Cesir Eshin - Obok Senger [Kassandra]

Hors du Puy, Cesir porte une armure censée s’harmoniser à ses compétences martiales. Celle-ci se compose d’une cuirasse proche du corps, légère et destinée à dévier les frappes adverses loin de ses organes vitaux plus qu’à totalement bloquer toute les attaques. Des épaulières saillantes, constituées de plusieurs anneaux métalliques, viennent se fixer sur la pièce principale d’armure et par un jeu d’attaches, permettent à un écran rigide de couvrir la nuque du jeune Général. Au choix, selon les batailles à venir, la tenue du Drow peut être complétée par un gorgelet, de hauts gantelets couvrant ses avant-bras et des jambières couvrant le bas de son corps : l’armure ainsi renforcée devenant l’égale de celle d’un héritier de la tradition de l’infanterie lourde. Un heaume ouvragé vient compléter le dispositif défensif de cette ancienne propriété de famille. L’armure s’affiche intégralement aux couleurs du bronze et de l’airain ; couleurs neutres porteuses de reflets peu engageants.

Lorsqu’il déambule dans l’ambiance aussi feutrée que puante du Puy, Cesir est habituellement accompagné d’un aide de camp portant pour lui la lame Vorpaline, arme née d’un croisement entre le sabre et l’épine et dont certaines âmes bien renseignées murmurent qu’il s’agirait non d’un nom mais de l’acronyme d’une antique devise familiale.

En campagne, le tacticien ne décide de son armement qu’après avoir étudié la situation sur le terrain et pioche à envie dans la réserve d’armes familiales, bien que ses préférences personnelles le conduisent souvent à tirer une lame longue et droite ou une lance barbelée.

Lors de ses déplacements au sein de l’été permanent du Puy, Cesir se présente usuellement ceint d’un pagne composé de longues lamelles de cuir durci l’apprêtant jusqu’à mi-cuisse et de bottes de cuir souple. Ses hauts se composent souvent d’une armure légère couvrant la base de ses épaules et la partie supérieure de ses bras. Bien souvent son torse reste à nu, signe manifeste de la confiance qu’il accorde à ses gardes du corps et de la foi qu’il a placé en eux pour assurer sa propre protection. Plusieurs revers de poche et caches pendantes à sa ceinture lui permettent de conserver quelques secrets à l’abri, malgré le manque de tissu de sa tenue.

Grand pour un humain, Cesir reste dans la petite moyenne de ses latéraux du fait de son mètre quatre-vingt. Ayant servi de nombreuses années dans l’infanterie lourde, son corps s’est endurci grâce au port de l’armure et du nécessaire de campagne. Cette affectation, demandée à sa propre initiative, le conforta dans l’exercice de sa mécanique musculaire et consolida ses premières formules tactiques : une armée forte ne pouvant se passer d’une infanterie puissante, occupant le centre du champ de bataille.

La peau du tacticien, légèrement moins sombre que celle de ses congénères, s’agrémente de cheveux lisses d’un blanc commun. Ses yeux clairs et pâles observent toutes choses avec un égal désintérêt apparent, quoiqu’il soit connu qu’il ne s’agisse là que d’une attitude de façade, destinée à agacer ses interlocuteurs. Nulle marque distinctive ne vient clairsemer ses chairs, Cesir évitant consciencieusement les blessures produisant d’infâmes cicatrices ou celles se trahissant sous la forme de tatouages.

Contrairement à l’usuelle présence de ses frères, il règne autour de Cesir comme une atmosphère apaisante, certainement rendue possible par ses attitudes calmes et mesurées. Parlant d’une voix égale et le plus souvent dénuée d’émotions, Cesir prodigue à son entourage, de par son assurance dénuée d’arrogance, un terrain propice à la sérénité que certains de ses proches ont appris, le temps passant, à apprécier.

Calculateur et fin stratège, il apprécie les jeux de l’esprit quelques que soient les domaines qu’ils touchent : magique ou technique. Féru de sapiences, il s’adonne volontiers à l’écoute de voyageurs étrangers et malgré les réticences particulières de son peuple, n’hésite pas à s’entourer de serviteurs issus d’autres races et non d’esclaves.

Esprit indépendant, il s’est attiré bon nombre d’inimités par son rejet affiché de stupides et antiques traditions, en même temps que les piètres deviseurs qui en faisaient l’office. Parmi ces derniers, plusieurs mordirent la poussière, d’autres en avalèrent un seau entier et les derniers, enfin, restèrent définitivement au sol pour alimenter les générations futures en terreau de premier choix : preuve s’il en fallait que même chez un progressiste certaines traditions ne se perdaient jamais.

Dès sa naissance, Cesir se trouva être l’héritier de la Maison Eshin, du fait de la mort précoce de ses ainés, tous dans des circonstances douteuses. Enfant unique de la lignée, il incarne chez ses géniteurs un changement de stratégie visant à se mettre en retrait de la vie politique du Puy et de tenter d’éviter l’extinction complète de leur lignée. Autrefois noble, la Maison Eshin se trouva éloignée de toutes ambitions politiques par divers revers de fortune dont la plupart, comme de coutume au Puy, furent provoqués par des rivaux plus nombreux, mieux préparés et armés.

Les parents de Cesir, pour le mettre à l’abri, abandonnèrent publiquement toute volonté d’accéder aux plus hautes fonctions et délaissèrent leurs marques de noblesse pour s’intégrer dans les couches bourgeoises de la population. Encaissant cette humiliation, le père de Césir profita d’un travers bien connu de ses latéraux pour assurer la survie de sa lignée : le gout de l’humiliation. Alors que sa Maisonnée se trouvait à court de moyens et dans une situation périlleuse, ses adversaires prirent plus de plaisir à la laisser dépérir hors du jeu politique que de leur porter le coup de grâce.

Après un siècle de déboires, l’arrivée de Césir se teinta d’un retournement de situation lorsque le jeune Drow fut reconnu en tant que Melzar, sorcier au potentiel limité en comparaison des Faerns mais dont le don naturel lui ouvrait néanmoins les portes du « Erkd'fe Renor ». Profitant de cette aubaine, Mnementh – la mère de Césir – présenta son enfant à la chambre arcanique et le laissa pour un demi-siècle suivre l’enseignement de l’institution. Durant ces cinquante années, Césir se trouva à l’abri des conspirations de la vie extérieure et se dévoua à son instruction de manière presque monacale. Avide de sapiences, il se consacra en une vie presque monacale qui eut le mérite de l’éloigner plus encore des complots de ceux de son milieu d’origine.

Le « Erkd'fe Renor » comptant dans ses rangs des élèves issus de toute les couches de la population, Cesir se mêla très tôt aux différentes engeances de la cité du Puy et de la même manière que l’institution cent fois scélérate, il apprit à jauger de la valeur intrinsèque de chaque individu avant de ne le considérer qu’au travers des actes des antiques héros de sa lignée ; ce qui lui servit bien souvent de par la suite dans sa carrière d’officier.

Rendu à la vie civile pour reprendre les affaires de sa lignée – son père étant mort lors d’une rixe ressemblant de plus près à une authentique embuscade – Césir eut le déplaisir de se découvrir deux frères et une sœur plus jeunes. Mais à peine revenu à la vie civile que d’antiques vendettas se réveillèrent à son encontre et ce n’est que par l’usage de la course à pied qu’il échappa à la mort dans les artères des niveaux supérieurs du Puy. Si l’enseignement du « Erkd'fe Renor » l’avait enrichi personnellement de nouveaux atouts, ses manches se révélaient bien trop courtes pour pouvoir mener une partie truquée.

KYORL

Sur les conseils de sa mère, Cesir intégra les rangs du troisième Ost en tant que simple soldat. Ce faisant, il profita de la rude instruction inculquée à coups de triques par des instructeurs satisfaits de pouvoir faire endurer mille sévices à leurs nouvelles recrues. A la période contemplative et méditative de la Chambre arcanique, bien que non dénuée de dangers, succéda une vie faite de courses sans fin, d’exercices physiques éreintants et de lames aux fils tranchants. Toutefois, c’est lors de cette époque que ses convictions personnelles lui permirent de fédérer autour de lui nombre de drows issus du rang dont il repéra les qualités bien avant leurs instructeurs respectifs. Bien qu’étant l’un des novices recrues de sa promotion, Cesir se trouva rapidement hors de portée des mauvais coups, du fait de la présence de nombre de camarades ayant trouvé à travers lui une communauté d’intérêt.

A la grande surprise de ses détracteurs, il fut nommé Kyorl avec une célérité dépassant tout bon sens commun, ayant tout simplement acculé son propre Kyorl à la déchéance lors d’une partie de cartes où ce dernier, certain d’emporter les mises, poussa son vice jusqu’à publiquement parier sa charge. Bien qu’il n’en fut pas réellement propriétaire, Cesir le laissa faire et finit par semer la ruine dans les finances, la réputation et les responsabilités de son supérieur. Il est difficile de dire avec exactitude ce qui fit se tirer le premier coutelas hors de sa gaine mais la rumeur prétend qu’au-delà de ses pertes, c’est principalement son incapacité à prouver toute tricherie de la part de Cesir qui poussa son supérieur au crime. Les témoignages content qu’à peine l’arme tirée, son destin fut scellé par trois autres lames plongées en son cœur, son rein et sa gorge, ne lui laissant aucune chance de rémission. Durant l’échange, Cesir ne bougea pas d’un cil : il ne tira point son arme et ne recula guère sur sa chaise alors que ses soutiens, membres de l’infanterie tout comme lui, procédait à la mise à mort d’un rival vaincu et dépossédé, ayant eu la bêtise de tirer sa lame en position défavorable.

Les supérieurs de Cesir ne se déjugèrent pas, considérant que la charge de Kyorl mal acquise lors d’une partie de cartes était de fait déjà en sa possession, au vu du déroulé des évènements et de la bienveillance de certains de ses affiliés à exécuter ses ordres, même lorsque ces derniers incluaient le meurtre.

VELDRUK

Les années permirent à Cesir de renforcer sa main mise sur son entourage. Non par la coercition et la menace comme cela était l’usage dans son peuple mais bel et bien par la création d’une communauté d’intérêts et l’idéalisation d’un esprit de corps. Là où l’on enseignait la réussite personnelle et la promotion au détriment de ses latéraux, Cesir faisait la promotion de l’unité et de la cohésion. Convaincu qu’un tout organisé était bien supérieur à la somme de ses parties, le Kyorl souda ses soldats les uns aux autres, faisant œuvre d’exercices inédits.
L’un de ses exercices les plus courtisés tenait dans la méthode suivante : deux Drows attachés l’un à l’autre par une chaine, l’un possédant une arme et l’autre un bouclier. Face à eux, deux adversaires libres de leurs mouvements mais seulement armés de deux lames. Par cet exercice, c’est l’unité de corps que cherchait à développer Cesir. Là où l’éducation de ses cousins relevait d’un usage permanent de la duplicité et de l’individualisme, il tentait d’inculquer à ses subordonnés les vertus de la confiance. A l’usage, les résultats se révélèrent probants : apprenant à évoluer de concert, l’un pouvait se concentrer sur l’attaque et l’autre sur la défense. Mais surtout, deux combattants pouvaient enfin se confier mutuellement l’un à l’autre, les règlements de compte sur le champ de bataille faisant que bien souvent, les armures étaient mieux rembourrées dans le dos que sur la plaque pectorale.

A la tête d’une demi-compagnie, Cesir se trouva confronté de plus en plus souvent à son homologue, Kyorl de l’autre partie de l’unité d’infanterie dont ils partageaient l’encadrement. Lorsque vint le moment de nommer un nouveau Veldruk, le commandement Drow, alors peu intéressé par les campagnes extérieures, décida de faire se confronter les deux entités de cinq cent hommes l’une contre l’autre.
Chacun des deux Kyorls composa son unité à sa manière mais seul Cesir se rendit sur le lieu de l’affrontement, un terrain en bordure des marais de Faëlia. La zone choisie, bien que relativement plate, avait une tendance particulière à l’engorgement d’eau et la terre, souvent boueuse, accrochait péniblement aux pieds. Les instructions étaient simples et claires : si les armes de jet étaient interdites, toute autre combinaison d’armes étant tolérée.

Les soldats du Kyorl Valgash s’étaient rassemblés en une unité aux flancs étirés, porteuses de cimeterres et de boucliers ronds, armes considérées comme par les plus nobles de l’infanterie du Puy. Fiers et certain de leur force, l’unité de Valgash frappa de ses lames sur le flanc de leurs boucliers, en invite destinée à l’entité adversaire mais du côté des drows de Cesir, personne ne bougea d’un pas.
Le premier rang formé de lanciers porteurs de hauts boucliers, l’unité semblait repliée sur elle-même derrière une fortification composée de boucliers soudés les uns aux autres. Faisant pâle figure, les soldats restèrent de marbre même lorsque leurs ennemis se mirent en branle dans leur direction. Positionné au troisième rang, Cesir réorganisa sa troupe rapidement, faisant se déplacer le second rang sur les ailes de sa formation, composant deux nouveaux murs de boucliers sur les bords latéraux de son unité pendant que de curieux mouvement se faisaient au cœur même de la formation, quoiqu’ à l’abri des regards.

Considérant l’inaction pour de la lâcheté, Valgash ordonna la charge. De l’avis de Cesir, l’ordre fut donné bien trop tôt et les assaillants se pressèrent au pas de course à une distance indue, égrainant leurs forces dans la terre meuble pour rien. Profitant d’un léger dénivelé en sa faveur – mais après tout, ne s’était-il pas placé à cet endroit pour cette raison particulière – Cesir vit évider plusieurs jarres de plusieurs centaines de litres d’eau à l’arrière du premier rang. L’eau s’écoula rapidement lorsque les boucliers furent levés et transformèrent les quelques mètres faisant la bordure externe du périmètre une véritable patinoire où les soldats adverses eurent du mal à se maintenir en arrivant au contact. Le choc entre les deux unités fut atténué par le sol soudainement englué et la muraille de bouclier, derrière laquelle se pressaient le premier et second rang, tint bon. Un long moment, les deux masses hésitèrent l’une contre l’autre puis les lances furent passées au-dessus de la muraille, trouvant souvent les corps adverses et arrachant presque autant de cris que de frappes.

Satisfait de ce premier engagement, Cesir fit répandre une nouvelle couche de paille au sol, pour éviter que le sol boueux ne gène ses propres hommes.

Observateurs, les membres du commandement interdirent la suite des affrontements. Valgash protesta avec véhémence, signifiant à la ronde que l’engagement n’avait pas réellement été prononcé et resta finalement sans voix lorsqu’il constata que la seconde charge aurait certainement subi de lourdes pertes ; les soldats de Cesir ayant à son ordre déversé au sol une huile épaisse, ne se dissipant pas dans l’eau et dont le but visible était d’être embrasée lors de la prochaine empoignade.

Inapte à la stratégie mais d’une ferveur incomparable lors de l’engagement, Valgash reste encore à ce jour l’un des Kyorls les plus redoutables du troisième Ost.

Et Cesir devint Veldruk.

STREEA JABBUK

Durant de longues années, Cesir forma et transforma l’infanterie du troisième Ost en une structure coordonnée et sereine, agissant de concert sur le champ de bataille. Véritable conseiller de l’Obok Senger, il formalisait pour lui les tactiques menées sur le terrain.
L’un parcourait le champ de bataille en tout sens, supervisait l’entrainement des soldats et s’échinait à toujours rendre l’intendance plus efficace tandis que l’autre menait le combat politique nécessaire à l’attribution de faveurs envers le troisième Ost. Une certaine collusion s’installa entre les deux gradés et le plus âgé incita le second à renforcer ses compétences martiales personnelles, laissées en déshérence au profit de l’efficacité collective. Longuement, en marge de ses fonctions, Cesir fut entrainé à l’art du duel, mode d’affrontement qui achevait bien souvent les relations entre deux hauts gradés.

Après la prise de Yutar et les trois années de troubles, les troupes envoyées en Ithri’Vaan connurent des destins divergents. Le quatrième Ost se scinda en de multiples bandes errantes pendant que le troisième Ost, fort de son esprit de corps, resta concentré sur la garde de la forteresse de Yutar.

Finalement, ce fut un duel qui scella le destin de Cesir, lorsqu’il fut défié par son supérieur pour une affaire inventée de toute pièce. Les deux drows s’affrontèrent longtemps, l’expérience de l’un compensant amplement la vivacité et les réflexes affutés de l’autre. L’un et l’autre, plusieurs fois, hésitèrent à porter un coup mortel alors que peu à peu, les exigences de son supérieur apparaissaient au Streea Jabbuk. En ces heures troublées, sentant la fin de son époque venir, le général du troisième Ost transmettait sa charge à son favori. Des années durant, il l’avait formé pour cette heure, tant pour assumer la responsabilité de sa charge que pour être capable de le battre en duel sans qu’une contestation valable puisse être soulevée.

Comprenant la nature de la situation, Cesir ferrailla avec une ferveur redoublée et au terme de plusieurs passes d’armes éreintantes, porta une touche mortelle à son opposant affiché. A peine le corps de ce dernier avait touché le sol que de nombreux soldats hissèrent Cesir à la haute fonction de l’Obok Senger du troisième Ost.

Sans nul doute, son prédécesseur avait particulièrement bien préparé sa cabale, incluant sa mort comme élément faisant droit dans la passation de poste.

ACTUELLEMENT

Toujours posté dans la forteresse de Yutar et reprenant la main sur la lande environnante, Cesir s’interroge. Si la perturbation magique des lieux est pour lui d’un intérêt flagrant, l’essence même de la situation lui parait bien plus préoccupante. Les anciennes traditions n’ont abouti qu’à une suite de désastres pour l’empire du Puy. Marcher sur le Puy à la tête de ses hommes pour prendre de force le pouvoir serait une solution aussi vaine que stérile, même en cas de réussite.

« Il est venu l’heure de mettre en œuvre de nouvelles pratiques : évoluer ou disparaitre, telle est la question » s’interrogea-t-il à la dérobade.