L'Ost de Brochant

Jérôme était partit de Serramire accompagné d'une dizaine de ses gardes. Ils chevauchaient à bonne allure, juste suffisemment lent pour éviter que les chevaux ne se fatiguent de trop. Ainsi en cas d'embuscade ou de mauvaise surprise, il serait possible de les faire accélérer afin de se dépêtrer. Il se demandait bien ce que Aymeric de Brochant avait en tête. Peut être qu'il était trop faible pour attaquer l'armée du baron. En tout cas une chose était certaine, c'est que le cerveau de l'ethernien fonctionnait à vive allure. Il ne se préoccupait pas de ce qu'il se passait alentour, laissant ce travail à ses hommes qui étaient tous compétents.

Par devant, un coursier était partit, porteur d'une lettre au rival. Lui par contre ne ménageait pas sa monture, le laissant se reposer afin de ne pas la tuer mais repartant à bride abattue dès que possible. Il finit par rejoindre l'ost de Brochant. Il se présenta comme il se devait et il tendit le parchemin scellé aux insignes de la maison De Clairssac

Citation :

"Au seigneur Aymeric de Brochant,

Votre seigneurie, j'ai bien reçu votre courrier que j'ai parcouru avec attention. Les actes sont le reflet d'un homme et je suis heureux de voir que vous avez compris que ma démarche n'a aucunement la perte de Serramire pour but en final. Je vous redis de nouveau que ce dernier est louable et n'a que pour seul intention de redresser le marquisat afin qu'il retrouve sa grandeur d'autrefois. Toutefois, il serait mensonge de dire qu'il n'y a aucune ambition derrière, je dois bien l'avouer, mais cela reste bien en retrait par rapport au reste de mes désirs.

La nouvelle de votre marche à mon encontre me chagrine. Vous parlez de défaite et d'hommes voulant réclamer le titre. Aujourd'hui la ville même de Serramire est mienne et personne n'est venue la secourir. Il est bien tard pour réagir, la division qui règne dans ce marquisat est bien visible et c'est ce qui le gangrène par dessus tout. Vous annoncez que je peux vous défaire et qu'il y aura toujours quelqu'un pour se dresser contre moi ? mais ou est votre intérêt si vous êtes passé de vie à trépas ? Au fond de moi j'espère que Serramire ira à celui qui la mérite, qu'il soit serramirois ou autre. Je me targue d'orgueil en espérant que je sois celui qui retirera la gangue qui entoure le cœur de ce marquisat. Je peux dors et déjà me louer d'avoir redonner un soupçon de fierté et de combativité à certains de ses seigneurs, peut être qu'enfin, ceux-ci comprendront ou est leur devoir.

Malgré tout cela, votre proposition a attisé ma curiosité. Aussi, au moment ou vous lirez ces mots, sachez que je chevauche vers vous. Non avec mon ost afin de combattre contre vous, mais en compagnie restreinte afin de gagner en célérité et de discuter de vive voix. Si vous êtes homme d'honneur, vous laisserez votre armée la ou elle est. Prenez dix hommes pour vous accompagner et rejoignez moi à mi chemin. Dès que nous nous apercevrons, nos escortes respectives feront halte et nous irons l'un vers l'autre accompagné d'un unique chevalier. Si vous accédez à ma requête, alors nous pourrons discuter comme vous le désirez. Si je constate le moindre écart, je fais volte face et retourne à Serramire, les défenses de la ville sont intactes et vous aurez bien du mal à m'y déloger, ou alors suite à la perte d'un nombre d'hommes considérable.

Puisse les cinq veillez sur vous

Jérôme de Clairssac, baron d'Etherna"

On pouvait se demander si le seigneur avait suffisemment envie de discuter pour accéder aux requêtes du baron, l'avenir le dirait.

8ème jour de Favrius, 7ème année du 11ème Cycle

Jérôme chevauchait avec les dix hommes qui devaient l'accompagner. Neuf étaient des chevaliers de confiance et émérites, ayant fait leurs preuves lors de combats passés. Le dixième était un cousin du baron, du côté paternel, du nom de Basile De Clairssac. La troupe se dirigeait vers un endroit inconnu qui serait celui ou les deux escortes se rejoindraient, dans l'optique ou le châtelain avait fait diligence aux demandes du baron. Arrivant en haut d'une butte, la bannière de Brochant fut bien distincte à l'horizon, ce qui stoppa l'avancée des etherniens. Jérôme envoya quatre hommes de chaque côté afin de voir s'il n'y avait pas fourberie de la part de son futur interlocuteur et une fois qu'il fut clair que Brochant avait fait ce qui était demandé, le baron s'avança avec son cousin au centre de l'endroit ou les deux troupes étaient disposées. Le seigneur d'Etherna ne craignait pas tant pour sa vie, il était doué en combat singulier et il ne doutait pas, faut de l'emporter, de pouvoir se défendre le temps que ses hommes lui viennent en secours mais il ne pensait pas que c'était l'intérêt d'aucun des deux parties que cela se passe de cette façon. Brochant et celui qu'il avait choisit, qui se révéla être son frère, s’avancèrent aussi et les quatre hommes firent jonction peu de temps après.

Les salutations d'usage furent faites, ce fut naturellement Brochant qui prit la parole en premier, c'était après tout lui qui avait demandé cette entretien et c'est lui qui avait donc la proposition en main. Avant de passer au vif du sujet, le châtelain reposa ses prétentions au titre de marquis puis il fit une boutade sur le siège de sa ville qui devait être le plus court qu'il eut de toute son histoire. Son frère entra en jeu, celui-ci expliqua que l'armée de Serramire-la-ville qui se trouvaient en dehors des murs lors de l'attaque s'était jointe à leurs forces. Jérôme savait cela, ses éclaireurs étaient compétents et même s'il en avait bien perdu quelques uns car ses adversaires n'étaient pas non plus des débutants, il avait recueillit des informations sur ce qu'il se passait autour de lui. Jérôme écoutait tout ce qu'on lui disait, ne parlant pas et jaugeant la situation et calculant, affinant sa stratégie ou ses désirs. Brochant avait reprit la parole, il expliquait, en désignant un chevalier de son escorte, qu'il s'agissait de l'héritier de Versmilia, un certain Nestor et qu'il avait le soutient de cette châtellenie. Ainsi c'était lui qui avait donné tant de fil à retordre à l'officier que Jérôme avait chargé du siège de la châtellenie. Suite à une débâcle d'une partie des troupes situées à l'extérieur, les autres avaient disparu, prenant la direction du nord et rejoignant le château de Brochant. C'était une évidence étant donné les liens qui existaient entre les deux familles qui s'étaient unies par des liens de mariage. Ainsi, il n'était pas usurpé de penser qu'en effet, Versmilia se joindrait à l'ost de Brochant si celui-ci se présentait en sauveur. Par contre l'information concernant le fait que Lourmel avait approché le châtelain et voulait s'unir à lui était une surprise et de taille. Le soucis était de savoir si c'était une réalité ou si l'homme bluffait afin de consolider sa place. Il termina en parlant de Bastylle qui semblait insoumise.

Ce fut alors au tour de Jérôme d'entrer en jeu. Il rentra sur le tond e la boutade avec le châtelain concernant Guillaume et le bref siège qu'il y eut mais il le temporisa, expliquant que certes, la levée du siège avait fait de Brochant une épine dans son pied mais qu'en échange, il avait dressé celui de Serramire qui fut une réussite. Aussi on ne pouvait dire si c'était une grossière erreur de jeunesse ou un exemple de stratégie, laissant un "petit" morceau de côté lorsqu'il avait constaté qu'un gros poisson pouvait se perdre dans ses filets. Ayant renversé une situation semblant peu propice en un haut fait d'arme, il expliqua que la ville de Serramire était sienne et qu'il l'avait capturé sans abimer les défenses. Ainsi il pourrait résister longtemps et affliger de nombreuses pertes aux assaillants en cas de batailles. Il parla aussi de Versmilia et de sa situation, fit référence à la débâcle qu'il y avait eu concernant les cavaliers qui s'évertuaient à détruire son approvisionnement et il conclut par le fait que le mur était maintenant percé et que la défaite était imminente. Certes, Jérôme voulait minimiser les pertes et il ne voulait pas lancer l'assaut tantôt mais un petit coup de bluff ne pouvait pas faire de mal. L'ascendant étant prit sur la conversation et ayant fait preuve qu'il n'était pas un débutant, ni dans une situation si précaire que cela, les négociations purent débuter.

Les discussions allèrent bon train, elle durèrent plusieurs heures, temps qui paru surement très long aux hommes qui attendaient au loin mais il s'agissait tout de même du futur d'un marquisat dont il était question. Brochant promit au baron la ville et les terres de Bastylle en échange de son soutien. Jérôme fut un peu choqué de s'entendre proposé cela alors qu'il détenait déjà la capitale et qu'une châtellenie était proche de la capitulation. Devant son refus, son interlocuteur, apparemment doué pour la politique et les négociations, avait d'autres cordes à son arc. il devait surement se douter que cela ne serait pas suffisant mais il y allait à taton. Après tout, si on peut avoir ce qu'on veut en donnant le minimum, pourquoi s'en priver. Mais c'était lui qui avait demandé l'entrevue entre les deux nobles et il devait avoir besoin du soutien du baron dans ses projets. En plus de Bastylle, il fut proposé à Jérôme une alliance ainsi qu'un mariage entre l'héritier de Versmilia et sa sœur. Connaissant Mathilde et sa situation, en plus du fait qu'elle avait disparu, ce qui inquiétait grandement l'ainé des Clairssac, il ne voulu pas répondre favorablement. Le châtelain avait maintenant fait plusieurs offres et il était clair qu'il ne se moquait pas non plus de l'ethernien. Jérôme demanda alors du temps pour la réflexion, ce qui lui fut accordé. Il mit ce temps à profit et son cerveau était en ébullition. Après tout, pourquoi était il venu à Serramire ? était ce vraiment pour devenir marquis ? ou juste en raison du ras le bol que cette région si importante pour le royaume ne cessait de s'embourber ? il était évident que Brochant ne se joindrait pas à Jérôme et une guerre aussi ouverte ne manquerait pas d'affaiblir encore plus la péninsule. Il discuta avec son cousin un moment puis armé de sa délibération, il revint auprès du châtelain et de son frère. Il était temps de faire des contre propositions. Ainsi le baron accepta de se joindre à Brochant et de l'aider dans son entreprise et de le monter sur le trône de Serramire mais sous certaines conditions. Il acceptait Bastylle ainsi que l'alliance entre les familles de Brochant et De Clairssac, un pacte de non agression et d'entraide mutuelle en cas d'agression. Il consentait également à un mariage avec l'ainé de Versmilia mais avec une cousine proche, sœur de Basile, ici présent, et qui avait validé cela. Il ferait allégeance à Brochant mais uniquement pour les terres de Bastylle, bien évidemment, et il promettait de l'épauler et de l'aider dans la restauration de la grandeur du marquisat. Il demanda à Brochant de faire le serment de bien s'occuper de Serramire, de veiller à ce que plus jamais, la région ne retombe dans l'état ou elle était et de tenter d'harmoniser autant que possible les relations entre les différents châtelains. Enfin, il termina en expliquant que Serramire n'était pas en situation de s'opposer à qui ou quoi que ce soit, il somma donc à Brochant de rentrer dans le rang et d'accepter de faire allégeance au roi.

Tout cela fut conclut, il semblait alors que Serramire allait pouvoir s'en sortir et se relever, surtout si Versmilia, Lourmel et Serramire-la-ville rejoignait la cause de Brochant en plus des forces etherniennes. Jérôme fit alors une dernière requête, il sollicita que Nestor fut détaché et qu'il se joigne à Jérôme afin de se rendre sans délai à Versmilia. Ainsi les deux hommes pourraient discuter durant le voyage et mettre au point tout ce qu'il s'était passé, l'ainé serait garant des négociations entre Brochant et Jérôme et ce dernier lèverait le siège après signature des accords, ramenant son ost à Serramire pour faire jonction avec ses troupes la bas. Cela lui fut accordé, deux etherniens repartirent à Serramire afin d'expliquer qu'un accord avait été trouvé et que Jérôme se dirigeait à Versmilia avant de revenir à la capitale.




Le voyage se passa bien, Nestor était un peu plus âgé que le baron mais pas de beaucoup et les deux hommes, malgré leurs différents récents, trouvèrent de quoi converser. Le mariage prévu était certes arrangé mais il ouvrait des possibilités et un rapprochement entre les deux familles de Versmilia et de Clairssac, il était donc de bon ton que de faire connaissance de façon différente qu'en étant deux adversaires. Une fois arrivée devant la muraille de Versmilia, celle-ci avait un pan de mur qui était tombé comme Jérôme l'avait indiqué mais nul assaut n'avait été donné. L'officier sembla soulagé de voir que son seigneur était satisfait malgré les déboires et il céda le commandement au baron. Les négociations se déroulèrent entre le campement des troupes etherniennes et la muraille du château, à bonne distance des archers. L'entente qui s'était faite avec Nestor ne fut pas la même qu'avec le seigneur des lieux, Roland était un homme âgé mais pas dénués d'intelligence, il était vif et féru en politique et il digérait mal le siège qui avait eut lieu. De nouvelles discussions eurent lieux et il fut heureux que Nestor soit compétent pour calmer son paternel et adoucir la situation. Roland mit de l'eau dans son vin et il revint à de meilleurs sentiments, tout en ne démordant pas et gardant quelques griefs contre le baron d'Etherna. Il serait temps avec le temps justement de nouer des contacts plus chaleureux ultérieurement.

Une fois tout cela scellé par écrit et avec les promesses qui allaient avec, Jérôme leva le siège, il ordonna que les troupes se rendent à Serramire-la-ville mais lui même partit en avant afin de retourner sur place le plus rapidement possible ou il attendrait que ses hommes n'arrivent avant de continuer la campagne. Brochant, de son côté, devait arriver également à la tête de son armée.