Passé et présent. [Ha - Libre]

Sujet: Passé et présent. [Ha - Libre] Lun 26 Mar 2012 - 13:32

L'hiver prenait enfin fin, il avait certainement dût être le plus dur de sa courte vie. Tout perdre, pour ensuite s'apercevoir qu'elle pouvait encore perdre plus tel que sa liberté. Mais au moins cet enfer qui lui avait couté ces dernières économies était loin derrière. Juste une personne qui aurait une dette à payer, par son sang, mais ça, ce serait une autre histoire pas trop agréable à voir quand elle se déroulerait. Mais au moins c'était derrière, avec cette foutue Ile !

Elle avait récupéré sa pauvre jument qui n'avait pas demandé à être abandonnée dans une étable. Enfin récupérer... C'était plus "comment voler son propre cheval" pour éviter à avoir à justifier un voyage ou quoi que ce soit d'autre. Il fallait qu'elle se fasse encore plus discrète, la première fois elle ne l'avait pas été assez au point de s'attirer des ennuis un peu trop gros pour elle, et le refuge était encore plus à l'ordre du jour... Le clan de l'autre dragonnière. Là bas au moins elle n'aurait certainement pas plus d'ennuis qu'ailleurs, enfin... Sans compter le chemin pour y aller qui passait inexorablement par Alonna qui servirait en prime de point de ravitaillement et avec un peu de chance un peu de travail l'histoire de financer ce déplacement sur plusieurs jours, car les terres stériles ne seraient pas forcément l'endroit le plus propice pour se mettre quelque chose sous la dent.

Alonna.

De vieux souvenirs d'une époque révolue, avec cette bataille sanglante. Elle n'y avait jamais remis les pieds depuis. C'était ici qu'elle avait fait ses premières preuves en tant que commandant, et c'était en ce jour qu'elle y remettait les pieds comme fugitive et il fallait se faire discrète. Certes, elle avait changé, mais ca ne ferait pas tout.

Cette terre, ce terrain, elle y avait envoyé des hommes se battre et se faire tuer pour la protéger, comme son rôle lui avait ordonné, et elle y avait survécu, comme beaucoup d'autres. Et il y avait cet endroit de passage obligé pour tous les combattants ou leurs familles : La fosse commune ou les corps de tout ceux qui avaient péris là avaient été enterrés. Au moins ils avaient eut droit à quelque chose de beaucoup plus decent que de pourrir au pied d'un arbre. Elle y avait mis pied à terre avant de rejoindre l'intérieur de la ville, juste une main posée à même le sol qui n'était qu'un mélange de terre et de neige fondue et une petite minute de recueillement avant de reprendre sa route.

La nuit allait tomber, et la horde de marchands en tout genre et autres citoyens se pressaient aux portes pour rejoindre un endroit sûr ou un logement pour la nuit. Une personne tirant un cheval et armée ? C'était assez courant en se faufilant dans un groupe pour que la garde ne soit pas trop regardante, à moins que ce ne soit juste un piège grossier.

L'auberge.

Peut-être la dernière avant un long moment avec un bon repas chaud avec les maigres économies accumulées par la vente de peaux braconnées. La jument avait été laissée dans l'étable du bâtiment, quant au dragon ? Et bien, bon courage à qui voudrait le retrouver avec ce ciel couvert jusqu'à ce qu'elle le quitte pour se poser dans un endroit discret.

Le début de soirée commença plutôt calmement, les habituels soiffards qui se rinçaient le gosier, d'autres qui tuaient le temps avec un jeu de carte en pariant un peu d'argent toujours avec une chopine à la main. De quoi se faire un peu d'argent sur le dos de quelques types bourrés.

"Vous accueillerez bien une demoiselle seule à votre table pour quelques parties ?" leur avait-elle dit pour les motiver. "Ou alors, vous craignez que je ne vous plume ?"

Visiblement rien de bien méchant, un voyageur, et deux membres de la milice locale, ou quelque chose du genre, qui n'était pas en service. Bref, de quoi plumer une solde aux vues des états dans lesquels ils étaient. Elle était devenue très forte à ce petit jeu les longues soirées à la caserne de Diantra, il suffisait juste de se remettre en jambe.

Une petite partie standard, sous les râles de la dragonne qui n'appréciait pas que Joh joue à des jeux d'argents, mais rien de bien méchant. Quelques verres payés par les messieurs à la demoiselle pour lui faire perdre ses moyens dans l'espoir de ne pas passer une nuit seuls pour une partie de jambe en l'air. Malheureusement pour eux, c'était perdu d'avance, et plus le temps passait et moins il était facile de jouer pour ceux qui avaient un coup de trop dans le nez, jusqu'au coup de bluff final à la fin de soirée.

"Deux paires." sous le regard médusé des participants qui s'étaient couchés et du dernier bluffeur qui s'était fait pigeonner avec une seule. "Ce fut un plaisir de jouer avec vous messieurs, ma chambre m'attends, je vous souhaite une bonne nuit !" alors qu'elle ramassait ses gains acquis "honnêtement"

Ce qui ne manqua pas d'énerver le pauvre garde qui s'était fait plumer, qui hurlait tout ce qu'il savait que la "catin" avait triché et que pour se faire pardonner elle devrait bien payer en nature avec une main un peu baladeuse. Oooh, le geste à ne pas faire. Femme contre mec bourré, les paris n'urent pas le temps d'être déposés qu'il finissait avec une clé de bras et le nez contre la table avec pertes et fracas sous les grognements mentaux de la dragonne qui n'aimait pas la tournure des évènements, discrétion assurée hein ?

"Tes mains, tu les ranges ! Tu te fera tes gâteries tout seul !" En rajoutant un coup sur la pauvre table qui n'en demandait pas tant.

Aaaah, le tact et Joh, ca ne faisait toujours pas bon ménage, car le monsieur pas très content n'en avait pas finit là, ce qui évidemment fit dégénérer la situation quand il retomba sur la table voisine en renversant les choppes des voisins alcoolisés qui n'appréciaient pas la petite visite. Et il n'en fallait pas plus pour que ca dégénère...

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Lun 26 Mar 2012 - 14:22

Alonna… son climat pur et sain… ses paysages qui semblent tirés d’un instant d’éternité… ses charmantes auberges campagnardes où le voyageur fatigué pourra aller se repaitre d’un bon repas et écouter un vieux conteur narrer les batailles de jadis ou un troubadour chanter l’amour impossible d’un chevalier pour sa dulcinée. Alonna, la perle du Nord, l’ultime bastion de la lumière face aux ténèbres montantes de la marée drow… la forteresse invincible aux pieds de laquelle les osts du Puy d’Elda furent défaits par l’armée des preux et des justes. Alonna, la terre des contrastes, où se mêlent les graciles elfes de l’Anaëh, les rugueux nains de Lante et les fiers guerriers humains. Gouvernée par le sage Hanegard Kastelord, la baronnie est sortie des ombres qui l’enveloppaient du temps où elle était inféodée à Serramire et marche d’un pas décidé vers un avenir glorieux.

Ca va, j’ai bien fait ma publicité ? Vous achetez le produit ?

Avant de retrouver Hanegard, attardons nous d’abord un peu sur notre dragonnière aux formes voluptueuses et aux yeux de braises. La beauté de Johann et son goût immodéré pour la gente masculine (féminine aussi d’ailleurs) est connue de par tout le royaume et nombre sont ceux qui ont profité des plaisirs de sa couche. Je vais m’arrêter là dans cette description car je la vois qui me fusille du regard, et tout être immortel que je sois, je n’en ai pas moins un instinct de survie très prononcé.

Bref, j’aurais mieux fait de commencer directement à l’auberge !

L’auberge de la « Tête du duc » ne comptait pas parmi les établissements touristiques les plus réputés de la cité-forteresse. Lieu de réunion de nombre de malandrins, elle voyait souvent éclater des bagarres entre ivrognes ou joueurs malchanceux et ce soir là ne semblait pas devoir faire exception à la règle. Johann, en bonne diplomate, avait décidé d’utiliser la manière forte pour rappeler à l’ordre ses partenaires de cartes qui venaient de se voir dépouiller de leurs économies. La tête du plus râleur finit par s’écraser violemment sur une table, renversant les choppes qui se trouvaient là.

Hérésie ! Renverser de la bière ! Un fort gaillard se leva en beuglant sa rage, releva le milicien et l’envoya valdinguer à travers la salle avant de tourner son regard porcin vers Johann. Un autre buveur lui brisa une choppe sur le crâne, rejoint par un troisième qui se saisit d’un tabouret. Un nain qui se trouvait dans la taverne jeta son siège à la figure du tavernier puis dégaina sa hache… et rapidement tout dégénéra. En quelques minutes, les bancs se mirent à voler et tout le monde se mit de la partie en une foire d’empoigne telle que le quartier n’en voyait que rarement.

Au poste de garde le plus proche, le jeune sergent tout juste nommé regardait avec ravissement son uniforme, repensant à la fierté de sa mère et de sa sœur lorsqu’il était passé les voir avec le matin même. Ses efforts portaient leurs fruits et cette promotion les récompensait. Il ne touchait plus terre et brûlait d’impatience face à l’idée de mener ses hommes lutter contre tous ceux qui violaient la loi. Gare à vous, malandrins, car bientôt l’impitoyable justice s’abattra et il en sera le bras armé ! Le gaillard en était donc à ce stade de ses réflexions lorsqu’un quidam à la figure ensanglanté pénétra en courant dans la caserne.

Sergent, sergent ! Y’a une bagarre à la Tête du duc !

Une bagarre ? Ô joie ! Il n’en espérait pas tant pour sa première garde. Ravi de pouvoir démontrer ses talents en matière de répression, le sergent regroupa une escouade et mit le cap sur l’auberge d’un pas outrageusement martial qui n’aurait pas dépareillé dans un défilé militaire.

Lorsqu’ils arrivèrent, force leur fut de constater que le terme de « bagarre » se plaçait quelque peu en deçà de la réalité. Apocalypse pourrait s’en approcher. De l’auberge, la porte pourtant maintes fois renforcée avait été arrachée par un impact et plusieurs fenêtres béaient tandis que les projectiles humains qui les avaient traversées gémissaient sur le sol gadouilleux de la rue. De l’intérieur de l’auberge, des cris et des jurons indiquaient que les combattants continuaient les festivités.

Se ruant à travers les débris de la porte, le sergent rugit :

Au nom du baron, tout le monde est aux arrêts !

_________________

Ombre fugace
Maître de ton destin

-Crédits de l'avatar: ETERNAL RETURN - Art of pierre / Alain D.
Site de l'artiste: http://www.3mmi.org/v9/

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Lun 26 Mar 2012 - 17:59

Oups !

Ca pouvait être le mot qui décrivait la situation quand la grosse baraque se leva visiblement pas content après avoir envoyé voler le pauvre type qui n'en demandait vraiment pas autant. Ah, au moins il avait eut sa dose d'attention, peut-être même un peu trop pour la soirée.

"On va pas se fâcher pour ça, je vous en paye une autre et on est quitte ! En prime c'est..."

Ah, mais en fait non ! Visiblement les autres gens étaient déjà assez motivés pour ne pas avoir envie de discuter, que le gros type s'était pris une choppe à travers la tronche, s'il aimait la bière, il était servit sur ce coup là. Puis ca dégénéra plutôt franchement avec le premier tabouret qui apprit à voler, sans compter le nain qui avait rendu la monnaie de sa pièce au pauvre patron qui n'avait rien demandé à personne. C'était toujours sympa un nain dans une taverne ! Au moins ca savait mettre l'ambiance ! Et sans le patron pour aller chouiner à la garde ca ne finirait pas !

"Joli tir messire nain !" lança-t-elle alors que celui-ci sortait sa hache.

Ce n'était plus trop le moment de plaisanter avec lui, surtout s'il n'aimait pas les elfes. Le truc c'était surtout que dans ce genre de bagarres, les femmes, équipées, au milieu du bordel et surtout un poil responsables étaient régulièrement prises pour cible ! Heureusement, il y avait la botte secrète "çafémal" pour filer un petit coup de main : Un coup dans les valseuses, puis un autre dans le menton et le charmant monsieur alcoolisé ramassait ses dents et potentiellement sa langue. Il fallait sortir de là avant que la garde ne rapplique.

D'abord se faufiler entre les baffes, sans se gêner pour en coller une ou deux l'histoire de se frayer un massage. En esquiver quelques unes en espérant que le malotru change d'adversaire, et utiliser un tabouret pour se frayer un chemin en l'offrant au premier venu. Autant dire qu'elle y allait de bon cœur, ca faisait presque trop longtemps qu'elle n'en avait pas profité pour s'amuser ainsi ! Comme avant ! Mais parfois, les meilleures choses ont une fin avec l'arrivée de la garde qui voulait mettre tout le monde aux arrêts.

Malheureusement pour l’héroïque jeune sergent qui faisait son excès de zèle à cause de sa promotion récente, il était rentré en premier -et tout le monde sait que le responsable ne rentre jamais en premier sous peine d'être mis hors combat- et s'était donc retrouvé sur le passage entre Joh, et la sortie, ce qui lui valut une rencontre avec "messire le tabouret". L'excuse de nettoyer le tabouret et que le coup était partis tout seul aurait un peu de mal a passer vu le choix de la cible qui en temps normal aurait été destiné à un des joyeux lurons de la taverne.

"Oups" signifiant au pauvre sergent que ce n'était pas voulu tout en récupérant le pauvre tabouret qui servirait d'arme pour un long moment

Mais il était certains que ses petits camarades ne l'entendraient pas de cette oreille, après à savoir si les autres combattants de la taverne oseraient coller quelques baffes en plus ! Le nain, certainement, c'est toujours franchouillard dans la bagarre. Et puis ce n'était pas le moment de se faire arrêter ! D'ailleurs, le premier qui oserait s'approcher subirait le même traitement que le pauvre sergent inexpérimenté.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Mar 27 Mar 2012 - 9:40

Tandis que je chevauchais au petit trop dans les ruelles des faubourgs d’Alonna, je tournais et retournais dans ma tête les problèmes auxquels se trouvait brutalement confronté le royaume. La mort de Trystan faisait presque passer les sombres heures de la guerre civile pour une joyeuse fête campagnarde. Certes pour l’instant, le nord du royaume ressemblait vaguement à un volcan endormi et chacun attendait l’explosion, mais je doutais que les choses en resteraient là bien longtemps. Oësgard demeurait dans une autarcie prudente, Odélian fusillait du regard Missède par delà le détroit. Quand à Serramire, aucune nouvelle. Le calme avant la tempête ?

Remâchant ces sombres pensées, je talonnais un peu ma monture. Je revenais à Alonna après avoir fait un tour de mes terres afin d’en prendre le pouls face à ces inquiétantes nouvelles. Mais mis à part les châtelains et quelques notables, les troubles dans la lointaine Diantra ne semblaient pas trop inquiéter le peuple. Baronnie de frontière longtemps soumise à sa puissante voisine, Alonna ne se sentait pas forcément très concernée par les problèmes des terres du Médian. J’aurais aimé pouvoir en dire autant.

Ce furent les cris et les jurons qui me tirèrent de ma quasi-torpeur. Relevant la tête, je me retrouvais face à une bagarre de taverne dans les règles de l’art. Porte fracassée, fenêtres explosées, blessés gémissant un peu partout, départ d’incendie et gardes braillant des ordres incohérents, rien ne manquait ! Alonna est une terre rude et ses habitants ne rechignent pas à expliquer leur point de vue grâce à leurs poings, mais rarement cela atteignait un tel niveau de désastre. Faisant signe à mon escorte de me suivre, j’approchais et jetait un regard mi-intrigué mi-courroucé à la scène.

Eh bien, que se passe-t-il ici ?

Il ne s’agit sans doute pas de la question la plus intelligente de l’histoire moderne, mais que vouliez vous que je demande d’autre ? Un jeune homme en uniforme de sergent de la garde se retourna, l’air furieux. De son nez brisé coulait un filet de sang qui venait gouter sur le sol, et un œil poché ajoutait un aspect presque cocasse à sa dégaine. L’espace d’un instant le gaillard parut sur le point d’exploser face à mon interruption avant de comprendre à qui il avait affaire.

M… monseigneur ?
Je répète ma question : que se passe-t-il ici ?

Redressant la position en un vague garde à vous quelque peu gâché par son manque d’équilibre suite aux coups encaissés, Nez-sanglant tenta vaillamment de reprendre ses esprits.

Une bagarre à la Tête du duc qui a dégénéré. J’ai amené une escouade pour arrêter les fauteurs de trouble. C’est… cette furie qui a tout déclenché. Il a fallu pas moins de cinq gardes pour la maitriser.

Le sergent jeta un regard mauvais à une jeune femme que soutenaient deux gardes. Apparemment la donzelle venait de prendre cher car elle ne semblait pas loin de l’inconscience. A voir la tête des gardes, elle avait du leur donner du fil à retordre au cours de la bagarre et je ne doutais pas qu’ils y soient allés de bon cœur pour la ramener à de meilleurs sentiments. Le passage à tabac du suspect est une grande tradition qu’il faut savoir faire vivre, et Alonna ne déroge pas à cette règle.

Mais…

Ce visage…

L’espace d’un instant j’en oubliais tout le reste et je me revis au tournoi royal de Diantra où je l’avais croisé pour la première fois. Je n’arrivais pas à y croire, et pour un peu j’aurais douté de ma mémoire. Mais le doute n’était pas possible, et malgré le sang qui coulait d’une plaie au front, je savais très bien de qui il s’agissait. Elle ? Elle ici ? Gardant péniblement mon sang-froid, j’ordonnais :

Emmenez là à la forteresse. Sergent, vous avez fait du bon travail ce soir. Que le reste des bagarreurs passe la nuit en geôle, cela calmera leurs ardeurs.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Mar 27 Mar 2012 - 22:23

Visiblement ses petits camarades ne l'avaient pas entendu de cette oreille, et ses gentils compagnons de baston d'alcoolique non plus car ce fut le coup d’envoi pour un début des hostilités envers les "force de l'ordre", et le jeune sergent au nez démonté ne se laisserait certainement pas mater ainsi. Pour sûr qu'il en redemanda et en eut pour son argent. Tout comme beaucoup ! Heureusement, pas trop d'armes avaient été passées au clait, évitant ainsi les effusions de sang inutiles. Par contre, ca n'empêcherait pas celui-ci de couler !

Le chaos était total, des gardes enragés qui lui en voulaient pour avoir tabasser leur sergent, jusqu'aux poivrots qui trouvaient drôle d'aller tabasser ces même gardes à l'aide de leur furie d'un jour qui réserva son second coup de tabouret au premier garde qui se ramena, lui aprenant ainsi la politesse d'une manière plutôt violente. En clair, il n'y avait pas besoin de décrire comment la situation se déroulait. Une mandale à droite, une pêche à gauche, un tabouret par-ci, un nain par là sans oublier les gardes pas très content d'avoir vu leur chef se prendre un tabouret qui lui étaient tombés dessus.

Le premier avait eut le cran de se ramener seuls, les deux suivants et bien, avec les autres coups n'avaient pas eut de chance non plus. Ce fut un coup de tabouret mal placé qui eut raison de son arcade, puis il fallait le temps de reprendre ses esprits, temps gagné à l'aide des autres poivrots. Mais ce ne serait au final pas grand chose avec les renforts qui arriveraient et la masse aurait raison d'eux sachant que tout sortie était impossible. Le seul moyen était de les décourager, mais c'était un peu comme mettre un coup d'épée dans l'eau... Si seulement ce mauvais perdant serait aller chouiner ailleurs...

A force de coups et de baffes on finit toujours par céder, le second coup de tabouret inattendu fut le dernier nécessaire pour la sortir. Mais au moins l'un des gardes avait finit renversé sous une table, après tout il n'avait pas qu'à y monter dessus !

Elle finit donc dehors, porté par deux molosses qu'elle avait bien pris soin d'amocher avant, quelque peu sonnée par le dernier coup, avec évidemment l'Or qui se faisait un sang d'encre ! Si on la reconnaissait et que ces petits nobles à la solde du Rat décidaient de l'envoyer à l'échauffant c'était terminé, bon au moins, ils lui avaient assez mis son compte pour qu'ils ne cherchent pas plus à comprendre, sauf que... Elle avait été reconnue.

De quoi remettre un certain ordre dans les pensées et de réveiller un certain instinct de survie, dans le cas des désespéré ca permet de faire quelques miracles. Les deux gardes purent d'ailleurs sentir une dernière tension, avant une sorte de choc mou comme si elle venait de perdre conscience. Juste assez pour leur faire perdre un peu d'attention. Le choix était simple : Lui cracher à la figure et lui donner raison, ou tenter de prendre les armes, et encore lui donner raison... Ca s'appelle tout bonnement une impasse, et vu son état elle n'irait pas loin de toute manière, alors autant finir en beauté au grand damn de la dragonne qui sentait encore devoir ouvrir une nouvelle porte dans une forteresse... Il fallait éviter ca sans que la dragonne n'ait à intervenir et mette sa vie en péril, le dernier moment serait donc le propice.

En attendant, botte secrète : un des gardes se baissa pour reprendre en main le poids mort, qui ne l'était pas tant que ça. Ce fut suffisant pour un coup bien placé, pour ensuite le prendre en poids, c'est à dire en lui tombant dessus en profitant de la faiblesse causé. Oh, un joli baroud d'honneur qui montrait bien qu'elle ne serait pas facile à mater. Malheureusement, a peine eut-elle le temps de s'emparer de la dague du charmant monsieur, et d'un "Stop" mental de la dragonne qu'un coup de pied, peu amical dans la mâchoire vint faire cesser pour de bon les hostilités.

______________

Ce furent les appels mentaux de l'Or qui finirent par la sortir des vapes dans lesquelles elle avait été plongé quelque peu de force. La forteresse, certainement. Une pièce peu décorée, visiblement pour les prisonniers de marque malgré l'absence d'instrument de torture psychologique. Au moins, ce n'était pas les goeles, mais ca ne restait pas le grand luxe étant donné qu'elle était solidement attachée et pas avec de la corde non, de la bonne vieille chaine en fer forgé. Finalement, c'était l'invitée de marque !

Elle passa quelques secondes à regarder la pièce, ses deux gardes gardant jalousement ce qu'ils lui avaient retiré. AU moins elle n'aurait pas à chercher bien loin, ci tenté qu'elle réussissait à ce détacher, ce qui serait difficilement faisable. D'ailleurs, le malheureux garde qui oserait s'approchait se prendrait un magnifique crachat ensanglanté dans le visage, à moins que l'honneur ne soit réservé au maitre des lieux !

"Tu ne devrais pas jouer à ce petit jeu et faire profil bas. Arrête de provoquer."
"Oui oui madame la moralisatrice, j'aurai du me laisser violer dans la taverne et tout aurait bien finit."
"Ou plutôt éviter de lui refaire le portrait, ca aurait été mieux !"
"Vu son état, parler n'aurait servit à rien."
"Un jour tu apprendra la diplomatie."
"Diploquoi ?"
"..."

De quoi mettre fin à la conversation pour la pauvre dragonne qui se voulait "moralisatrice tout en étant démotivée" par ce genre de situations trop récurente.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Mer 28 Mar 2012 - 8:09

Par les Cinq Dieux, que faisait-elle donc ici ? Et qu’est-ce qui lui avait pris de déclencher une bagarre ? Cette folle voulait-elle donc être arrêtée, alors qu’elle ne pouvait ignorer qu’elle venait d’être déclarée criminelle et régicide par le nouveau pouvoir de Diantra ? Ces questions trottaient dans ma tête, tout juste dépassées par l’inquiétude qu’elle ne soit reconnue par quelqu’un d’autre que moi. Heureusement, son visage demeurait assez peu connu dans la région et le sang qui coulait camouflait en partie ses traits.

Étrange traits d’ailleurs. Je ne l’avais plus vu depuis déjà quelques années, mais je ne me souvenais pas que Johann ait eu des traits aussi particuliers. Je m’en souvenais comme d’une humaine tout à fait normale, or je trouvais désormais autre chose sur son visage qu’un vieillissement normal. Pour un peu, on aurait eu l’impression qu’elle avait du sang d’elfe dans les veines, comme les sangs-mêlés qui vivaient à Alonna. Bah, après tout peut être était-ce justement le cas ? La cour de Diantra se montrait souvent assez rigide et n’appréciait guère les sangs-mêlés dans les hauts postes, raison qui aurait pu la pousser à cacher sa filiation.

Rejetant de côté ces questions sur les traits de Johann, je revins à l’essentiel, aidé en cela par la tentative de la prisonnière de se libérer. Un faux évanouissement, une ruade pour se débarrasser de ses gardiens et elle se jeta sur la dague d’un garde. Un coup de pied à la mâchoire vint stopper net ses intentions belliqueuses et cette fois la donzelle sombra réellement dans le royaume des rêves. Nez-sanglant en profita pour lui flanquer un violent coup de pied dans les côtes et aurait sans doute récidivé si je n’avais ordonné :

Assez !

Sèchement, j’ordonnais que Johann soit jeté à dos d’un cheval comme un ballot de linge sale et je laissais les miliciens s’occuper des autres soiffards bagarreurs tandis que ma troupe reprit le chemin de la citadelle. Une ruelle ne constituait pas le meilleur endroit pour les explications, et je sentais instinctivement qu’il allait m’en falloir un certain nombre avant de réussir à y voir clair dans cet imbroglio. Une fois à la citadelle, la prisonnière toujours évanouie fut enchainée dans l’un des cachots de la tour Est. Enfin cachot… n’exagérons rien. Les rats, la paille et l’humidité se trouvaient absent au catalogue. Nous pourrions plutôt parler de cellules spartiates, mais au moins les prisonniers disposaient d’un lit et d’une petite fenêtre grillagée.

Cette chère Johann ayant fait preuve d’un certain mauvais caractère à l’auberge, je la fis néanmoins enchainer par mesure de sécurité. Cela fait, j’envoyais un page prévenir ma femme que je serai retardé par un problème impromptu, belle formule politique qui ne voulait rien dire… mais de par le fait j’aurais été bien en mal de me montrer plus précis. Une fois de retour dans la cellule, je constatais avec satisfaction que mon « invitée » s’était réveillée et semblait d’une humeur toujours aussi détestable. Congédiant les gardes, je restais seul avec Johann et je m’assis sur un tabouret à distance prudente de la furie.

Désolé pour les chaînes, mais après la petite démonstration à la taverne, je préfère être prudent.

Sur quel pied fallait-il danser avec elle ? Si je l’avais rencontré à quelques reprises lors des mes voyages à Diantra, je ne pouvais prétendre réellement la connaître et nous n’avions jamais du échanger plus de quelques phrases. Pendant longtemps on avait dit cette jeune femme adamantinement fidèle à Trystan, mais l’actualité récente semblait affaiblir quelque peu la solidité de cette affirmation. Tout du moins si l’on en croyait la version officielle…

Maintenant je ne peux m’empêcher de me demander : comment l’ancienne maître de la Rose Noire et fugitive recherchée activement par les sbires du régent a-t-elle bien pu se retrouver mêlée à une vulgaire bagarre d’ivrogne dans une taverne de seconde zone d’Alonna ?

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Jeu 29 Mar 2012 - 0:37

Il n'avait pas fallut attendre très longtemps pour que son agréable hôte qui lui offrait le gîte à coup de chaines et de gardes abrutis ne finisse par se ramener et enfin se présenter. Enfin, se présenter, c'était vite dit ! Juste qu'aux vues de l'allure il devait être le châtelain, régent ou autre titre noble d'Alonna, mais il servirait certainement à couvrir une fuite, une dague sous la gorge, finalement il n'était pas aussi stupide que ses hommes pour l'avoir attachée ! Il n'y aurait manqué plus que ça ! C'aurait été la sous estimer, et presque l'insulter.

Elle le laissa s'installer et présenter ses excuses pour les chaines. Oh, il semblait hésiter quelque peu avant de reprendre, s'il l'avait reconnue sa réputation l'avait précédée ! Il fallait donc la jouer serré ou alors au plus bête, à voir ! Elle laissa d'ailleurs passer un blanc qui pouvait paraitre une éternité dans une pièce avec juste deux personnes qui ne pouvaient que se regarder dans le blanc des yeux. Dans tous les cas, il l'avait reconnue et ça il n'y avait aucun doute car il n'avait pas hésité à annoncer la couleur, il fallait juste faire naitre le doute, assez pour réussir à obtenir le petite quelque chose qui manquait dans l'équation ou alors autre chose... Mais quoi ? Il fallait bien se lancer.

Ca y est, le rôle était décidé, faire l'innocente ! Après tout c'était la faute de ce vilain garde qui voulait abuser d'elle et qu'elle ne connaissait même pas le régent !

"Pardonnez moi, mais je ne sais pas de qui ou quoi vous voulez parler, vous devez me confondre avec quelqu'un d'autre !" Oh la vilaine menteuse ! "Par contre, pour la bagarre, c'est simple, un de vos miliciens n'a pas aimé se faire plumer et a tenté de se faire payer une nuit si vous voyez ce que je veux dire. Je lui ai donc remis les idées en place à l'aide d'une table."

Comme si c'était normal de calmer une main baladeuse et des avances grossières par une rencontre brutale avec une table de taverne. Enfin à ses yeux ça devait l'être !

"Par contre, en plus d'être de mauvais perdants, j'espère que ce ne sont pas des voleurs. J'aimerai retrouver toutes mes affaires intactes ainsi que mes gains en partant d'ici ! Non pas que le confort et l'hospitalité laissent à désirer mais... En fait si, et j'aimerai reprendre ma route."

Quelle magnifique actrice, bravo ! Il fallait applaudir la performance absolument pas crédible après l'avoir vue en action sur les pauvres types et surtout, si l'on observait bien, l'état de ses poignets qui montraient clairement qu'elle n'était pas la pauvre victime qu'on avait enchainé injustement !

Bah oui... Si on est sûr d'être innocent, pourquoi tenter de forcer les chaines en s'abimant les poignets pour que le sang fasse en sorte de pouvoir glisser sa main en dehors de l'attache ? C'était sûr que ça ne marchait pas tout le temps selon le fer utilisé, mais généralement il y a toujours assez de mou surtout quand la personne est laissée inconsciente. Il fallait juste compter sur le fait que ça ne soit pas remarqué jusqu'au moment fatidique de la tentative de sortie vu que ce bluff ne marcherait absolument pas, sauf peut être pour attirer l'attention sur autre chose.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Jeu 29 Mar 2012 - 14:35

Quelle piètre menteuse elle faisait ! Tout nier en bloc et jouer la malheureuse victime innocente ne constituait pas la meilleure ligne de défense qui soit. Après la démonstration de violence gratuite qu’elle nous avait offert à la taverne, je préférais la garder sous la main plutôt que de la laisser cavaler pour déclencher d’autres catastrophes du même type. A elle seule elle venait de mettre sur la touche cinq de mes gardes qui ne pourraient reprendre leur service avant quelques jours. Ajoutez à cela un début d’incendie à juguler, et vous comprendrez que Johann n’est pas forcément un cadeau.

Vous laisser partir ? Je crains que je ne le puis.

Bon, les dégâts n’étaient pas la raison pour laquelle je ne pouvais la laisser partir. Les bagarres de taverne sont fréquentes, et si je ne pouvais m’empêcher de regarder avec un certain dégout la déchéance dans laquelle était tombée celle qui autrefois dirigeait l’ordre de la Rose Noire, il ne s’agissait pas là au fond d’une affaire qui m’intéressait. La garde existait pour maintenir la sécurité à Alonna, et les risques du métier sont de tomber sur des furies comme Johann. Une bande de nains après un office au temple de Lirgan pouvait également faire preuve d’un enthousiasme un peu trop exacerbé !

Non, le vrai problème se situait ailleurs.

Les actions présentes de Johann m’intéressaient moins que ses actions passées. La mort de Trystan quelques semaines plus tôt avait laissé le royaume saisit d’un sentiment d’incrédulité, et ma prisonnière faisait partie de ceux qui se trouvaient au cœur même de cette sombre affaire. Elle, plus que quiconque, ne pouvait prétendre n’avoir joué aucun rôle et ignorer tout de ce qui s’était passé.

Ignorez-vous donc que le comte de Scylla affirme que vous êtes coupable de la mort du roi Trystan ? Que vous êtes accusée d’avoir trahi votre légitime seigneur ? Que vous êtes accusée d’être une régicide ?

Je n’appréciais guère les régicides, le respect de l’autorité s’ancrant au plus profond de mes racines. Si Jena avait su faire évoluer ma mentalité parfois un peu borné quand à la volonté de ne pas voir les failles du chef, j’avais toujours eu beaucoup d’estime pour le roi Trystan et je ne me sentais aucune sympathie pour son assassin. Outre la lâcheté intrinsèque de ce geste, cela jetait le royaume tout entier dans les troubles à une époque où nous n’avions vraiment pas besoin de cela.

Se retrouver sans autorité centrale alors que les effets du Voile se dissipaient tout juste et que la menace drow à l’Est demeurait bien présente ne pouvait que menacer la survie du royaume. Et pourtant… accomplir une telle ignominie paraissait totalement incohérent pour une jeune femme dont la dévotion envers le roi semblait jusqu’alors sans faille. Et le moins que l’on puisse dire au sujet de la mort de Trystan était qu’un épais voile de suppositions et de non-dits entourait toute l’affaire.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Ven 30 Mar 2012 - 3:12

Évidemment qu'il ne la laisserait pas partir ! C'était juste pour le faire parler, le fatiguer ou tout autre motif suffisant pour faire durer la conversation. C'était un interrogatoire, et comme tout officier elle y avait été préparé pour ne délivrer aucun plan de bataille ou aucun chiffre quoi qu'il arrive. Oh, il pouvait l'observer autant de temps qu'il voulait et surtout de toutes les manières qu'il lui plaisait. Ca n'allait rien changer. Coopérer avec un chien du régent ? Plutôt y passer ! Bon cette pensée ne plaisait pas vraiment à l'Or, mais au final, la possibilité de choix n'était pas laissée.

"Vous pourrez demander à la serveuse, elle apportait régulièrement de quoi boire à mes camarades de jeu si vous ne me croyez pas."

Garder le sujet de la mise à sac de la taverne était le meilleurs moyen pour éviter celui qui fâcherait ! Mais visiblement ca ne suffisait pas, ce monsieur était bien décidé à lui faire avouer ses crimes odieux et il lui énuméra bien évidemment les chefs d'accusations tous aussi farfelus les uns que les autres ! Les messages arrivaient de toute manière assez déformés pour en rajouter une couche. Elle soupira à la dernière question avant de le regarder droit dans les yeux. Oh, le dragon d'Or devait faire un tintamarre de tous les diables dans sa tête pour tenter de l'empêcher de commencer à envenimer la situation comme elle était très douée pour le faire, mais il était visiblement trop tard.

"Et vous voulez que je vous réponde quoi ?"

Le ton était passé directement vers l'agressif, sous un faux masque de voix calme, oh non elle ne semblait pas vraiment encline à coopérer et ca il n'y avait aucun doute. Elle laissa tout de même passer une poignée de seconde avant de cette fois cracher son venin.

"Qu'importe ce que je dirais, en bon chienchien de ce rat de régent vous irez me livrer à lui pour une séance de torture ludique suivie d'une jolie exécution publique ? Je suis sûre qu'il apprécierait de le faire en personne l'histoire de laver son honneur suite à mon évasion ! Ou alors vous me posez ces questions simplement pour vous conforter dans vos opinions prémâchées pour vous rassurer d'avoir prêté allégeance à un imposteur de crainte de voir son armée sous vos murs !"

Et hop, la première attaque directe en sous entendant qu'il se pliait à l'autorité du régent simplement pas lâcheté et de peur de perdre ses acquis. Après tout, après ce qu'il s'était passé à Diantra elle n'avait pas entendu dire que des nobles avaient réagit négativement et c'étaient pliés au nouveau pouvoir en place car si ca avait été le cas une guerre aurait été déclarée ou dans le meilleurs des cas juste un embargo que les ragots de taverne auraient colportés ! Si seulement la dragonne était capable de réellement la faire taire... Enfin, plus que temporairement, de toute manière le cas était désespéré et les seules informations qu'elle avait de Joh ne lui donnerait pas raison d'intervenir...

"Et puis si je ne vous dis pas ce que vous voulez entendre, ca sera la torture jusqu'à ce que ce soit fait parce que la vérité n'est pas la plus jolie ?" Le regard qu'elle lui jetait était simple et le qualifiait directement comme un ennemi. "En tout cas ce n'est pas moi qui suis restée le cul vissé sur ma chaise à compter les points pendant que les gens se faisaient tuer là bas au nom de celui qu'on m'accuse d'avoir tué. Vous cherchez ceux qui ont trahis le Roi ? Regardez vous dans un foutu miroir, vous en aurez déjà un."

Il était peut-être trop loin pour qu'elle ne lui crache au visage, mais pas à ses pieds en guise de mépris ultime. Ce qu'elle fit sans se gêner ! Ah ça, pour sûr, s'il voulait la voir remontée, il l'avait vue ! Après tout ce qu'il s'était passé avec la garde elle ne pouvait pas être de très bonne humeur.

"J'aurai fait mon devoir jusqu'au bout."

De quoi conclure sa tirade cinglante en le regardant fièrement. Elle ne courberait visiblement pas l'échine maintenant qu'elle était acculée vu que la tentative douce, tout aussi courte qu'inutile, avait échouée. De toute manière il ne lui restait que ca, sa fierté et ses convictions. Ah là, il pouvait bien la reconnaitre comme elle lui avait été décrite a quelques détails près.

Dans tous les cas il était clair pour elle que c'était lui le traitre en prime d'un lâche et qu'elle ne lui ferait pas de cadeaux. Enfin il n'était pas dur de penser qu'elle avait généralisé ceci à tous les nobles sans trop chercher à réfléchir plus aux vues de ce qu'elle avait bien pu balancer à propos d'un cul sur une chaise. Et rien que ces insultes là valaient certainement la potence. A croire qu'elle la cherchait plus qu'elle ne l'avait déjà ou plutôt comprendre qu'elle n'avait plus grand chose à perdre.

Mais derrière tout ça, il y avait certainement autre chose ! Le pousser à bout pour qu'il quitte cette pièce et qu'elle continue sa tentative d'évasion en s'abimant allègrement les poignets. Méthode longue, peu fructueuse et très douloureuse mais qui serait la seule à avoir une chance de payer tout en préparant tranquillement des plans de secours pour se tirer de là, car s'il la livrait vivante comme elle l'avait provoqué dans le but qu'il le fasse, il ne serait que plus aisé de s'enfuir. Enfin, une fois ceci fait l'Or lui ferait payer chèrement tout ces jolis ennuis causés. Elle avait d'ailleurs déjà commencé à lui en filer la migraine...

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Ven 30 Mar 2012 - 8:30

Après avoir signifié d’un geste de la main que ses justifications quant aux causes de la bagarre à la taverne ne m’intéressaient aucunement, j’eus un petit rictus méprisant face au crachat qui atterrit à côté de l’une de mes bottes. Je n’attendais guère mieux de ma prisonnière que cette insulte visant à couvrir sa propre culpabilité et sa propre honte. Comment osait-elle m’accuser d’être l’un des responsables de la mort de Trystan ? Quelle aberration ! Quel culot monstre que d’oser soutenir une telle thèse !

Le roi Trystan m’a nommé régent puis baron d’Alonna pour que je veille sur la frontière humaine, pas pour que je défende Diantra. Après les désastres de la guerre civile et la tentative de sécession de Serramire, il voulait disposait de quelqu’un de fiable dans la région, quelqu’un qui en qui il pourrait avoir confiance.

Que croyait-elle donc ? Que j’allais descendre avec mon armée sur Diantra, oriflamme au vent, à cause de quelques troubles civils ou parce que l’un des grands vassaux du roi ruait dans les brancards ? Laisser la frontière ouverte alors que la menace drow demeurait intacte, que les elfes s’enfermaient dans une autarcie hostile et que les brigands des Wandres demeuraient près à un mauvais coup aurait été pure folie de ma part. Et cela sans même compter les difficultés infinies que j’aurais eu à rejoindre Diantra à temps, tâche quasiment impossible et inutile au vu de rôle qu’aurait du tenir l’armée royale.

Cette confiance, je m’en suis montré digne ! J’ai toujours été un vassal loyal et cette fois, ce n’est pas du Nord que sont venues les trahisons. Pour le défendre lui, Trystan comptait sur ses propres troupes. Vous dirigiez la Rose Noire, vous aviez juré de le défendre fusse au prix de votre vie. Et pourtant, Johann Reinhart, mon roi est mort et pas vous.

J’insistais sur son nom pour bien lui rappeler ce qu’elle avait été autrefois, ce qu’elle avait représenté, et pour la mettre en perspective avec ce qu’elle était devenue depuis. Symbole de la réussite de la dernière royauté, et désormais simple prisonnière pour avoir déclenché une bagarre de taverne avec des ivrognes auxquels autrefois elle n’aurait même pas accordé un regard. En parlant de « mon roi », je ne lui reconnaissais même pas l’honneur de la compter comme fidèle à la mémoire du monarque défunt. Les yeux dans le vague, je repris :

J’ignore ce qu’il s’est réellement passé dans le château de Diantra, j’ignore si le roi a été assassiné par vous, par l’ancien mage royal, par un émeutier ou par Aetius d’Ivrey lui-même. Mais je sais une chose : si vous aviez fait votre devoir à Diantra comme j’ai fait le mien à la frontière, mon roi serait toujours de ce monde et le royaume s’en porterait mieux.

Non, quoi qu’elle en clame, elle n’avait pas fait son devoir jusqu’au bout. Soit elle avait trahi Trystan et elle méritait la mort odieuse des régicides, soit elle avait échoué à le défendre et alors elle ne méritait rien de plus que de l’opprobre. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de ressentir un certain malaise à l’idée de ne pas connaître la vérité sur le fond de cette sombre affaire, vérité qui m’échappait et sur laquelle personne ne semblait en mesure de porter la lumière. Me levant, je tournais le dos à la prisonnière, mais alors que je venais de poser la main sur la poignée de la porte, je rajoutais :

A propos… je n’ai pas juré fidélité au régent.

Sortant de la cellule et refermant la porte, j’ordonnais de poster une forte garde dans le couloir pour surveiller de près une prisonnière aussi dangereuse et imprévisible. Enchainée comme elle l’était et en plein cœur de la forteresse, je ne craignais guère qu’elle tente de me fausser compagnie, mais prudence demeurait mère de sureté. D’un pas lent, je m’en retournais vers mes appartements en réfléchissant à ce que je devais faire de Johann. Au matin, j’y verrais sans doute plus clair…

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Ven 30 Mar 2012 - 12:07

Les journées au temple étaient le plus souvent épuisantes et celle-ci ne dérogeait pas à la règle. Bien que les prières soient l’une de nos principales occupations, le soin des malades, la distribution de repas et les diverses autres tâches prenaient également un temps considérable et demandait bien des efforts. Aujourd’hui j’avais aidé et soigné tant de malade que je n’aurais pas été capable de reconnaître leur visage. L’hiver n’avait pas encore totalement disparut et le lot de fièvre et autres joyeuseté qui l’accompagnait généralement avait également été au rendez-vous cette année. J’avais vu tellement d’enfant aujourd’hui, souffrant de forte fièvre ou de violentes toux....et malgré mon désir de les soigner tous je savais au plus profond de moi que certains d’entres eux ne passeraient probablement pas la nuit… Au temple j’essayais de ne pas y penser, pour ne pas souffrir et me détourner de ma tâche mais une fois de retour à la citadelle, cette certitude revenait me hanter et pesait lourd sur mes épaules. Dès mon arrivée, Valkor l’intendant me prévint qu’un messager avait devancé le Baron pour annoncer son arrivée imminente. Je me réjouissais d’avance de revoir enfin mon époux. Cela faisait plusieurs jours qu’il avait quitté Alonna et j’avais hâte d’être à nouveau près de lui.

Rongeant mon frein pour ne pas me précipiter à sa rencontre, je regagnais mes appartements pour embrasser mes enfants. Liliana était en train de donner une leçon de bonne manière à Dastan en lui enseignant comment boire dans sa tasse sans en renverser une goutte. L’image me fit sourire et l’intervention de Merwan qui souffla excédé de voir le bambin se prêter à « ce jeu de femmelette » me fit éclater de rire. Dès qu’ils me virent, les trois visages m’adressèrent un large sourire et se précipitèrent vers moi pour m’embrasser et m’entraîner vers leur jeu.
C’était devenu une sorte de coutume que je reste jouer avec eux l’heure suivant mon retour du temple. Parfois je n’avais guère le temps, mais ce soir j’avais besoin de leurs rires, de leurs cris de joie…les voir vivant et en bonne santé me faisait un bien fou.

Nous étions donc en train de jouer à prendre le thé sous les ordres de Dame Liliana lorsqu’un page vint me prévenir de l’arrivée d’Hanegard, cependant il semblait avoir un contretemps de taille.

- De quel genre est ce contretemps ? Rien de grave ?

- Non madame, une bagarre de taverne qui a mal tourné, l’une des actrices principales de cette rixte se trouve dans un cachot ici. Le Baron est en train de l’interroger… Je ne sais pas s’il pourra tirer quelque chose d’elle, elle n’était pas en très bon état quand je l’ai vu passer.

D’un signe de tête je remerciais le jeune homme et reportais mon attention sur Liliana qui se chamaillait avec Merwan parce qu’il avait osé reposé sa tasse pour retourner à ses lignes d’écriture. Malgré les cris d’exaspération de ma fille, je ne pouvais m’empêcher de penser à ce que je venais d’apprendre. Pourquoi Hanegard aurait-il fait enfermer dans l’un des cachots de la citadelle une simple agitatrice de taverne ? Il ne devait pas s’agir de n’importe qui, surtout si Hanegard avait décidé de se charger lui-même de l’interrogatoire. Bah, il m’en parlerait plus tard, cependant je ne pouvais pas laisser cette femme sans soin alors qu’elle était peut-être dans un sale état.
Embrassant chacun de mes enfants, je quittais mes appartements en apportant ma sacoche de cuir sombre. Je n’avais guère eu le temps de me changer et tant mieux, autant que cette prisonnière ignore mon statut lorsque je me retrouverais près d’elle.
Je croisais mon époux dans le couloir, la mine sombre il semblait perdu dans ses réflexions, au point qu’il faillit me passer à côté sans me voir.

- Moi aussi je suis heureuse de te revoir chéri,lançais-je, amusée J’ai appris que tu avais ramené une prisonnière mal en point, je n’en aurais pas pour longtemps.

Pour faire taire ses protestations je me hissais sur les pointes des pieds et l’embrassais. Il savait parfaitement que quoi qu’il me dirait j’en ferais quand même qu’à ma tête, libre à lui de me suivre ou de m’attendre dans nos appartements.
Sans plus de palabre, je tournais les talons et rejoignis les cachots sous les yeux surpris des gardes postés devant la porte. Après une légère hésitation ils finirent par m’ouvrir la porte et je pénétrais dans la petite pièce simple mais confortable pour une prison. A un mur était enchaîné une jeune femme, malgré le sang qui couvrait son visage on n’avait pas de mal à voir qu’elle était très belle, sa tenue de voyageuse était plus surprenante mais après tout elle s’était retrouvée mêlée à une bagarre dans une taverne alors bon…

Je m’approchais d’elle et m’agenouillais à distance raisonnable, un rapide examen me permit de voir les blessures apparentes, un hématome sur la pommette, une arcade sourcilière en sang, une plaie au front et….et ses poignés entaillés. Elle releva la tête et je croisais son regard, dur, déterminé, buté même. Visiblement elle voulait encore en découdre !

- Vous avez pris de sacrées coups, murmurais-je en lui adressant un fin sourire,Accepteriez-vous que je vous soigne ? J’ai avec moi ce qu’il faut.

Sujet: Re: Passé et présent. [Ha - Libre] Ven 30 Mar 2012 - 14:36

Il lui reprochait en quelques mots la même chose qu'elle avait fait pour lui. Au final ce n'était que de bonnes guerre surtout après ce qu'elle venait de lui envoyer à travers la figure et ce n'était certainement pas avec ses discours pour rejeter une faute sur elle qu'il réussirait à obtenir quoi que ce soit. Par contre l'inverse n'était pas forcément valable ! S'il perdait son calme et quittait cette pièce elle gagnait du temps. Reprocher à un commandant de Cavalerie de ne pas avoir fait le travail de celui du Lys d'Or et de la protection rapprochée du roi, il ne devait certainement rien y connaitre pour affirmer ce genre de choses !

"C'est sûr que confondre le régiment de Cavalerie Royale avec celui de la Garde personnelle du Roi est un motif valable pour vos affirmations." Elle se moquait presque de lui. "Donc si tout le monde avait fait son devoir il serait toujours vivant. Après vous n'y étiez pas. Libre à vous de penser qu'un soldat est mieux mort que vivant pour continuer le combat, après tout c'est remplaçable facilement !"

Ca c'était son autre côté qui ressortait, celui d'épargner le plus possible ses troupes pendant le combat. Après tout c'était la psychologie même de la cavalerie que de faire des attaques rapides avec le minimum de pertes pour pouvoir faire durer le combat le plus longtemps possible, mais c'était parfois chose impossible à faire rentrer dans les esprits réfractaires, même à grand coup de latte.

Ah mais oui bien sûr, il n'avait pas prêté allégeance ! Elle allait le croire avec le régent qui n'était pas a ses portes après le coup qu'il avait fomenté. C'était très bien... Mal ficelé comme histoire tout ça ! Et puis même si c'était vrai, quel bel acte, il méritait certainement la médaille de la bravoure pour ça ! ce qui à côté d'avoir essayer d'arracher la tête au régent actuel était... Infiniment plus courageux, mais peut-être moins stupide.

Il ne récolta qu'un sourire méprisant pour sa sortie, montrant clairement qu'elle n'y avait pas cru un seul mot.

Puis le calme, il était parti et les gardes n'étaient pas décidés à rerentrer pour continuer l'interrogatoire ! Tant mieux, elle avait du travail ! Tester les chaines et leur fixation, oh bien sûr les essais furent assez infructueux et certainement pas assez poussés puisqu'il fallait faire le moins de bruit possible bien que la garde devait se douter de ce qui se tramait derrière cette porte.
Tant pis, ca serait la tentative aux poignets vu que pour le moment elle ne pouvait que compter sur elle même. Commença alors cette tache ingrate que de tenter de se servir de son sang comme d'un lubrifiant.

"Tu ne devrai pas faire ça, ca ne sert à rien !"

Tentait-elle de la raisonner, mais c'était inutile. Ne rien faire, Joh ne savait pas faire et c'était là, la seule chose qu'elle avait pour le moment la possibilité de faire, donc c'était fait ! Et proprement ! Jusqu'à ce que l'on vienne l'interrompre...

Le cliquetis de la serrure se fit entendre, visiblement la suite des évènements était là, certainement son gentil bourreau qui lui réserverait un séjour inoubliable avec la séance de torture tant attendue, et certainement que la douleur irait réveiller assez d'adrénaline pour qu'elle puisse s'en libérer. Sauf que ce fut... Une femme... Ok, drôle de bourreau, ce qui d'ailleurs ne manqua pas d'étonner la dragonnière qui la laissa s'approcher en silence. Heureusement pour celle-ci, elle avait assez eut de jugeote pour rester hors de portée de main, jusqu'à la question la plus drôle qu'elle n'ait pu entendre et qui la laissa interdite quelques secondes adossée contre son mur.

"Je ne l'avais jamais entendue celle là ! C'est la meilleure de l'année !" Rire pouvait faire du bien parfois ! Au moins ils avaient de l'humour à Alonna ! "Depuis quand les morts en sursit sont soignés pour si peu ? Ou alors c'est une méthode de torture plutôt originale pour les faire parler ! On leur donne un peu d'espoir pour qu'ils s'accrochent à la vie puis une fois que c'est fait la basse besogne est reprise par le grand gaillard masqué ou quelque chose du genre ?"

Elle posa ses mains sur ses genoux tout en se penchant un peu à l'avant pour reprendre. Visiblement elle ne souhaitait pas vraiment de cette fameuse aide peut-être parce qu'elle ne l'avait pas réellement comprise mais au moins elle ne lui parlait pas avec la même agressivité que son prédécesseur. Certainement qu'elle avait un peu plus de respect pour cette femme. C'était juste de la méfiance additionnée à de la lassitude, tout était si prévisible !
L'observant de haut en bas pour s'arrêter sur ses mains, elles n'étaient pas abimées par le maniement d'une arme qui laissait toujours des traces caractéristiques.

"Nouvelle dans le métier ? Vous n'avez pas les mains de quelqu'un qui manie une arme." Elle la regarda de nouveau dans les yeux. "Combien de gardes sont prêts à me sauter dessus si je fais un faux mouvement ? Deux, trois ? hum..." elle marqua une courte pause. "Plutôt cinq ?"

Elle devait certainement compter les envoyer chier les uns après les autres en se trompant sur toutes les intentions des gens. Après tout elle était devenue la spécialiste là dedans ! De se tromper sur les gens ! Avec l'autre noble qui l'avait trahie au plus haut point, il fallait s'attendre à tout. Bilan, trop de méfiance pouvant nuire, peut-être même une certaine paranoïa ? Après elle semblait s'être un peu détendue, peut-être déjà plus... Apte à se laisser approcher avec toute de même assez de prudence, car trop imprévisible. Néanmoins, si sa visiteuse faisait un geste dans ce sens là, elle ne l'empêcherait pas et ferait même en sorte de l'y encourager.

En tout cas elle parlait beaucoup, peut-être trop surtout pour ne rien sortir de réellement utile comme information. Comportement classique d'un prisonnier qui veut lasser son auditoire.

Alors que Jena refermait la porte derrière elle et prenait la direction des cellules afin d’y soigner la prisonnière, je ressentis une brusque envie de la rattraper et de lui interdire formellement de l’approcher. Johann venait après tout de me mettre hors de combat pas moins de cinq gardes. Mâchoire brisée, épaule démise, plaies et contusions multiples, ils avaient pris cher et amplement mérité leur solde du mois. Le prestige de l’uniforme auprès des dames vaut-il la peine d’affronter des furies ? Avant de connaître Johann, les gardes auraient surement répondu oui… mais après, je l’ignore.

Bref, je me retins de courir après mon épouse. Non seulement je savais qu’en temps que prêtresse de Néera, elle refuserait de laisser une blessée sans soin, mais de toute façon je connaissais suffisamment ma chère et tendre ne revenait quasiment jamais sur ses décisions. Un caractère bien trempé qui nous avait valu quelques discussions houleuses, mais cela évitait de tomber dans la routine.

De toute façon, enchainée comme elle l’était, Johann ne pourrait pas être dangereuse envers quiconque. Quand bien même elle aurait osé s’attaquer à une prêtresse, car elle ignorait forcément l’identité de sa visiteuse, le peu de mouvement que lui laissait les entraves posées un peu plus tôt aurait voué à l’échec ses tentatives. Ajoutez à cela les gardes qui depuis le couloir seraient prêt à intervenir, et vous comprendrez que je ne m’affolais pas outre mesure. Au pire elle pourrait accueillir ma femme avec injures et quolibets, mais après avoir rencontré Ilinsar, Jena se montrait blindée.

Je ne pouvais par contre m’empêcher de penser à ce que m’avait dit Johann. Son discours sur son innocence, pour peu diplomate qu’il soit, paraissait marqué du sceau de la franchise. A vrai dire, je doutais des capacités de mon « invitée » à mentir avec aplomb. Taillée d’un bloc et peu adepte des fignolages, elle semblait plutôt du genre à tout balancer sans réfléchir.

Que s’était-il donc réellement passé à Diantra ce fameux jour où la royauté perdit sa tête ? En changeant d’approche par rapport à moi, peut être que Jena pourrait en apprendre un peu plus de la bouche de Johann. Si aux yeux de cette dernière je symbolisais l’autorité féodale et donc potentiellement l’ennemi aux yeux, avec un peu de chances elle serait plus prolixe face à une prêtresse qui en théorie ne se mêlait pas des affaires de politique. Peut être…

Comme je l’avais imaginé, la prisonnière qui me faisait face n’avait pas l’air très coopérative, soit, si elle ne voulait pas se faire soigner tant pis pour elle, mais je me devais d’insister légèrement, conscience professionnelle oblige ! Cependant elle semblait avoir envie de bavarder et malgré mon irrésistible envie d’aller dormir, je pouvais bien lui accorder ça. Après tout si je parvenais un peu à l’amadouer gentiment, elle finirait peut-être par accepter que je nettoie cette très vilaine plaie qu’elle avait à la tête. Pas de quoi la tuer dans la nuit, certes, mais c’était le genre de plaie qui pouvait s’infecter vite.
Ecoutant attentivement le flot de parole qu’elle prononça je fus surprise de l’entendre évoquer torture et bourreau. Bien que je ne sois pas présente tous les jours dans les cachots, je n’imaginais pas que ce genre de pratique soit monnaie courante à Alonna, d’ailleurs il ne valait mieux pas pour mon tendre époux, car ce dernier savait parfaitement ce que je pensais de cette brutalité barbare, gratuite et primitive.
La suite me fit sourire, notamment lorsqu’elle mentionna mon inaptitude à tenir une épée et le nombre de garde qui devait se tenir prêt à intervenir de l’autre côté de la porte. Décidemment j’appréciais de plus en plus le franc-parler de cette femme. Je ne comprenais toujours pas ce qu’elle faisait enchaînée à ce mur et pourquoi elle avait droit à un traitement particulier de la part d’Hanegard, mais je n’étais pas là pour ça.

- C’est vrai qu’il y a toute une petite armée derrière cette porte ! Vous devez être sacrément coriace pour mériter autant d’attention ! Cependant je sais très bien me défendre, même si cela peut surprendre venant d’une prêtresse de Néera.

Ceci dit, j’ouvris ma besace et en sortis linges propres, fioles, herbes médicinales et un bol en bois. Je repérais sur une table en bois légèrement à l’écart une cruche remplie d’eau. Fronçant les sourcils je notais que cette eau était largement hors de portée de la prisonnière. Revenant à ma place je m’installais en tailleur et commençais à piller des herbes avant de les mélanger avec quelques gouttes de miel et un peu d’eau. Pendant que je m’attelais à la tâche, je n’en oubliais pas moins de faire la conversation à la jeune femme recroquevillée devant moi.

- Mon devoir est de soigner et d’apporter du réconfort. Je ne sais rien du crime qui vous est reproché en revanche je peux vous assurer qu’il ne vous sera fait aucun mal ici. La torture n’est plus pratiquée à Alonna depuis l’avènement du Baron actuel. Si vous me disiez de quoi l’on vous accuse, peut-être que je pourrais essayer de vous aider un peu plus. En attendant, même si vous arrivez à faire glisser vos poignets dans ces menottes, vous n’iriez pas très loin et avec cette plaie au front, sachez que si elle s’infecte, ce qui est plus que probable, vous serez cloué au lit pendant plusieurs jours avec une forte fièvre. Je suppose qu’une longue agonie ne vous tente pas.

Je ponctuais ma phrase d’un sourire amusé. Mon habit de prêtresse avait souvent tendance à rassurer mes patients, peut-être qu’il parviendrait à convaincre cette femme que je ne lui voulais aucun mal. Mon époux semblait préoccupé par cette prisonnière particulière, qu’attendait-il d’elle ? Pouvais-je réellement l’aider à éviter la potence, même si je n’étais pas sure qu’il s’agissait de son prochain rendez-vous ? Il y avait trop de zone d’ombre pour moi, là seule chose que je savais sur cette femme c’est qu’elle avait provoqué une bagarre dans une taverne de la ville et quand la voyant mon époux avait décidé de la faire enfermer ici dans les cachots de la citadelle…

Cependant chaque chose en son temps, il fallait d’abord soigner ces poignets sanguinolents, son front blessés et les quelques autres coupures apparentes. Je me décidais donc à faire une nouvelle tentative.

- Accepterez-vous maintenant que je vous soigne ?

Oh, elle savait très bien se défendre en tant que prêtresse de Néera... Moui, bien sûr, face à quelqu'un qui pouvait lui briser la nuque en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire, était-ce vraiment utile de le préciser ? Elles n'étaient pas réellement au même niveau ! Pet-être qu'elle ne se souvenait plus des visages des gens qu'elle avait soigné tellement qu'il y en avait, pour Joh c'était plus ceux des personne qu'elle avait tué ou fait tuer. Bien sûr, ce n'était pas un trop plein de confiance en soit, il n'y en avait peut-être pas besoin vu que de toute manière il ne faut jamais sous estimer un adversaire ! Ce qui ne l'empêcha tout de même pas d'en rire !

Rire qui fut bien vite remplacé par un soupir, sa visite préparait déjà son matériel pour la soigner, comme si la réponse était d'elle même et qu'elle la soignerait même sans son consentement. N'écoutait-elle donc pas ? Ca servait strictement à rien dans tous les cas, soit elle serait exécutée au nom du régent, soit elle s'échapperait et les dons du dragon d'or feraient le reste tout seul au point que même la pire des infections ou des maladies ne puisse lui donner la moindre goutte de sueur rien qu'à son évocation.

Dans tous les cas elle avait remarqué l'état de ses poignets et même son objectif, finalement elle n'était pas si bête que ça. De toute manière il n'y avait pas 36 milles autres solutions quant à l'origine de ces blessures et leur objectif.

"Je vois qu'avant de vous envoyer ici personne ne vous a prévenu de pourquoi j'y étais." Elle haussa les épaules. "Qu'importe, je vais le faire : D'après le châtelain, le régent m'accuse d'avoir tué le précédent Roi, ou tout du moins d'être une des raisons de sa mort. C'est fou ce que les informations peuvent arriver aussi vite déformées, c'est pire qu'un nid de commères." lâchât-elle en haussant les épaules. "Ou alors il a eut trop honte pour avouer que la personne qui a tenté de le tuer à réussit à s'évader la veille de son exécution !"

Cette version lui plaisait le plus et surtout ne l'étonnerait guère à ce qu'elle avait vu. Il n'avait même pas été capable de déclarer la guerre en face au point de créer une émeute dans un vilain complot qui ne laisserait strictement aucune chance à ses adversaires pour s'approprier le pouvoir jusqu'au restant de ses jours. Et c'est bien pour cette raison que Joh lui ferait la peau un jour ; d'une manière ou d'une autre !

"Puisque vous êtes déjà lancée faites bien comme vous voulez ! Si vous n'avez pas peur des supposés assassins ou des personnes ayant passé leur vie à prendre celles d'autres. C'est à vos risques et périls."

Peut-être une menace sourde, ou alors simplement un avertissement de ne pas faire n'importe quoi sans en être sûre. Car après tout la brisonnière pouvait bien décider de la prendre en otage pour ne pas "aller bien loin" avec cette armée entre elle et la sortie.

"Par contre si vous voulez vous occuper de mes poignets, il faudra me détacher. Si ca peut vous rassurer, je peux promettre de ne vous faire aucun mal."

Et une petite tentative pour se faire détacher. En même temps elle n'avait pas réellement tort, soigner quelqu'un qui se fait mal volontairement pour tenter de faire glisser les fers était complètement inutile vu qu'elle recommencerait et surtout que le contact avec ceux-ci rendraient de toute manière les soins obsolètes. Et puis sa promesse ne l'engageait pas vraiment, tout du moins ceci ne l'engageait pas auprès d'autres personnes, elle pourrait tabasser voire même tuer si nécessaire le nombre de garde qu'elle désirait.

C'était surprenant de voir à quel point cette femme était en apparence si sure d'elle. Pourtant il suffisait de l'écouter un peu et de la regarder droit dans les yeux pour voir qu'elle cachait quelque chose de bien différent. Une blessure, une fêlure peut-être même. Je n'étais pas psychologue et j'avais déjà fort à faire au temple avec les problèmes des gens qui voulaient de mon aide. Je n'avais pas pour habitude de forcer les gens à me laisser les soigner aussi attendis-je patiemment que la prisonnière finisse par accepter mon aide. Cependant comme je l'avais déjà remarqué, elle avait visiblement envie de s'épancher et je restais silencieuse, la fixant longuement, jusqu'à ce qu'elle eut terminé. Si j'avais légèrement tiqué en entendant l'évocation d'Hanegard sous le titre de châtelain, je ne fis aucun commentaire. Elle ne savait pas qui j'étais et c'était très bien ainsi, il valait d'ailleurs mieux qu'elle n'en sache rien sans quoi j'aurais probablement vraiment eu à craindre pour ma vie.

Bien que ma position de prêtresse ne me prédispose pas à intervenir dans les événements politiques de la péninsule, il n'en était pas autant pour mon titre de Baronne. Je savais ce que m'avais dis Hanegard au sujet de la mort de Trystan. Je savais également que mon époux refusait toute soumission au régent Aetius d'Ivrey. Cette femme assise devant moi était accusé par cet homme d'être l'assassin du Roi... Cette accusation était très grave et je comprenais maintenant l'intérêt que lui portait Hanegard. Son récit achevé, elle se fit presque menaçant lorsqu'elle m'indiqua que c'était à mes risques et périls si je voulais la soigner. Loin de me démonter je la regardais droit dans les yeux et poussais un long soupir. Comme j'avais appris à leur faire durant mes longues années d'apprentissage, je fermais une seconde les yeux et les rouvrit pour croiser le regard de la jeune femme. Sans trembler je posais ma main sur la sienne qu'elle avait sur ses genoux repliés. Ce contact léger et rassurant me permit de créer le lien nécessaire pour faire opérer ma magie. Je ne voulais pas la contrôler, ni même lui faire de mal. Seulement lui transmettre des ondes de calme, de sérénité. Elle était si agitée, si énervée et pourtant visiblement fatiguée que je ne voyais que ça pour la calmer légèrement. Du moins pour l'apaiser un peu.

- L'accusation dont vous faites l'objet est extrêmement grave. Cependant si c'est le régent que vous fuyez, vous êtes plus en sécurité ici que dans le reste de la péninsule. Le Baron ne porte pas dans son cœur cet....homme qui se dit régent. Avez-vous des éléments prouvant votre innocence ?

Ma prise de position pouvait surprendre pourtant j'avais toujours appris à ne pas juger trop vite les actions de chacun. Cette femme ne devait pas être considérée comme coupable, bien qu'elle ait réellement l'allure d'une dangereuse criminelle, je voyais bien à son comportement agressif qu'elle voulait dissimuler quelque chose. Je ne me serais pas avancer jusqu'à parler de peine ou de souffrance mais bon c'était bien ce à quoi je pensais.
Avançant mon bras vers la prisonnière, je marquais une pause à mi parcours attendant un geste, un signe d'elle pour continuer. Un battement de cil me suffit et je terminais mon mouvement pour écarter les quelques mèches qui barraient son front ensanglanté. De mon autre main je pris un linge propre imbibait d'eau. Pour y voir plus clair je devais nettoyer tout ça. Tout en continuant d'envoyer le plus de penser calme et sereine, je tâchais de poursuivre la conversation, histoire de la focaliser sur autre chose.

- La mort de Trystan m'a beaucoup attristé... Je l'ais rencontré une fois et je me souviens de lui comme d'un homme honnête, droit et charmant. Nous avons probablement perdu le plus juste des rois.

Suite à mes paroles, un long silence suivit durant lequel je terminais de soigner la blessure à son front. J'appliquais une fine couche de la mixture que je venais de préparer et me gardais bien d'en-rubaner sa tête. Je ne voulais pas la mettre hors d'elle et risquer de m'en prendre une ! Une fois le front terminé j'observais une seconde le bel hématome qui commençait à apparaître sur sa paumette. Rien de grave, je pouvais donc passer à la suite : les poignets. Le bracelet en fer était trop épais pour me permettre de soigner les blessures en faisant glisser le métal mais en même temps est que ça valait la peine de tenter le diable en la détachant ? Non.

- Pour vos poignets je ne peux hélas pas vous ôter ces chaînes et je me demande si c'est utile de vous soigner...comptez vous continuer à vous scier les poignets pour vous évader ?

Cette fois je lui adressais un franc sourire amusé. Je m'occupais de nettoyer une égratignure sur son bras gauche sans cesser d'envoyer des ondes apaisantes.

Voilà pourquoi elle avait toujours détesté tous les religieux ! Toujours à tenter d'analyser les gens ce qu'elle prenait à chaque fois comme de la pitié alors que c'était juste pour les comprendre et les aider. Mais bon toutes les bonnes intentions ne peuvent pas être bien prises et surtout avoir d'autres sens que ceux souhaités surtout de la part de la cavalière qui sentimentalement parlant n'était pas la personne la plus expression qu'il soit !

Pour d'ailleurs continuer dans cette voie, la Prêtresse tenta de l'apaiser par une magie quelconque pouvant influencer les personnes. Quelque chose de discret qui aurait pu fonctionner sur n'importe ui s'il était passé inaperçu. Malheureusement pour elle, l'Or avait pu sentir ce qu'elle tentait de faire et en prévenir Joh. Ce n'était pas destiné à mettre en danger le lien ou la dragonnière en elle même, ce qui permis de laisser, faire. Cependant calmer les esprits qui ne veulent pas l'être et peuvent prendre ceci pour de la manipulation...

En quelques mots, elle prenait tout de travers et le mode "huitre" de Joh risquait d'élire domicile définitivement malgré les appels de l'or pour qu'elle calme sa paranoïa. Et les mots de la prêtresse, qui semblait d'ailleurs se mêler de politique, vinrent cependant calmer quelque peu la fameuse paranoïa. Ainsi donc elle n'était pas la seule et les gens n'étaient pas des moutons débiles qui suivaient le soi disant sauveur qui avait causé lui même cette guerre ? Elle ne le fuyait pas, elle espérait même qu'il se déplace en personne sur son propre terrain pour cette fois avoir un avantage. Chose qui ne se produirait certainement jamais, mais bon.

"Je ne vois pas pour quelle raison j'ai à prouver mon innocence. Les gens peuvent être de braves moutons et le suivre s'ils le désirent, autant les laisser dans leur bêtise s'ils ne veulent pas en sortir. J'ai d'autres choses à faire que de perdre mon temps avec eux !"

Et puis, c'est bien connu, seuls les coupables préparent des preuves pour défendre leur pseudo innocence. Les innocents eux par contre se retrouvent souvent devant le fait accomplis et ne peuvent strictement rien faire. Et c'était justement sur ça que comptaient ceux qui accusaient à tort l'histoire de se débarrasser des éléments gênants. Par contre, si ces gens voulaient savoir ce qu'il s'était réellement passé, ils n'avaient qu'à le demander clairement au lieu de tourner autour du pot avec un simulacre de jugement basé sur les mensonges.

Mais revenons en à la prêtresse qui finit par s'approcher pour s'occuper de la blessure au front. Elle était certainement vilaine, mais Joh n'était pas réellement du genre à s'admirer dans un miroir ou surtout à prendre en compte son apparence pour plaire surtout que maintenant ce genre de blessure ne laisserait quasiment aucune trace au bout de quelques semaines; Les soins ne tirèrent même pas une grimace à la cavalière, un peu comme si elle y était "habituée" et elle ne répondit d'ailleurs pas aux commentaires de la prêtresse sur Trystan, enfin, en tout cas pas de la manière qui devait être souhaitée !

"Je vous trouve bien impliquée dans la politique de ce château pour une prêtresse. Normalement vous ne devriez pas vous en mêler d'après les préceptes de votre religion."

Une petite remarque tout ce qui avait de plus normal, rien de bien agressif, mais qui pouvait la mettre à mal. Après... Joh faisait pareil de par son status ! Elle ne devait pas s'y impliquer et pourtant elle y avait été en plein dedans ! Mais ca, c'était une autre histoire et surtout une autre motivation !

Puis la femme passa sur les poignets, dont évidemment elle ne pouvait pas s'occuper sans la détacher. Si elle comptait forcer jusqu'à réussir à se libérer ? Quelle question stupide ! Si elle avait commencé c'était pour aller jusqu'au bout, d'ailleurs à cette question Joh finit par sourire de nouveau. Elle ne connaissait visiblement rien à la mentalité de certains groupe de soldats qui étaient capables de tout mettre en œuvre pour tenter de s'évader.

"S'il le faut" répondit-elle simplement à la question de l'évasion, et le pire c'était qu'elle était sérieuse. "Par contre ne vous embêtez pas sur des détails, gardez vos produits pour ceux qui en ont réellement besoin. Demain, ce genre de chose que vous vous acharnez à nettoyer auront disparues. Et puis ce n'est pas dit que vous n'aurez pas à recommencer demain."

Et on sentait bien par ces mots qu'elle avait le gaspillage en horreur, elle accompagna d'ailleurs les mots en attrapant le poignet de la prêtresse, le serrant avec force et sans retenue. La pauvre risquait de se retrouver avec une jolie marque de doigts et surtout aurait pas mal de difficulté pour s'en déprêtrer sans l'aide des gardes ou sans la bonne volonté de Joh.

"Par contre votre petit jeu avec votre magie commence à me fatiguer si vous voyez ce que je veux dire, et il ne faut pas me prendre pour une imbécile." Cette fois c'était de l'agressivité pure et simple en la fixant droit dans les yeux presque avec un regard assassin.

Oh, elle avait mis son temps avant de réagir, autre fois sachant celui, le coup serait déjà partis dès la première touche et sans aucune sommation. Bien évidemment, malgré cette évolution, il ne fallait pas espérer plus diplomate quand il s'agit de quelque chose qui vous révulse surtout après la dernière mésaventure avec de la magie dite "Divine".

Une sorte de conversation tranquille s’installa entre nous tandis que je finissais de soigner sa plaie à la tête. Elle aurait pu être banale, mais les sujets abordés étaient bien plus graves qu’il n’y paraissait. Cette femme assise devant moi était accusée de régicide. Certes par le nouveau régent en place, et mon époux ne semblait pas du tout le porter dans son cœur celui là. De ce fait, ça rendait l’innocence de cette femme totalement crédible à mes yeux. Mais obstinée qu’elle était, rien ni personne ne la ferait baisser d’un ton pour mettre au clair cette affaire. Lorsqu’elle exprima ses occupations diverses qui ne lui permettaient pas de perdre son temps à expliquer son innocence, je faillis lui répondre sèchement qu’à la vue de sa situation, elle avait tout le temps de réfléchir à sa défense. Mais je ravalais mes paroles et continuais à l’écouter. Sa petite pique concernant mon statut de prêtresse un peu trop férue en politique me fit largement sourire. Peut-être voulait-elle me déstabiliser, ou simplement voir ma réaction… Je ne lui en voulais guère et terminais mon travail.

Sa réponse concernant ses poignets me firent légèrement froncer les sourcils. C’était vraiment une patiente pas comme les autres celle-ci. Elle ne voulait pas que je m’embarrasse de futilité pour elle.

- Votre entêtement à croire que vous êtes sur le point d’être torturé voir même tué est agaçant vous savez. Quel intérêt aurait le Baron à vous faire tuer si vous êtes la preuve vivante que le régent actuel n’est pas l’homme qu’il prétend être. Croyez moi, si vous savez quelque chose vous avez plus de valeur vivante que morte.

Je m’apprêtais à poursuivre lorsqu’elle me saisit fermement l’avant bras. De la force, ça elle en avait à revendre la demoiselle, mais je ne bronchais pas. Décidément elle avait bien mauvais caractère, mais il fallait reconnaître qu’elle était très perspicace aussi. Généralement les gens ne sentaient pas ma magie, ils se sentaient simplement mieux. Avec elle, tout était différent.

- Vous prendre pour une imbécile ? Je n’en avais guère l’intention,répondis-je froidement, Etes-vous toujours aussi charmante avec les gens qui essayent de vous aider ? Parce qu’avec votre caractère, faut pas s’étonner si vous vous retrouvez au fin fond d’un cachot.

Voyant que l’agressivité de la prisonnière était loin de diminuer, je soupirais en tirant vainement sur mon bras pour lui faire lâcher prise. Evidemment elle se montrait à nouveau obstinée et je n’avais franchement pas envie d’appeler les gardes. Ils l’auraient malmené pour qu’elle me lâche et je savais parfaitement qu’elle ne se serait pas laissé faire bien gentiment. Inutile dans arriver là, du moins pour l’instant. Pour éviter tout malentendu, je stoppais net toute magie et la regardait droit dans les yeux. Si elle croyait que son ton agressif et ses manières de tavernier me faisaient peur, c’est qu’elle me connaissait mal. J’avais l’apparence de la gentille mère poule inoffensive, mais j’en avais vu des pires qu’elle dans ma vie.

- Mon petit jeu, comme vous appelez ça, me permettait juste de vous soigner sans vous faire mal et sans vous voir gigoter dans tous les sens. Alors maintenant calmez-vous ! Vous n’êtes franchement pas en position de prendre vos grands airs là. Je ne veux vraiment pas avoir à appeler les gardes, alors vous allez me lâcher gentiment. Comprenez bien que je ne suis pas votre ennemie ici, si je peux vous aider dites le moi.

Difficile de faire plus clair !

Elle pouvait dire tout ce qu'elle voulait, et peu importe ce pourquoi elle l'avait fait, ca restait une sorte de manipulation ou elle avait tenté de l'influencer d'une quelconque manière que ce soit même s'il n'y avait aucune mauvaise arrière pensée derrière tout ça. Une seule fois lui avait suffit et malheureusement pour la prêtresse de Néera, elle prendrait certainement à cause de la première. Déjà qu'elle n'avait plus aucune confiance, cette fois c'était terminé ! C'était quoi le prochain coup foireux ?

"Et demander, c'est beaucoup trop dur peut-être ? C'est une manie chez les religieux de faire comme ca leur plait indépendamment de ce que pensent les gens ?"

Ah bah c'était sûr que demander devait l'être. Un simple "Ne bougez pas s'il vous plait" aurait largement suffit pour qu'elle ne "gigote pas dans tous les sens" comme une gamine de 12 ans qu'elle n'était plus depuis des années. Non, c'était plus facile d'influencer la personne à coup de magie divine et d'ensuite passer pour la victime ! Alors oui, elle devait la prendre pour une imbécile ou quelque chose comme ça.

"Mis à part pour me faire sortir d'ici vous ne pouvez pas m'aider et si je sais quelque chose qui fait que j'ai plus de valeur vivante alors il ne risque pas de l'apprendre sans que je n'assure mes arrières !"

Et ca, ce n'était pas faux ! Elle ne savait toujours pas ce qu'il lui voulait. Enfin, elle avait quelque doutes, mais comme rien n'avait été demandé explicitement, ca restait tout de même quelque chose qu'elle ne ferait pas d'elle même. Ah là là, Joh et ses principes "Tu veux ? Tu demandes, sinon t'aura jamais rien !" Malgré tout la prêtresse n'avait pas tort sur un point : Joh n'était pas en position de prendre ses grands airs, en fin, n'importe qui n'aurait pas osé sauf elle ! Évidemment quand on pense que l'on n'a plus grand chose à perdre et que les dés sont jetés alors autant jouer à ce petit jeu jusqu'au bout ! Si ce qu'elle savait avait de la valeur alors autant le négocier au prix fort, et puis autant tenter le diable. Elle venait de lui offrir une carte, autant la jouer immédiatement, c'était toujours ça de fait et ca ne coutait pas plus cher.

"Mais puisque mes informations ont de la valeur, il pourra les avoir, en échange d'une attestation sur l'honneur me garantissant ma liberté ainsi qu'un libre accès sur ses terres. Et de préférence par écrit, de manière à éviter qu'il ne revienne un peu trop facilement sur sa parole."

Elle sourit, cette fois elle posait ses conditions, si elle avait une carte quelconque, alors elle tentait de la jouer. Rien ne pouvait permettre de savoir si réellement elle savait quelque chose qui pouvait avoir une valeur quelconque. Du bluff ? Ou simplement la vérité ? Ca se jouerait certainement avec une sorte de guerre psychologique avec le Baron qui avait certainement plus de moyens qu'elle de la faire craquer. Mais qui ne tente rien n'a rien ! Et elle n'était pas vraiment du genre à supplier, même face à la mort. Un peu comme si elle n'avait pas vraiment conscience du danger. C'était d'ailleurs ce contre quoi l'Or se battait depuis des années : lui faire prendre conscience des risques qu'elle prenait en jouant toujours à ce genre de jeu qui ne pouvait réussir qu'à une seule chose : les empirer !

"Si vous voulez tant que ça m'aider, ca ne sera pas en vous occupant d’égratignures mais en lui transmettant ce message." Elle ne l'avait toujours pas laché. "Nous avons un accord ?"

A cette question était liée un acte simple. Si elle disait oui, alors elle la lâcherait sans aucune autre condition et sans en discuter plus. Si elle répondait non... Et bien, elle lui forcerait tout de même la main en appelant les gardes de son propre chef avec simplement un "Cette dame à un message important à transmettre au Baron, faites en sorte qu'il y arrive." quitte à se prendre une mandale pour avoir osé la toucher car ca serait clairement eux qui la feraient lacher prise.

Son agressivité inutile commençait à me courir sur le système, mais je serrais les dents et me contenter d’hocher la tête lorsqu’elle s’en prit directement aux religieux. Certaines personnes avaient une conception du monde tranchée, le bien, le mal, pour le plus simple, les gens qui vous aident sont toujours à la recherche de leur propre intérêt pour les cas les plus complexes. Ma patiente se trouvait dans cette dernière catégorie. Elle avait un avis sur tout, net et précis. Entendre mon Ordre mis à mal par cette femme me fit souffler d’impatience. Les bagarres de rues étaient peut-être trop souvent son quotidien, elle se méfiait de tout et de tout le monde, sauf qu’en s’enfermant ainsi dans ces préjugés elle n’était plus capable de reconnaître les gens sincères des fourbes et des menteurs. Pour elle, tout le monde mentait.
Me forçant à ne pas lui répondre sèchement je la laissais continuer. Elle avait vite compris que les informations qu’elle détenait peut-être, pouvaient lui sauver la vie plus sûrement que son attitude actuelle. Pas si sotte que ça la demoiselle ! Lorsqu’elle me signifia ses exigences, je fus surprise par ce qu’elle demandait. Certes qu’on la relâche était un minimum…mais je m’étais attendue à une somme d’argent, des biens matériels…hors là elle demandait simplement sa liberté et un laisser passer. Soit, si c’était la seule chose qu’elle demandait, je transmettrais sa demande à Hanegard.

- Nous avons un accord. Je me charge de lui transmettre vos exigences.

A ses mots, elle desserra son étreinte sur mes poignets et je pus retrouver ma liberté de mouvement. Des marques rouges colorées mon avant-bras, ce n’était pas très douloureux mais fallait reconnaître qu’elle avait une sacrée poigne.
Rassemblant mes affaires dans ma besace, je me levais et croisais une dernière fois son regard.

- Je repasserais voir votre blessure à la tête demain. Que ça vous plaise ou non. Concluais-je avant qu’elle ne proteste une nouvelle fois.

Je quittais la cellule sans un dernier regard derrière moi. Les gardes inclinèrent la tête à mon passage et aucun ne broncha quand je leur reprochais sèchement d’avoir mis hors de portée l’eau destinée à la prisonnière. Embarrassé, le plus imposant d’entre eux bredouilla qu’il s’occupait personnellement d’arranger cela.
C’est littéralement épuisée que je regagnais mes appartements à la recherche de mon époux. Les enfants étaient toujours dans le petit salon à côté de notre chambre mais nulle trace d’Hanegard. Posant mes affaires sur le guéridon, j’adressais un sourire aux trois petites têtes brunes qui s’étaient tournés à mon entrée. A contre cœur je les quittais une nouvelle fois et me dirigeais vers le bureau de mon époux. Quelques coups frappés discrètement et j’entrais.

Il était là, assis à son bureau, pensif, visiblement perdu dans ses réflexions. Il ne fit même pas mine de me voir lorsque je m’approchais et que je m’installais sur un coin du bureau.

Ton invité est loin d’être la plus charmante des Dames. Elle a une poigne de fer, mais c’est une vraie pipelette et elle m’a chargé d’un message pour toi. Elle consentira à te dire ce que tu veux savoir en échange de sa liberté et d’une autorisation de libre circulation dans toute la baronnie.

Je marquais une pause, le laissant enregistrer les informations que je venais de lui donner. Il était tellement immobile, tellement soucieux… Et en même temps je le comprenais parfaitement. Cette femme, si elle s’avérait être innocente des crimes qu’on lui reprochait, pouvait peut-être connaître l’identité de l’assassin du roi… Qu’aurait fait mon époux si cette dernière lui révélait que la main qui avait ôté la vie à Trystan était celle de notre régent actuel ? C’était officiellement déclarer la guerre à Aetius et à Diantra…

- Tout va bien chéri ? finis-je par lui demander, réellement inquiète de le voir si troublé.

Tandis que Jena s’occupait de notre charmante et aimable invitée (sic), je m’étais rendu dans mon bureau afin de relire une nouvelle fois les rapports dont je disposais sur la mort de Trystan. Et une nouvelle fois le découragement s’empara de moi tant ces rapports divergeaient et défendaient diverses versions. Officiellement, Trystan avait péri du fait des émeutiers et de la trahison de ses proches, mais plusieurs témoins confirmaient que le comte de Scylla se trouvait lui aussi dans l’enceinte du château au moment fatidique. Pour défendre le roi, comme il le clamait, ou pour se débarrasser de lui ? Quand on voyait la rapacité avec laquelle il avait ensuite mis Diantra en coupe réglée, le moins que l’on puisse dire était que le chagrin en l’étouffait guère.

Mais une sacrée différence demeurait entre un opportuniste et un assassin. Dans un cas, tout ce dont on pouvait accuser Aetius serait d’avoir sauté inélégamment sur l’occasion qui s’offrait à lui… dans l’autre cas bien sur, la situation devenait très différente. Et au milieu de tout cela, une prisonnière caractérielle et insupportable qui détenait la clé de l’énigme.

Lorsque Jena revint, je ne réagis pas immédiatement et ne tournait le regard que quand elle s’assit sur le coin du bureau. Ma femme semblait avoir un peu plus avancé que moi puisqu’elle me rapporta l’arrangement que proposait la prisonnière, à savoir sa liberté de filer en échange des informations qu’elle détenait. Les yeux un peu perdus dans le vague, je murmurais ;

Je ne la comprends pas. Johann était l’une des plus fidèles guerrière au service de Trystan, et pourtant elle semble se désintéresser complètement de tout désormais. Elle oscille entre une paranoïa aigue et un dégout du monde… et je n’arrive pas à voir si c’est à cause du poids de sa culpabilité ou à cause de son impuissance à avoir sauvé le roi.

Depuis plusieurs semaines, une chape de plomb semblait s’être abattue sur le royaume. Personne ne bougeait, guettant avec beaucoup d’attention le moindre mouvement de ses voisins et tentant de distinguer la vérité à travers les brumes du mensonge qui entourait la capitale. Savoir comment Trystan avait trouvé la mort ne le ressusciterait bien entendu pas, mais le jour où le régent demanderait aux grands vassaux de renouveler leur serment de fidélité envers le nouveau pouvoir, je serai au clair avec ma conscience. Que valait une fugitive déchue de ses prérogatives en comparaison de cela ?

Sa demande est honnête, la laisser partir n’est pas un prix trop élevé à payer pour savoir si le comte de Scylla est un régicide. Bien sur, ce ne sera jamais qu’une parole contre une autre… mais je crois néanmoins que cela en vaut la peine.

Les « termes de poigne » de fer revinrent brutalement à la surface et je m’arrêtais net pour regarder l’avant bras rougi de Jena. Furieux, je m’exclamais :

Elle a osé te brutaliser ?

Voilà donc les causes de l’enfermement de cette jeune femme ! Hanegard la connaissait sûrement pour l’avoir déjà croisé lorsqu’il avait rendu visite au roi Trystan, juste avant d’être nommé Régent d’Alonna. Cette femme, Johann puisque tel était son nom, était l’une des gardes personnelles du Roi si je comprenais bien, et donc la coupable parfaite ! Pourtant j’avais bien vu dans son regard qu’elle ne mentait pas lorsqu’elle criait n’avoir rien à se reprocher. Même si ses manières de poissonnière du dimanche étaient quelque peu malvenues de la part de quelqu’un dans sa position, je pouvais au moins lui reconnaître sa franchise sur ce sujet là. Personnellement, je ne doutais pas de son innocence, mais mes convictions n’étaient d’aucune utilité dans cette affaire, et Johann m’avait clairement fait comprendre qu’elle n’avait pas de temps à perdre à prouver son innocence.
Totalement d’accord avec mon époux au sujet de sa paranoïa, j’hochais la tête en l’écoutant attentivement. Je voyais bien que toute cette affaire pesait lourd sur ses épaules, beaucoup de chose découlerait des paroles qu’il pourrait recueillir de Johann… Si le Comte de Scylla, actuel régent de Diantra s’avérait être l’assassin de notre Roi, quelle position prendrait Hanegard ? Je savais mon époux juste et loyal, mais provoquerait-il une guerre pour cette vérité ? Je redoutais la réponse à cette question.

Je m’apprêtais à répondre à ses interrogations lorsqu’il se tourna brusquement vers moi et qu’il se saisit de ma main. Légèrement gênée je tirais mon bras vers moi et tirais la manche de ma robe jusqu’à mon poignet.

- Me brutaliser… comme tu y vas ! Ce n’est rien du tout. Elle n’a pas apprécié que j’essaie de la calmer en douceur. J’ai vu pire !

Mouais, piètre excuse et je voyais bien qu’il était à deux doigts de bondir de son fauteuil pour se ruer dans la cellule de Johann. Hors de question de le laisser faire, je venais de m’occuper de ses blessures, pas la peine qu’il aille en rajouter, surtout après que je lui ai affirmé qu’il n’y avait plus aucune forme de torture à Alonna…
Bon pour l’empêcher de bouger quoi de mieux que de s’asseoir sur lui ! Certes je n’étais pas non plus lourde au point de l’immobiliser sur son fauteuil mais bon, en tendre époux qu’il était, il rechignerait à m’envoyer valser à l’autre bout de son bureau. Je me glissais donc sur ses genoux, un petit sourire innocent aux lèvres.

- Je ne pense pas qu’elle soit coupable…seulement si nous la laissons repartir elle pourrait tomber entre les mains du régent. Et si elle lui révèle qu’elle se trouvait quelques jours plus tôt dans tes cachots…Que comptes-tu faire si elle te donne l’identité du régicide ? Parce que si le Comte de Scylla apprend sa libération des cachots d’Alonna, tu peux être sur qu’il sera sous nos murs avant la fin du printemps.

Rien ne me terrifiait plus qu’une guerre. Car elle apportait toujours son lot de mort, de maladie et de souffrance. Les terres étaient dévastées, les années suivantes mauvaises pour les récoltes et la famine emportait vieillards et enfants dès les premières semaines de l’hiver. Je ne voulais pas qu’Alonna subisse tout ça, je ne voulais pas que mes enfants connaissent là guerre…Et pourtant il était peu probable que le Comte de Scylla, coupable ou non, se laisse déposséder de son nouveau titre aussi facilement. En cas de calomnies, il réclamerait vengeance et déclarerait Hanegard coupable de trahison pour avoir relâché la présumé coupable du régicide de Trystan. Et si les accusations de mon époux étaient fondées, il serait quand même accusé de trahison et Aetius déboulerait comme un chien enragé pour le faire taire… L’avenir ne s’annonçait guère souriant…

Si Jena n’était pas venue s’installer sur mes genoux, il est probable que j’aurais pris la direction de la cellule de Johann avec une barre de fer à la main afin de lui expliquer les bonnes manières à avoir envers une prêtresse de Néera. Qu’elle se montre agressive envers moi ou envers les gardes ne m’étonnait pas, au fond elle pouvait ressentir un certain agacement bien légitime à se retrouver en cellule, non ? Mais une guérisseuse reste en théorie extérieure à de tels conflits, et je ressentais une envie incompréhensible de démolir positivement toute personne s’en prenant à mon épouse. Surprenant, n’est-ce pas ?

La conversation revint cependant sur la teneur des révélations que pourrait nous faire la prisonnière en échange de sa liberté. J’avais connu Aetius du temps où, chevalier sans le sou, il servait dans l’armée de Serramire. Mais le temps et les circonstances nous avaient éloignées et je ne trouvais plus grand-chose du jeune chevalier idéaliste dans le politique retors qui régentait le royaume. Pour autant, avait-il osé commettre un régicide ? Tuer un roi lors d’une rébellion ouverte et en bataille rangée est une chose, mais là nous parlions d’un lâche assassinat.

Ce que me dira Johann ne sera qu’une voix parmi d’autres. Rien ne me prouvera qu’elle ne ment pas, bien qu’elle paraisse trop directe pour réussir à feindre. Je n’ai pas prêté allégeance au nouveau pouvoir de Diantra, mais si Johann disculpe le régent, sans doute réviserai-je ma politique. Sinon… bah, je ne vais quand même pas déclencher une guerre parce qu’une fugitive l’accuserait de régicide.

Dans le passé des guerres avaient commencé sous de telles motifs, mais uniquement car des raisons bien plus prosaïques se trouvaient sous le tapis. Politiquement, il est en effet toujours préférable de partir en guerre pour défendre la veuve et l’orphelin plutôt que sous le motif de s’enrichir et de conquérir de nouvelles terres. Un peu d’hypocrisie permet de se draper dans le manteau de l’héroïsme, et les scrupules de conscience s’effacent bien vite face aux intérêts immédiats.

Ne t’inquiète pas, personne à part toi et moi ne sait qui est réellement la prisonnière et je prendrai mes précautions si jamais je la relâchais. Aetius ne saura rien de son passage à Alonna. Et quand bien même il l’apprendrait, une campagne militaire contre le nord serait un coup de dé énorme sur lequel il pourrait tout perdre. Non… il ne bougera pas.

Tout en disant cela, je savais que je mentais pour partie, du moins par omission. Le peu de ralliements au régent ne lui permettait pas à l’heure actuelle de réunir une force suffisante pour mener une opération loin de ses bases, mais la situation du royaume ne pourrait éternellement rester dans ce statut quo imparfait. Un jour ou l’autre, les vassaux fidèles à Diantra et les autres se rentreraient dans le lard. La seule question à poser était la suivante : quand et où ?

Ne souhaitant pas trop m’appesantir sur ce sujet qui m’inquiétait depuis plusieurs semaines, j’embrassais mon épouse et lui dit :

Allons dormir, nous retournerons voir Johann au matin.

Dormir ! Se reposer ! Je n’aspirais qu’à ça pourtant je savais que la journée suivante serait épuisante. Un petit pressentiment qui se vit confirmé au beau milieu de la nuit, lorsque j’ouvris grand les yeux. Fixant le plafond j’essaie de me remémorer ce que je venais de voir. J’avais appris depuis longtemps à différencier mes rêves et ces satanés visions. J’y étais le plus souvent sujette pendant mon sommeil, sûrement parce que c’était le seul moment où mon esprit était le plus ouvert à ce genre de phénomène. Bien que cette magie là me soit totalement incompréhensible, j’avais appris à vivre avec et j’avais cessé depuis longtemps à chercher des explications logiques ou à trouver point commun à toutes ces visions. Elles avaient n’importe quand, sur n’importe quoi et étaient totalement incontrôlables. La seule chose que je pouvais dire avec certitude c’est que le plus souvent elles concernaient mes proches. Certes il m’était arrivé de voir des choses surprenantes, des paysages inconnus et même des elfes une fois, mais cette fois je savais qu’il s’agissait de Liliana.

Poussant un léger soupir, je m’extirpais à regret de l’étreinte d’Hanegard et me redressais sur le matelas. Ainsi assise j’attendis moins d’une minute avant de voir la porte menant à la chambre de mes enfants s’entrouvrir. Un coup d’œil vers la fenêtre m’apprit qu’on était au beau milieu de la nuit, j’étais totalement épuisée mais que vouliez vous que je fasse, c’était ma fille qui s’approchait les yeux rougis d’avoir une nouvelle fois pleurée. Voyant que je l’attendais, elle traversa la pièce en courant et se précipita dans mes bras ouverts.
Je la serrais contre moi et lui murmurais de ne pas faire de bruit. Inutile de réveiller son père. La pauvre petite tremblait, mais à force de câlins et de baisers, elle finit par s’endormir. Si j’ignorais l’origine de ses terreurs nocturnes, je n’étais pas le genre de mère à la laisser pleurer dans sa chambre toute une nuit. Glissée dans les draps entre Hanegard et moi, elle retrouva un sommeil calme…mais pas moi. Impossible de me rendormir ! J’eus beau me tourner dans tous les sens rien à faire, je fus presque soulagée quand je vis les premiers rayons de soleil éclairer lentement la chambre.

Quittant le lit sans bruit, je me glissais dans la salle d’eau et fis de mon mieux pour masquer les dégâts de cette nuit beaucoup trop courte. Décidément rien n’allait aujourd’hui ! Mes cheveux m’énervèrent au premier coup de peigne et rien que de voir mon visage fatigué et étonnamment pâle j’en venais presque à me demander si je n’étais pas malade. Pestant contre ce fichu miroir je revins dans la chambre et trouvais la petite tête brune de ma fille toute ébouriffée souriante en train d’escalader son père.
Je me laissais tomber sur le lit à côté d’eux et profitais de ces rares minutes que nous avions rien qu’à nous.
Parce qu’évidemment il ne fallut pas attendre plus d’un quart d’heure avant de pouvoir assister au ballet quotidien des serviteurs. Une vraie milice disciplinée s’activa autour de nous pour servir le déjeuner, apporter de l’eau chaude dans la salle de bain, sortir nos vêtements. C’est tout juste si on ne nous jeta pas hors du lit pour que deux chambrières s’occupent de le refaire ! Légèrement agacée, je m’installais à la table du déjeuner et attendis patiemment que tout ce petit monde …dégage…oui c’est le mot !

- Il va falloir que j’ai une petite discussion avec Valkor… C’est insupportable de bon matin.

Moi, de mauvais poils ? Noooon ! Et puis me souvenir que l’on devait rendre visite à Johann ce matin ne m’enchantait guère. Mais ma conscience professionnelle m’empêchait de la laisser dans ce cachot alors qu’elle avait une sacrée entaille au front. Il fallait que je m’assure qu’aucune infection n’était à déplorer même si la perspective de l’entendre à nouveau me fatiguait d’avance. Bah, après tout, peut-être qu’une nuit au cachot avait calmé ses ardeurs de la veille !

Après un baiser, nous nous endormîmes profondément. Tout du moins je m’endormis profondément, ayant le sommeil bien plus lourd que Jena, vestige de mes années de guerre durant lesquelles il me fallait savoir utiliser chaque minute de repos à bon escient. Personne ne s’endort plus vite et mieux qu’un soldat au soir d’une bataille victorieuse, et un rude talus parait alors aussi confortable qu’un douillet matelas de plumes.

Je fus réveillé par ma fille et ma femme qui s’était réveillée bien avant moi. Notre petite Liliana avait du faire des cauchemars et Jena possédait une sorte de sixième sens pour savoir immédiatement si quelque chose n’allait pas. Malheureusement, ce tendre instant familial fut brisé par la horde de domestiques attaché à nos basques qui vinrent respectueusement installer la table pour le petit déjeuner et tirèrent en grand les rideaux, comme si l’emploi du temps des nobles appartenait en fait à leur domesticité.

C’est d’ailleurs pour bonne partie vraie…

Durant le repas, la conversation revint sur notre étrange et peu coopérative prisonnière ainsi que sur la proposition qu’elle avait faite la veille au soir à ma femme. La nuit porte conseil dit-on, et j’avais pris ma décision quand au sort de Johann. Tandis que la horde de domestiques revenait pour cette fois-ci débarrasser la table et que Jena s’habillait, je griffonnait rapidement un ordre que je fourrais dans mon pourpoint puis nous prîmes la direction des cachots.

La garde avait été changée, et le sergent en charge de cet étage des cellules m’indiqua qu’aucun incident n’avait émaillé la nuit de la prisonnière, si ce n’est qu’elle n’avait surement pas bien dormit puisque ses geôliers ouvraient régulièrement la porte afin de vérifier qu’elle se trouvait toujours là. Je retins un sourire, car jamais Johann n’aurait pu se sortir des épaisses murailles d’Alonna. Que croyaient donc les gardes ? Qu’un dragon allait jaillir des cieux afin de libérer notre captive ? Ah ah, laissez moi rire !

Bref, nous nous retrouvâmes cette fois-ci tous les trois dans le cachot, Johann vêtue de ses frusques salies, Jena dans sa robe de prêtresse de Néera et moi dans un pourpoint à la coupe militaire, style vestimentaire dont je n’arrivais pas à me défaire. Tandis que mon épouse examinait les plaies de Johann, plaies en étonnamment bonne voie de guérison, je m’assis sur un tabouret et entamais la discussion :

Johann, ainsi donc vous seriez prête à me révéler tout ce que vous savez sur la mort de Trystan en échange d’un sauf-conduit pour quitter mes terres ?

» [Intronisation] Du passé au présent (Ëninril)
» Lorsque Passé et Présent se rencontrent. [Aemon]
» Raviver le passé - Donner souffle au présent
» Lorsque le passé revient hanter le présent (pv nicolaï)
» Quand le passé rattrape le présent | Dante Corvac

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