Ses lèvres couvertes de lymphe grisâtre se pincèrent un instant et un glaviot sanglant aux reflets noirâtres s'en extirpant avant de heurter le sol dans un bruit répugnant.

Un claquement d'aile se fit alors entendre tandis qu'un corbeau se posait dans la cour. Il croassa en direction du vieux drow et fit tourner sa tête en l'observant. Tournant lentement la tête, Alder'Aak observa à son tour le volatile, et remit son masque en place, dissimulant ses chairs brulées une nouvelle fois. Le corbeau croassa une nouvelle fois en direction du Senger, puis reprit son envol en battant des ailes frénétiquement. Dolerian observa l'oiseau gagner les hauteurs lorsqu'un bruit de pas se fit entendre à l'autre bout de la cour. Le Senger tourna la tête rapidement pour voir son nouveau frère avancer, puis il revint à l'oiseau qui s'élevait toujours plus haut. Il émit un râle expiratoire rauque et souffla à Aegnor.

Etait-ce le hérault chargé d''annoncer ton arrivée ... Frère ?

Le ton était désespérément monocorde, et ne trahissait aucun trait d'esprit ou plaisanterie, même si il avait voulu en faire inconsciemment. Dolerian se retourna enfin, alors que le point noir voletant avait disparu de sa vision, et il fit face au Senger de toute sa taille. Les deux chefs de guerre se faisaient face, séparé par la mare de lave frémissante, et Alder ajouta alors.

Savez-vous pourquoi ... J'ai demandé à vous entretenir ... Seul à seul, Senger ?

Les cérémonies, ça allaient un temps, mais ça devenait rapidement d’un ennui mortel. La personnalité qu’Aegnor avait adopté pour mettre son OST dans sa poche était celle d’un conquérant. Une identité qui plaisait toujours à la populace, dusse-t-elle être Drow. L’idée avait bien fonctionné, comme il l’avait prévu, car tout plan minutieusement préparé et froidement exécuté était au final, toujours un succès. Le hasard et le destin ne s’acharnaient à détruire que les stratégies qui n’avaient pas été suffisamment travaillé.

Dû moins jusqu’à ce jour. Qu’en serait-il de l’avenir ? Les dieux seuls le savaient.

Alors qu’il s’éloignait de la liesse générale, déterminé à remette des vêtements convenant mieux à ses capacités (sans oublier de récupérer ses armes), un Veldruk l’apostropha. Si l’idée de mettre en pièce l’impudent traversa un instant l’esprit du Taazmodesh, il l’oublia bien vite, c’aurait été là une bien piètre manière de débuter dans ses fonctions. Adoptant un visage impassible qui dissimula sans mal sa contrariété, il reçut le message de l’Obok Senger Dolerian.

Un message ennuyeux si il en était. Il se doutait bien que ce moment viendrait mais il avait espéré avoir un peu de temps devant lui. Pour envisager les alternatives possibles : à savoir, le meurtre, la tromperie, la manipulation, les mensonges, une nouvelle mission l’emmenant au loin… L’arsenal Drow étant en la matière très vaste et des plus sophistiqué. Mais son homologue savant évidemment tout cela, avait décidé de prendre les devants. A moins que ce fut juste un caprice. Le fait était qu’Aegnor ne disposait que de son instinct pour décider quoi faire, et cette situation ne lui plaisait pas du tout.

Mais il n’avait guère le choix.

Ses esclaves lui remirent son armure et il reprit ses cimeterres après avoir à nouveau caché ses dagues aux endroits habituels. Ses corbeaux voletant autour de lui, il était fin prêt. Sans perdre un instant de plus, il se dirigea d’un pas rapide vers le lieu du rendez-vous, un éclaireur ailé le précédent, comme il se devait.

La cour intérieure du palais était un endroit des plus accueillant. Pour un Sombre s’entend. La mare de lave chauffait agréablement les lieux et les murs d’un noir étincelant donnaient une furieuse envie de pique-niquer, impression renforcé par le jeu d’ombre menaçant produit par les torches au feu éternel. Si à ce merveilleux portrait on ajoutait en plus de terrifiantes statues, alors on obtenait un paysage idyllique…

Ou pas.

Le souffle rauque de son nouveau frère le fit émerger de ses pensées.

Les mauvaises surprises nuisent toujours aux bonnes relations, frère.

Une réponse ambiguë, exprimant tout et son contraire. Aussi bien pour l’un que pour l’autre.

Face à face, séparé par la mare de lave, la voix monocorde du Senger Dolerian posa une nouvelle question.

Oh ! J’ai bien une petite idée, répondit d’un ton faussement joyeux le Drow aux corbeaux tout en jetant un coup d’œil significatif à ses cimeterres.

Passant du feu à la glace comme l’on change une vulgaire chemise, Aegnor se fit soudain dur et froid, tous ses muscles se préparant à ce qui pourrait ou non se produire.

Oh ! J’ai bien une petite idée

Sous le masque, les billes rouges d'Alder'Aak fixaient avec attention son homologue, qui semblait se tendre comme un arc à mesure qu'il prononçait ses mots. Il suivit le regard d'Aegnor et détailla les cimeterres qui attendaient patiemment dans leur fourreaux. Une exhalation aïgue s'échappa du masque morbide alors que l'échine du colosse vibrait sourdement à chaque mot.

Ce regard ... Me prouve bien que non ... Frère.

Il leva sa vouge en direction d'Aegnor, tendu au-dessus de la lave en ajoutant.

Est-ce ceci ... Que tu crains ?

Alder toisait son jeune frère dans un silence uniquement haché par le rythme de sa respiration écorchée. Il ne cherchait pas à l'intimider, il s'interrogeait simplement. Aegnor était sur de lui, arrogant, impétueux, et pourtant il mettait en avant ses armes lors d'une simple rencontre entre Senger. Paranoïaque ? Dolerian fit résonner une fois encore ses cordes vocales usées par le feu.

L'heure n'est pas au combat ... Frère.

Il ramena son bras vers lui et laissa choir sa vouge qui tinta lourdement en heurtant les pavés. Alder ne lâcha pas Aegnor des yeux, et poursuivit son discours.

L'heure ... Est à l'attribution de votre première mission ... Au nom du peuple Drow.

Dolerian poursuivit en se déplaçant autour de la cuvette de lave, en direction de son jeune frère.

Notre présent offert aux serviteurs du Dieu Unique ... Abysséa ... Est pratiquement laissé à l'abandon ... Par ces rats ... Jamais nous n'aurions du faire confiance ... A des humains ... Aurais-tu une idée de ... Comment reprendre notre ... Chère forteresse d'Abysséa ?

Un premier test qui en appellerait d'autres assurément ...

Les yeux ronds, figés dans une position qu’un interlocuteur moins obtus aurait certainement pût qualifier de comique ; Aegnor garda la bouche ouverte un moment, sans pour autant proférer un son. De toute évidence, il s’était planté. Changeant du tout au tout, son attitude redevint chaleureuse et il éclata de rire. Sa voix résonnant sur les parois sculptés de la salle alors même que ses corbeaux s’agitèrent un instant, pour finalement reprendre leur paisible vol. Paisible mais un brin menaçant. Pas volontairement bien sûr, mais la vision d’une nuée noirâtre vous tournant autour et vous fixant comme l’on fixe son futur repas n’avait rien de très agréable. Dû moins pour quelqu’un capable de ressentir quoique ce fut, ce qui de toute évidence, n’était pas le cas du colosse.

Le Drow fit la moue en entendant la question du Senger. Non il craignait pas l’arme, mais plutôt celui qui la maniait. De plus la corpulence de ce dernier lui permettrait d’affronter n’importe quel adversaire à mains nues. Que répondre alors ? La vérité peut-être, après son erreur, il lui devait bien ça.

C’est toi que je crains, frère.

Ainsi que le reste de ce peuple maudit, baignant dans les mensonges et la perfidie.

Toujours en fixant son interlocuteur dans les yeux (celui-ci ne lui laissant guère le choix), le nouvel Obok Senger hocha une première fois la tête, puis une seconde fois au fur et à mesure qu’on lui en révélait un peu plus. Focalisé sur les paroles hachées de son collègue, il ne fit guère attention à la vouge bien que le bruit de l’arme tombant au sol agita ses corbeaux un bref instant.

Une mission donc. Intéressant. Au moins il n’allait pas perdre son temps, ses nouvelles fonctions ne lui en laisseraient pas le loisir. Ce qui était pour le mieux, car l’ennui était le pire ennemi d’un immortel.

Abysséa. La ville du Chaos. Ces vermines s’étaient retournés les unes contre les autres et le peu d’entre elles encore en vie s’affrontaient dans une lutte sans merci pour le contrôle de la cité. Dû moins à ce qu’il en savait.
Faire confiance à des humains ? Drôle de point de vue. Selon Aegnor, on les avait utilisé alors qu’ils avaient une certaine utilité. Et maintenant que ce n’était plus le cas, il ne restait qu’à se débarrasser d’un outil devenu trop encombrant.

De ce que je sais, frère, ils sont divisés. Un OST d’invasion ne ferait que leur donner un ennemi commun, soit un prétexte tout trouvé pour les réunifier.

Tout à ses réflexions, Kezz’ commençait par enfoncer les portes ouvertes.

De plus, ce sont des fanatiques, il ne peut y avoir de compromis. En laisser en vie ne ferait que nous porter préjudice sur le long terme. Il faudra donc les exterminer.

Le silence se fit, alors que le drow réfléchissait. Un temps passa, perturbé seulement par les croassements des corbeaux. Puis la réponse claqua, sèche et dénuée de toute sensiblerie.

Une épidémie.

Rien de très compliqué en somme, étant donné l’emplacement de la cité (au beau milieu du pire marais de toute la création) et les conditions dans lesquelles devaient sûrement vivre les survivants.

Il me faudra les arbalétriers pour couvrir toute la zone et tuer les fuyards. Les hallebardiers pour les protéger et les membres du C’nros pour superviser tout ce qui aura trait à la maladie.

Il ajouta un ton plus bas.

Sans compter qu’une fois la cité débarrassée de la vermine, il faudra la purifier par le feu, et la magie ne sera pas de trop.

Les yeux toujours fixés sur les pupilles du Senger, Aegnor attendit le verdict. Dolerian avait comparé les fils du Chaos à des rats, et l'héritier des Taazmodesh avait décidé de les traiter comme tels (ou les bienfaits de la dératisation...).

[HRP: Encore désolé pour cet immonde retard :/]

C’est toi que je crains, frère

Alder marqua un petit temps d'arrêt dans sa marche. De la crainte ? Il ne tirait aucune gloire de la crainte qu'il faisait naître chez ses interlocuteurs, il n'y prêtait aucune attention, à vrai dire. La voix brisée s'échappa une nouvelle fois du masque torturé qui couvrait sa face.

Etrange confession ... De la part d'un Seigneur de Guerre drow ...

Etrange en effet, n'était-il pas des frères de rang ? Des égaux ? Uriz avait béni le guerrier aux corbeaux, pourquoi serait-il craintif devant un autre de Ses bras armés ? Plus qu'une vraie remarque, ce fut un murmure, exhaler entre deux grésillements de gorge. Le Jinburn Xuileb aborda alors le sujet d'Abyssea et de ses fanatiques, testant le jeune Senger. Aegnor se lança alors dans une exposition zélée et assurée.

De ce que je sais, frère, ils sont divisés. Un OST d’invasion ne ferait que leur donner un ennemi commun, soit un prétexte tout trouvé pour les réunifier. De plus, ce sont des fanatiques, il ne peut y avoir de compromis. En laisser en vie ne ferait que nous porter préjudice sur le long terme. Il faudra donc les exterminer.

Le silence se fit un bref instant, chaque seconde sembla rythmer la respiration cahoteuse et le pas militaire du colosse. Aegnor reprit sa démonstration, précis dans la parole et les idées.

Une épidémie.

Dolerian écoutait patiemment le plan de son jeune homologue, se rapprochant tranquillement de lui.

Il me faudra les arbalétriers pour couvrir toute la zone et tuer les fuyards. Les hallebardiers pour les protéger et les membres du C’nros pour superviser tout ce qui aura trait à la maladie. Sans compter qu’une fois la cité débarrassée de la vermine, il faudra la purifier par le feu, et la magie ne sera pas de trop.

Aegnor maîtrisait son sujet visiblement, car il avait exposé son plan simplement et avait déjà une idée de stratégie à mettre en oeuvre. Un grondement s'éleva de sous le masque, avant que le vieux colosse ne réponde.

Impétueux et téméraire ... Jeune frère ... Nous n'avons pas de temps à perdre ... Une épidémie ... Pourquoi faire si compliqué ? ... Les serviteurs du Dieu Unique ... Sont nos alliés ... Et l'accès à Abyssea nous est garanti ... Un ost en campagne ... Qui demande à ses alliés asile ... Voilà qui devrait suffire ... Une fois au coeur de la forteresse ... Déchaîne la rage de tes Sargtlin

Il marqua un petit temps, laissant à son interlocuteur le temps de considérer sa vision des choses, qui ressemblait un peu à une démonstration professorale.

Pertes minimes ... Génocide rapide ... Accès à la cité immédiat ... Tu serais en charge d'une forteresse ... A renforcer pendant l'hiver ... Et bientôt ... Nous nous remettrons en marche ... Qu'en penses-tu, frère?

Visiblement, le premier test ne semblait pas très concluant ...

Hrp : à mon tour d'être désolé, autant pour le retard que pour la petite réponse :s

Pas de temps à perdre ? Aegnor manqua de laisser filtrer sa contrariété en entendant ces mots. La précipitation n’était jamais bonne conseillère et le hasard s’acharnait toujours à démolir impitoyablement les plans insuffisamment préparés. Cependant il se contint et garda un masque de courtisan.
Hypocrite jusqu’aux bouts des ongles.
Il comprenait bien que son interlocuteur pusse trouver cela un brin étonnant. Mais l’héritier des Taazmodesh était un personnage complexe, qui ne pouvait s’empêcher de tout vouloir contrôler.

Ainsi, l’idée de se trouver seul avec un Senger faisant deux fois sa taille n’avait rien pour le réjouir. Et tant pis s’il devait passer pour un lâche (après tout : c’était là un trait de caractère que beaucoup de Drows appréciaient à sa juste valeur, le considérant comme de l’instinct de survie).
De même que le plan de son frère ne lui plaisait pas des masses. Bien trop d’éléments à son goût ne dépendraient pas de lui, mais des circonstances. Le Chaos était divisé, bouillonnant et prompt à dégainer. Leur offrira-t-il l’asile ? Rien n’était moins sûr. De même que la visite de tout un ost de guerre pouvait bien être l’élément déclencheur ramenant l’unité en Abyssea.

Néanmoins ce plan pouvait tout aussi bien être considéré comme aussi simple qu’efficace. Et après tout, le Senger Dolerian n’en n’était pas à sa première campagne, loin s’en faut. Un chef de guerre devait accepter la prise de risque si il voulait gagner gros, cela Aegnor l’avait bien compris. Il jugula donc l’envie de débattre, de répliquer, et se contenta d’aborder un air pensif, tout en laissant passer quelques minutes. Il observa un instant ses corbeaux et tout à sa réflexion, il comprit qu’il valait mieux suivre l’avis de son nouveau frère. La discipline et l’apprentissage auprès des plus expérimentés ne pourraient lui faire du mal.

Un bon plan, frère.

Aucune ironie dans le ton ou dans les mots prononcés. Le plan lui convenait et il improviserait en cas d’impondérables.

Quand dois-je partir ?

L’Ost étant déjà réunit, organiser un départ d'ici les prochains jours ne devrait pas être un problème.

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