Des retrouvailles sous la neige

Une neige épaisse recouvrait la cour du temple, le vent avait même poussé les flocons jusque sous les arcades. Il fallait avancer lentement pour ne pas risquer de tomber, c’était d’ailleurs amusant de voir les adeptes fixer leurs pieds avec tant d’insistance. Priaient-ils pour ne pas tomber ? De nos jours il était tellement fréquent d’invoquer les dieux pour rien alors cela ne m’aurait pas étonné. Mais je n’avais pas le temps de flâner. Le Grand Prêtre souhaitait me voir et il ne fallait pas le faire attendre. Un mois…. Cela faisait un mois que je n’avais pas quitté ses murs, un mois que je vivais recluse, en compagnie de mes frères et sœurs. Car c’était ainsi que nous nous considérions, tous de la même famille, celle de la Divine Néera. Heureusement que je partageais ma vie avec des gens si admirables et dévoués sans quoi je n’aurais pu supporter d’être ainsi privé de mon époux et de mes enfants. Ne pas les voir m’était douloureux mais je savais que je serais bientôt près d’eux et seule cette pensée me permettait de garder sourire et bonne humeur.

En trois ans d’apprentissage j’avais vu et accompli des choses que je n’aurais pas imaginé possible. Grâce aux divers enseignements et à de longues périodes de médiation j’avais acquis des pouvoirs me permettant d’aider davantage les Alonniens. Notamment lors de la vague de fièvre qui avait emporté beaucoup trop de nourrissons et d’enfants en bas âge. Grâce aux dons que m’avait accordé Néera, j’étais parvenu à soigner nombre d’entre eux et même à soulager les mères inquiètent en leur apportant calme et sérénité d’un simple toucher. Tant de chose avait changé depuis ma rencontre avec la déesse aux portes de la mort.
Mais pour l’heure je traversais ce couloir glacial, enveloppé dans ma cape maculée. Lorsque je le trouvais enfin, au pied de la plus imposante statue, il me salua et me prit la main en souriant.

- Prie avec moi Jena, écoutons ensemble les murmures de Néera.

Je n’avais guère l’habitude d’être convié par le Grand Prêtre pour prier en sa compagnie, il s’échappait de lui tant de sérénité que c’était toujours très reposant d’être près de lui. Nous restâmes des heures assis sur le banc de marbre froid. La nuit allait bientôt tomber lorsqu’il lâcha enfin ma main. Lentement il se leva et se plaça devant moi, les mains en coupe autour de mon visage.

- De tous les adeptes de Néera, c’est toi qui m’auras le plus surpris. Honore cette aile que tu portes Prêtresse. Je n’ai plus rien à t’enseigner, tu peux regagner ton foyer mais n’oublie pas qu’ici aussi c’est ta maison et qu’il te faut entretenir les flammes pour que tes frères ne s’égarent pas. Pense que pour certains d’entre eux tu es le miracle qui ranimait leur foi en la Déesse. Maintenant, enfile ta robe de prêtresse et va rejoindre les tiens.

D’abord surprise par ses paroles je sentis les larmes me monter aux yeux lorsqu’il me tendit un paquet de vêtement tout aussi blanc que ma cape. Les mots qu’il venait de prononcer et cette robe qu’il me donnait signifié que ces trois années de vie que je venais de sacrifier pour la déesse avaient enfin porté leurs fruits. Je venais d’être nommé prêtresse et cela m’emplissais de joie…mais ce qui me rendait encore plus heureuse c’était de savoir que ce soir je dormirais dans les bras d’Hanegard…

Le Grand Prêtre m’embrassa le front et je m’éclipsais dans la petite chambre vide que j’occupais. Je retirais ma robe brune et enfilais le tissu blanc et doux qui signifiait ma nouvelle fonction. La robe était longue et légère. Cintrée, serrée à la taille par une ceinture de cuir doré, j’avais l’impression de porter enfin le seul vêtement qui me correspondait vraiment. Mes cheveux noirs accentuaient le contraste avec la blancheur du tissu, attachant ma cape autour de mon cou, je quittais la chambre un large sourire aux lèvres.
Le Grand Prêtre m’attendait à l’entrée du temple un morceau de tissu plié dans la main. Il en sortit une fine chaîne en or sur laquelle pendait une aile scintillante. J’avais vu ce collier autour du cou de chaque prêtre de Néera et maintenant j’allais posséder le même… Une larme coula sur ma joue alors que je quittais le vieil homme et que je montais en selle sur le cheval qui m’attendait sur le parvis. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas traversé les rues d’Alonna à cheval et j'en profitais pour admirer la ville malgré les gros flocons qui tombaient sans s'arrêter.
Je fus bientôt aux portes de la citadelle et les gardes m’ayant reconnut firent savoir mon arrivée en m’accueillant joyeusement. L’annonce se diffusa si vite que j’avais à peine démonté que Clarys m’étreignait déjà pleurant presque lorsqu’elle remarqua la tenue que je portais.

Quel plaisir de rentrer enfin chez soi.

Le calme était revenu à Alonna. Les raids de bandits se trouvaient contenus et le ravitaillement arrivait de nouveau régulièrement sur les étals. Les risques de famine jugulés, la cité-forteresse reprenait vie peu à peu et de nouveau dans les rues marchands et colporteurs braillaient à qui voulait l’entendre les qualités de leurs produits. Refermant la fenêtre de mon bureau, je souris de voir que le froid ne freinait pas leur entrain à vendre. Tant mieux, le commerce avait souffert de cette rude période depuis le Voile, aussi le voir redémarrer me réjouissait.

Même la neige ne ralentissait plus les transactions, signe des temps qui s’amélioraient. Oui, j’aurais vraiment été ravi si Jena avait pu être à mes côtés mais ma femme se trouvait au temple de Néera depuis un interminable mois. Depuis combien de temps s’y rendait-elle ainsi régulièrement, d’ailleurs ? Trois ans… ou quatre ? Non, trois, c’était lors de la naissance de Dastan que tout avait commencé. La révélation de la déesse et peu après le choix de la voie des adeptes de l’Aile.

J’ignorais à peu près tout de ce que Jena faisait au temple. Prière et méditations je supposais, mais les rares fois où je m’y étais rendu, je m’y sentais légèrement mal à l’aise. Le calme qui y régnait comme un instant d’éternité me remuait plus que je ne voulais bien l’admettre. De toute façon, j’aurais fait un mauvais adepte de Néera au vu de mes actes. Bien que l’époque de ma vie où je combattais pour le marquisat de Serramire soit révolu, on ne peut échapper à son passé et le mien se trouvait encombré de cadavres.

Finalement, notre vie n’avait guère changé si l’on exceptait ces périodes où Jena se rendait au temple. D’un commun accord, nous ne parlions pas de sa formation… il s’agissait d’un moment entre Néera et elle, je savais ne pouvoir le comprendre. Peut être un jour ma femme m’expliquerait-elle plus en détail tout cela, mais en ce qui me concernait la voir heureuse suffisait amplement à mon bonheur. Le fantôme d’Ilinsar définitivement banni, nous pouvions enfin construire l’avenir.

Je m’apprêtais à aller inspecter la garnison, comme je le faisais régulièrement afin d’inciter mes hommes à ne pas sous ramollir sous prétexte qu’ils se trouvaient à l’endroit le plus sur de la baronnie, lorsqu’un page arriva en courant pour m’annoncer que ma femme venait d’arriver à la forteresse. Sautant sur mes pieds, je parcourus au pas de course les couloirs de la citadelle, ma lourde cape d’hermine volant presque derrière moi. Un mois. Un mois sans la voir, sans la toucher. Un mois à dormir seul, sans sa présence réconfortante à mon côté. Enfin sa longue réclusion au temple venait de s‘achever.

Je trouvais Jena entre deux portes, en compagnie de Clarys . Lorsque mes yeux se posèrent sur mon épouse, j’en restais un instant ébahi.

Elle resplendissait…

Elle resplendissait dans la robe blanche des prêtresses de Néera. Non pas que d’habitude elle ne resplendisse pas, Jena est toujours superbe. Mais là il émanait d’elle un calme et une sérénité rare, une sérénité que je ne pouvais que lui envier. Ainsi donc voilà quelle se trouvait être la raison de cette absence plus longue que d’ordinaire ? L’ordination, la dernière étape qui séparait l’adepte sur prêtre était accompli.

Jena appartenait désormais pleinement au culte de Néera, et portait le message de la déesse. Splendide, elle était splendide. Effectuant une révérence digne d’un courtisan… ce que je n’ai assurément jamais prétendu être… je lui demandais d’un ton taquin :

Prêtresse, votre visite m’honore. Que puis-je faire pour vous être agréable ?

A peine descendu de cheval et déjà Clarys voulait me raconter tout ce que j’avais raté durant mes quatre vingt jours d’absence. Cela rendait son récit légèrement incompréhensible tant elle passait du coq à l’âne à chacun de nos pas. Visiblement je lui avais beaucoup manqué, d’autant que cette fois elle n’avait pas pu me rendre visite au temple, ni même m’écrire. Que ce mois avait été long ! Mais j’étais enfin chez moi. Je sentais les murs tout autour m’envelopper et malgré le vent glacial j’avais chaud au coeur. Oui j’étais de retour chez moi et je n’avais qu’une hâte, Le revoir.
Je crus que la lenteur des pas de Clarys allait me faire perdre patience, le pire fut lorsqu’elle s’arrêta au beau milieu du couloir pour finir une histoire à propos de tartine de confiture et d’un âne… Mais le sourire me revint lorsqu’elle me raconta les progrès de Liliana en écriture et les beaux discours que s’amusait à réciter Dastan malgré quelques lacunes de langage encore évidentes. Comme mes enfants m’avaient manqué. J’avais hâte de les prendre dans mes bras. Posant ma main sur l’épaule de Clarys je lui adressais un sourire et enfin le silence nous entoura.

- Nous reprendrons cette conversation plus tard, je voudrais juste voir…

Je n’eus guère le temps de terminer car déjà sa voix s’éleva à quelques pas de moi. Tournant mes yeux vers lui, je le regardais s’incliner comme l’un de ces courtisans dont la compagnie l’insupportait. Légèrement échevelé, rasé de frais, son épaisse cape sur les épaules, il était magnifique. Ses yeux bleus me firent frissonner lorsque je croisais ce regard qui m’avait tant manqué durant ce mois de réclusion. Un sourire amusé se dessina sur mes lèvres lorsque je m’inclinais à mon tour pour le saluer de façon tout aussi solennelle. Je fis un pas vers lui pour réduire un peu plus cette distance que je détestais déjà et lui adressais mon plus beau sourire.

- Monseigneur, vous voir en bonne santé me remplit de joie. J’aimerais, si cela n’est pas trop demander à votre altesse, que vous excusiez ma trop longue absence et que vous me croyiez lorsque je vous dis que vous m’avez terriblement manqué.

Sur ces mots je ne me retins pas davantage de combler la distance qui nous séparait. Je me pendis – littéralement – à son cou et déposais une myriade de baisers sur ses lèvres. Hum, ses lèvres je pourrais vous en parler des heures, mais pour le moment je préférais les embrasser sans retenu. Il m’avait manqué, c’était un fait, et tous les gens présents en cet instant ne pouvaient qu’être les témoins de l’amour profond que nous nous portions. Même cette fameuse robe blanche, qui avait fait pleurer Clarys quelques minutes plus tôt, n’aurait pu m’empêcher de me jeter sur mon époux en plein milieu de ce couloir.
Me retrouvais dans ses bras me fit monter les larmes aux yeux. Je me remémorais toutes ses nuits que je venais de passer, toute seule, serrée sous mes couvertures à ne penser qu’à ses bras. Pas un jour je ne m’étais demandée ce qu’il pouvait bien faire et s’il pensait un peu à moi. Une ? Deux ? Peut-être cinq minutes s’écoulèrent sans qu’il ne me lâche, sans que je n’interrompe mes milliers de baisers.

La nuit n’allait pas tarder à tomber et avant que l’on ne couche mes enfants j’aurais aimé les voir, leur souhaiter bonne nuit et les border moi-même. Aussi me reculais-je légèrement de lui pour aussitôt plonger mon regard dans le sien.

- Liliana … Dastan

Ma voix s’était légèrement éraillait lorsque je prononçais les prénoms de nos deux enfants. Quel supplice de ne plus les entendre rire, de ne pas être là pour soigner leur petits bobos ou pour les consoler la nuit. Dastan faisait-il toujours des cauchemars ? Et Liliana s’était-elle remise de la fin tragique de sa poupée, précipitée par la fenêtre de sa chambre ? Et Merwan, avait-il enfin pu monter un cheval comme le lui avait promis le maître d’écurie avant mon départ ? J’avais manqué tant de chose… et j’aurais aimé tout savoir maintenant. Mais mon cœur d’épouse n’aspirait qu’à se trouver dans les bras d’Hanegard, et mon cœur de mère avec mes enfants. Je ne voulais rien savoir de politique, ni voir la moindre Dame de Machinchose, ce soir je n’étais plus Baronne d’Alonna.

Le terme réceptionner est parfaitement adapté à la manière dont j’accueillis Jena au creux de mes bras. La joie de la serrer de nouveau contre moi fut intense, et je ne me sentais même pas gêné d’être ainsi poutouné devant la moitié de la cour, moi qui ne suis pourtant pas un grand adepte des effusions publiques. Retrouver ma femme comptait plus que tout à mes yeux, et une bande de nains ivres morts serait-elle passée en braillant une chanson sur l’or que je ne l’aurais même pas remarqué.

Oui, la moitié de la cour à peu près devait se trouver dans les petits salons de l’aile où nous nous trouvions. Entre ceux qui avaient vu arriver Jena et désiraient lui présenter leurs respects, ceux qui m’avaient suivis et ceux qui arrivaient attirés par le brouhaha ambiants, la cohue devenait monumentale. Les gardes eurent fort à faire pour réussir à écarter un peu la meute de courtisans empressés et compressés afin de nous frayer un chemin.

L‘étenrel problème de passer par ces petits salons demeurait l‘encombrement. Idéal pour deux ou trois personnes, ils devenaient des entonnoirs inaptes à gérer des mouvements de foule. Passant un bras autour des épaules de Jena, je lui murmurais :

Viens.

Nous nous esquivâmes par un couloir dérobé, pouffant et riant comme deux écoliers en train de faire l’école buissonnière, juste suivis par la fidèle Clarys. La citadelle disposait de multiples petits corridors de ce type par lesquels les serviteurs transitaient pour se rendre d’un endroit à un autre sans risquer de gêner les nobles résidants en ces lieux. Nous les utilisions rarement nous même, mais ce jour là seul un trajet direct et rapide nous intéressait.

Un mois. Un mois sans elle. Un mois à me demander chaque jour si des nouvelles arriveraient du temple. Un mois à espérer et à prendre mon mal en patience. Par moments j’avais encore des difficultés à réaliser que Jena avait rencontré une déesse. Il faut admettre que dit ainsi, cette affirmation se pose là. Les Cinq ne sont guère connus pour venir tailler le bout de gras en compagnie de leurs adorateurs mortels, et seuls les Gardiens disposent d’une ligne directe avec les instances divines.

Et pourtant je savais que cela était vrai. Jena appartenait au culte désormais, et elle avait mis en place des mesures de rationnement dans la cité durant la famine avec l’aide du temple. Toute baronne qu’elle soit, les prêtres auraient peut être rechignés à la suivre ainsi si le Grand Prêtre lui-même ne leur en avait pas donné l’ordre. Il fallait admettre que dans la catégorie des chocs mystiques, Jena en avait causé plus d’un lorsque la nouvelle de sa « rencontre » s’était ébruitée. La crise de foi de Nazaref durant l’accouchement en préfigurait d’autres.

Mais ces temps là se trouvaient derrière nous, la situation étant revenu au calme depuis lors. Nous voulions juste profiter du calme retrouvé, et le cri de « maman ! » poussé par Liliana à l’instant où j’ouvrais la porte de nos appartements fut la confirmation que je ne rêvais pas cet instant magique.

Jena était vraiment de retour parmi nous.

Wouah quelle foule ! Trop occupée que j’étais à embrasser mon époux, je n’avais pas remarqué le nombre de personne qui s’était pressé dans l’étroit couloir pour … pour quoi d’ailleurs ? Je n’étais pas au courant que certains couloirs de la citadelle subissaient des heures de pointes si impressionnantes. Il faudrait penser à un moyen de réguler la circulation ! Mais déjà Hanegard m’entraînait dans un petit corridor et nous débouchèrent non loin de nos appartements. J’étais légèrement essoufflée et je riais tant qu’il me fallut quelques secondes pour me remettre de cette course poursuite digne d’un film d’aventure. J’étais en train de dénouer ma cape tout en suivant Hanegard quand j’entendis la voix aigue de ma fille m’appeler.
Mes yeux se posèrent sur la petite tête brune qui jaillissait de nos appartements pour venir s’accrocher à ma robe. Ses yeux, d’un bleu si pâle se posèrent sur moi et je voyais à son large sourire qu’elle était heureuse de me retrouver. Du haut de ses quatre ans, Liliana avait déjà un fort caractère, certains diront qu’elle est aussi têtue que son père mais pour moi c’était surtout son regard qu’elle tenait de lui. M’agenouillant à l’entrée de la chambre je l’accueillis dans mes bras alors qu’elle commençait déjà à me poser mille et une question. Pourquoi est-ce que j’étais partie si longtemps ? Est-ce que je l’aimais toujours très fort ? Est-ce que j’allais rester avec elle ? Bref tout un tas de question qu’une enfant de son âge n’aurait jamais du se poser si je n’avais pas été appelé par Néera. Je m’en voulais d’avoir raté tant de moment, ces quatre-vingt jours passés loin d’eux avaient été un véritable déchirement. Ne pas savoir ce qu’ils faisaient, s’ils allaient bien, s’ils étaient tristes, ni même pouvoir partager leurs petites joies du quotidien.
Mais cela était derrière nous. Je ne les quitterais plus jamais.

Lorsque je me relevais après avoir couvert de baiser ma petite princesse, celle-ci me prit la main pour m’entraîner à sa suite, mais je la retins quelques secondes le temps de prendre celle d’Hanegard dans la mienne. Il m’avait manqué tout autant que mes enfants, sinon plus, alors pas question de le laisser sur le pas de la porte. Je voulais savourer ce moment avec lui. Liliana finit par me lâcher, visiblement exaspérée par ma lenteur, et courut se jeter sur un lit de coussins posés par terre non loin de la cheminée. La nourrice qui veillait sur elle était toujours debout, tête baissée pour saluer notre entrée. D’un sourire je la congédiais et prit place au milieu des coussins et des poupées de Liliana.

- Comme elles sont belles toutes ses poupées ! Mais aucune n’est aussi jolie que toi ma chérie !

Apparemment ravie, ma fille se mit à me les présenter les unes après les autres. Mais ce fut des coups légers frappés à la porte qui me tirèrent de ma contemplation. Clarys entra, me sourit et s’écarta légèrement pour laisser entrer un petit garçon brun, le pouce dans la bouche. Dastan traînait avec lui une petite couverture et à voir ses yeux et sa tignasse ébouriffée, on venait tout juste de le tirer du lit. Lorsqu’il me vit sourire il se précipita vers moi, secoué par de gros sanglots. Lui aussi me posa tout un tas de question, mais je fus surprise lorsqu’il me dit qu’il avait cru que je l’avais abandonné parce qu’il avait été méchant. C’était sa nourrice qui le lui avait dit compris-je entre deux de ses sanglots. Fronçant les sourcils, je me promis de régler ce détail plus tard. Liliana jouait avec ses poupées, Dastan se rendormit dans mes bras et moi je n’avais d’yeux que pour Hanegard.

- Raconte moi tout ce que j’ai raté. Que s’était-il passé ici ? J’ai été coupé du monde si longtemps.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Dim 1 Jan 2012 - 9:54

[hrp : bonne et heureuse année 2012 ! I love you

]

J’eus un grand sourire en voyant Liliana sauter dans les bras de sa mère, puis je fronçais moi aussi les sourcils en entendant quelques instants plus tard ce que disait Dastan. J’avais moins bien entendu mais si sa nourrice expliquait l’absence de Jena par le fait qu’il ait été méchant, elle allait se retrouver à la porte de la citadelle manu militari. Déjà trois ans plus tôt, celle qui avait laissé Liliana sans surveillance pour se laisser conter fleurette par un garde avait du faire ses bagages. Sans les visions extralucides de sa mère, notre fille au tempérament aventurier aurait risqué ce jour là de chuter dans les raides escaliers de la forteresse.

Oui, Jena était une mère aimante et protectrice. Toute baronne qu’elle soit, elle ne déléguait pas ses enfants à d’autres comme cela arrivait souvent. Certes Liliana et Dastan avaient des nourrices pour prendre soin d’eux, mais jamais ils n’allaient se coucher sans avoir vu leurs parents. Ni elle ni moi n’ayant eu d’éducation noble, notre conception de l’éducation se basait sur la proximité.

Nous nous étions assis sur un sofa tandis que Liliana jouait avec ses poupées et que Dastan nous rejoignait. Jena me demanda ce qui s’était passé durant ce mois d’absence, et je commençais par le plus important, et probablement tout ce qui l’intéressait en ce jour : nos enfants.

Hmm… Dastan a été un peu mal fichu voici deux semaines. Heureusement ce ne fut rien de grave, ces petits tracas de l’hiver, mais par sécurité j’ai fait appel à Nazaref pour le soigner. Nous l’avons isolé de Liliana pour qu’elle ne tombe pas malade elle aussi et l’avons veillé à tour de rôle, Clarys, Nazaref et moi.

De plus en plus, le prêtre qui nous soignait déjà Jena et moi depuis plusieurs années veillait aussi sur nos enfants. Je supposais d’ailleurs que ma femme pourrait mieux voir avec lui ces aspects, la magie de guérison de Néera coulant désormais dans ses veines et non pas dans les miennes.

Merwan a pu monter à cheval. Bon, il s’agissait d’un poney en réalité, mais il a parcouru la cour d’entrainement comme s’il montait un étalon de guerre. Les soldats lui ont même fait une haie d’honneur, je crois qu’il est en train de devenir leur mascotte. Il rêve d’aller batailler et pourrait passer des heures à écouter un vétéran lui raconter les grandes batailles du passé.

Un ton plus bas, j’ajoutais en souriant :

Liliana m’a affirmé que plus tard il serait son champion et qu’il battrait pour elle les meilleurs chevaliers du royaume. Si Merwan rêve de bataille, elle rêve de tournois et m’a harcelé de questions sur le tournoi royal de Diantra et sur le chevalier noir. Elle s’inquiétait même de son âge pour savoir si Merwan pourrait un jour le défier.

Je n’avais jamais jouté pour les beaux yeux de Jena, ni d’ailleurs pour personne. Fantassin de formation, une monture ne constituait à mes yeux qu’un moyen de transport. De toute façon, adepte des armes lourdes, j’aurais peiné à les manier tout en devant tenir les rênes. Mais notre fille était à l’âge des princesses et des légendes… et sans doute imaginait-elle Merwan porter fièrement ses couleurs face au champion du plus grand tournoi qui soit.

Je me souvenais d’ailleurs assez mal du tournoi royal, le dernier auquel j’avais assisté ayant été en ce qui me concernait plus porté sur la politique que sur les joutes. Alonna n’y avait d’ailleurs aucun représentant à l’époque, le chaos consécutif à la guerre civile et à la disparition de Pearla secouant encore le Nord. En tout cas, racontez à ma fille l’histoire d’un chevalier qui combat pour un regard d’une princesse, et vous aurez son attention exclusive.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Lun 2 Jan 2012 - 15:30

Assise près de lui, je me délectais de sa présence. Tout mon corps n’aspirait qu’à être plus proche de lui mais sachant que cette nuit je dormirais dans ses bras, je me tins correctement assise, à distance raisonnable de mon époux. N’allez pas croire que je suis le genre de femme à me jeter sur mon mari devant mes deux enfants ! Tout de même, pour qui me prenez vous ! Mais…enlevez les enfants et là par contre, je ne réponds plus de moi !
Hanegard avait commencé à me raconter tout ce qui s’était passé durant mon absence. La petite maladie de Dastan n’était pas parvenue à mes oreilles, mais après tout s’il ne s’agissait que d’un petit rhume je n’allais pas m’en offusquer. Mon fils dormait lové contre moi et je caressai son visage du bout des doigts pour ne pas le réveiller.
Aussitôt l’adepte, non la prêtresse qui est en moi chercha à déceler le moindre signe de maladie, de fièvre voir même de nervosité. Mais Dastan dormait paisiblement, ses rêves semblaient doux et agréables, rien qui ne puisse donc m’inquiéter.
Hanegard continuait son récit en me parlant de Merwan. Je ne l’avais pas vu en entrant, rien de bien surprenant. Après tout il avait sept ans, bientôt huit et Hanegard et moi-même avions tenu à ce qu’il ait une éducation complète. Certes il n’était encore qu’un petit garçon, mais il savait ses lettres et parvenait à lire sans trop de difficulté. L’épisode du poney me fit sourire. Voilà une chose que j’étais triste d’avoir ratée. Il m’avait tant parlé des enseignements du maître d’écurie, et de son désir de partir au galop, à l’aventure comme il disait. Il avait du se sentir si fier sur son poney ! Mais à l’évocation des batailles je fronçais légèrement les sourcils. Néera m’avait transmis le dégoût de tout ce que pouvait apporter la guerre. L’une de ses phrases étaient restées gravée en moi : « De quel droit s’est-il arrogé le pouvoir de vie et de mort sur des êtres qu’il ne connaissait pas ? »
La guerre apporte la mort, et la mort fait souffrir les vivants… J’avais retenue de ces années d’enseignement au temple qu’il fallait toujours s’efforcer de bannir la souffrance et de soulager les malheureux…
Mais déjà le sujet était passé à Liliana et son amour des preuxs chevaliers en armure sur de fiers destriers à jouter pour le cœur de belles damoiselles! Qu’il était amusant de voir une petite fille comme elle se passionner pour les tournois. A la voir jouer avec ses poupées assises en cercle autour d’une petite table de bois, à boire le thé j’aurais plus imaginé qu’elle détesterait combat et tournois pour n’apprécier que belles robes et beaux chevaliers !
Mais allons, ma fille étant trop jeune pour la deuxième solution, elle s’en tiendrait aux belles robes !

- J’ai manqué tant de choses. J’aurais tant aimé être là pour soigner Dastan, pour voir Merwan monter et pour écouter Liliana me parler de chevaliers et de tournois…

En entendant son prénom, ma fille bondit sur ses pieds et vint réclamer un baiser, ce que je m’empressais de faire en prenant garde de ne pas réveiller son frère. Elle se tint bien droite, les mains dans le dos et prit un air faussement innocent. Elle déclara alors que les coussins tâchés n’étaient que le résultat de la maladresse d’une de ses suivantes qui venait de renverser son thé par terre. Elle se proposait de la punir sévèrement, ce à quoi je lui répondis d’éponger sa bêtise et d’aller s’excuser auprès de sa poupée pour son vilain mensonge. Presque outrée, elle tourna les talons et s’exécuta non sans râler et pester contre sa poupée !

Passée cet interlude qui me fit sourire, je me tournais vers Hanegard et me replongeais dans notre conversation. Nos enfants allaient biens, aucun n’était souffrant ou n’avait trop souffert durant mon absence, mais lui, comment allait-il ? Il n’avait pas dit un mot sur sa propre situation, sur ses tracas quotidiens.

- Et toi, tout c’est bien passé durant mon absence ? Y a t il eu des … difficultés ?Je fronçais légèrement les sourcils, je devais aborder ce sujet, après tout, s’il n’était en rien responsable de ce que j’avais vu, il me le dirait et je pourrais à nouveau dormir tranquille J’ai vu des choses…horribles, des visions d’hommes pendus… partout…tout le long d’une route… Je ne savais pas où ils étaient, ni qui avait ordonné ses pendaisons...sais-tu quelque chose à propos de cela ?J’avais baissé la voix pour ne pas être entendu de Liliana, ce genre de chose n’était pas à raconter à une enfant de son âge

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Jeu 5 Jan 2012 - 9:21

J’hésitais un instant lorsque Jena me parla des difficultés qu’aurait pu subir la baronnie durant son absence. Elle avait baissé le ton comme si le sujet la gênait, mais je compris rapidement qu’elle désirait surtout épargner aux oreilles de Liliana certaines discussions que des enfants de son âge ne doivent pas entendre. Non, je ne parle pas des discussions sur ce qui se passait la nuit dans notre lit. Là je parle de la façon dont la justice est rendue et dont les peines sont appliquées.

Les visions de Jena perduraient depuis sa rencontre avec Néera, mais du peu que j’en comprenais il s’agissait d’images anarchiques, apparaissant de temps à autres sans réelle cohérence. Toutefois, lorsqu’elle me parla de pendus le long d’une route, je compris immédiatement ce qu’elle venait de me décrire. En effet une telle scène avait réellement eu lieu quelques jours plus tôt, et je suis sur que nous avions tous les deux la même image en tête. Aurions nous dessiné ce que nous avions vu que le résultat aurait été le même : Jena parce que ses visions s’était focalisées sur cet événement, moi parce que je me trouvais sur place.

Ce don de vision avait sauvé Liliana quelques années plus tôt, et pouvait se révéler fort utile, mais là en l’occurrence j’aurais préféré qu’elle en ait eu une autre. Après quelques secondes de silence, je répondis :

Oui, je sais quelque chose à propos de cela.

Je savais quelque chose, mais en parler à une jeune femme venant d’être ordonné prêtresse de Néera ne me paraissait guère une tâche aisée. Et même à voix basse, la présence de nos enfants me retenait. Ayant sonné, je confiais un Dastan somnolent et une Liliana encore toute excitée à Clarys, en lui demandant de les préparer à se mettre au lit non sans leur promettre de passer les embrasser avant qu’ils ne s’endorment.

Cela fait, je passais dans la pièce d’à côté avec Jena.

Ces pendus que tu as vus l’ont été près de Kregan. Il s’agissait de la bande d’un bandit dénommé Locskey, à la sinistre réputation. Il s’est fait un nom depuis le Voile en pillant des villages frontaliers puis en repassant la frontière avant que les gardes n’arrivent.

Le gaillard se montrait fort adroit dans cet art. Ancien soldat, il connaissait bien les fortifications de la frontière ainsi que le terrain, s’en servant avec une habilité rare. D’autres bandes existaient, mais la plupart se faisaient rattraper rapidement, victimes soit d’une exécution trop lente dans l’attaque soit d’un butin trop lourd qui les ralentissait. Peu au final réussissaient à tenir la distance, mais la méthode de Locskey le lui permettait : attaque rapide, récupération des biens légers et fuite à cheval.

Il y a deux semaines, lui et sa bande ont pillé un village, mais cette fois ils se sont attardés un peu plus longtemps que d’habitude, persuadés que les villageois leur cachaient leurs richesses. Une escouade est arrivée à temps pour les prendre au piège alors qu’ils torturaient ces pauvres gens en espérant leur arracher leurs secrets.

Je me trouvais en inspection à Kregan lorsque j’avais appris la nouvelle, et ma main n’avait pas hésité une seule seconde à signer l’ordre d’exécution. Dans certains cas, des prisonniers pouvaient servir de main d’œuvre corvéable à merci, mais jamais lorsqu’il s’agissait d’individus aussi dangereux. Une bonne corde, une branche solide, et vogue la galère !

Façon de parler bien sur. Pour autant, je me doutais bien que les préceptes de Néera ne devaient pas contenir ce genre de notion, et j’ignorais comment Jena allait réagir. Pour la première fois, mes principes politiques risquaient de se retrouver en conflit avec son code moral.

Ils ont été capturés jugés et pendus. C’est moi qui aie ordonné leur exécution.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Jeu 5 Jan 2012 - 12:36

Liliana et Dastan couchés, nous n’avions plus besoin de nous inquiéter d’être entendu d’eux. Mais cela ne rendait pas le sujet plus facile à aborder. D’ailleurs je crus voir Hanegard hésitait. A moins qu’il soit gêné par une quelconque information. Quoi qu’il en soit je sentais une certaine tension l’habiter. Et j’en compris vite la raison. Lorsqu’il me parla d’une bande de malfrats, arrêtée, jugée et condamnée, je restais un moment sans réaction.
Etait-il concevable de prendre la vie de ces hommes si cruellement ? Les enseignements que j’avais suivis ces dernières années n’allaient pas dans le sens de ses tueries barbares, archaïques même. Je savais également pour l’avoir entendu de sa bouche que Néera n’aimait pas que les hommes se croyant supérieur à la mort elle-même pour décider de prendre la vie d’un autre. Au temple, j’avais été d’accord avec ces prétextes, mais là, il s’agissait de mon époux et cela changeait tout…du moins j’essayais de m’en convaincre.
Néera m’avait déjà parlé de lui, de ce qu’il avait fait par le passé et j’avais cru que cela ne se reproduirait plus. Mais c’était stupide de ma part, je m’étais voilée les yeux pour ne pas voir qu’en vérité, c’était son rôle de rendre la justice et de décider de la vie ou de la mort de criminels.
Cet homme, Locskey, ne devait pas être un saint, il n’était nullement défendable et je ne voulais pas me retrouvait à plaider la défense d’un coupable, mais tout de même….les images que j’avais vu m’avaient profondément choquées.

Je me levais et fis quelques pas dans la pièce. J’adressais silencieusement une prière à Néera pour qu’elle excuse Hanegard, pour qu’elle ne le regarde pas comme un assassin mais qu’elle voit en lui la justice et le bien qui allait découler de cette sentence. Mais lorsque je me tournais vers lui, je vis le sang, rouge, épais, couler sur ses mains et goutter lentement sur le sol. Je restais figée sur cette image trop longtemps à mon goût. J’étais persuadée que c’était Elle qui me montrait ce sang ruisselant…Fermant les yeux je pris quelques secondes avant de prendre la parole.

- Quand j’ai vu ces…cadavres, j’ai prié de tout mon cœur pour que tu sois étranger à cela…Maintenant je prie pour qu’Elle pardonne tout ce sang...sur tes mains…

Je fis une courte pause, réfléchissant à ce qu’il convenait le mieux de dire. Je ne voulais pas voir mon couple voler en éclat pour si peu. Nous avions déjà eu notre lot de disputes et de querelles, celle-ci me semblait inutile et elle n’aurait fait qu’agrandir la brèche que les précédentes avaient creusée entre nous.
Il avait pris la décision que tout Baron aurait prise à sa place, et même si je la désapprouvais profondément, cela ne pouvait rien y changer… A moins que… peut-être que toute cette barbarie pouvait cessé et apaiser Néera, peut-être était-il encore temps pour éponger ce sang…

- Je comprends ta décision, ces hommes étaient des criminels, des brutes, ils avaient cent fois donné la mort et la méritaient amplement mais….il y avait peut-être une autre manière de….

Hésitante, je me tournais vers lui pour voir si je m’aventurais sur un terrain dangereux. Je ne voulais pas le faire sortir de ses gongs en remettant en cause ses jugements. Retournant m’asseoir près de lui, je pris ses mains dans les miennes et pris une grande respiration.

- Cette brutalité était-elle nécessaire ? N’y avait-il pas d’autres moyens d’abréger leur vie que…que de cette façon ? Je t’en prie, fait enterrer leur dépouille…ne les laisse pas au bout de leur corde.

Pour sauver son âme, j’aurais pu sauter à cheval à l’instant pour aller les décrocher de leur branche et les enterrer moi-même. Ces hommes étaient peut-être des monstres de cruauté, il n’en restait pas moins des enfants de Néera, ils avaient droit aux dernières prières et aux derniers soins apporter aux corps des défunts…. Si je pouvais passer outre le fait qu’Hanegard était le signataire de cette pendaison, je ne pouvais pas accepter que ces hommes se balancent encore au bout d’une corde, dévorés par les corbeaux et autre nuisible.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Jeu 5 Jan 2012 - 15:14

Il n’était guère étonnant que Jena désapprouve ces exécutions, je m’y étais attendu et le contraire aurait été incompréhensible. Le culte de Néera restait assez strict sur le fait d’envoyer soi-même des moissons d’âmes dans le royaume de Tyra. Chaque chose en son temps, voilà une doctrine que je pouvais comprendre uniquement dès lors que j’admettais que le moment de Locskey et de sa bande devait aux yeux des dieux être celui où les soldats leur avait passé la corde au cou. J’ignorais la volonté de Néera, mais je ne pouvais croire qu’elle veuille que d’autres villages subissent le même sort.

Et Jena me comprenait, là demeurait l’essentiel à mes yeux. Je ne pouvais ni ne voulais l’obliger à approuver les actions parfois brutales qu’il me fallait prendre en reniant à ses principes… mais si elle pouvait comprendre que je ne disposais pas d’autres solutions, alors je prenais ça pour une sorte d’absolution. Je n’ai jamais prétendu que mon code moral s’approchait de celui de Néera ou d’un chevalier. Pour ce que j’en savais, une méthode brutale et directe fonctionnait admirablement bien, je n’allais pas en changer après toutes ces années.

Un point gênait cependant ma femme, je le sentais à la tension qui se dégageait d’elle. Un peu hésitante, elle me demanda si la méthode choisie pour l’exécution et si le fait d’avoir laissé pourrir les cadavres des bandits ne se trouvait pas être un peu cruel. Je lui aurais bien répliqué que les gaillards avaient cent fois pire à leur actif, mais je ne voulais en aucun cas me montrer brutal ni cinglant envers elle. Passant un bras autour de ses épaules, je l’embrassais pour lui montrer que sa question ne ma fâchait pas puis je lui expliquais :

La pendaison frappe les esprits. Cela a de tout temps été le châtiment de ceux qui vivent en marge de la loi, il importe que chacun puisse se rendre compte que justice a été rendue.

De quoi aurais-je l’air si les exécutions ne se passaient plus ainsi en public ? Les villageois de la région avaient crié leur enthousiasme tandis que les bandits dansaient dans les airs leur dernière gigue. Je pouvais comprendre qu’une prêtresse ait à y redire… mais jusqu’au jour ou Néera me fournirait une barrière magique anti-incursion, une bonne corde resterait l’argument dissuadant le plus efficace dont je disposais en stock.

Cependant, je pouvais accéder à la deuxième partie de sa requête. Laisser les cadavres au bord des routes servait d’exemple durant les premiers jours, mais désormais la nouvelle avait du se répandre et il était inutile de laisser la putréfaction écœurer les voyageurs. Me levant, je marchais jusqu’à mon bureau et sans même m’asseoir griffonnait rapidement quelques lignes sur un parchemin. Cela fait, j’ouvris la porte et remis la missive au garde en lui indiquant de dépêcher un cavalier au commandant de la forteresse de Kregan.

Revenant auprès de Jena, je m’assis à côté d’elle.

J’ai donné des ordres. Ils seront enterrés et un prêtre de Tyra sera présent… c’est son domaine après tout.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Ven 6 Jan 2012 - 16:26

M’ayant embrassé, pour me rassurer je suppose, Hanegard m’expliqua que la pendaison était le moyen le plus facile pour marquer les esprits. Remplaçons Facile par Brutal et on se rapproche un peu plus de la vérité. Mais ce n’était pas à moi de donner des leçons à mon époux. Il était Baron et en matière de justice et de sentence, je n’avais pas voix au chapitre. Je me contentais donc d’hocher la tête sans lui faire part de mon opinion à ce sujet. S’ensuivit un petit manège que je compris aussitôt. Si je ne pouvais rien faire pour changer les méthodes de mise à mort, il avait été visiblement sensible à ma dernière demande et cela me rassurait. Même si la vision de ses mains couvertes de sang n’avait pas cessé, j’étais persuadée que Néera apprécierait son geste… du moins je l’espérais de tout mon cœur. Fermant les yeux un instant, le temps qu’il donne le bout de papier au garde en faction devant la porte, je priais à nouveau. J’avais la désagréable impression de n’avoir fait que ça ces derniers jours et je regrettais d’avoir à continuer ici mais pour son âme à lui que n’aurais-je fait !

Lorsqu’il revint près de moi, il me confirma avoir fait donner l’ordre de dépendre les criminels et de les enterrer convenablement. Cependant ses derniers mots me firent légèrement tiquer. Pensait-il réellement ce qu’il venait de dire ?Que les prêtres de Tyra étaient seuls compétents dans ce domaine ? J’avais évité de mettre les pieds dans les plats au sujet des exécutions puisqu’il ne s’agissait pas de mes affaires, et s’il incarnait la justice, je pensais pouvoir m’occuper pleinement de la théologie au sein de notre couple.

- Tu ne devrais pas dire cela. La mort est du domaine de chacun, elle nous concerne tous. Tyra est la maîtresse de leur royaume mais les vivants ont le devoir d’accompagner les défunts dans leur voyage, par leur prière ou simplement par une pensée. Un prêtre de Tyra connaîtra les rituels pour les inhumés et les prières à adresser à sa déesse, mais un prêtre de Néera pleurera leur mort et priera pour leurs âmes. Vois-tu la nuance ?

Je n’avais pas élevé le ton, cela n’était pas nécessaire. J’étais loin d’être en colère ou déçue, je voulais juste qu’il essaye de comprendre mon point de vue, bien que je sache que cela ne serait pas évident pour lui. Il s’arrêtait probablement sur le fait que ces hommes avaient commis des atrocités sans nom et qu’ils méritaient leur sort. A cela je ne pouvais qu’être d’accord avec lui. Mais Néera venait de m’enseigner l’amour en l’être humain et quoi qu’ils aient pu faire de leur vie, ils étaient maintenant mort. Qui sommes nous pour croire qu’aucun homme ne peut changer ? Hanegard en était bien la preuve après tout. Il avait probablement commis des crimes atroces durant son service dans les Légions Noires, et le souvenir de ce qu’il avait fait à Ilinsar était encore frais dans mon esprit. Pourtant, à le voir maintenant, qui pourrait se douter pareille chose ?

- Je ne suis pas en train de dire qu’il méritait de vivre… seulement que leurs corps auraient du être traité avec plus de respect et leurs âmes aussi...même si ‘la pendaison frappe les esprits’.

Légèrement mal à l’aise, je tournais les yeux vers lui et croisais son regard. Comme je détestais avoir ce genre de conversation avec lui. Surtout après un mois d’absence, un mois ou j’avais seulement espérer me serrer dans ses bras, lui parler de choses futiles et dérisoires. Ce ton sérieux et morbide me gênait. Je poussais un léger soupir et vins me blottir contre lui, un fin sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je retrouvais cette place qui m’avait tant manqué.

- Parlons d’autre chose, de chose bien plus sérieuse….Combien de fois as-tu pensé à moi en quatre-vingt jours ? Et combien de fois as-tu reluqué la domestique qui t’apportait ton repas ou celle qui venait faire le ménage ici ? Attention ne ment pas je sais tout et je vois tout ! TOUT ! Je ponctuais ma phrase d’un éclat de rire et me tournais vers lui pour l’embrasser.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Lun 9 Jan 2012 - 13:35

Sur le plan de la controverse théologie, je n’allais pas faire le poids bien longtemps contre mon épouse nouvellement ordonnée prêtresse. Au-delà du fait qu’il existait cinq dieux et de leur spécialité à chacun, mes connaissances sur les cultes se limitaient à savoir lesquels pourraient éventuellement causer des troubles publics, alors que Jena maîtrisait la doctrine de Néera sur le bout de ses jolis doigts. Tyra, Néera… oh certes je saisissais la nuance qu’elle tentait de m’expliquer, mais il me fallait admettre qu’envoyer un prêtre de Néera pleurer sur le trépas de ces gredins me déplaisaient, cela me semblait presque constituer une souillure vis-à-vis de leurs victimes.

D’ailleurs, je ne pouvais m’empêcher de ressentir une légère inquiétude quant à la réaction de Jena le jour où je serais amené à ordonner une exécution un peu plus rude, comme cela risquait d’arriver à l’occasion de la prochaine foire. La pendaison reste le grand classique fréquemment utilisée, mais cela ne se passait pas toujours aussi simplement. Les exécutions publiques à Alonna pouvaient vite tourner à la boucherie en règle, à la plus grande joie des spectateurs qui savaient apprécier le travail bien fait d’un bourreau. Estomacs sensibles s’abstenir, mais je savais que les fenêtres qui dominaient la place où se tenaient lieu les supplices atteignaient à la location des prix littéralement exorbitants ces jours-là.

Peut être un jour aurais-je une longue conversation avec Jena sur ce goût morbide de la populace et la nécessité de la satisfaire. La rude vie à la frontière, la proximité presque quotidienne de la mort, la peur des épidémies ou des raids, tous ces éléments pressaient certains à trouver un exutoire dans ces exécutions publiques sanglantes. Un peu comme si la douleur des autres apaisaient leurs propres craintes. Ou, il faudrait que je lui en parle afin de connaître l’opinion et les remèdes que proposaient le culte de Néera, mais certainement pas ce soir là.

L’accueillant au creux de mes bras, j’eus un grand sourire en entendant sa question sur ma fidélité envers elle durant son absence.

Jamais je n’ai pensé à toi !

Une myriade de petits baisers vint s’abattre dans le cou de Jena, démentant mes propos qu’elle n’ignorait pas être faux. Dieux qu’elle m’avait manqué, et que cela faisait du bien de pouvoir la serrer de nouveaux dans mes bras. Elle savait aussi bien que moi que je n’avais pensé qu’à elle et que jamais je n’aurais été voir du côté d’une autre, mais nous adorions ce genre de petits jeux. D’un ton sérieux, j’affirmais :

Et j’ai reluqué toutes les servantes !

Glissant mes doigts le long de ses côtes, je la chatouillais sans vergogne, déclenchant un fou-rire qui effaça l’air faussement indigné qu’elle tentait d’aborder. Oui, Jena est chatouilleuse et je n’hésitais pas à en profiter à mon avantage, le tissu de sa robe restant assez léger pour ne pas la protéger. La sentir ainsi si près de moi réveillait également d’autres envies. Un mois, un long et interminable mois sans pouvoir caresser ce corps tant désiré, sans pouvoir savourer la douceur de sa peau et de ses lèvres. Glissant mes doigts dans le velours de ses cheveux, je l’embrassais et lui murmurais à l’oreille d’un ton cette fois réellement sérieux :

Si nous allions dire bonne nuit aux enfants afin d’être… seuls ?

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Mer 11 Jan 2012 - 12:53

Un mois loin de lui…je n’en revenais toujours pas ! Je me rendais compte seulement maintenant, au creux de ses bras, du vide qu’avait creusé son absence à mes côtés. Au temple j’étais parvenue à ne pas penser à la douleur de cette séparation, je n’avais pensé à lui qu’en souriant et en espérant le retrouver bientôt. Mais par les dieux qu’il m’avait manqué ! Son éternel sourire amusé étira ses lèvres et me fit littéralement fondre, malgré ses paroles. Tiens donc, Monsieur n’avait jamais pensé à moi, et il en avait profité pour reluquer le tout venant. Prenant ma mine outré j’allais lui répliqué que les prêtres et adeptes de Néera étaient loin de me laisser indifférente et que le Grand Prêtre était un homme fort séduisant – pour ne pas dire sexy – malgré son grand âge, mais les mains traîtresses de mon époux se mirent à me chatouiller et j’oubliais toutes les vilaines paroles que j’aurais du lui répliquer.
Eclatant de rire, je me tortillais pour échapper à ces attaques tout en appréciant les milliers de baisers qui pleuvaient sur moi. Redevenant sérieux, il me proposa d’aller souhaiter bonne nuit à nos enfants, histoire d’être définitivement seuls. Amusée je me redressais et quittais ses bras pour me remettre debout. Evidemment ce mois d’abstinence forcée était largement responsable du désir que nous éprouvions l’un pour l’autre en ce moment même. Quoi que, je ne devrais pas trop m’avancer pour lui lorsque je parle d’abstinence puisque je rappelle que Monsieur a reluqué toutes les servantes de la citadelle. Et du reluquage – oui, oui ce mot existe …. à Toulouse…hum – et donc, du reluquage au reste il n’y a qu’un pas si vous voyez ce que je veux dire.

- Oui allons-y.

Nous prîmes la direction des chambres, marchant côte à côte lorsque, sans crier gare, je lui frappais le bras d’un revers de la main. Surpris il se tourna vers moi et je dus me retenir pour ne pas éclater de rire. Le couloir était désert mise à part la présence d’un garde à chaque bout et je ne voulais surtout pas que cet endroit soit pris d’assaut par la même foule qui m’avait accueillit plus tôt. Nous avions pour nous l’obscurité de la nuit pour nous envelopper. Il faisait très sombre, au point même que les deux minuscules torches fixées au mur ne parvenaient pas à chasser les ombres allant même jusqu’à profiter aux coins sombres. Cet endroit aurait pu paraître effrayant mais je connaissais trop bien le chemin pour m’inquiéter du manque de lumière. Après tout j’étais chez moi !

- Toutes les servantes hein ! Je suppose que dans ses conditions je peux retourner au temple ce soir même, cela ne devrait pas te déranger outre mesure ! Et puis j’avais moi-même pas mal de succès là bas, des prêtres attentionnés et des adeptes toujours près à me faire plaisir. C’est décidé j’y retourne !

Un tissu de mensonge évidemment, juste pour titiller la jalousie de mon époux. Je lui adressais mon plus beau sourire et fis quelques pas avant de m’arrêter à nouveau. Levant les yeux vers lui je croisais son regard et me sentis frissonner. Rien à voir avec le froid glacial du couloir mais je n’allais tout de même pas le lui avouer maintenant, il en aurait été trop heureux ! Un fin sourire espiègle je m’approchais de lui, sans le lâcher du regard un instant.

- A moins que tu n’y vois un inconvénient !

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Jeu 12 Jan 2012 - 10:13

Qu’entends-je ? Ma chère et tendre se laisseraient aller à vagabonder auprès des prêtres du temple ? Elle oserait délaisser mes bras pour aller s’amuser avec eux ? La coquine, peut être est-ce auprès d’Arcam qu’il aurait fallu l’envoyer. Me rendant coup pour coup mes taquineries sur les servantes, Jena me demanda d’un ton espiègle si je voyais un inconvénient à ce qu’elle retourne au temple. Souriant, je l’attirais contre moi et murmurais :

Hors de question ma chère, vous êtes à moi et à moi seul.

Un baiser confirma que je ne comptais pas laisser ma belle m’échapper, ce qu’elle ne désirait d’ailleurs pas. Un baiser qui en appela un autre, puis un troisième. Nous nous trouvions donc fort occupés lorsqu’un bruit de course précipitée se fit entendre dans le couloir et qu’une voix cria :

Monseigneur ! Monseigneur !

Il y a certains moments où vous tombez mal, mais alors vraiment mal. Pas forcément à cause de votre mission, ni d’ailleurs à cause de votre personnalité. Non, vous tombez mal parce que les personnes que vous désirez voir ne désirent, elles, qu’une seule chose : être tranquilles. Or là, venir déranger son seigneur lorsqu’il retrouve le goût des lèvres de sa douce après un mois d’absence appartient sans aucune hésitation à cette catégorie de moments.

Je me tournais lentement vers le page qui venait d’apparaître à l’angle du couloir, des envies de meurtre dans le regard. En voilà un qui allait découvrir la joie des garnisons de montagne, et je veillerais personnellement à lui en trouver une particulièrement isolée. D’une voix calme, mais dans laquelle on pouvait deviner une colère difficilement retenue, je lui demandais :

J’espère que vous avez une excellente raison de venir nous déranger.
Euh… oui… un messager vient d’arriver avec une missive urgente en provenance de Diantra.

Diantra ? Par ce mot le garçon venait de sauver sa place, il s’agissait peut être de la seule raison pour laquelle je pouvais comprendre que l’on vienne me chercher en tout hâte. Les tensions entre la capitale et le comté de Scylla se trouvaient à leur paroxysme depuis quelques semaines, et des nouvelles de troubles à l’ordre public avaient atteint jusqu’aux terres du Nord. Depuis déjà quelques années le pouvoir royal faiblissait face aux ambitions des grands vassaux et la situation ne manquait pas de m’inquiéter.

Arrachant quasiment la missive des mains du page, je le parcourus… puis une deuxième fois afin d’être sur que mes yeux ne me jouaient pas des tours. Et je pâlis…

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Lun 16 Jan 2012 - 10:24

Un large sourire étira mes lèvres lorsque je me retrouvais serrée dans les bras de mon époux. Une place de choix que j’affectionnais tout particulièrement. Ce délicieux piège me comblait tout autant que les baisers dont me couvraient Hanegard, baisers auxquels je ne tardais guère de répondre. Bref, l’idée d’aller souhaiter bonne nuit aux enfants ayant désertée mon esprit fort occupé… oui oui, fort occupé car voyez vous j’imaginais déjà comment défaire toute cette armure de vêtement attaché de partout. N’aurais-je pas du avoir la tenue la plus compliquée ?
Mes pensés furent interrompus par le cri d’un homme. Celui-ci courrait comme s’il avait le diable à ses trousses et tenait dans ses mains une lettre. Presque aussitôt j’eus un mauvais pressentiment et il fut confirmé lorsque je vis Hanegard pâlir à vu d’œil.
Je fis preuve de patience, attendant qu’il me dise lui-même le contenu de la missive, mais il ne bougeait plus, visiblement en état de choc. Poussant un léger soupir d’impatience, je lui pris le morceau de parchemin des mains et lus les lignes d’écritures régulières, aux lettres rondes et légèrement penchées. Le contenu était bouleversant, choquant, tragique même. Stupéfaite, je relus la lettre une nouvelle fois, m’attardant un peu plus sur la belle écriture plutôt que sur l’atrocité qu’elle racontait…

Levant les yeux vers Hanegard, je croisais son regard et restais silencieuse, bouche bée. Si la missive disait vrai il allait s’en suivre une période sombre et troublée par des guerres intestines. Il y aurait des morts…toujours des morts, trop de morts…
Et nous, qu’allions-nous devenir dans tout ça ? C’était par la volonté de ce Roi que nous étions devenus Baron et Baronne d’Alonna…. Pendant une seconde je me forçais à croire qu’il s’agissait d’une simple erreur, que le Roi avait été seulement blessé et qu’un émissaire trop empressé avait préféré le déclarer mort au lieu de souffrant… Mais je revins bientôt à la réalité. On ne pouvait pas ainsi annoncer la mort d’un Roi sans avoir vérifié et revérifié si l’information était vraie ou fausse.

- Le Roi…. Trystan…. Par Néera…. Et ses enfants ? La lettre…. n’en parle pas ….

Par les Dieux, les enfants…. Liliana et Trystan morts, qui s’occupaient du prince et de la princesse de Diantra ? Si le Roi était mort des suites d’un complot, il fallait craindre pour la vie des enfants. Mais elle ne pouvait imaginer qu’on puisse assassiner des enfants si jeunes. Pourtant les hommes se révèlent être des monstres dans les périodes les plus sombres de leur histoire… Qui ? Par qui se complot fut-il fomenté ? Quel traître avait pu ainsi lever le bras contre son Roi ?
Je ne connaissais que très peu Trystan, je l’avais croisé lors des Bals d’Ysari quelques années plus tôt, lorsque j’étais enceinte de Liliana, mais il m’avait paru être un homme plein d’esprit et respectueux de son peuple.
Mais cet homme était mort, assassiné….

- Penses-tu… qu’il va y avoir une guerre ?

Là résidée mon inquiétude. Pour notre avenir, celui de nos enfants, je ne pouvais supporter l’idée que la guerre allait à nouveau éclater, qu’elle allait ravager une nouvelle fois les terres humaines. Ce genre de période est propice à tant d’exactions et de carnages… mais pourrait aussi convenir à d’autres races. Les Drow par exemple, toujours près à envahir n’importe quel territoire…..

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Lun 16 Jan 2012 - 13:22

Congédiant le serviteur, je restais seul dans le couloir avec Jena, encore secoué par la nouvelle. La mort d’un roi est une chose terrible pour un royaume, qui plus est lorsque ses héritiers sont encore des enfants sans défense. La missive n’indiquait pas de la main de qui le roi était mort. Selon son auteur, Trystan avait perdu la vie au cours d’échauffourées entre la population révoltée de Diantra et les troupes du comte de Scylla qui assiégeaient la ville.

Aetius d’Ivrey aurait-il osé commettre ce crime atroce ? Je le connaissais de longue date, l’ayant rencontré avant qu’il ne révèle son lien de cousinage avec le roi. Jeune chevalier sans le sou, il avait alors rejoint l’armée de Merwyn Séraphin que je commandais, risquant d’ailleurs en une occasion de finir dans l’estomac d’un kerkand affamé. Mais nous nous étions perdu de vue depuis des années et je savais à quel point le pouvoir pouvait changer un homme. Je ne croyais pas que l’Aetius du temps de Serramire aurait pu s’abaisser à un acte aussi infâme aux yeux des hommes et des yeux… mais je ne pouvais me prononcer en ce qui concernait le comte de Scylla.

Jena m’interrogea sur le risque qu’une nouvelle guerre n’éclate en répercussion de la mort du roi, question à laquelle moi aussi j’aurais bien aimé connaître la réponse.

Je ne sais pas. Dès l’assassinat de la reine, je sentais que le pouvoir royal faiblissait, mais de là à imaginer un régicide… non, je ne croyais pas qu’on en arriverait là, pas après les horreurs de la guerre civile. Si les drows ne se trouvaient pas eux-mêmes déchirés par la lutte pour le trône du Puy d’Elda, nul doute qu’ils auraient tout intérêt à passer à l’offensive.

Il s’agissait bien là de la seule bonne nouvelle dans la situation actuelle. Les seigneurs de guerre drows bataillaient ferme pour le pouvoir et ne profitaient pas de leur avantage stratégique acquis lors de la bataille de Fort Ellyrion. Au moins nous pouvions espérer éviter qu’un ost ne se présente à nos portes alors que le royaume semblait au bord de l’implosion. Mais si le risque d’invasion extérieure restait peu vraisemblable, je m’inquiétais bien plus des ambitions des humains eux-mêmes.

A l’époque de la guerre civile, lorsque le pouvoir royal avait déjà failli sombrer, je servais sous les ordres du duc de Serramire. Il assiégeait Oësgard et tentait de profiter du chaos ambiant pour se tailler un royaume indépendant dans le Nord. L’échec des rebelles devant Diantra mis fin à ses ambitions, le royaume se réunifiant sous la poigne de Trystan. Mais cette fois ci…

Je laissais ma phrase en suspens. Mais cette fois ci… oui, cette fois ci, la situation paraissait mille fois pire. Il y a un monde entre un pouvoir royal obligé de fuir sa capitale et une absence de pouvoir royal. Quelques années auparavant le sud et le médian avaient connu des conflits, et plus récemment les relations se tendaient entre Missède et Odélian. Un cocktail explosif se préparait et je ne voyais personne qui soit apte à ressouder l’unité humaine autour de sa bannière.

Je pris Jena dans mes bras, mais sans plus penser à ces petites taquineries qui nous plaisaient tant. Les âges sombres commençaient, et seuls les dieux savaient quelles épreuves attendaient les humains. D’une voix sombre, je murmurais :

J’ai été nommé baron par le roi Trystan, et je resterai fidèle à sa mémoire. Alonna demeurera le bouclier du royaume, mais je ne plierai plus le genou devant quiconque jusqu’à ce que se soit levé un monarque digne de lui succéder.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Mer 18 Jan 2012 - 11:58

Visiblement il partageait mon inquiétude, la guerre civile était un mauvais souvenir gravé dans l’esprit de tous. Lorsqu’elle avait éclaté j’étais encore au service de Dame Camelia et nous nous trouvions en visite chez l’une de ses amis de Diantra. Je me souvenais parfaitement de notre départ précipité une nuit à travers les ruelles désertes. On avait croisé tant de cadavres et d’agonisants que je n’avais pas pu les dénombrer. Ces images resteraient à jamais gravées dans ma mémoire, tout comme l’horrible sensation que j’avais ressenti quelques années plus tôt lorsque Hanegard m’avait annoncé les conflits entre Drows et Elfes...
Le ventre noué, je fermais les yeux lorsqu’il m’attira dans ses bras pour me serrer contre lui. Il avait toujours su si bien me rassurer que je fus presque surprise de sentir que cette nouvelle le bouleversait autant que moi.

Ces dernières paroles me glacèrent et il me fallut une longue minute de silence pour les assimiler pleinement. Nous savions tous deux ce que cela signifié, si un nouveau roi était nommé dans les jours à venir et qu’Hanegard décidait de ne pas s’incliner devant son autorité, il serait alors reléguer au rang de traître, destitué de tout pouvoir et de toute possession. A moins…. A moins qu’il se réclame indépendant et là c’était une toute autre histoire…
Malgré toutes les incertitudes que pouvaient comporter notre avenir, savoir que nous serions toujours ensemble, l’un à côté de l’autre, nous aimant et nous épaulant comme à cet instant….cela suffisait à mon bonheur.

- Trystan était un roi juste et bon, j’approuve ta décision et je te soutiendrai…. Quoi qu’il nous en coûte.

Cette dernière information se devait d’être parfaitement claire entre nous. L’avenir s’annonçait sombre et incertain. Les amitiés et les liens entre les duchés, les baronnies et les comtés risquaient d’être mis à rude épreuve. Nous serions à n’en pas douter, bientôt témoins de trahison, de guerre intestine au sein même des familles dirigeantes, chacun cherchant à tirer la couverture à soi…
Alonna devait être protégé de cela, nous ne pouvions pas permettre que tout le fruit de notre travail éclate et disparaisse à cause de gens cupides et malhonnêtes.
Relevant la tête, je croisais le regard de mon époux et lui adressais un fin sourire.

- Les temps s’annoncent difficiles et je mentirais si je disais que je ne suis pas effrayée par ces annonces de guerre imminente, mais le plus important mon amour, c’est que je t’aime et qu’aucune guerre ne pourra changer cela. Quoi qu’il advienne je serais toujours près de toi pour t’épauler, et puis, si je me souviens bien il s’agit là de mon premier devoir d’épouse et de Baronne.

Concluant ma dernière phrase par un large sourire, je me dressais sur la pointe des pieds pour l’embrasser à nouveau pour conclure mes propos.

Sujet: Re: Des retrouvailles sous la neige Jeu 19 Jan 2012 - 9:55

Lorsque nos lèvres se dessoudèrent, je gardais Jena enlacée au creux de mes bras. Savoir que je pouvais compter sur son soutien comptait plus pour moi que toute autre considération. Tout en lui caressant tendrement les cheveux, je murmurais :

Allons, ne nous laissons pas aller au pessimisme. Peut être les nobles ont-ils tiré les leçons du passé et privilégieront-ils le recours à la diplomatie plutôt que de dégainer leurs épées.

Je n’y croyais guère, l’histoire récente nous ayant prouvé que rien n’est plus borné qu’un noble qui pense avec son braquemart. L’honneur ! Toujours l’honneur ! Pour le sauvegarder, des régions entières pouvaient se trouver dévastées, des destins brisés inutilement. Tirer l’épée pour pourfendre du drow ou pour sauvegarder l’intégrité de ses terres, oui cela je le comprenais et l’approuvais… mais parfois j’avais la désagréable impression que certains jouaient la théorie du pire juste pour le plaisir de combattre.

Le plaisir de combattre… quelle aberration ! Du temps où je servais le duc de Serramire au sein des tristement célèbres légions noires, j’avais participé au siège d’Oësgard, j’avais affronté une armée drow, mais jamais je n’y avais pris le moindre plaisir. Je dirigeais alors une armée car telle était ma tâche et mon devoir, pas pour me délecter de contempler un champ de cadavres. Probablement que mes pairs qui ne voyaient une bataille que via une carte d’état-major ou bien d’un promontoire dominant les combats y trouvaient une certaine jouissance de pouvoir et d’intelligence tactique… mais qu’auraient-ils dit une fois au cœur de la mêlée ?

Si la guerre pour la conquête de Nelen avait pu être limitée dans l’espace, la guerre d’Ydril constituait un exemple typique de stupidité et de gâchis à grande échelle. L’incapacité des suderons à tenter de régler pacifiquement et par la diplomatie une sombre histoire de viol démontrait bien leur décadence. A aucun moment les parties prenantes n’avaient échangés autre chose que des menaces et des insultes. Peut être la guerre se trouvait-elle inévitable, mais ne pas avoir ne serait-ce que tenter de négocier, démarrer une négociation par un ultimatum comme cela avait été fait, tout cela démontrait au moins une chose : les seigneurs du Nord ne sont pas les plus va-t-en guerre du royaume. Depuis l’époque de la guerre civile, aucun conflit majeur n’avait ensanglanté nos terres, et je ne pouvais qu’espérer que cela perdure dans cette voie.

Allons dire bonsoir aux enfants.

Main dans la main, nous nous éloignâmes d’un pas lent dans le couloir. Je ne pouvais prédire l’avenir, nul en ce monde ne le pouvait. Mais je savais une chose : quoi que l’avenir nous réserve, Jena et moi l’affronterions ensemble.

» Le roi sous la montagne (ou le Gormrik sous le Kazaz)
» Du sang sur la neige
» La neige purifie la route.
» La neige tombe | Aidan
» Le manteau de neige [Grégor]

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