~Krichka Al'Tahalak [Barra de la Dothka]

______Krichka aurait pu avoir une vie facile, selon les critères des elfes noirs. Mais rien n'est jamais aussi aisé que cela. Il suffit parfois d'un rien, d'un minuscule grain de sable qui change tout. Dans le cas de Krichka, le grain de sable fut son hypermnésie. Née dans une des familles Prima Sanguis issuesue de Men'Arohel et vouées à la guerre, son destin semblait tout tracé. Grandir, suivre les enseignements de son tuteur et de sa nourrice, suivre la voie du guerrier et briller dans l'armée. Rien du bien compliqué quand on a un brin de jugeote, ses deux bras et ses deux jambes. Bien sûr, l'entraînement est dur, la sélection sévère et la tolérance est réduite au néant. Mais le sang Prima Sanguis donne des avantages que beaucoup d'autres drows n'ont pas, même si ceux-ci ne font naturellement pas tout.
______Krichka fut le deuxième enfant de la famille Al'Tahalak. Son frère, de trente ans son aîné, commençait déjà à montrer de réels dons pour le maniement des armes, la stratégie et tout ce qui touchait de près ou de loin à la guerre. Ses parents plaçaient beaucoup d'espoirs en lui, notamment son père qui espérait le voit intégrer la Dothka. Lui-même n'avait pas eu cet honneur car jugé trop instable. Le sang des Prima Sanguis fait beaucoup, mais la consanguinité peut aussi présenter des désavantages. La naissance d'un nouvel enfant était donc de bon augure, une nouvelle chance d'avoir un membre de la famille dans la Dothka. Ce Lerg aurait très certainement toutes les capacités de son frère, et à eux-deux, ils affirmeraient encore un peu plus la position de la famille pour les prochaines décennies. Sauf que Krichka ne ressemblait pas à son frère. Absolument pas. Les premières mois, tout fut normal. La nourrice s'occupait du bébé qui gigotait, vigoureux, et qui pleurait pour réclamer sa pitance. Tout comme un bébé normal.
______Mais bientôt, le Lerg finit par pleurer beaucoup trop souvent, sans raison. Il refusait qu'on l'approche, gesticulant et hurlant au point que des plaques rouges apparaissait sur sa peau. On fit venir une prêtresse, pensant qu'il s'agissait d'une maladie ou d'un sort, mais rien ne fut détecté. Le bébé continuait d'huler, de repousser sa nourrice et de se complaire dans la solitude. Sa mère, au début si protectrice, perdit bientôt ses instincts de louves et s'en désintéressa totalement. Son père ne lui accorda plus la moindre parcelle de son attention. Ses deux parents préféraient se concentrer sur son frère, si doué et si prometteur. Et Krichka continua de grandir. Seule, avec sa nourrice, reléguée comme une chose honteuse dans le fond de sa maison. A vrai dire, si sa nourrice avait eu le choix, elle aussi l'aurait abandonnée. Mais elle ne pouvait pas. On ne laissait pas mourir ainsi un Prima Sanguis, même fou. On s'arrangeait juste de le faire grandir dans l'ombre, avant de le faire tuer dans des conditions acceptables pour l'honneur de la famille. Non vraiment, on ne pouvait pas laisser Krichka sortir ainsi, cela aurait jeté la honte sur la famille. Mais on ne pouvait pas la laisser mourir tout bêtement. Même folle, elle posait plus de problèmes que son frère. Quelle enfant dérangeante...
______Lorsque Kricha eut dix ans, on fit venir un précepteur pour sauver les apparences. Celui-ci se retrouva rapidement désemparé par le Dalharen dont il avait la charge. La fillette se contentait de rester assisse dans l'ombre, les bras passés autour de ses jambes repliées. Elle murmurait sans fin des paroles que personne ne parvenaient à saisir, et elle restait là, à fixer le lointain. Dès que quelqu'un s'approchait un peu trop, elle hurlait et devenait violente. On ne pouvait dire qu'une seule chose, elle avait l'esprit combatif des drows. Même écrasé par la supériorité physique de son précepteur, elle continuait de se débattre, de griffer et de hurler. Une détermination à toute épreuve. Mais on ne pouvait guère lui accorder plus. Les premières années, le précepteur s'entêta. S'il arrivait à faire quelque chose de la sauvageonne qu'on lui avait donné, il n'y avait aucun doute que sa famille pourrait se montrer très reconnaissante. Malheureusement, il ne parvint à rien. Il avait beau se faire violence pour se montrer patient, pour continuer encore et encore, le Dalharen continuait de se comporter comme un animal à moitié sauvage.
______Si on connaît bien une seule chose des drows, c'est leur don pour s'énerver rapidement. Le précepteur tint bon pendant plusieurs années, mais il finit par craquer. Il partit sans dire un mot, ou plutôt, s'enfuit sans demander son reste. Il se doutait bien que la famille Al'Tahalak n'allait pas le laisser s'en aller si facilement alors qu'il connaissait le secret du vilain petit canard de la maison. Il tenta beaucoup pour rester en vie. Cela ne fut pas suffisant. Il fut retrouvé mort deux jours après son départ. Cela donnait une excuse à la famille pour changer de précepteur, mais il n'en fut rien au début. Las des tracas causé par sa fille, le père de Krichka vint un jour la voir. Il hésita un instant à l'empoisonner et à faire porter le chapeau par une famille rivale. Cela serait facile. Si facile. Mais on risquait de faire des remarques désobligeantes à son frère lorsque celui-ci rejoindrait l'armée. Autant attendre qu'il ait fait ses preuves avant qu'on commence à se moquer d'une faiblesse physique de sa soeur face au poison. Ce fut donc les espoirs et l'intérêt suscités par son frère qui sauvèrent momentanément Krichka. On la délaissa simplement, l'ignorant totalement tant qu'on jugeait malvenu de la tuer. Mais elle n'oublia jamais les paroles de son père ce jour-là, elles sont encore gravées au fer rouge dans sa mémoire : "Les forts vivent, les faibles meurent. Et toi tu vas mourir, parce que tu es faible."

______Suite à la mort du premier précepteur, un deuxième fut engagé pour instruire Krichka. Il suivrait probablement le même chemin que son prédécesseur une fois que la famille Al'Tahalak n'aurait plus besoin de lui, mais ça, il ne le savait pas encore. Face au Dalharen, il resta longtemps surpris. Rien n'avait filtré sur le comportement étrange de la cadette Al'Tahalak, et il ne s'attendait absolument pas à cela. Et bizarrement, il était tellement pris de court que, ne sachant que faire, il prit le temps d'écouter ce que Krichka marmonnait dans sa solitude. Ce n'est qu'au bout d'une semaine qu'il comprit de quoi il s'agissait. Elle répétait, mot pour mot, tout ce qui s'était dit près d'elle depuis des mois, voir des années. Ce fut le début de tout pour Krichka. La sortie des années sombres.
______Le précepteur avait déjà entendu parler de l'hypermnésie avant de rencontrer son élève. Il lui suffit donc de quelques jours avant de trouver ce qu'il cherchait : comment vivre avec une telle particularité. Mais cela ne suffit pas à résoudre tous les problèmes de Krichka, bien entendu. Il fallait l'apprivoiser pour lui apprendre à gérer ses souvenirs, surtout que la vie du précepteur dépendait de la santé mentale de son élève. Il n'était pas idiot, il savait que seule la mort l'attendait si la cadette Al'Tahalak restait dans cet état. Les Prima Sanguis conservent toujours jalousement leurs secrets. Cela lui prit plusieurs années où il subit en serrant les dents les griffures et les morsures d'une gamines mal élevée. Mais quand il s'agit d'une question de vie ou de mort, les drows sont capables de tout, même de patience.
______Krichka finit par apprendre à contrôler ses souvenirs et ses émotions, et sa véritable éducation put commencer. Même si elle débutait avec une vingtaine d'année de retard, l'avantage avec l'hypermnésie, c'est qu'il suffisait à la jeune drow d'entendre une seule fois une leçon pour la retenir à tout jamais. Le précepteur se concentra donc sur l'apprentissage des armes et sur la forme physique de son élèves, puisque ses principales lacunes venaient de là. Un entraînement intensif commença, plus dur que celui qui était dispensé habituellement. Il fallait à Krichka rattraper un niveau correct, et même un bon niveau si son précepteur voulait garder la vie sauve. Et elle se pliait docilement à toutes les exigences de son professeur, ayant toujours les paroles de son père à l'esprit. Elle voulait vivre, et maintenant qu'on lui en donnait l'occasion, elle allait pouvoir faire ses preuves et devenir forte.
______Pendant toutes ses années, les parents de Krichka ne s'occupèrent absolument pas de leur fille. Ils n'étaient même pas au courant de la guérison quasi-miraculeuse de la folie de leur enfant. Ils ne s'intéressaient qu'à leur fils, suivant de près ses progrès et plaçant tous leurs espoirs en lui. Il finit par rejoindre la Voie du guerrier et faire ses preuves. Pour tout ce qui concernait le maniement des armes et des combats, il était excellent et ses parents espéraient bien qu'il rejoindrait la Dothka. En fait, ce n'était même plus un devoir qu'un espoir. Malheureusement, la force ne suffit pas pour faire partie des meilleurs. Il lui manquait le petit quelque chose, l'intelligence, la capacité d'analyse qui fait les bons espions. Cet échec fut mal, très mal vu par son père. Les forts vivent, les faibles meurent. Et son fils était un faible. Suite au meurtre de son frère, Krichka était promise elle aussi à un destin funèbre, mais il n'en fut rien. Une seule chose aurait pu empêcher son père de commettre l'irréparable. Trouver une enfant capable de réussir là où son frère avait échoué. Et c'est ce qui arriva. Il eut beau la tester sur tous les domaines, soit elle répondait avec une justesse incroyable, soit le sujet n'avait pas encore été abordé par son précepteur. Elle avait rattrapé une bonne partie de son retard en tant que combattante, et si elle n'avait pas les capacités de son frère, ce n'était rien d'affolant. Il suffisait de l'entraîner encore un peu plus sévèrement.
______Après des années passée dans l'ombre, à être ignorée et rabaissée, Krichka devint le centre de l'intérêt général de sa famille. Ses parents ne comprenaient pas vraiment comment la petite sauvageonne s'était transformée en encyclopédie incollable, capable de plus de se battre, mais cela leur importait peu du moment que les résultats étaient là. A l'éducation dispensée par sa nourrice et son précepteur vint s'ajouter régulièrement des entraînements avec son père, au combat. Tout se passa bien jusqu'au jour où son père essaya de forcer Krichka à s'entraîner alors qu'elle triait ses souvenirs. La petite fille sauvage refit ce jour-là son apparition, et elle fut battue comme jamais. Il fallait que la folie reste enfermée et pour cela, il fallait la brimer. Le précepteur mit plusieurs jours à calmer son élève, et il entreprit ensuite de lui donner les moyens de se protéger même quand elle s'occupait de sa mémoire. C'est ainsi qu'elle a acquis de très bons réflexes de défense quand elle classe ses souvenirs, pouvant envoyer une dague sans y faire réellement attention.

______Vint la majorité de Krichka et le temps pour elle de choisir sa Voie. Choisir est un grand mot puisqu'on l'invita très fortement à arpenter la Voie du guerrier. Mais puisque cela concordait avec ses choix, elle n'allait pas se plaindre. Aucune autre Voie ne l'intéressait, et seule celle du guerrier lui offrait assez de choix et de possibilités assez différentes les unes des autres pour lui plaire. Elle commença alors son entraînement. Elle n'était pas la meilleure en combat, c'était une évidence. Mais pour ce qui était de la mémoire, de l'observation et des capacités d'analyse, personne ne pouvait rivaliser avec elle. L'hypermnésie se transformait en don pour une fois, et ce fut grâce à cela qu'elle fut remarquée de ses supérieurs.
______On testa ses capacités physiques au maximum pour vérifier si elle avait ou non les capacités pour intégrer la Dothka. Elle soufra plus que n'importe quelle recrue. Mais à chaque fois, alors que sa vue se brouillait à cause de la fatigue, qu'elle avait l'impression que son corps était de pierre ou qu'elle était trop fatiguée même pour dormir, elle se relevait et continuait d'accomplir les exercices ou les taches qu'on lui avait demandé. Les forts vivent, les faibles meurent. Elle savait pertinemment ce qui l'attendait si elle flanchait, la mort. Son père n'hésiterait pas comme il n'avait pas hésité avec ce frère qu'on lui avait si souvent décrit en dieu parfait. Elle ne pouvait certes pas l'égaler, et encore moins le surpasser, mais elle ferait tout pour réussir là où il avait échoué, histoire de ne pas avoir de regrets. Finalement, le jour du verdict arriva. Et ce qui avait sonné le glas pour son frère sonna la libération pour Krichka. Elle avait été accepté.
______Loin de se reposer sur ses lauriers, l'entraînement de l'elfe noire continua encore pendant quelques années, pendant lesquelles elle acquis toute son agilité et toute sa souplesse. Elle se perfectionna au combat à mains nues et au maniement des dagues tandis qu'elle apprenait à tirer à l'arc et à la sarbacane. On commença aussi à lui donner ses premières missions, d'abord juste de l'observation et du repérage. Elle se révéla excellente dans ce domaine, Krichka était capable de dessiner les plans d'un endroit qu'elle avait visité, dans des proportions exactes et avec une foule de détails. Puis les premières demandes d'assassinat firent leur apparition, et l'elfe noir joua son rôle de bourreau sans frémir. Les forts vivent, les faibles meurent, il ne fallait pas être faible. Krichka continua de s'entraîner et de progresser pendant des années, même si, officiellement, elle avait terminé sa formation. Qu'importe, les paroles de son père la poussaient toujours un peu plus en avant. Père qui finit par commettre une erreur.
______Grâce aux miracles qu'il avait fait, le précepteur de Kirchka avait eu la vie sauve une fois l'enfant majeure. Sauf que ce n'était que partie remise. De la même façon que Krichka avait eu un sursis le temps que son frère fasse ses preuves, le précepteur avait été momentanément épargné pour ne pas perturber l'elfe noire que ses parents jugeaient encore instable. Mais maintenant qu'elle était bien intégrée à la Dothka, il n'y avait plus aucune raison de garder le précepteur en vie alors qu'il connaissait ce si vilain petit secret et qu'il pouvait s'en servir. Sauf que personne ne savait pas que Krichka avait développé un très fort instinct de protection envers son précepteur. Après tout, il l'avait sauvée de ses ténèbres, s'était occupé d'elle et lui avait tout appris. Pour elle, son précepteur, c'était son sauveur, son maître, son protégé. Au premier geste déplacé contre lui, l'assassin n'hésita donc pas. Elle préférait sacrifier son père que de perdre son ancien précepteur. On conclu quelques mois plus tard à une tentative de vol dans un coupe-gorge, et Krichka ne fut jamais ennuyée pour ce crime. Ce meurtre eut un autre avantage : sa famille avait compris qu'il y avait certaines choses que l'assassin ne pardonnerait pas. Qu'on la batte, la traite comme une moins que rien, elle pouvait accepter. Mais pas qu'on touche à son sauveur.

______D'un point de vue strictement personnel, Krichka n'avait aucune ambition de grandeur ou de pouvoir. Elle se démenait selon les souhaits de sa famille et en accord avec les paroles de son père, même si celui-ci était mort. Tout ce qui intéressait la drow, c'était de faire ses preuves. Ce fut à cet époque que son éternel ennemi fit sa première apparition. Elle finit par s'ennuyer. Les missions de la Dothka étaient diverses et variées, et après avoir été enfermée pendant toute son enfance, Krichka avait beaucoup de choses à découvrir. Mais quand on est immortel, beaucoup devient vite relatif. Ses premières crises d'apathies apparurent, ainsi que sa passion pour les défis. Passion qui lui fit accepter des missions quasi-suicidaires, dont la plus connue est l'une qui avait pour but de se débarrasser d'elle. Un Veldruck qui vivait mal l'ombre que ce subordonné commençait à lui faire en brillant si fort. Il l'invita donc à passer une année en territoire ennemi et à rester en vie. Beaucoup lui déconseillèrent d'accepter, jugeant le défi tout simplement ridicule. Il s'était peut-être passé deux cents ans depuis la dernière guerre, la haine raciale restait bien là. Et il y avait une grande différence entre passer la frontière discrètement pour espionner et vivre un an là-bas. Têtue, Krichka n'écouta rien de ce qu'on lui disait.
______Elle partit un jour, sans fanfare, sans prévenir et presque sans matériel. A peine avait-elle prit ses dagues et ses sacoches. Passer la frontière avec les terres humaines ne lui posa pas trop de difficultés. Quelques sentinelles trouvèrent la mort cette nuit-là, mais pas de quoi sonner l'alarme ou déclencher une guerre. Dans un premier temps, Krichka s'éloigna le plus possible des frontières, espérant trouver un petit village humain isolé où personne n'aurait jamais vu de drow et où l'accueil serait moins violent qu'ailleurs. Si elle finit par trouver ce village, l'accueil fut tout de même brutal, et l'elfe noire s'enfuit sans demander son reste. Ce n'étaient peut-être que des paysans avec des fourches, les tuer ne lui donneraient rien et, au contraire, attirerait l'attention sur elle. Et il restait plusieurs mois à passer avant de pouvoir retourner au Puy d'Elda. Cette année s'apparenta à un jeu de cache-cache géant pour Krichka.
______La plupart du temps, elle se cachait en forêt, volant sa nourriture et ce dont elle avait besoin. Parfois, de manière assez extraordinaire, elle rencontrait un voyageur avec un esprit un peu plus ouvert que les autres. S'ils étaient tous prêt à l'attaquer dès qu'il la voyait, après quelques heures de discussions calmes, elle parvenait à en calmer certains légèrement, même s'ils gardaient leur arme à porté de main. Elle se faisait passer parfois pour une danseuse, parfois pour une messagère. En tout cas, il n'y avait aucun doute, elle ne voulait du mal à personne. Quelques fois, des hommes se réunissaient pour chasser cet être étrange qui les volait et vivait en périphérie de la société. Dans ces cas-là, Krichka s'enfuyait de nouveau, cherchant un autre endroit où se cacher un mois ou deux. Elle ne tuait jamais personne, ne peur d'éveiller l'intérêt de l'armée. Tant que ce n'était que des petits vols, elle n'avait pas à s'inquiéter, elle le savait parfaitement. Sa survie dépendait de sa discrétion et du contrôle de ses pulsions de meurtre.
______Finalement, le délais fut écoulé et Krichka refit tout le chemin qu'elle avait fait en sens inverse. Cette fois-ci, elle fut moins discrète et s'embarrassa moins de scrupules, n'hésitant pas à tuer au lieu de contourner. Le temps qu'on s'inquiète de cette série de meurtre, elle serait déjà de retour chez elle. Passer la frontière fut un peu plus difficile que la première fois, les rumeurs la concernant la précédaient de peu, mais on n'arrête pas une ombre parmi les ombres si facilement. Son retour au Puy d'Elda fut une véritable surprise, pour sa famille et ses compagnons d'armes. Personne ne s'attendait à ce qu'elle ait réussi un pari aussi fou. Sa témérité fut reconnu par ses supérieurs, et, entre cet exploit et ses faits d'armes d'avant son départ, elle eut le droit à une promotion. Elle devint Veldruck à la place de celui qui l'avait envoyée chez les humains, mort en mission.

______Les premières années en tant que Veldruck furent une véritable révélation pour Krichka. Les responsabilités, gérer ses hommes, prévoir, calculer, tout cela lui plaisait à un point inimaginable. Elle sollicitait sa mémoire pour ne rien oublier, pour tout gérer mieux que n'importe qui. Elle savait tout sur ses hommes, sur sa section et pouvait agir en conséquence, sans s'encombrer de paperasseries ou d'un assistant. Une nouvelle fois, sa mémoire montrait son utilité. Elle devint rapidement un Veldruck un peu bizarre, entre sa lutte contre l'ennui et l'isolement qu'elle s'offrait une fois par jour, mais ses décisions étaient toujours justes. Sévères et strictes, certes, mais si ses hommes lui faisaient confiance, ils savaient que ses choix n'avaient que pour but de maximiser les chances de réussite d'une mission tout en minimisant les pertes.
______Les premières années de Krichka en tant que Veldruck furent relativement calmes. Elle ne s'occupait pas de politique ou de religion, se contentant de s'occuper de ses hommes et d'obéir aux ordres de ses supérieurs. Rapidement, les évènements s'emballèrent et les drows reprirent du service pour ce qu'on les connaissait le mieux : la guerre et les massacres. Pendant les préparations, la Dothka fut beaucoup sollicitée pour espionner et éliminer des cibles stratégiques pour faciliter l'avancée des drows. Pendants les combats eux-mêmes, les assassins ne furent pas en reste mais Krichka ne prit pas les armes. Elle se contentait d'observer, d'évoluer sur le champs de bataille, évitant les combats au maximum pour aller ensuite rapporter l'évolution de la guerre à ses supérieurs. Dans ces conditions, Alonna se passa bien pour Krichka. Ce ne fut pas le cas de Fort Ellyrion.
______Krichka, après une mission de reconnaissance, avait prévenu son Barra que l'utilisation qu'il voulait faire de ses hommes étaient une très mauvaise idée. Cette fois-ci, les elfes étaient prêts à accueillir des assassins, ses hommes allaient se faire massacrer. Son supérieur ne voulut rien entendre. Entêtement stupide ou une vieillesse qui se passait mal, Krichka ne savait pas de quoi il retournait. Mais elle était presque certaine de ce qu'elle avançait. Presque. Ce fut ce qui l'incita à suivre les ordres de son Barra plutôt que ses convictions, espérant que son supérieur en savait plus qu'elle, qu'il manigançait autre chose que le plan idiot qu'il lui avait soumis. Sauf qu'il n'y avait rien d'autre. Krichka et ses hommes allèrent gaiement se faire massacrer, et seule une moitié estropiée revint. L'elfe noire n'était pas seulement blessée physiquement et dans son amour propre. Elle était furieuse, contre elle-même et contre son Barra. Il avait été faible. Et elle aussi, elle aurait dû agir avant. Mais elle pouvait toujours se rattraper maintenant. Les forts vivent, les faibles meurent. Et la plus grande marque de respect envers quelqu'un, c'était d'empêcher sa déchéance.
______Le Barra est mort, vive le Barra ! Krichka n'avait pas envoyé son ancien supérieur rejoindre la déesse des âme pour prendre sa place. Mais si on la lui offrait, elle n'allait pas refuser. Comme ça, l'erreur de son prédécesseur ne se reproduirait plus. Elle nomma l'un de ses hommes Veldruck et reprit en main la Dothka, engrangeant toutes les informations nécessaires à son bon fonctionnement. Comme elle avait été un bon Veldruck, elle se trouva être un excellent Barra, du moins au début. Seul le temps pourra dire comment Krichka évoluera sur la durée. Mais pour le moment, tout se passe pour le mieux. Ce nouveau poste la sort de son ennui et l'occupe. Comme quoi, ce ne sont pas toujours ceux qui courent après le pouvoir qui font les meilleurs chefs. Quoique... Qui peut réellement dire ce qu'il y a dans la tête de Krichka ? Personne croyez-moi, personne...