Une ère nouvelle [Achevé]

L’aube… Les premiers rayons de soleil illuminaient petit à petit la chambre. Au contact de l’un d’eux, Glenn se réveilla et poussa un grognement. Il retira brusquement les épaisses couvertures qui recouvraient son lit et se leva afin d’attraper son pantalon, car oui, il était nu comme un vers. Pendant qu’il attachait son poignard à sa ceinture, un serviteur entra, avec un plateau remplis de nourriture, qu’il déposa sur une table basse située près de l’entrée de la chambre. Le jeune serviteur salua respectueusement Glenn tout en lui demandant s’il avait bien dormi. Le Seigneur de Naelis ne répondit pas à cette dernière question, mais congédia poliment le domestique. Il s’affala sur l’un des canapés qui encerclé la table basse et attaqua son repas, constitué majoritairement de poissons. Le poisson était l’aliment le plus abondant dans la région de Naelis et Glenn s’y était habitué, le substituant à la viande la plus part du temps. Après avoir engloutit son repas, il emplit sa coupe de vin provenant de sa réserve personnel et se dirigea vers le balcon. Ce dernier offrait une vue des plus intéressantes sur la ville et la mer, soit un jolie cadre. On pouvait aisément distinguer la Caserne, les quais, le temple ainsi que les grandes portes Ouest et Est. Mais le seigneur de Naelis ne pouvait se permettre de s’attarder devant cette vue et une fois sa coupe vidée de son vin, il appela ses hommes qui montaient la garde dans l’antichambre. Deux chevaliers de Naelis entrèrent et saluèrent leur seigneur. Comme tous les matins, ils aidèrent Glenn à s’équiper de son imposante armure. L’armure était la tenue officielle du seigneur de Naelis : il était un guerrier et entendait se faire voir comme tel. Sa nouvelle armure, cadeau du meilleur armurier de la ville, était en plates soit une protection optimale. Il portait un tabard par-dessus à ses couleurs, celle de Naelis, soit épées d’argent croisées sur fond de gueule. Ce nouvel emblème flottait depuis trois ans sur la ville, des bannières étaient accrochées un peu partout dans la cité afin que nul n’ignore qui gouverné. Attachant lui-même son épée et attrapant son casque, il s’adressa à ses chevaliers : « Faites sceller mon cheval et préparez moi une petite escorte, je compte me rendre au chantier naval ce matin. » Glenn disposait d’un bon nombre d’armes mais il préférait s’armer uniquement d’une épée lors de ses visites en Naelis. Inutile de s’encombrer, les entrées de la ville étaient étroitement surveillés, il ne risquait pas de se faire attaquer chez lui…

Trois chevaliers montés l’attendaient dans la petite cour et un jeune palefrenier s’occupait de son destrier. Quelques hommes s’entrainaient, frappant de part en part des mannequins de bois. Tous saluèrent respectueusement leur seigneur avant de reprendre leur activité. L’un des trois cavaliers était Raymond, ami fidèle de Glenn et commandant de l’ordre des Chevaliers de Naelis. Il avait voulu l’accompagner pour cette petite escapade matinale. La petite troupe se mît en marche, direction la porte du veilleur, qui séparait la ville haute du reste de la ville. Le chantier naval se trouvait sur les quais, à l’écart du port. Raymond et Glenn discutèrent tranquillement comme l’occasion le permettait.
«-Tous les membres du conseil seront présent, Erestor est revenu cette nuit. Tu n’as pas oublié que la séance se tient aujourd’hui j’espère ?
-J’ai beau être occupé, je n’en oublie pas moins les horaires du conseil. D’autant plus que cette séance sera des plus importantes.
-Nous aborderons le sujet des alliances ?
-Oui, il est temps de nous ouvrir au monde. »
Les soldats de la garde de Naelis qui gardaient la porte du veilleur reconnurent instantanément leur seigneur et ils ouvrirent les portes pour les laisser passer. Ce fut la même chose pour la porte du trident, unique accès aux quais. Ces deux portes n’existaient pas dans l’antique Naelis, Glenn les avait rajoutées pour plus de sécurité. Le chantier naval était en pleine activité : la construction de la caravelle était la priorité du moment. Ce navire sera le premier de la future flotte de Naelis, Glenn en avait besoin pour commercer et affirmer sa position sur la mer Olienne. Pour ce faire, Il avait fait appel à un maître charpentier de Thaar. Pas le meilleur d’entre eux certes, mais son humour avait tout de suite plut à Glenn. Les travaux avaient bien avancé, les charpentiers faisaient du bon boulot. Le bois nécessaire provenait essentiellement des camps de bucherons installés en Aduram. Le problème restait de trouver un équipage…

Mais il avait des affaires plus urgentes que celle-là pour le moment. Il discuta un moment avec le maître charpentier, examinant plus en détails les changements depuis sa dernière visite et rentra au donjon afin de présider le conseil. Ce dernier avait pour but de conseiller le seigneur de Naelis sur la gestion de la ville : Glenn tenait à écouter différents avis même si au final, c’est lui tranchait. Les séances se tenaient dans une salle réservée à cet effet, dans le donjon. La séance d’aujourd’hui était un peu spéciale : déjà il était rare que les cinq (six en comptant Glenn) membres du conseil soit présent tous ensemble lors d’une séance et Letwin, le chef des services secrets avaient d’importantes nouvelles à annoncer. Bien sûr Glenn savait de quoi il s’agissait mais les autres membres du conseil n’étaient pas au courant. Avant de commencer, Glenn s’adressa à l’un des chevaliers postés devant la salle : « Amenez moi le lieutenant Wylenaryn de la garde de Naelis. Laissez la patienter ici si le conseil n’est pas finit. » Puis les conseillers entrèrent : Erestor, meneur des guetteurs, Raymond, commandant de l’ordre des chevaliers de Naelis, Etias, représentant des mages, Letwin et Trimack, commandant de la garde de Naelis. Tous échangèrent quelques mots de politesse et Letwin prît la parole :
« -J’ai reçu des nouvelles plutôt troublantes de la péninsule… Je n’y croyais pas mais mes espions sont formels, Trystan 1er est mort. Aetius d’Ivrey, à la tête d’une armée, aurait pris le contrôle de la ville et tué froidement le roi…
-Ainsi donc nos ennemis s’entretuent, ce n’est pas pour me déplaire, répondit Etias.
-Il est évident que tous les seigneurs n’accepteront pas la légitimité d’Aetius, la péninsule va se plonger dans le chaos, affirma Trimack.»
Bref, le débat était lancé. La mort du roi Trystan n’est pas forcément une bonne chose pour Naelis, si la péninsule se plonge dans une guerre civile, qui va pouvoir les aider si jamais les drows se décident de les envahirent ? Le démantèlement du 4em Ost avait grandement joué en la faveur de Glenn et ce dernier devait se préparer avant que les sombres choisissent leur nouveau guide.

Naelis, les murs d'enceinte. En ce début de journée le vent ne soufflait guère et la nuit s'était passée dans un calme réconfortant, laissant assez de bruits pour que l'elfe ne se sente pas tendue. En elle-même, cette nuit fut froide mais aucunement glaciale, comme à certaines périodes du fait du vent marin qui venait s'introduire sous les manteaux et même dans les bâtiments, ce qui en cette saison n'était pas ce qu'il y avait de plus agréable. La nuit avait été belle, laissant apparaître grâce à la lumière de l'astre nuptial les quelques nuages voguant dans la voûte étoilée. Et maintenant le soleil se levait, éclairant de ses mille feux la ville qui peu à peu s'éveillait et donnant une teinte rose orangée au paysage de l'Ithri'Vaan. Un nouveau jour se levait, et avec lui bien des choses...

Glinaina s'écarta des créneaux et recommença un instant à marcher sur le chemin de ronde avant de s'arrêter de nouveau, scrutant de ses yeux bleus la ville haute. Pour beaucoup, leur tour de garde était terminé, maintenant remplacés par d'autres soldats. Et ce serait également son cas aujourd'hui, même si sa fonction ne lui demandait aucunement de veiller toute la nuit. Cependant, elle se faisait un devoir de connaître un minimum chacun des gardes de Naelis, et le fait qu'elle ne dorme que quelques petites heures chaque nuit lui permettait même de partager un moment cordial avec les veilleurs de nuit, c'est-à-dire le petit déjeuner de minuit (à quelque chose prêt). Après, il lui arrivait comme là de veiller également, ne serait-ce au moins pour savoir de quoi elle parlait exactement ! Chose qui lui plaisait, même si à la fin elle en était venue à prendre la fâcheuse habitude de manger deux petits-déjeuner par jour.

« Lieutenant ?
L'elfe tourna la tête et salua le garde qui venait la remplacer.
-Aeron. La nuit a-t-elle été bonne ?
-Reposante... Et de votre côté ?
-Rien à redire. Mais restez vigilant, on ne sait jamais.
-Comptez sur moi, j'en ai l'habitude ! »

Glinaina sourit à cette réplique puis souhaita une bonne journée à son compagnon d'armes avant d'arpenter la muraille et de regagner la caserne, où les autres devaient se rassembler pour le premier repas de la journée.
Dans la ville haute, les nombreuses boutiques s'ouvraient une à la fois et les commerçants préparaient soigneusement leurs étalages de nourriture, d'armes, de vêtements... Plus loin, dans le quartier de l'aigle, il en était de même pour les différents magasins et auberges. Déjà l'on pouvait croiser des femmes aux paniers remplis, des charrettes transportant quelques marchandises d'ici ou d'ailleurs et des prêtres d'Arcam ou de Néera. L'elfe devait avouer ne pas vraiment connaître le culte d'Arcam dont tant de gens se tournaient depuis le Voile et ne s'y intéressait pas vraiment. Elle avait beau apprécier et être aux côtés d'humains, son cœur restait et resterai celui d'une fille de la forêt qui croyait en la déesse Kyria. Et ce quoi que disent les prêcheurs.

Enfin, le réfectoire de la caserne. Très grande salle ceinte de larges tables en bois et de nombreuses chaises, ornée de cheminées et de quelques meubles, sans compter quelques armes décoratives accrochées aux murs. Habituellement, cette salle accueillait chaque jour diverses ambiances : le matin, c'était un silence endormi, le midi le va-et-vient des gardes, se faisant tantôt dans la précipitation, tantôt dans un calme reposant. Pour le repas du soir, l'ambiance était généralement plus festive, la journée étant finie pour la plupart. Et la nuit, ce n'étaient que chuchotements pour ne pas déranger ceux qui dorment. Et ce matin-là n'échappait pas à la règle, quelques uns avaient visiblement du mal à se réveiller.

« Messieurs dames !

Voyant leur lieutenant entrer, ceux qui étaient déjà attablés commencèrent à se lever pour la saluer mais l'elfe leur fit signe de se rassoir. Elle prit place à table, prit du pain et, tout en le tartinant avec de la confiture, entama une discussion avec ses voisins de table. Et comme toujours, il y eut toujours quelqu'un pour dire la phrase qui lancerait un énième débat sur les elfes... ou plutôt des différences entre les elfes et les humains.

-Franchement, vous avez de la chance de pouvoir ne pas dormir – ou seulement très peu – sans pour autant être fatiguée, en plus de pouvoir vivre plusieurs centaines d'années.
-C'est différent, Bryan. Peu dormir et vivre plus longtemps, comme vous dites, fait voir le temps d'une autre manière.
-Dans quel sens ?
Ça y est, une deuxième personne entrait dans la discussion ! Si elle voulait que ça ne se termine pas n'importe comment avec plein de questions encore plus basées sur des à-priori que celle-ci, il allait falloir qu'elle y mette vite fin.
-Disons qu'il n'a pas tout à fait la même vitesse. Nous prenons plus de temps pour certaines choses, nous nous organisons autrement... pour l'entrainement comme pour la paperasse ! D'ailleurs, si je ne m'abuse, il semblerait qu'il soit bientôt l'heure de prendre nos armes respectives ! Annie, Morgan et Marc, j'aimerais voir ce que vous pouvez faire à l'épée. Soyez sur le terrain dans cinq minutes. »

Puis elle se leva de table, et regagna son logement où elle se débarbouilla un peu le visage vite fait avant de descendre sur la place se situant juste devant la caserne, lieu qui était devenu le terrain d'entrainement des soldats. Quelques uns s'y entrainaient déjà, à l'arc comme au corps-à-corps. Elle salua plusieurs d'entre eux, plaisanta un peu et attendit que les autres arrivent, ce qui ne tarda pas. Glinaina posa son arc et son carquois par terre et alla à la rencontre des trois qu'elle avait demandés.

« Très bien... Je vous laisse le choix : soit deux duels amicaux gars contre fille, soit gars contre gars et inversement.
Vu le regard que se lancèrent Morgan et Annie, la question était vite réglée.
-Nous dirons donc Annie contre Morgan et moi contre Marc. Après nous ferons une mêlée à quatre. Vous savez quelles sont les règles, je vous laisse commencer.

Après un court salut, les deux acolytes firent immédiatement tinter leurs lames. Le combat dura bien cinq-dix minutes, temps pendant lequel l'elfe observa sans mot dire. Elle souriait cependant : ils avaient visiblement l'habitude de ce genre d'exercices, ce qui ne l'étonnait pas connaissant Glenn. Le plus à l'aise était Morgan, et ce fut lui qui mis à terre son adversaire. Elle prononça alors son verdict, qui était loin d'être cassant. De toute façon ils savaient très bien qu'elle n'était pas bien méchante, sauf quand on la cherchait ; et une elfe en colère ne donnait généralement rien de bon ! Elle se permis juste de donner quelques conseils sur ce qu'elle avait pu remarquer. Elle n'était pas maître d'armes, mais avait eu la chance d'avoir pour tuteur quelqu'un qui était spécialisé au corps-à-corps, à la hache plus spécialement...

Enfin ce fut à leur tour ; bref salut, armes aux poings et tintements d'acier. Tours de passe-passe, parades, feintes, esquives, combinaisons plus ou moins réussies des deux côtés. Un combat rapide opposant deux adversaires de même niveau, comme elle les aimait bien. Feinte à gauche, pointe sur la droite, pose, pare, lève, tourne, pare et... Arg ! Chute à terre. L'humain avança son épée pour la en poser la pointe sur le coup de l'elfe pour mettre fin au combat qu'il n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il lui arriva : il se prit un coup de pied à l'arrière du genou, ce qui le fit tomber et en moins d'un instant l'elfe était sur lui, poignard à la main. Perdu... Le lieutenant se releva tout en rangeant ses armes dans leurs fourreaux respectifs puis aida son adversaire à se relever. Elle lui adressa une tape sur l'épaule ainsi qu'un « Bien joué ! » pour l'avoir mise à terre.

-Lieutenant Wylenaryn ?
La concernée se retourna et se retrouva devant un cavalier, l'un des chevaliers d'Hereon même. On dirait qu'elle allait devoir quitter l'entraînement...
-Qu'y a-t-il ?
-Le Seigneur Hereon demande à vous voir au donjon.
-Très bien, j'arrive. Puis elle se retourna vers les autres gardes et leur demanda de continuer l'entraînement sans elle. »

Après avoir gratifié le chevalier d'un signe de tête, elle alla vite chercher Nargoredh à l'écurie (le cheval qui lui a été assigné depuis quelques années) et ils partirent pour le donjon. De là un palefrenier prit les chevaux en charge et ils entrèrent dans l'immense bâtisse. Arrivés devant la grande salle de réunions, dont les portes étaient closes, on lui demanda de patienter. Elle s'assit donc en attendant que le conseil finisse (pourquoi l'avoir demandée alors que le conseil a lieu d'ailleurs ?), de la terre dans les cheveux et les cheveux ébouriffés.

Comme l’avait souligné Glinaina, la vie d’un seigneur avait très peu de points communs avec la vie d’un capitaine mercenaire et Glenn s’était habitué au confort de cette vie sédentaire. Mais en contrepartie, l’entrainement qu’il s’imposé était bien plus rude. Il ne s’était pas engraissé et restait un combattant d’exception. Comme elle le désirait, il lui tendit une coupe pleine de vin qui se révéla être à son gout, ce qui n’étonna pas Glenn. Elle lui répondit par la suite.

-Je suppose qu'il faut que je donne une réponse assez développée ? Très bien. Rassurez-vous, je ne regrette aucunement d'avoir intégré la Compagnie du Centaure, je pense même que l'esprit que vous y avez insufflé me convient mieux que celui des Bûcherons, plus trivial. Et puis je m'entends bien avec la majorité des gens, y compris vos différents conseillers. Par contre, je ne vous étonnerais pas en vous disant que j'évite un peu les mages, faute de mon aversion pour la magie !

Il s’attendait un peu à ce genre de réponse, les gardes de Naelis parlaient toujours en bien d’elle et elle n’avait montré aucuns signes de mal être. Elle s’était parfaitement intégré, bien qu’étant l’unique elfe de l’armée.

« Les centaures étaient des soldats loyaux et les bûcherons des véritables reitres, voilà la différence. Je dois dire que j’ai été plutôt surpris que vous veniez me voir plutôt que de suivre Aendel et les autres elfes mais je suis maintenant pleinement satisfait de votre intégration. Et ce n’est pas uniquement mon avis, vous avez pris votre rôle de lieutenant au sérieux et tout le monde me dis du grand bien de vous. Vous savez, chaque chose à son utilité. La magie est un pouvoir très puissant auquel les épées et les arcs ne peuvent lutter et réjouissez-vous que nous ayons des mages de notre côté. Je reconnais que ces gens sont assez taciturnes et n’inspirent pas directement à la sympathie mais ils servent tout de même la ville. Prenez donc votre mal en patience. »

Glenn se joignit de bon cœur au rire de son interlocutrice. Cette dernière lui demanda ensuite ses ressentis sur nouveau statut et le questionna sur l’adresse du vin qu’ils buvaient en ce moment même.

« Je n’ai pas à me plaindre, je suis arrivé à un statut auquel je n’aurais jamais espéré étant issu du commun. Mais il faut croire que la voie des armes me réussit… Ah je savais que vous me demanderiez ça ! Et bien pour la petite histoire, c’est Trimack qui m’en a fait cadeau. Il l’aurait acheté à un marchand itinérant qui fait escale tous les trois mois à Naelis. D’après lui il pratique des prix très intéressant et si c’est vraie je n’hésiterai pas à en acheter en grande quantité pour toute la garde afin de remplacer le liquide dégelasse qu’on sert dans les tavernes d’ici… »

Après un court silence, l’elfe enchaina.

-Après, tout ce que l'on peut appeler des « problèmes » vous sont déjà connus, comme la pègre qui manque de moins en moins d'impétuosité... Qu'en est-il des travaux sur le port, au fait ? »

« Tant que le quartier du temple ne sera pas entièrement rénové, la plèbe sévira en Naelis. Le grand prêtre d’Arcam se plaint de cette situation mais la construction de la flotte navale passe avant tout. Il est prévu toutefois d’augmenter l’effectif des patrouilles dans ce secteur, sinon le balafré osera même les attaquer… Les travaux avancent vite et le premier bateau sera bientôt achevé. Reste la question de l’équipage… Enfin, je ne sais pas toi, mais ça m’ennui de te vouvoyer. A l’époque des centaures, seuls les lieutenants pouvaient me tutoyer, revenons à cette règle si ça ne te dérange pas ! Sinon, que penses-tu de Naelis en elle-même ? Quel est ton point de vue sur la population, pense-tu qu’ils nous ont acceptés ? »

Ils avaient tous deux bien des choses à se dire, mais Glenn n’était pas encore entré dans le vif du sujet… Aussi, il était conscient que cette discussion se pourrait être la dernière qu’ils auraient…

Glinaina accepta l’offre de Glenn et ils passèrent au tutoiement. Comme ils étaient seuls et que personne ne pouvait les entendre, s’encombrer de ces protocoles militaires était inutile. De plus leur relation ne s’arrêtait nullement à celle d’un officier et d’un soldat, ils avaient développés une véritable amitié. Les quelques elfes qu’avait rencontré Glenn s’étaient montrés froids et peu enclin à la conversation mais Glinaina n’entrait pas du tout dans ce schéma. Elle lui répondit par la suite, en parlant de ces contacts avec les habitants tout en précisant que la tension avait augmenté depuis ces dernières semaines.

« C’est le balafré qui est à l’origine de toutes ces tensions croissantes et des crimes perpétués dans le quartier du voile. Il est la tête pensante du groupe et je suis persuadé que l’éliminer portera un grand coup et affaiblira fortement la pègre. Mais il est malin, très malin. Mes espions l’ont pris en filature depuis quelques jours et je n’ai pas eu de nouvelles d’eux depuis… Mais je compte m’en débarrasser le plus tôt possible, je ne tolérerai pas cette situation plus longtemps ! J’ai donné des directives à Trimack sur ce sujet : la Garde devra se montrer intransigeantes, ne surtout pas hésiter à dégainer son arme ! Mais attention, pour menacer pas tuer. Je veux éviter les effusions de sang… »

Glinaina connaissait assez Glenn pour comprendre son mode d’action, elle l’avait souvent vu à l’œuvre. Le balafré montait la tête de tous les habitants de Naelis et il faut croire que ses paroles étaient écoutées… Puis elle lui donna ses points de vue concernant l’évolution de la ville en évoquant les ruines du quartier du temple.

« J’ai accès toute nos ressources sur la construction de la flotte, mais une fois le premier navire achevé, nous commencerons à reconstruire le quartier du temple. »

L’elfe avait bien compris que si le seigneur de Naelis l’avait convoqué de si bon matin, ce n’était sûrement pas pour simplement discuter, il y avait bien un autre motif derrière cette convocation...

-Glenn, en toute franchise, puis-je savoir ce que tu souhaitais me confier tout à l'heure ? J'aime beaucoup ce temps que nous passons à discuter en amis, mais je dois avouer qu'il y a quelque chose qui m'inquiète dans ta réaction. Me tromperais-je ? »

Glenn se leva du canapé et prit un air grave. Il se dirigea vers le balcon et invita son amie à le suivre. Le vent marin participa à l’ambiance froide qui s’était installé dans les appartements seigneuriaux… Il s’appuya sur le petit muret et contempla une nouvelle fois l’horizon.

« Non tu ne te trompe pas. Nous vivons des heures sombres et celles à venir le sont encore plus. Notre installation en Ithri’ Vaan est précaire, nous sommes trop peu nombreux. Nous devons notre survie à la mort du Karliik Glenn et au démantèlement du quatrième ost. Mais quand les drows se trouveront un nouveau chef, il est certain qu’ils ne nous laisseront pas en paix. Dans ce cas de figure, je comptais demander de l’aide au royaume de Diantra mais nous ne pouvons plus rien espérer de ce côté-là : Trystan 1er est mort sans nommer de successeurs, la guerre civile est inévitable. Une chose est sure, je ne quitterais pas Naelis. Je suis le seigneur de cette ville et le protecteur de ses habitants : aucun de mes gens ne sera réduit en esclavage. » Il avait prononcé ces paroles d’un ton énergique qui suffisait à montrer sa détermination. Il se retourna pour ainsi faire face à Glinaina et il attendit qu’elle prenne bien acte de ses paroles avant d’enchainer. « Il nous faut inévitablement de l’aide. Je vais tenter des rapprochements avec des seigneurs de la péninsule et les nobles de Thaar mais ce ne sera probablement pas suffisant… Les elfes pourront nous aider. Et qui mieux que toi pourras négocier avec eux ? C’est une mission de la plus haute importance que je compte te confier, l’avenir de Naelis en dépend… Il te faudra obtenir une audience auprès d’un maximum de protecteurs et même avec le roi en personne si tu le peux. Avant de parler des détails de cette mission, je préfère te demander si tu l’accepte.»

A l'air grave que prit Glenn, Glinaina sut immédiatement qu'elle ne s'était pas trompée ; quelque chose de lourd se préparait, et elle allait très certainement devoir entrer en jeu d'une quelconque façon. Il se leva, le visage bien plus ferme que pendant la minute précédente, et lui demanda de le suivre. Ils traversèrent le somptueux salon pour déboucher sur un balcon donnant une vue superbe de Naelis, le vent marin venant aussitôt faire flotter la douce chevelure de l'elfe. Le Seigneur de ces lieux alla s'appuyer contre le petit muret faisant office de balustrade, contemplant l'horizon, maintenant l'air presque absent. Une réaction qu'elle n'aimait guère, qui avait même le dont de l'inquiéter. Ce n'était pas la première fois que Glenn contemplait l'horizon, loin de là, mais l'ambiance froide qui s'était installée avait même crispé le visage de la jeune femme, malgré ses efforts pour ne pas montrer son inquiétude. Elle resta là, à l'entrée du balcon, et écouta.

« Non tu ne te trompe pas. Nous vivons des heures sombres et celles à venir le sont encore plus. Notre installation en Ithri’ Vaan est précaire, nous sommes trop peu nombreux. Nous devons notre survie à la mort du Karliik Glenn et au démantèlement du quatrième ost. Mais quand les drows se trouveront un nouveau chef, il est certain qu’ils ne nous laisseront pas en paix. Dans ce cas de figure, je comptais demander de l’aide au royaume de Diantra mais nous ne pouvons plus rien espérer de ce côté-là : Trystan 1er est mort sans nommer de successeurs, la guerre civile est inévitable. Une chose est sure, je ne quitterais pas Naelis. Je suis le seigneur de cette ville et le protecteur de ses habitants : aucun de mes gens ne sera réduit en esclavage.

Glenn se tourna alors vers, cherchant du regard toute l'attention possible. Pendant ces quelques secondes de silence, Glinaina médita les dernières paroles de l'humain : il était vrai qu'ils n'avaient pas eu à réellement souffrir des Drows, ce qui leur avait d'ailleurs permit de vraiment s'installer dans Naelis et de contrer au mieux les différentes perturbations qu'avait causé la chute du précédent Seigneur, si on pouvait vraiment lui donner cette fonction... Et tout cela grâce à un démantèlement d'une partie de l'armée drow ! Mais s'ils venaient à se rallier, ce qui n'était pas à exclure des nombreuses possibilités qu'offraient la dangereuse Ithri'Vaan, ils risqueraient dès lors à avoir de nombreux problèmes (en commençant par une histoire de flotte de guerre) ! Et pour la mort du roi Trystan I°... elle en avait perçu la nouvelle, comme tout le monde ici (les nouvelles vont bien vite, et les ragots plus encore !). Mais elle n'avait pas vraiment réfléchi à ce que cela deviendrait niveau politique sur la Péninsule. A vrai dire, ce n'était pas là son domaine privilégié.

-Il nous faut inévitablement de l’aide. Je vais tenter des rapprochements avec des seigneurs de la péninsule et les nobles de Thaar mais ce ne sera probablement pas suffisant… Les elfes pourront nous aider. Et qui mieux que toi pourras négocier avec eux ? C’est une mission de la plus haute importance que je compte te confier, l’avenir de Naelis en dépend… Il te faudra obtenir une audience auprès d’un maximum de protecteurs et même avec le roi en personne si tu le peux. Avant de parler des détails de cette mission, je préfère te demander si tu l’accepte.

Là, ce n'était pas rien ! Faire des négociations ? En Anaëh ? L'elfe s'avança vers Glenn et s'appuya à son tour contre le muret, la tête calée au creux de sa main, regardant l'horizon. Ce n'était pas aussi souvent que cela qu'elle prenait cette posture, généralement elle s'asseyait carrément sur le muret pour regarder au loin ou bien les étoiles lorsqu'il faisait nuit, mais là ce n'était pas le cas !
Il y eut un long moment pendant lequel elle ne dit mot, enfermée dans ses pensées. Un moment certainement trop long pour Glenn qui devait espérer une réponse positive de sa part. L'importance était haute, elle le savait très bien, et ne voulait pour cela ne dire aucune bêtise. L'acceptation d'un tel rôle ne devait pas se prendre à la légère.

-Des Elfes, dis-tu ? Cela fait depuis quelques années que leurs opinions divergent et que, dit-on, ils en viennent à ne plus apprécier les leurs qui pensent différemment d'eux. Après peut-être que ce que l'on raconte ici et ailleurs est exagéré pour différentes raisons... Je ne sais comment ils réagiront à ton appel.

De nouveau ce silence... Plus court, mais tout aussi pesant. A sa prochaine prise de parole, elle donnerait son accord ou non. Anaëh... Cela faisait combien de temps qu'elle n'y était pas retournée ? Cinq ans, c'est cela ? Cela faisait longtemps. Ils devaient s'être habitués à la considérer pour morte, depuis ! Quelques souvenirs lui vinrent en mémoire, assez brièvement, notamment ceux de la cause principal de son soudain départ. Et ce fut ceux-ci qui l'aidèrent le plus à prendre sa décision.

-J'accepte, Glenn. Elle se retourna et le regarda droit dans les yeux. J'accepte cette mission et j'espère en être à la hauteur. Nous ne sommes qu'en début de matinée, je partirai aujourd'hui même. Mais avant cela il faudra que tu me donnes tous les détails possibles sur l'alliance que toi et le Conseil souhaitez former. Et il faudra que tu me dises aussi ce que tu es prêt à leur offrir en échange, ne sachant ce qu'ils pourraient répondre comme demander. De mes souvenirs, l'Ithri'Vaan n'a jamais été appréciée par les Elfes, et a toujours inspiré une certaine méfiance, au moins à ceux que je côtoyait – devine pourquoi... Dans le fond, peut-être qu'avoir un lien avec l'une de ses citées ne leur déplaira pas. »

Un sourire vint sur son visage, contrastant un peu avec la détermination qu'il pouvait lire dans ses yeux. Sa tâche n'allait pas être facile... Mais elle en valait la peine.

Glenn observa la réaction qu’eut Glinaina une fois sa question posée. Le visage de cette dernière trahissait l’étonnement, la peur aussi peut être. Elle évoqua les problèmes que subissait le peuple elfe depuis plusieurs années. Glenn en avait vaguement entendu parler et son lieutenant ne devait vraisemblablement pas en savoir plus que lui… Il ne répondit pas, attendant la réponse à sa principale question. Quelques minutes s’écoulèrent avant que l’elfe donne son consentement pour la mission. Ce fut un soulagement pour le seigneur de Naelis, elle était la mieux placer pour mener à bien cette tâche qui était des plus cruciales pour la ville. L’elfe sourit, affichant ainsi sa détermination. Ce sourire plu à Glenn et il fit de même avant de dire : « Parfait » Il l’invita à quitter le balcon et il se dirigea dans un coin de la pièce où se trouvait un bureau submergé par de la paperasse. Les quelques dossiers qu’il avait ramenés du conseil de ce matin s’y trouvaient d’ailleurs. Il se saisit d’un papier, une lettre. Elle ne comptait que quelques lignes écrites de sa propre main et portait son sceau personnel. Il la plia avant de la remettre à Glinaina.

« Ce document indique que tu me représente officiellement et que tu peux parler en mon nom. Une preuve de ton attachement à Naelis en somme. Tu devras demander une audience auprès d’un seigneur elfe et lui dire que je l’invite à Naelis afin d'améliorer les relations entre nos deux domaines. Inutile de tenter avec le Roi, je doute même qu’il te reçoive. Tente le coup auprès de seigneurs frontaliers, je ne connais pas l’organisation de ce royaume mais toi si, vois qui serais le plus disposer à tenter un rapprochement. Explique bien que Naelis n’est plus à la botte des drows et insiste sur le fait que nous luttons contre eux. Je compte te fournir une petite escorte, à moins que tu préfères voyager seule ? »

Des frères d’armes, Glenn en avait perdu des centaines, notamment son meilleur ami et chef, Adin. Et il ne comptait pas perdre Glinaina. Les terres elfiques n’avaient pas la réputation d’être moins dangereuses que celles de la péninsule, d’ailleurs ne s’était pas-t-elle pas faites capturer par un drow une fois ? Si, il lui semblait bien qu’elle lui avait confié cette histoire. Il posa sa main sur l’épaule droite de l’elfe avant de proclamer : « Naelis compte sur toi ». Puis il se détourna de Glinaina pour empoigner son épée et accrocher à sa ceinture. Tout en lui tournant le dos, il ajouta :

« Tu sais, je doute que tu aies l’occasion de revenir en Anaëh… Si tu as des personnes à voir c’est le moment, je pense notamment à ta famille. Mais ne traine pas trop quand même ! Allez viens je te raccompagne.»

Il lui sourit et lui tendit son bras. Et oui, Glenn est capable d’une grande délicatesse contrairement aux idées reçus. Mais attention à ne pas lui marcher sur le pied quand même, là vous aurez des problèmes, beaucoup mêmes…