[Alric | Maciste] Vers un monde plus juste

Voilà trois semaines que la compagnie avait quitté le marquisat de Serramire pour descendre vers le Sud afin de trouver or, gloire et nobles causes à défendre, Alric caressait le rêve que bientôt le nom du groupe résonnait jusqu'au ciel! Hélas, les cieux furent bien bas ces jours-là, le chevalier déchu avait beau vanter les compétences martiales de ses hommes qu'il entraînait lui-même, suer sang et eau pour trouver des services à rendre, il peinait à trouver l'argent indispensable à la survie des voyageurs.
Il y avait toujours des bandits qui traînaient, des mercenaires désœuvrés qui buvaient un coup de trop et troussait une serveuse de taverne, mais combien de pièces vous donnait on pour ça? Pas assez pour équiper et nourrir convenablement des guerriers, le noble de Hortelant aurait pu vous l'assurer. Une heureux hasard leur avait permis de tomber au bout de une semaine sur un village assiégé par une quinzaine de malfrats, à cette occasion Alric avait pu prouver sa capacité de commandant en isolant et éliminant groupe par groupe les gredins, la chance voulu qu'aucun de ses hommes ne fût tué ni ne succombe à ses blessures. Sauvés, les villageois avaient récompensés les héros en leur offrant des légumes et de la viande séchée tout en permettant au meneur de leur faire subir un long discours sur l'importance de la justice et de la sécurité des citoyens par la force armée.
Enthousiaste, une dizaine de jeunes et un peu moins jeunes gens s'étaient empressés de rejoindre la compagnie, arguant qu'ils serviraient la justice jusqu'à la fin de leur jour. Autant dire que le nobliau n'avait pas été très enthousiaste: il était plus que probable qu'ils ne désiraient qu'échapper à leur condition misérable sans trop se salir les mains. Néanmoins, pensant qu'une compagnie plus nombreuse attirerait davantage de commanditaires, le chef accepta, se promettant d'entraîner sans relâches ces recrues uniquement équipées de lame de fer grossières et d'armures matelassées. En partant les reîtres leur indiquèrent que la ville d'Aphel était désireuse de mercenaires en ce moment, une destination de choix donc.

Le temps avait ensuite défilé comme jamais, les jours étaient des marches interminables et les soirées étaient consacrées à l'entraînement à l'épée et à la lance, ainsi qu'à la hallebarde pour Alric lui-même.
Pour les Lames Pures, le temps semblait s'être allongé durant tout le voyage, pourtant chacun trouva la force de s'ébahir devant la magnifique cité. Les tours impressionnantes semblaient défier l'horizon et l'ensemble de la métropole semblait rayonner sous le soleil dévastateur. Ne souhaitant cependant pas trop tarder, le dirigeant mena ses hommes jusqu'aux pieds d'Aphel où un très grand campement s'était établi. Pensant que ses chances de trouver un employeur étaient plus forte dans ce lieu visiblement monté par des guerriers, Alric entraîna ses soldats pour faire le tour du propriétaire.
Là se trouvait une grande troupe en plein entraînement, répétant et enchaînant des passes d'armes sous les yeux de leurs officiers, un jour peut-être les Lames Pures auraient à les combattre, après tout qui savait quel chemin pouvait emprunter un homme?

-"En rang soldats! Regardez les faire et tentez d'apprendre!"

Promenant son regard dans la foule, Alric remarqua que l'un deux avait une tenue plus noble que les autres et un style de combat un peu différent, un peu plus raffiné, c'était probablement un noble ou quelque chose du genre, peut-être faudrait-il se proposer comme mercenaire auprès de lui, une fois que l'entraînement serait terminé.[i]

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Les allers et venues des chevaliers se faisaient plus violente, c'était visible depuis le point d'observation d'Alric, à l'évidence les adversaires prenaient chacun conscience de la force réelle de l'autre et tentaient le tout pour le tout. Bien vite il apparût que le combattant que l'observateur avait qualifié de "noble" prenait le dessus, tout aussi rapidement l'un des deux participants fût jeté à terre, littéralement jeté hors de selle par la lance d'arçon.
Avec une aisance toute particulière, le nobliau de Serramire contempla le vainqueur aider le perdant à se relever. Alric admira ce comportement indéniablement digne d'un homme de stature, des êtres de moindre scrupules auraient laissés leur frère d'armes dans la boue et aurait rit de leur malheur au lieu de rire du combat lui-même, comme c'était en train de se faire.

Cela ne dura nullement, très vite un soldat pointa la compagnie mercenaire du doigt et les rires se turent. Certains guerriers avaient la main près de leurs armes, ils devaient être inquiets bien qu'assez nombreux et disciplinés pour ne pas sombrer tout de suite dans la paranoïa meurtrière. Un bon point.
Le capitaine vit que celui qui devait être un seigneur avait contacté un garçon à peine adolescent, bien sûr Alric était trop loin pour entendre mais dans la situation présente il n'était pas particulièrement compliqué de comprendre ce qu'il se disait.

-"Richard, peux-tu garder ma hallebarde un moment? Et surveille nos recrues, il ne faudrait pas qu'elles prennent peur."

Comme prévu le garçonnet vint à leur rencontre pour demander le chef du groupe, avec détermination Alric avança et invita le page à le conduire. Sur le court trajet sa réflexion se porta sur la manière dont il allait aborder le noble, vu qu'il ne pouvait s'agir que de ça. Il ne connaissait pas son titre réel aussi une salutation passe-partout et une explication sur son travail et un éventuel contrat devraient suffire.
L'importante personnalité en question était pour l'heure en train de se désaltérer en buvant un vin rouge à la forte odeur, Alric l'enviait en silence, une chaleur insoutenable régnait ici et sans boisson fraîche on avait vite fait de se retrouver les lèvres gercées.
En guise de présentation, le Serrois posa une main sur sa poitrine et s'inclina devant son hôte.

-"Mes salutations noble sire, mon nom est Alric de Hortelant, capitaine de la compagnie mercenaire des Lames Pures, dévouée à la protection de l'innocent."

Cela étant dit, le chevalier errant releva la tête pour regarder son interlocuteur dans les yeux, c'était plus poli et finalement plus pratique.

-"Pardonnez mon outrecuidance et celle de mes hommes pour avoir regardé votre joute, mais un tel niveau ne se voit pas tout les jours et c'est de l'observation que vient la maîtrise.
Mais dites-moi messire, pourrais-je avoir votre nom? Nous pourrons ensuite parler plus franchement."

Alric espérait que son potentiel employeur ne le trouverait pas trop rude, ce serait mauvais pour les affaires. C'est comme ça qu'on réalisait qu'il y avait longtemps qu'on avait plus parlé à des nobles. Entre temps le serviteur avait apporté une seconde coupe, que le chevalier saisit sans boire dedans, pas tant que son hôte ne se serait pas présenté.

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