Une nouvelle nuit, une nouvelle vie... (pv Franco)

~ La mort donne du prestige ~

La route retour jusqu’aux Sept-Monts avait été longue. Cette fois-ci Franco était rentré seul, les hommes du Balafré étant restés à Naelis. Il avait eu tout le temps du trajet pour établir son plan pour la suite des évènements. « 6000 souverains et une volière », voici ce qu’il s’était répété tout le trajet. Ayant toujours vécu en tant que noble ou depuis peu en tant que gérant d’une société marchande, il avait l’habitude d’être invité de partout. Mais quand on est invité partout on ne possède pas grand-chose, si ce n’est son nom. Et dire qu’il était sur le point de le perdre. D’autres dirait qu’il était complètement fou de faire cela.

Les instructions de l’homme des ombres avaient été claires. Franco était quand même un peu dubitatif mais il allait l’écouter. Acheter quelques médicaments, moins sortir dans le ville, prendre un bain chaud tous les soirs … Après tout c’était un peu une vie de fainéant qu’il devait vivre. Et il faut dire que cela ne l’aiderait pas à réunir l’argent. Quant à Cléandre … Comment lui expliquer tout cela. Le cœur de Franco était un peu chamboulé. N’aurait-il pas été plus simple de simplement se rendre aux autorités de la Péninsule ?

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Une fois arrivé aux Sept-Monts, le soltari en exil fréquenta peu son associé, Kaichi. Il se contenta de gérer ses affaires de son côté pendant les premiers jours. En fait, il était sur le terrain toute la journée. Là-bas, il se renseignait. Combien produisait chaque exploitation, quelle était la valeur de chaque marchandise. Il notait bien précieusement dans un coin de sa mémoire toutes les informations qu’il récoltait. Un soir, alors qu’il était rentré tard, son fidèle serviteur Cléandre arriva à l’intercepter.

- Franco, je ne vous vois plus depuis quelques temps, tout va bien ?
- Je n’ai pas le temps, Cléandre.
Franco essaya de se libérer de l’emprise de son ancien serviteur pour aller vaquer à ses occupations, il avait encore fort à faire.
- Non ! C’est assez. Vous m’avez emmené dans cette ville où je ne connais personne, je vous ai fait confiance depuis toujours. Ce que j’attendais de vous c’est au moins que vous me confiiez quelque chose à faire. Je ne vous vois jamais !

L’ex-duc fixa Cléandre droit dans les yeux. Les choses étaient compliquées. Il n’avait ni le temps de lui expliquer la situation, ni l’envie de perdre son temps à discuter. Il passa sa langue sur ses lèvres, légèrement anxieux. Il s’apprêtait à prendre la parole quand une bien meilleure idée lui traversa l’esprit. Le duc ferma les yeux, s’avança vers Cléandre et l’embrassa. Pas comme on embrasse un ami, plutôt comme on embrasse un amant. Franco savait bien que son compagnon rêvait de cet instant depuis toujours.

- Je te demande, une fois de plus, de me faire confiance Cléandre.

L’ancien serviteur, complètement subjugué par ce qu’il venait de vivre, ne répondit pas. Juste quand Franco s’éloigna, il lui attrapa la main. Une larme soula sur sa joue. Franco n’avait pas le temps pour ça, il tourna les talons.

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Franco avait tout repéré. La caisse de Kaichi contenait bien plus que les 6000 souverains promis. Quant à la volière … Franco en avait cherché une mais il ne restait que des vieilles infrastructures en ruine. Le duc avait donc décidé d’en faire construire une pour le mystérieux assassin non-loin d’une des propriétés qu’il envisageait d’acquérir. Etonnement, le soltari s’était trouvé très efficace. Il avait réussi à recueillir toutes les informations pour la suite de sa vie aux Sept-Monts, tout était prêt pour faire capoter les affaires de Kaichi & Frères. Il avait également suivi les instructions de l’homme des ombres à la lettre.
Alors qu’il se prélassait dans son bain comme tous les soirs depuis plusieurs ennéades, Franco réfléchissait à ce qu’il aurait pu oublier. Etant obnubilé par les affaires bien plus que par sa propre personne, il n’avait même pas pensé à se trouver … Un nom ! Quelle idée saugrenue. Comment en choisir un nouveau ? Ce n’était une opportunité qui s’offrait souvent dans la vie d’un homme. Serait-ce un nom d’origine péninsulaire ? Pourquoi pas un nom Ydrilote …

La réflexion était à son paroxysme lorsque quelqu’un vint frapper à la porte de sa chambre.

- Livraison pour le Duc Di Celini !

Ça c’était un coup de l’homme des ombres. Car ici, pas grand monde ne l’appelait « duc ». Franco se leva, quitta la baignoire, passa un peignoir en velours bleu et se dirigea vers la grande porte en bois. L’heure était un poil tardive pour une livraison de coursier. Le soltari ouvrit la porte sans chercher à en savoir davantage. L’homme qui se présenta à lui n’était pas vraiment un homme. On aurait dit une sorte d’adolescent ayant grandi prématurément.

- Quel genre de livraison ? J’attends beaucoup de choses, vous savez.

Franco se voulait volontairement désagréable. Maintenant, il était curieux de voir ce qu’il allait se passer.

Note:

Franco était surpris. Il ne s’attendait pas à ce que tout cela commence ainsi. Mais après tout, pourquoi pas. Il avait passé plusieurs ennéades à tout préparer en prévision de ce moment. Il tâcherait donc de se donner au maximum afin de ne pas faire capoter tout le plan élaboré par l’assassin. L’ex-duc prit soigneusement le paquet apporté par le coursier et l’ouvrit. Il vit d’abord une facture écrite à la main, le montant était exorbitant. En même temps, le collier en lui-même était somptueux à regarder. Même s’il n’avait pas spécialement le temps pour l’analyser, l’artisan choisit par l’homme des ombres était un homme de talent. Alors qu’il allait refermer la boite et renvoyer le coursier,  Franco vit un autre petit papier. Il le saisi et le lu.

Les instructions étaient claires. Franco était seul ce soir, ayant envoyé Cléandre en mission ailleurs. Il agirait donc en fonction.

- Rentrez jeune homme, vous n’avez rien à craindre ici.

Franco venait de changer complètement d’attitude vis-à-vis du jeune homme. S’il fallait qu’il reste, il resterait. Le soltari savait se montrer persuasif en cas de besoin.

- Vous devez avoir une vie stressante, que diriez-vous de prendre ne serait-ce que deux minutes pour vous ? Je peux vous offrir une tasse de thé, peut-être ?

Quelqu’un qui aurait connu Franco se serait rapidement rendu compte de la supercherie. Le grand brun n’était que rarement agréable, et s’il l’était, son sourire n’était pas aussi franc.

- Euh … Je n’ai pas vraiment le …

Le jeune homme était hésitant. Il fallait finir de le convaincre, tant pis si l’attitude de Franco l’effrayait un brin.

- Mais non, allez, prenez deux minutes pour vous.

Franco prit le jeune homme par l’épaule.

- J’apprécie d’avance la compagnie d’un jeune homme comme vous.

La porte se referma derrière Franco et son nouveau compagnon improvisé.

Franco avait invité le jeune coursier à l’intérieur. En temps normal, la jeunesse du garçon aurait pu attirer son œil. Mais il était bien trop concentré sur ce qu’il devait faire et il n’eut pas le temps de se laisser distraire. Après à peine quelques poignées de secondes d’instance auprès du livreur, un homme fit son apparition dans les ombres. Franco ne l’avait même pas entendu rentrer. Puis tout se passe très vite. Le coursier fut assommé, pauvre garçon. Il n’avait certainement rien demandé …
Franco reconnu l’homme qui avait fait irruption chez lui. C’était l’assassin de l’auberge de Naélis. L’information était donc plus qu’officielle : L’heure était venue.  L’ex-duc n’osa rien faire, il regarda l’assassin arpenter ses appartements. Certainement pour vérifier que les deux hommes étaient seuls. Enfin seuls et accompagnés d’un inconscient. Vient une question sur la gestion du bain. C’était donc pour ça qu’il devait prendre un bain tous les soirs …

- La cuve … Euh oui, la cuve. A peine dix minutes, je dirais. Si besoin je peux siffler dans la cour. L’un des serviteurs de Kaichi viendra pour s’en occuper.

Franco observa l’assassin. Voir son visage et ses cheveux avait quelque chose … D’extasiant. Le soltari découvrait enfin pourquoi il avait payé. Et pourquoi il allait encore payer. En espérant que tout se passe bien. « Angelo ». Voici le nom qui résonnait dans l’esprit de Franco.  

- Dis moi ce que je dois faire pour t'aider.

Les choses s’enchainèrent rapidement. L’assassin, sans répondre à la question de Franco, s’activa. Ce ne fut qu’après quelques minutes d’un silence de plomb qu’un étranger vient briser le silence. Quelqu’un toquait à la porte. Etrange … L’assassin demanda à Franco son peignoir. Encore plus étrange. Mais l’ex-duc n’hésita pas un instant, il se déshabilla quasi instantanément. Il exécuta la suite des ordres de l’assassin. Une fois dans sa chambre, Franco commença à faire sa valise. Il tendit l’oreille et reconnut la voix de celui qu’il avait engagé. Il conversait avec un autre homme … A vrai dire, le soltari était un peu agacé de ne rien comprendre à toute cette mascarade. Mais il n’avait pas vraiment d’autres choix …

Le grand brun, toujours nu, se surprit à s’ennuyer. Comment pouvait-il n’avoir rien à faire dans un moment aussi important de sa vie ? Heureusement, l’attente fut rapidement rompue et l’assassin vint le rejoindre dans la chambre. Drôle de perspective pour lui … Un autre homme venait le rejoindre dans sa propre chambre alors qu’il était nu. Il espérait simplement qu’une telle promiscuité ne lui provoquerait pas une érection. Heureusement, le stress risquait de bloquer toute sorte de réactions naturelles de ce genre. L’assassin inspecta Franco. Le duc n’était pas spécialement pudique mais il trouvait ça étrange de se faire reluquer de manière aussi inhumaine. Suite à l’inspection, l’ex duc du s’habiller. Pourquoi changer de vêtements maintenant ? Allaient-ils s’échapper incognito ? Difficile à déterminer.

Ayant clairement indiqué à Franco qu’il ne devait pas faire de bruit par un signe, l’ex duc obéit à l’assassin qu’il avait engagé. Il se contenta de le regarder partir une nouvelle fois dans ses appartements. Cette fois-ci, il revint bien plus rapidement. Les instructions étaient claires. Tout allait bien se passer puisque Franco avait pu réunir la somme qu’ils avaient convenu ensemble à Naélis quelques ennéades plus tôt. L’argent était prêt depuis quelques jours, par contre pourquoi devait-il le remplacer par un autre pactole ? C’était les affaires de l’assassin, après tout … Le duc pris donc son argent avec lui, laissant celui de l’homme mystérieux.

L’ex duc prit la parole, à voix la plus basse possible

- Nous partons maintenant ? Peux-tu au moins me dire ce que nous allons faire, que je sache à quoi m’attendre ?

Les explications étaient claires. Pourtant Franco avait du mal à comprendre la globalité du projet. Il pensait également à Naélis et sa future relation avec le roi Glenn Héréon. Comment tourner toute cette mascarade à son avantage ? Il aurait bien le temps d’analyser cela …

Le soltari écouta l’assassin. L’idée de le faire passer pour un escroc auprès des autorités ainsi que de la mafia était un bon moyen sur de se faire coincer. L’assassin qu’il avait engagé lui paraissait de plus en plus compétent.

- Très bien.

C’est ce que Franco se contenta de dire avant de se diriger vers l’extérieur. Puis il fit ce qu’on lui avait demandé. En bon soltari, il aimait le théâtre.

- Mais quelle indignité ! Et dire que j’ai traversé l’Olienne pour un abruti pareil. J’aurais mieux fait de rester chez moi plutôt que de venir dans ce pays de gueux !

Franco entrait dans son nouveau personnage temporaire. Puis bon, les nobles soltaris énervés, il connaissait ça. Le mouchoir tacheté de sang à la main, l’ex-duc descendit l’escalier avant de s’engager en direction de l’allée qui menait à la propriété. Là-bas, quelqu’un attendait.

- Mais qu’est-ce qu’il a bien pu venir foutre dans ce pays à la con ?

Le grand brun ne savait pas s’il devait interagir avec le cocher. Il espérait que son compagnon chèrement payé allait le renseigner rapidement. Pour éviter qu’on le regarde de trop, il baissa la tête tout en continuant de bougonner. Puis il simula une quinte de toux, comme prévu.

Tout se déroula encore très vite. Une fois de plus, Franco n’eut rien à faire ni rien à dire. Cela lui changeait de d’habitude, lui qui aimait être dans l’action. Mais aujourd’hui il faisait confiance à un professionnel. La soirée fut longue pour les deux hommes en cavale mais il fut ravi de se rendre compte à quel point l’homme qu’il avait engagé était compétent. Dire qu’il était sorti des ombres dans une étable de Naélis …

Leurs périples les conduisirent dans une masure de lointaine banlieue. L’endroit serait tout bonnement parfait. D’ici il pourrait planifier la suite, simuler une arriver en ville, contacter Cléandre. Sa nouvelle vie lui tendait enfin réellement les bras. Il avait tellement imaginé les choses de milliers de manières différentes qu’il avait du mal à se figurer que les choses se finiraient aussi simplement. L’assassin laissa Franco pénétrer à l’intérieur. Le grand brun ne prit même pas le temps de regarder à quoi ressemblait l’endroit. Tout était simple, mais parfait.

- Je … Merci. Nous n’avons pas spécialement eut l’occasion de parler depuis que nous nous sommes rencontrés. Je vais être sincère avec vous, je ne vous pensais pas aussi talentueux.

Franco sourit sincèrement. Il était soulagé et pouvait enfin se relâcher. Il s’était donné tellement de mal toute sa vie pour être quelqu’un d’honnête et de respectable que de passer une nuit entière dans l’illégalité et en fuite face aux autorités lui paraissait complètement hors normes.

- J’aurais un dernier service à vous demander. Mais avant cela, je souhaiterais savoir si je peux vous remercier d’une quelconque manière un peu plus personnelle que la somme d’argent que nous avons convenu ensemble ? Vous avez fait un travail remarquable.

L’ex-duc était perturbé. Il savait ce qu’il avait prévu de demander, mais il ne savait pas s’il était réellement prêt pour cela. C’était la dernière étape vers sa nouvelle identité. L’espace d’un instant, il hésita, puis il se lança.

- Je … Mon apparence doit changer. Il va de soi que je vais devoir raser ma barbe et me raser les cheveux. Je vais bien évidemment changer de style vestimentaire et je compte aussi modifier mon apparence physique, un peu de sport ne me fera pas de mal.

Le soltari sortit une dague qu’il avait d’accrochée à sa ceinture.

- Je voudrais que vous me fassiez une marque clairement visible. Sur le visage. Qu’une cicatrice reste permanente afin d’ôter toute confusion à qui que ce soit. En essayant de ne m’esquinter qu’en surface, si possible …

La demande était claire. Franco tremblait légèrement. Il fixa droit dans les yeux l’assassin. Son apparence était … Etrange. Il avait quelque chose d’extrêmement mystérieux. Alors, comme pour se convaincre, il ne pouvait s’empêcher de penser « Angelo », « Angelo », « Angelo »…

Franco avait été stressé. Ce stress l’avait empêché de penser à son estomac ou même sa vessie. Pas une seule seconde il s’était dit qu’il n’avait pas mangé depuis de nombreuses heures. C’est en voyant l’assassin s’agiter pour trouver de quoi se rassasier dans la maison que l’idée lui revint à l’esprit. L’idée de réchauffer la pièce était aussi excellente. L’automne n’en n’était qu’à son début mais les nuits étaient déjà parfois bien fraiches. Surtout dans une pareille masure abandonnée.

Voyant que l’assassin n’était pas très loquace, Franco attendit que les questions viennent. Il avait déjà pensé à sa nouvelle identité. Il devrait certes encore se renseigner pour être sûr de ne pas faire d’impair, mais les choses étaient en bonne voie.

- Je m’appelle Angelo. Je reviens de Nelen où j’ai été en mission pour les compagnies Savarius, l’armateur Thaari. J’ai grandi dans la banlieue de Thaar. D’une famille immigrée depuis la Péninsule. Ydril, plus précisément. J’ai été homme d’armes au service de Savarius pendant des années, mais maintenant je viens prendre ma « retraite » dans les Sept-Monts car ici le climat est … meilleur ?

Celui qui était encore Franco pour quelques instants se mit à réfléchir. Il connaissait Nelen, Thaar, Ydril, tous les lieux qu’il avait cité. Et pour Savarius …

- Si tu veux des explications … Ydril est un pays ennemi de celui d’où je viens. Cela dissipe les doutes. J’ai quand même pris des origines péninsulaires pour mon apparence et mon accent, au cas où. Thaar est une ville où je suis déjà allé. L’archipel de Nelen également. Cela me permettra de répondre aux éventuelles questions. Quant à l’armateur Savarius … Je le connais personnellement. Et cette connaissance est non-officielle. Je veux dire par là que mes affaires avec lui se sont faites au nez et à la barbe des gens en Péninsule.

Franco lâcha un petit rire. Il trouvait cela tellement sordide. Après tout, son frère avait disparu aussi quand il était jeune. Avait-il fait la même chose ? Quoiqu’il en soit, le nom des di Celini était à deux doigts de s’éteindre définitivement.

- Je suis un très bon épéiste, je m’entraine depuis que je suis jeune. Je pense avoir besoin d’un peu d’exercice physique pour avoir l’air d’un homme d’armes au service d’un riche marchand. Le reste, je pense que je maîtrise.

Il reprit sa respiration avant de reprendre son discours sur le point qui l’embêtait le plus.

- Reste la cicatrice. L’œil gauche sera parfait. Une cicatrice verticale partant du sourcil et allant jusqu’à la joue. Une marque qui pourrait faire référence à une ancienne bagarre ... Je te fais confiance.

Le soltari en exil remettait jusqu’à son propre visage entre les mains de l’assassin. Pour qu’il agisse ainsi, il fallait que l’homme lui ait inspiré une extrême confiance lors de l’escapade qu’ils venaient de vivre ensemble.