Lorsqu'il convient de faire connaissance avec ses vassaux [PV Aline]

Deuxième ennéade de Barkios, 7ème année du 11ème Cycle

Jérôme venait tout juste de rentrer des funérailles du roi et il gardait encore la déception de la manière dont les choses s'étaient déroulées bien ancrée en lui. Quelle insulte de faite à l'égard des seigneurs de la péninsule alors qu'il y avait tant de possibilités qui s'ouvraient. Il se demandait maintenant ce qui allait se passer dans un futur proche. Nul doute que la péninsule n'avait point besoin de tout cela. Guillaume se trouvait à Etherna et gérait en compagnie de l'intendant qui avait démontré sa compétence ainsi que ses limites et le baron se trouvait à Bastylle, dans ses terres qu'il avait fraichement conquises et données par le marquis de Serramire, Aymeric de Brochant. Maintenant qu'il était le seigneur de Bastylle, il était temps de rencontrer certains châtelains qui étaient restés de côté lors de la campagne. Entre autre, le nommé Jared de Montévlin, gardien des monts d'or et donc responsable de la surveillance et de la protection des montagnes. Il envoya donc un courrier afin de demander à celui-ci de se présenter à Bastylle, il fallait voir s'il acceptait de se lier à Jérôme ou s'il faudrait entamer un nouveau chapitre de conquête. Le baron espérait que cela se passerait bien et il avait bien tourné sa lettre afin que cela paraisse plus comme une invitation qu'une convocation. Il désirait rencontrer l'homme dans de bonnes conditions et il y aurait surement assez de stress pour ne pas en rajouter. Un émissaire partit donc avec l'ordre de remettre le pli en main propre et d'attendre qu'une réponse soit faites avant de revenir.

En même temps, le baron avait entamé les préparatifs du mariage qui devait unir Nestor de Versmilia, l'héritier de Roland avec lequel il entretenait de bonnes relations et son cousine Eléonore, sœur de Basile de Clairssac. Cela rapprochera de façon certaine les deux familles et préfigurait un avenir commun. Les mariés n''étant pas de hauts seigneurs, les invités n'étaient pas forcément d'exception. Ainsi les autres comtes et marquis ne furent pas de la partie. Il y eut bien évidemment Aymeric et sa famille en tant que suzerain mais aussi Maélyne d'Outremont pour Lourmel, Jérôme, bien entendu pour représenter le pacte qui se faisait et les seigneurs de la région de Versmilia. Certains seigneurs d'Etherna également, amis ou famille de la mariée. Cela faisait beaucoup de choses à gérer mais il commençait à avoir l'habitude de s'occupait de plusieurs choses en même temps vu les évènements qui avaient eu lieu depuis son accession au titre de baron.

Ses cheveux volant sous le vent frai de cette mi-automne, Aline regardait d'un air songeur le paysage montagnard où forêt, rivière et champs faisaient jongler les couleurs sous le soleil déclinant. Elle repensait encore à l'enterrement de son père ainsi qu'à tout ce qu'il s'était passé par la suite. Son frère Jared avait fini par bien reprendre les choses en main, malgré un début difficile. Une bonne chose dans ce monde de guerres, ne pouvait que penser la jeune femme. Avec l'habitude, il arriverait à se faire respecter et à tenir le fief comme Tanedre, de façon plus conciliante certainement. Mais en attendant, les nouvelles avaient franchi les plaines pour venir jusqu'aux oreilles des montagnards, apportant leur lot de questions essentielles avec elles. Bastylle était tombée, le dénommé Jérôme de Clairssac, Baron d'Etherna, deviendrait ainsi leur nouveau suzerain, si Jared suivait... chose qui dépendrait du Baron, même s'ils se retrouvaient géographiquement parlant coincés entre trois feux.

La jeune femme chassa de sa main cette idée de la tête, puis accoutumée depuis des années à se trouver en cet endroit, elle longea le mur d'enceinte de son pas léger, le bas de sa robe aux couleurs foncées glissant régulièrement contre la pierre. C'est alors qu'elle aperçut une petit groupe de trois individus ainsi qu'un cheval. Rien d'exceptionnel en soit, si ce n'était qu'elle ne reconnaissait pas la tenue de celui du milieu. En effet, lorsqu'ils se furent suffisamment approchés, elle put voir que l'individu devait provenir d'une autre armée et que son cheval semblait s'être un peu blessé. Piquée par la curiosité, Aline descendit à leur rencontre et, de sa voix douce, les interpella.

Elle se retrouva en fait devant un messager ethernien venant de Bastylle qui, à la demande de son Seigneur, était venu apporter un message au Seigneur de Montévlin. Après s'être présentée, elle informa le messager que son frère ne pourrait le recevoir pour l'instant, aussi l'invita-t-elle à prendre ses aises en attendant, qu'elle s'occuperait de prévenir son Seigneur. Cela fut fait rapidement : le cheval fut emmené à l'écurie et un domestique se chargea du messager. Elle discuta quelques minutes avec les gardes qui lui racontèrent ce qu'il s'était passé puis les congédia. Une simple attaque de kobolds ; ils avaient remarqué un cavalier seul et n'avaient pas hésité à s'en prendre à lui, couards qu'ils pouvaient se montrer. Par chance leur groupe de gardes n'avait pas été loin, ce qui se résolva par une blessure sans grande importance pour le cheval. D'où l'utilité d'avoir des archers en ce bas monde, quoi qu'en disent certains quand au fait que l'arc n'est pas une arme louable. Enfin bref, si les soldats avaient traité l'étranger avec une certaine froideur, il était au moins arrivé en vie à bon port... et le problème auquel elle pensait plus tôt également.

Tard dans la soirée, on frappa à la porte de sa chambre. Jared, tout simplement. Il avait reçu le messager et avait passé sa soirée à prendre en compte l'invitation du Baron d'Etherna. Non pas qu'il était très pressé d'y aller, mais il sentait bien qu'il valait mieux qu'il se déplace jusqu'à Bastylle à sa demande que de refuser, même le plus poliment qu'il soit. S'il y avait bien une chose dont il n'avait pas envie, c'était un siège de la petite ville, fallait-il déjà que son armée arrive à monter jusque là-haut et à tenir l'hiver qui s'annonçait, ce dont il doutait fort. Mais ce n'était pas forcément le plus problématique. Et puis, il fallait voir pour connaître, aussi irait-il faire connaissance avec ce conquérant, en espérant qu'il ne soit pas insupportable que ce de Brochant de malheur ! (Ne cherchez pas pourquoi, querelles de longues dates dont le fait que Montévlin soit à la frontière entre Bastylle et Brochant n'a pas aidé.)
Quoi qu'il en soit, Aline faisait également partie de l'expédition en tant que conseillère officieuse et, officiellement, en tant que soeur du châtelain. Visiblement, elle aussi n'y échapperait pas...

Plus d'une journée après, la petite famille arriva à Bastylle, où Jared put rencontrer pour la première fois Jerôme. Aline lui fut juste présentée rapidement, ce qui lui convint parfaitement. Puis, profitant du soleil, la jeune humaine se concentra à passer son temps avec l'un de ses loisirs favoris : broder. Elle s'amusa donc à continuer un point de croix qui représenterait sa région d'enfance.

Le châtelain accepta de venir, ce qui enchanta Jérôme. En effet, devoir partir une fois encore en siège et conquête ne lui donnait pas envie et savoir qu'il se trouvait en plus retrancher dans la montagne n'était pas de bon augure en cas de conflit. Le fait qu'il se déplace était déjà une bonne chose, il ne rejetait pas en bloc la prise de pouvoir du baron. Il serait temps, lors de leurs discussions, d'apprendre à se connaitre. Il avait été convenue d'une courte escorte, on était jamais assez prudent et étonnement du fait que sa sœur serait du voyage. Jérôme ne savait pas pourquoi elle accompagnant son frère mais cela ne le dérangeait aucunement. Le jour de l'arrivée présumé, tout avait été préparé, les gardes étaient impeccables et tout était prêt pour la réception qui aurait lieu. L'escorte fut réduite encore dans la citadelle et juste deux purent accompagner le châtelain ainsi que sa sœur bien évidemment.

Ils furent introduit dans la salle du "trône" pour être en accord avec l'étiquette. Il y avait d'autres nobles de Bastylle de présent ainsi que d'Etherna mais Jérôme espérait s'en débarrassait rapidement afin de converser le plus librement possible avec son nouvel interlocuteur. Sa présence ici était un bon signe mais il n'avait pas encore rallier les autres seigneurs qui embrassait déjà la cause du baron, nouveau seigneur de Bastylle. On avait garantie les lois de l’hospitalité au seigneur de Montévlin et il allait falloir jouer serrer afin de ne pas se faire un nouvel ennemi. Les présentations furent faites, la sœur du nommé Jared était à ses côtés. En les regardant, l'on voyait bien un air de famille entre les deux. Aline, puisque c'était son prénom, avait de longs cheveux qui cascadaient jusqu'en bas de son dos, ils étaient d'une blondeur si clair qu'ils paraissaient presque blanc. La couleur de ses yeux se rapprochaient de ceux de Jérôme, ils faisaient penser à un océan. Elle irradiait de douceur, pouvant surement calmer le pire des déments.

Les discussions commencèrent, très protocolaires et ennuyantes à souhait. Aline en profita pour s'éclipser pendant que son frère restait, obligé de faire son devoir. Dès que cela fut possible et ne froisserait pas ouvertement la noblesse, Jérôme demanda à rester seul avec le châtelain de Montévlin. Ils parlèrent alors de beaucoup de choses, le baron voulait expliquer le pourquoi de son entreprise sur Serramire, la réunification et le peuple qui souffrait des lacunes des seigneurs et des pillages. Ils devisèrent ainsi longuement mais Jared ne prit pas sa décision, il avait demandé à réfléchir, ce que lui accorda Jérôme, qui n'était pas un tyran.

Le châtelain se retira et le baron en profita pour aller arpenter les jardins, réfléchissant de son côté. Il était toujours halé par le soleil en raison de sa campagne qui venait de se terminer et ses yeux en ressortait que plus, ses cheveux ayant prit une teinte plus clair grâce au soleil. L'hiver approchant changerait cela rapidement. Il portait une tunique de couleur cramoisie brodé de fils mordorés. Chemin faisant et la chance étant avec lui, il profita des dernières beauté avant l'hiver tout en ne rencontrant personne. Tout du moins jusqu'à ce qu'il ne tombe sur une dame en train d’œuvrer sur une broderie. Il reconnu aussitôt Aline de Montévlin, ne serait ce que grâce à sa chevelure et sa parure. Il s'approcha et s'inclina en même temps qu'il prit la parole

"Madame, c'est un plaisir que de vous revoir. J'espère que les jardins sont à votre gout ? et que l'on a veillé à répondre à vos besoins ?"

Toujours assise sur son banc, quelque part dans le jardin aux diverses fleurs, à faire sa broderie. Cela l'aidait tout aussi bien à faire passer le temps qu'à ressasser dans sa mémoire la façon dont elle et son frère avaient été accueillis. Déjà une cour de nobliaux était auprès de lui, certainement ceux qui avaient déjà prêté serment au nouveau Seigneur de Bastylle. Elle avait pu en reconnaître certains de visage, mais elle n'arrivait pas forcément à mettre de nom sur tous : elle avait dû en rencontrer un ou deux au cours de ses rares voyages avec son père, à moins qu'ils ne soient venus directement à Montévlin - ce qui n'était certainement pas la plus possible des solutions. En tous cas, il lui avait fallu quitter cette joyeuse cérémonie pour ne pas faire trop indiscrète. Il ne manquerait plus qu'ils ne pensent que Jared était incapable de prendre des décisions seuls, ce qui aurait été faux ! Mais bon, tout à chacun de commencer sa nouvelle mission telle qu'il le souhaitait. Jared avait préféré les conseils d'une personne extérieure ainsi que du vieux prêtre de Néera, elle ainsi que les autres n'avaient pas à discuter sur ce choix.

Le temps passa, plusieurs heures peut-être où Aline continua sa petite oeuvre. Le château ainsi que le paysage, commencés il y a de cela des dizaines d'heures, étaient presques terminés. Il ne manquerait plus qu'une pointe ainsi que le blason en haut à gauche pour que cela soit terminé. Elle revoyait en même temps le paysage montagnard printanier, magnifique sous le soleil, vu du château ou bien de l'endroit où elle adorait aller, à quelques minutes à cheval du village. Un petit terrain de verdure d'où on pouvait voir la forêt de l'Est d'au-dessus ainsi que les Monts d'Or, ce qu'à ses yeux rien ne pouvait égaler. Un fin sourire illumina le visage de la jeune femme à cette pensée alors qu'elle plantait de nouveau l'aiguille dans le tissu. C'est à ce moment que la voix d'un homme se fit entendre, s'adressant à elle.

"Madame, c'est un plaisir que de vous revoir. J'espère que les jardins sont à votre gout ? et que l'on a veillé à répondre à vos besoins ?

Aline tourna les yeux vers le Baron d'Etherna qu'elle n'eut aucun mal à reconnaître et, arrêtant ce qu'elle faisait, elle posa ses affaires sur le banc et se leva doucement afin de pouvoir tirer une révérence grâcieuse à son interlocuteur. Visiblement, son entretien avec son frère avait dû bien se passer, ce qui était une bonne chose, à moins qu'il n'ait en arrière-pensée l'idée de se mettre une personne de plus dans la main. Ou les deux peut-être. Quoi qu'il en soit, elle ne se départit aucunement de son petit sourire, même si le reste de son visage prit un air sérieux. Il était son hôte et elle se devait d'être aussi accueillante qu'il le serait.

-Messire...

Son regard se porta sur le jardin dont il venait de parler. Etait-il beau ? Oui, elle ne pouvait en dire autrement, quoi que c'était assez différent de chez elle. Elle posa ses yeux sur l'Ethernien avant de lui répondre.

-Cet endroit est loin d'être dépourvu de charme, Messire. Pourrait-il vraiment ne pas convenir à une Dame ? Mais rassurez-vous donc, je ne manque de rien. Peut-être voudriez-vous vous asseoir ?

Sans vraiment attendre de réponse, elle prit en main ses maigres affaires et s'assit sur le bord gauche du banc avant de reposer les divers objets sur ses jambes pliées. Elle supposait qu'il souhaitait faire sa connaissance et, pour les mêmes raisons que son frère, elle souhaitait en faire de même. Déjà, il ne ressemblait physiquement pas à un tyran, ce qui était une bonne chose - en espérant que la première impression serait la bonne. Blond aux yeux bleus, Jérôme de Clairssac avait une certaine carrure tout en ayant des traits fins, ce qui faisait ressortir l'ascendance noble qu'il pouvait avoir. Il faisait décontracté, les traits son visage n'étaient pas tendus à cause d'un quelconque désagrément et rien d'obscur n'émanait de lui. Un bel homme, en somme. mais fallait-il qu'il le soit également de l'intérieur.

-Et vous, ce lieu vous plait-il ? Je suppose que Bastylle doit avoir de nombreuses différences avec les villes de votre région natale."

La question posée par Jérôme n'avait bien évidemment pour unique but que de briser la glace et dire quelque chose. La baron, se faisant, n'avait aucune arrière pensée derrière la tête comme celle de se mettre la sœur de Jared dans la poche. Non, il l'avait vu sur son chemin et il avait entamé la conversation comme tout gentilhomme se le devait. La dame se leva et salua avec toute la grâce qui émanait de sa personne, un sourire aux lèvres. La curiosité était de mise pour le baron qui se demandait si Aline était de la trempe des nobles pleins de miel dans leurs paroles et ne cherchant que plus de pouvoir, avec une ambition démesurée. Il se demandait aujourd'hui si c'était comme cela qu'on le voyait, lui qui avait levé ses troupes et avait emmené dans son sillage tout le marquisat afin de la redresser. Serait il perçu comme un héros, un sauveur, un tyran, un conquérant ? tant de questions. Elle avait un air sérieux alors qu'elle jetait son regard vers le jardin avant de répondre d'une façon très solennel et emprunte de noblesse. Elle demanda alors à Jérôme s'il voulait s'assoir avant de le faire elle même. Jérôme fut surprit de cette requête et sans vraiment comprendre qu'il était en train de le faire, il prit la place, du côté restant, soit à droite du banc. Elle lui demanda alors ce qu'il pensait du jardin et si Bastylle changeait d'Etherna. Le baron tourna son regard vers le jardin mais en fait, il se perdit dans le vide

"Les jardins peuvent être beau ou pas selon les personnes qui les contemplent. Une fleur peut paraitre ravissante ou tout au contraire, absolument pas du gout de quelqu'un et en être autrement pour quelqu'un d'autre. Mais ne philosophons pas sur ce qu'est la beauté, le sujet est trop vaste et je crains de ne pas être suffisemment érudit pour me lancer dans ce genre de conversation."

Jérôme se tourna vers la dame et il lui adressa l'un de ses sourires chaleureux et dépourvu de toute convention. Juste sa fraicheur et son manque d'étiquette

"Etherna n'est pas trop au sud, il y a également des châteaux et ce n'est pas si différent que Bastylle. Je vous concède que les fortifications sont moins imposantes mais nous avons moins eu à souffrir de la position frontalière qui est la votre. Par contre cela à couté son allégeance à Etherna qui s'est vu conquise à plusieurs reprises et à été rattaché à Odélian au lieu de Sainte Berthilde, initialement."

Il soupira

"Et voila, l'on parle d'une ville et tout de suite, je pars sur des histoires de guerre et de conquête. Vous allez croire que je suis un ogre avide de batailles. Je vous assure que ce n'est pas le cas. Si je suis venu avec mon armée à Serramire, c'était que j'en avais assez des marquis se succédant et des seigneurs qui étaient plus prompt à regarder les terres de son voisin que de s'occuper du peuple qu'ils ont à charge."

Il marqua une pause avant de changer le cours de la conversation. Il parlait de lui, une fois de plus et il s'en voulait. Cela faisait un nombre incalculable de fois qu'il tenait ce discours et même si c'était la vérité vrai, il voulait passer à autre chose

"Dites moi, une dame comme vous, vivant à la montagne et à la frontière, regrettez vous les villes et leurs animations ? ou préférez vous le calme qui doit régner sur ces hauteurs"

Etherna se trouvait au bort de la mer et Jérôme n'avait pas encore visité les montagnes

Voilà donc qu'elle se retrouvait assise auprès d'un philosophe ou, peut-être, d'un poète. Ce ne fut pas pour déplaire à Aline, au contraire, qui aurait pu continuer sans problème sur cette conversation qui n'était, dans le fond, qu'une question de goûts. En effet, quelle fleur ou même personne pouvait être aussi ravissante pour tous et, à l'inverse, qu'est-ce qui ne pouvait être beau pour personne ? Rien. Même le sang, l'ombre et la guerre pouvaient plaire, au point qu'il existait des hommes ne jurant leur vie que par cela, jouissant du malheur des autres. Quelque chose de bien triste... à son propre goût. Mais là ils ne parlaient que de jardins et de fleurs, quoi que le Baron d'Etherna n'avait pas franchement répondu à sa question, préférant se perdre dans ses pensées avant de se retourner vers sa personne, un sourire semblant sincère aux lèvres. Semblant seulement ? Elle n'en savait rien puisqu'elle ne connaissait que par rumeurs ce personnage, mais elle avait déjà sa petite idée en tête.

Il répondit sans ménagement à sa question sur Bastylle, lui expliquant qu'Etherna n'était pas bien loin de Serramire et donc que les châteaux avaient tendance à être similaires, du moins en certains points. Il était vrai qu'ils devaient être moins fortifiés que ceux du Nord, mais Aline ne pouvait pas affirmer ses dires, n'ayant voyagé qu'à l'intérieur du marquisat - ou du moins pas beaucoup plus loin. Et comme l'énonça le Baron, le fait d'avoir moins de défenses devait souvent jouer des tours lors de sièges ou tout simplement de guerres.

"Et voila, l'on parle d'une ville et tout de suite, je pars sur des histoires de guerre et de conquête. Vous allez croire que je suis un ogre avide de batailles. Je vous assure que ce n'est pas le cas. Si je suis venu avec mon armée à Serramire, c'était que j'en avais assez des marquis se succédant et des seigneurs qui étaient plus prompt à regarder les terres de son voisin que de s'occuper du peuple qu'ils ont à charge.

Un sourire énigmatique se dessina alors sur les lèvres d'Aline, ne laissant pas vraiment transparaître les pensées de la jeune femme mais annonçant déjà une couleur à l'homme qu'il était.

-Heureusement que vous n'êtes pas de ceux qui ne pensent qu'à guerroyer dans le but d'agrandir leur territoire, messire, mais plutôt de ceux qui voient que leur grade, si je puis employer le terme, se voit dotée d'une charge somme toute importante. Mais n'est-ce de la sorte que vous avez agi en venant jusqu'ici pour prendre Serramire ? N'avez-vous pas regardé la pauvreté politique de votre voisin pour le mettre sous votre coupe ? Son sourire se fit plus expressif sans pour autant être teinté d'animosité. Mais peut-être est-ce là une question dont vous ne préférez pas parler...

Elle le laissa répondre à sa question avant d'arriver sur un autre sujet, lié directement aux villes cette fois-ci. Le fait de vivre dans les montagnes ne lui faisait-elle pas regretter toutes les animations que l'on pouvait rencontrer dans les grandes villes, leurs bruits par exemple ?

-Etes-vous déjà monté aussi haut que les montagnes puissent vous le permettre, messire de Clairssac ?

La réponse était négative, elle aurait pu s'en douter. Seul un montagnard pouvait vraiment connaître ce qu'était la vie dans les hauteurs, mais peut-être Jérôme aurait-il eu un passé dans une région moins plane que les plaines.

-Là-bas y est une ambiance différente de celle des villes que l'on trouve dans les plaines et des animations y sont faites, différentes de ces mêmes villes forcément. Enfin... Nous avons quelques villes dont Dameciel située fort en hauteur, mais pour vous cela correspondrait plus à des grands villages fortifiés. Mais ce n'est pas tout... Il y a également le paysage, qui est sans pareil et tout l'espace qu'offrent les monts malgré les dangers que l'on peut y trouver.

Elle laissa un instant son regard dériver sur les hauteurs de Bastylle, laissant entrevoir quelques parcelles de montagnes lorsque les bâtiments ne gâchaient pas tout.

-Si je devais choisir aujourd'hui même entre partir pour une grande ville prospère et rester dans les Monts d'Or, il me semble que je n'hésiterai pas : je choisirai la motagne. C'est là où j'ai grandi et où je vie. Ses espaces et son calme me manqueraient, de même que je ne pourrais supporter de vivre à longueur de journée dans la foule. Mais il me semble également qu'en tant que femme, je devrai quitter mon peuple pour en découvrir un autre.

Un léger soupire s'échappa de ses lèvres. Oui, un jour il faudrait qu'elle se marie avec un noble et qu'elle quitte Montévlin pour aller vivre chez lui, fonder une famille avec cet homme qu'elle détesterait peut-être, à moins que l'amour n'entre en jeu à un moment donné. Mais dans tous les cas il faudrait bien qu'elle vive sa vie ailleurs et l'Ethernien avait certainement compris de quoi elle venait de parler. Le lot des femmes...

-Oh, mais tant que j'y pense, puisque vous n'êtes jamais vraiment allé en montagne... Mon frère vous a-t-il parlé de quelques... préventions à avoir là-bas ?"

Et un sujet pour éviter un autre bien plus ennuyeux, qui devrait celui-ci apprendre quelque chose au Baron. Parce qu'en repensant au cavalier qui avait failli se faire tuer par des kobolds... s'il venait à devenir leur suzerain, il avait intérêt à ne pas répéter la même erreur afin de ne pas se faire prendre pour un fou par la population si bien habituée à tout cela.

Durant ses paroles, la dame l'écouta et un sourire apparu sur ses lèvres. L'un de ceux qui sont énigmatique et ne permettent pas de savoir si c'est sincère ou complètement intéressé, voir carrément ennuyeux. Jérôme continua, ne pouvant décemment pas s'arrêter en plein milieu. Elle répondit alors et la moindre des choses à dire, c'est que la sœur de Jared avait du répondant et qu'elle n'hésitait pas à dire ce qu'elle pensait

"Je ne suis pas de ceux qui élude une question qui ne les intéresse pas, je vous répondrais donc. Vu votre façon directe d'y aller, permettez moi d'en faire de même."

Il marqua une courte pause afin de remettre en ordre ses idées

"Ma foi, je dois bien reconnaitre que vous avez raison, madame. Si Serramire avait été au fait de sa puissance, jamais je ne me serais engagé dans une campagne comme celle que j'ai faites. J'ai en effet guerroyé et envahit les terres de mon voisin et je comprends parfaitement ce que vous pensez. Peut être qu'il est vrai que je me berce d'illusions afin de diminuer ma culpabilité. Toutefois, contrairement à beaucoup de guerres, j'ai fais tout ce qui était en mon pouvoir afin d'épargner le plus possible le peuple. J'ai interdit les pillages et je n'ai mis aucun village qui se trouvait sur ma route à feu et à sang. Peut être que ce sont la de belles excuses mais j'espère que les dégâts sur le peuple seront minimes et que les seigneurs garderont en tête la charge qui est la leur. Je m'attèlerais à ce que ce soit le cas pour les vassaux qui m'incombent."

Une nouvelle pause avant de reprendre

"Malheureusement, il arrive que son devoir oblige à faire certaines actions que l'on voudrait éviter. Je prie Néera pour qu'elle veille sur ma famille et le peuple que j'ai en charge et je prie également pour ne plus avoir besoin de prendre les armes. Pourtant s'il le faut, je n'hésiterais pas un seul instant à relancer des hostilités. Je suis même certain, et cela m'attriste, croyez moi ou non, que de nouveaux conflits vont émerger vu les évènements actuels. Vous allez penser que j'aime cela et je le comprendrais mais si je peux l'éviter alors je le ferais. Toutefois, un homme ne doit jamais se cacher derrière des excuses afin d'échapper à son devoir. Le champ de bataille n'a rien d'honorable ou de glorieux comme certains le disent mais il est malheureusement nécessaire. Mais je suis un homme d'action, je préfère juste le duel, la au moins ce sont vos compétences qui vous apportent la victoire ou la défaite."

Jérôme se laissait facilement emporter dans une discussion et il devrait apprendre à se modérer ou même se taire dans certaines occasions. Il ne fallait pas qu'il monopolise la conversation, ce n'était pas très correct vis à vis de son interlocutrice. Aline passa aux montagnes, demandant au baron s'il était déjà monté au sommet de l'une d'elles. Elle parla et il était évident qu'elle était passionnée par le sujet

"Non j'ai toujours vécu à Etherna et Odélian et donc proche de la mer. Je n'ai donc jamais eu l'occasion de m'y rendre, du moins jusqu'à ces derniers temps. J'ai aperçu les hauts sommets lorsque je me suis rendu à Diantra en passant par la baronnie de Hautval et il semble qu'en effet, le spectacle soit intéressant. vous défendez à merveille les montagnards et il n'y a aucun doute que j'ai beaucoup à apprendre et vite afin de pouvoir gérer comme il le faut les terres qui m'ont été confié."

La conquête de Bastylle avait amené Jérôme à se rendre dans les montagnes mais sans monter très haut pour le moment. La campagne qu'il avait ensuite lancé pour chasser les brigands et qui était d'ailleurs toujours en cours l'avait fait traverser la châtellenie en long, en large et même en travers. Il mettait un point d'honneur à être proche des vassaux qui lui incombaient, leur montrer qu'il était présent comme tout seigneur qui se respecte doit le faire.

Il comprit immédiatement bien entendu l'allusion au fait qu'elle devrait se marier et quitter son foyer comme toute femme noble le doit afin de rejoindre son époux

"Qui sait, avec de la chance, peut être que l'époux que vous choisirez sera également un montagnard, ainsi, bien que devant quitter votre domaine, vous aurez la chance de garder la paysage"

Il se demandait bien si son frère était de ceux qui laisserait sa sœur choisir l'homme qu'elle épouserait ou si comme presque la totalité de la noblesse, ce serait un mariage arrangé qui ne lui laissait pas le choix. Lui même était encore célibataire même s'il avait eu ces derniers temps deux propositions, l'une de la part de Maélyne d'Outremont avec sa jumelle et l'autre par la marquise de Sainte Berthilde avec l'une de ses petites cousines. La première proposition n'aboutirait pas car un drame avait frappé la famille d'Outrmont et Lyanna était décédée des suites d'un empoisonnement honteux. Le second n'avait pas trouvé de réponse, le baron ayant demandé un temps de réflexion et s'étant laissé emporté ensuite par la guerre de Bastylle. Il revint à la réalité lorsqu'elle parla de précautions que son frère avait à faire

"Nous avons longuement discuté mais il n'a pas encore donné sa réponse. Je pense qu'il a dû vouloir conserver cela pour la suite. Nous devons nous revoir demain, dans la journée. Mais peut être que vous pouvez m'en parler, ainsi je pourrais dors et déjà y réfléchir et trouver des solutions rapidement."

Il était vrai que malgré le fait qu'un homme ne soit pas particulièrement féru de combats et de conquêtes, son rang venait souvent à le placer sur les marches de la guerre et que pour quelque raison qui soit, cet homme-là en venait à envoyer des âmes au Royaume de Tari, que ce soit de sa propre main ou non. Et c'était le cas de Jérôme, qui avait su utiliser la faiblesse du pays voisin pour le conquérir, quoi qu'il n'avait que la partie nord au final. Mais quoi qu'il en soit, il y avait eu de nombreux morts et le de Clairssac restait un envahisseur. Et pourtant, il semblait déjà prendre au sérieux ce nouveau poids qui venait dorénavant peser sur ses épaules, que ce soit vis-à-vis de ses vassaux comme du peuple. Aline ne le coupa aucunement dans ses explications, mais elle n'en pensa moins. Elle le laissa continuer, lui apprenant qu'il n'avait jamais vraiment été dans les montagnes et donc qu'il ne pouvait qu'imaginer la beauté des montagnes. Si seulement il savait à quel point les paysages que recelaient les monts étaient magnifiques ! La jeune noble eut à ce moment précis l'idée de lui faire visiter les Monts d'Or, de lui apprendre la vie là-bas comme elle avait pu apprendre étant enfant, mais elle se réfréna pour ne pas aller trop vite. D'abord savoir quelle décision prendrait Jared avant de proposer une telle à quelqu'un qui ne devait pas avoir le temps de passer plusieurs jours dans un lieu d'où il ne pourrait gérer sa Baronie ou bien la Châtellenie de Bastylle.

"Qui sait, avec de la chance, peut être que l'époux que vous choisirez sera également un montagnard, ainsi, bien que devant quitter votre domaine, vous aurez la chance de garder la paysage.

Le sourire d'Aline perdit alors de son mystère, laissant montrer une once de reconnaissance ; elle n'était vraiment pas sûre que le mari qu'on lui trouverait sera également un montagnard, mais elle trouvait cela gentil de lui parler de ce sujet de cette manière. Enfin, pour tout dire, elle ne savait même pas si son destin se scellerait par un mariage arrangé ou un mariage d'amour vrai. Elle ne savait exactement comment réagirait son frère, mais elle pouvait se douter que ce serait une question de temps : si elle trouvait l'amour avant qu'un noble quelconque ne vienne la prendre, Jared accepterait certainement qu'elle se marie avec cet homme pour l'instant encore inconnu. Sinon, elle aurait sûrement droit au même traîtement que la généralité des femmes nobles. Et le problème qui se posait, aussi, était bien sa dote ; il avait beau y avoir plus qu'une fille de son rang aurait pu avoir grâce au fait que son père n'ait pas eu de soeur et seulement une seule fille, le fait qu'il ait décrété "qu'on ne pouvait donner un bout de montagne" en gênait plus d'un. Pourquoi fallait-il que les hommes voient avant tout la richesse au lieu de se concentrer sur l'important ? Enfin... Pour l'instant, ce problème avait également su s'avérer être une chance à une ou deux reprises, donc elle pouvait encore se dire qu'elle n'avait pas à trop s'en plaindre.

Ne voulant aller plus avant dans cette discussion qui dans le fond ne concernait qu'elle et son frère, elle changea donc de sujet, lui demandant si Jared lui avait parlé des quelques "préventions" à connaître lorsqu'on allait ou s'occupait d'un endroit tel que les Monts d'Or.

-Nous avons longuement discuté mais il n'a pas encore donné sa réponse. Je pense qu'il a dû vouloir conserver cela pour la suite. Nous devons nous revoir demain, dans la journée. Mais peut être que vous pouvez m'en parler, ainsi je pourrais dors et déjà y réfléchir et trouver des solutions rapidement.

Si elle pouvait lui en parler ? Elle se l'était proposé l'instant juste avant et elle savait que ce serait avec une certaine passion qu'elle parlerait de son pays et de tout ce qu'il s'y trouvait, que ce soient de simples petits villages de dix habitations au grand temple de Dameciel, dédié à Néera, ou bien encore des diverses créatures qu'il était possible de croiser sur son chemin. Mais comment commencer ? Peut-être par l'histoire du messager, ou du moins en y faisant référence. Revoyant encore les gardes raconter la scène, elle se concentra un instant avant de reprendre la parole.

-Vous savez, c'est avec un certain plaisir que je vous parlerais des montagnes de mon enfance ; vous avez dû remarquer que j'y suis attachée...

Un franc sourire vint alors remplacer le précédent, cependant sa nature calme et posée fit qu'il ne fut pas extrêment expressif comme on aurait pu le trouver chez une enfant. Son esprit étant déjà en partie tourné vers les montagnes, elle leva sa main gauche tout en parlant, comme pour montrer à celui qui deviendrait certainement son futur Seigneur ce qu'elle était en train d'expliquer, alors que les Monts d'Or n'étaient pas visibles de là où ils étaient.

-Tout d'abord, il vous faut savoir que le fief de Montévlin en lui-même a beau être assez grand en superficie, il ne comporte pas de grande ville comme on peut en trouver dans la plaine et les quelques villages fortifiés sont dispersés, un peu comme les plus petits, d'ailleurs. Aussi, toute personne voulant se déplacer à un endroit donné aura à traverser les Monts et, malgré que les routes soient surveillées, il arrive fréquemment que le voyageur croise la route de créatures comme des kobolds ou des gobelins et ceux-ci n'hésitent pas à se regrouper pour attaquer. C'est la raison pour laquelle personne ne prend la route seul au risque d'être une proie trop facile...

Il avait certainement dû penser à son messager, quoi qu'il n'était pas sûr qu'il sache que ce soit elle qui l'ait accueilli au sein du petit bourg. Elle continua donc son récit, parlant de la relation étroite entre les paysans et autres avec la famille du châtelain ainsi que nombre d'autres personnes, de l'entre-aide et de l'ambiance souvent châleureuse qu'on pouvait trouver au sein des familles, tout cela dû aux conditions de la vie dans les hauteurs. De là elle fit un lien implicite avec l'époque des moissons et, de là, elle vint à parler de l'hiver qui tenait beaucoup plus longtemps que dans les plaines - à ce qu'elle savait. Ce sujet la passionnait, cela Jérôme pouvait le voir de par son regard, sa voix ainsi que ses gestes. Elle parlait de son peuple et, comme bien des gens peuvent parler du pays où ils ont grandi, une certaine fierté transparaissait dans la tonalité de sa voix. Non pas une fierté hautaine, au contraire. Elle était même honorée de pouvoir faire découvrir à celui qui n'était pas des montagnes toutes ces choses pourtant si anodines qui lui tenaient à coeur.

Enfin, elle eut fini. Elle avait essayé de faire court pour ne pas ennuyer son interlocuteur, mais sa passion l'avait emportée plus loin qu'elle n'aurait osé. Elle laissa un silence s'installer entre eux, juste le temps pour que Jérôme puisse prendre en considération ce qu'elle lui avait apporté puis reprit la conversation.

-Voilà. Peut-être avez-vous des questions, ou puis-je vous en poser une, messire ? C'est... Je n'ai pas beaucoup voyagé depuis mon enfance, aussi je ne puis me baser que sur ce que les gens ont pu me raconter et je ne sais pas grand chose des régions de l'Est de la Péninsule. Comment vivent vos gens, est-ce vraiment différent de chez nous ?"

En effet, elle ne savait que peu de choses sur Etherna ou encore Alonna, mis à part ce que laissait échapper son père lorsqu'il était énervé ou encore ce qu'acceptaient de raconter des commerçants. Alors elle était toute ouïe pour connaître cette région et ce encore plus de la part d'un Ethernien même.

Jérôme sut reconnaitre un trait de reconnaissance lorsqu'il avait parlé d'avoir un époux montagnard. Bien que non dite, l'affaire des mariages arrangés était une guigne pour les jeunes femmes qui devaient alors épouser des hommes dont elles ne connaissaient parfois même pas le visage. C'était pourtant une nécessité qui permettait à des familles d'acquérir des biens ou des titres. Cela répugnait Jérôme et pourtant dans ce jeu de convenances, il avait déjà du s'y plier en faisant la promesse de mariage d'une de ses cousines avec Nestor de Versmilia. Certes il avait demandé l'accord de l'ainé de cette branche de la famille, Basile, car il n'aurait jamais prit une telle décision sans demander auparavant, mais il n'en était pas moins que le résultat était le même. Il se demandait si lui même ferait un mariage d'amour ou s'il se plierait à une requête qu'il ne pourrait refuser sans froisser l'autre partie. Il fallait dire que plus on montait les marches du pouvoir et plus l'on était sollicité. Preuve avait été faite lorsqu'il avait acquit le titre de châtelain de Bastylle en plus de baron ou deux demandes lui avaient été faites coup sur coup.

Aline changea de sujet, sautant sur l'occasion de parler des montagnes ou elle avait vu le jour. Le sourire ne semblait pas la quitter et être des plus francs et sincères lorsqu'elle parlait de son domaine, elle débordait de passion pour ce lieu et nul doute que cela devait être merveilleux. Jérôme se dit qu'il faudrait qu'il y fasse un tour, ne serait ce que pour voir ce qu'il en était des fortifications et besoins, et d'en profiter pour apprendre. Elle fit alors allusion à l'isolement des villages. Il était de fait que la construction était difficile sur ce genre de terrain et qu'il était donc impossible d'y fonder une grande ville. Toutefois, cela revêtait un avantage tactique lorsqu'il s'agissait de barrer la frontière car il était facile de défendre un col avec une poignée d'hommes. Elle parla aussi des créatures qui hantaient les lieux. Jérôme n'en avait jamais vu mais il avait bien entendu baigné dans les histoires légendaires ou un héro se dressait contre une créature infâme. Cela renforçait les liens entre les personnes habitants dans les montagnes qui se trouvaient alors plus adroits et mieux formés pour se défendre qu'un village en plaine. L'ambiance était différente dans les hauteurs et l'hiver bien plus rigoureux que proche de la mer. Elle semblait parler beaucoup plus du peuple que de la vie de château et cela fut plaisant pour le baron qui aimait la populace contrairement à nombre de nobles qui ne les voyaient que comme un outil nécessaire aux récoltes ou autres choses d'utile. C'était une bouffée de fraicheur que d'entendre d'autres nobles avoir des idées similaires aux siennes et de ne plus se sentir tout seul. C'était déjà le cas avec Maélyne d'Outremont, nouvellement dame de Lourmel suite au décès tragique de sa sœur.

Elle termina son récit qui n'ennuya nullement le baron qui était content de parler d'autre chose que de politique ou conflit. Il en profita pour se vider la tête de toutes les pensées néfastes et il tenta de visualiser tout ce qu'elle disait. Il était donc songeur en l'écoutant mais bien présent. Elle demanda ensuite ce qu'il en était d'Etherna

"Cela ne fait pas suffisamment longtemps que je suis ici pour me permettre de juger et de faire des comparaisons. Mais pour vous donner une idée d'Etherna, le paysage déjà y est différent. Nul montagne mais que plaines et forêts à perte de vue. Le temps y est clément, la mer réchauffant les terres durant l'hiver et apportant une brise rafraichissante en été. Le sable est fin et doux sur la plante des pieds, chaud lorsque le soleil tape dessus. Les villages côtiers sont entièrement voués à la pêche et les bateaux sont visibles chaque jour au large. Les pêcheurs également s'entraident car ils ont souvent besoin l'un de l'autre."

Bien que tout le monde veuille la mer calme, Jérôme la préférait en désordre, il adorait le spectacle. Aussi il plongea son regard devant lui, un voile se posant devant ses yeux alors qu'il revoyait les images qu'il chérissait

"Lorsque la mer se déchaine, en terrain difficile, on voit les vagues se heurter aux rochers, l'une après l'autre. L'on se dit alors que les eux sont battues d'avance mais sur une très longue période, elle finit toujours par l'emporter."

A son tour il avait une voix passionnée lorsqu'il expliquait cela. Bien entendu il n'avait pas parlé des gens habitants dans les terres mais que de la côte car c'était le plus gros changement en comparaison des montagnes. Il se doutait qu'en plaine, que ce soit Bastylle ou Etherna, c'était sensiblement la même chose.

Jérôme revint sur terre et il tenta une nouvelle approche

"Dites moi, si ce n'est pas indiscret, pouvez vous me parler de votre famille ? et de votre frère ? J'aimerais mieux le connaitre."

Le pari était osé car la où il voulait vraiment apprendre, elle aurait pu croire qu'il essayait d'avoir des informations qui le serviraient plus tard contre son frère et le contraindre à faire serment.

La remarque du Baron était pertinente ; il n'était arrivé qu'il y a trop peu de temps à Bastylle pour pouvoir comparer sa région natale avec celle que venait de lui conter Aline, de plus qu'il n'avait jamais vraiment mis les pieds dans les montagnes. Aussi parla-t-il tout simplement du paysage qu'offrait Etherna et il expliqua à la jeune femme que les pêcheurs, entre autre, s'entraidaient également par nécessité. Il semblait faire attention à ce qui aurait été pour beaucoup de nobles une simple broutille qui ne valait pas qu'on lève le petit doigt pour cela, ce qui lui plut. Elle commençait à apprécier celui qui deviendrait certainement le suzerain direct de son frère et c'était sans se forcer en quoi que ce soit. Une bonne chose, dans le fond.

Lorsque Jérôme s'aventura à parler de ce qui le passionnait, c'est-à-dire la mer et ses vagues déferlant sur les rochers, Aline essaya de l'imaginer, sans grand résultat. Elle ne s'était jamais approchée de la mer, ne restant que dans les terres de Serramire, si bien que pour elle l'eau se limitait aux ruisseaux et fleuves, ainsi qu'aux lacs de montagnes. Soit disant, rien de très violant, surtout pour les lacs où l'eau stagnait à longueur d'année. Mais l'engoûment avec lequel il en parlait lui laissait supposer que ce devait être quelque chose de très beau à voir. Qui sait, peut-être qu'un jour aurait-elle l'occasion d'aller auprès de cette grande étendue d'eau indomptable ? En attendant que ce soit le cas, si cela le devenait, elle devrait rester auprès de ses douces montagnes et oublier quelque peu ce fait qui suscitait sa curiosité.

C'est alors que le Baron d'Etherna revint sur terre, mettant de côté ses vagues pour retourner en Bastylle. Il lui posa alors une question sur la famille de la jeune fille, voulant visiblement en savoir davantage sur ceux qu'il pourrait avoir comme vassaux. Sa question fit revenir Aline à la simple réalité des choses, lui rappelant qu'elle ne parlait pas qu'à un Ethernien, ce que sa passion pour sa terre natale avait eu tendance à lui faire quelque peu oublier. Dans le fond, pourquoi cette question ? Etait-ce seulement pour les connaître un peu plus ou... ? Ce fut certainement la cause de son assez courte réponse.

"Oh vous savez, je n'ai pas grand chose à dire sur ma famille... Ma mère était une femme adorable, à ce que je me souviens, et mon père quelqu'un qui aimait son peuple plus que n'importe qui. Jusqu'à il y a peu il dirigeait encore Montévlin autant d'une main de fer qu'avec les préoccupations d'une personne s'intéressant à chacun des siens. Mon frère essaie de le suivre dans cette voie, mais il a encore à s'installer, si je puis dire. A ce propos, pour Jared... C'est quelqu'un de bien et qui sait faire la part des choses en fonction de la personnalité de l'individu qui lui fait fasse et non pas vraiment en fonction de son titre.

Son sourire s'éteint et, machinalement, elle prit son point de croix en main et tira un coup sur l'aiguille qui y était plantée avant de la replanter, arrêtant son geste après quelques reprises. Elle n'aimait pas spécialement parler de ses parents ; non pas parce qu'elle ne les aimait pas, au contraire... C'était juste que la mort de son père avait rouvert la vieille blessure qu'avait provoqué le décès de sa mère neuf ans auparavant et que parler d'eux la rendait nostalgique. Ils lui manquaient, mais les vivants devaient continuer à fouler cette terre qui leur était confiée.

-Veuillez m'excuser, messire. Les morts nous restent toujours en mémoire..."

Elle s'arrêta là, baissant le regard, ne sachant plus quoi dire. Elle ne souhaitait pas en raconter plus, son interlocuteur lui étant encore assez inconnu, et ne se voyait pas lui parler de famille. Que dire donc ? Elle n'en savait rien. Tout ce dont elle avait envie à l'instant présent était de reprendre sa broderie. Pure mécanisme qu'elle avait pris lorsque sa propre mère était gravement malade...

Aline répondit plutôt brièvement et sans faire de grandes révélations sur sa famille. Par contre le peu qu'elle dit fut bien accueilli par Jérôme. En effet quelqu'un qui se préoccupe de son peuple est suffisemment rare pour le soulever. Si ce qu'elle disait était vrai, alors Jared, son frère, semblait de la même trempe que son père et il suivait les traces qui avaient été positionné pour lui. Les valeurs décrites par la châtelaine étaient un baume au cœur pour le baron. Il espérait maintenant que l'homme des montagnes saurait voir au delà de l'envahisseur qu'il représentait pour les nobles de Bastylle et qu'il se rangerait à ses côtés. La décision n'avait pas encore été prise et Jérôme lui avait laissé le temps de la réflexion tout en respectant les règles de l'hospitalité puisqu'il avait invité le noble à venir discuter avec lui. S'il refusait, ce serait navrant mais on le laisserait partir avant d'engager les hostilités qui se montreraient périlleuses vu la nature du terrain. Même s'il ne connaissait pas les montagnes, le seigneur de Bastylle en connaissait le potentiel stratégique et défensif qu'il représentait.

Dès qu'elle eut terminée, Aline perdit son sourire et saisit son ouvrage. Jérôme se demanda s'il avait dit ou fait quelque chose de mal ou si elle avait mal perçu sa quête d'information sur sa famille. La conversation semblait devenir plus tendue, chose que le baron ne voulait pas. Un silence gênant était en train de s'installer lorsqu'elle reprit. Elle parla des morts qui restaient toujours en mémoire. Jérôme savait bien de quoi elle voulait parler, autant pour les pertes de proches puisqu'il avait perdu son père qu'il chérissait mais aussi parce qu'il était responsable de nombreux morts de par ses décisions, en particulier ces derniers temps. Certes il avait apprit à commander et il savait que lors des conflits il y avait des morts. Toutefois, pour un homme de sa trempe et de son caractère, souvent les morts revenaient le hanter. Il savait en faire abstraction heureusement et la religion l'aidait beaucoup mais il ne reniait pas ses responsabilités et il mettait un point d'honneur à ne pas oublier, même s'il ne connaissait pas tous les noms par cœur, à ne pas oublier que les hommes tombés au combat l'étaient sur son ordre et pour lui ou du moins la cause qu'il embrassait. Son regard devint lointain de nouveau et il s'assombrit à son tour. Il prit la parole mais garda son regard sur le mur du jardin qui était de l'autre côté

"Vous avez raison, les morts sont bien présents et nous rappellent à nos devoirs chaque fois qu'ils le peuvent. Puisse Tyra les garder en son royaume et leur apporter la paix qu'il mérite"

Son intonation était mélancolique et le ton monotone. Ils arrivaient à une impasse dans la conversation qui avait si bien débuté. Comment rebondir si ce n'était par une broutille ridicule. Il reposa son regard sur son interlocutrice et sembla s'intéressait à l'ouvrage qu'elle exécutait

"Je remarque que vous faites de la broderie, est ce une passion ? qu'aimeriez vous faire si vous aviez le droit de décider ?"

Des mots pathétiques auxquels il se raccrochait pour tenter de changer le cours de la discussion.

"Vous avez raison, les morts sont bien présents et nous rappellent à nos devoirs chaque fois qu'ils le peuvent. Puisse Tyra les garder en son royaume et leur apporter la paix qu'ils méritent.

La jeune femme leva les yeux vers le baron ; son regard semblait plongé dans une quelconque immensité, pedu dans un lieu qu'Aline ne pouvait connaître. Elle put en déduire que son interlocuteur avait également à faire avec des souvenirs liés aux morts ou, peut-être, liés à la lourde charge d'âmes qu'il portait de par son titre. Mais de cela, ce n'était pas à elle de le savoir et encore moins de poser des questions sur ce sujet. Qui sait, peut-être que plus tard ils se seront assez côtoyés pour parler de ces choses-là. Mais pour l'instant, elle essayait tant bien que mal de ne pas piquer une nouvelle fois l'aiguille dans le tissu, ne sachant que dire, tandis que lui posait seulement son regard sur la broderie.

-Je remarque que vous faites de la broderie, est ce une passion ? qu'aimeriez vous faire si vous aviez le droit de décider ?

Sa question surprit quelque peu Aline, qui y répondit d'abord par un sourire. La broderie, une passion ? Pas seulement. C'était bien plus que cela, du moins à ses yeux ; en en faisant déjà elle pratiquait un art qui lui plaisait, mais en plus elle avait souvent l'impression idiote de pouvoir se décharger de ses malheurs avec, comme si ces broderies avaient un pouvoir quelconque. Elle savait que c'était ce qu'elle pensait étant petite et que malgré cette croyance, sa mère avait quand même rendu l'âme. Mais sans savoir purquoi, cette impression lui était toujours restée et depuis ce temps elle se penchait toujours sur une broderie lorsqu'elle avait des soucis ou bien qu'elle s'inquiétait pour quelqu'un. Elle savait cela immature, mais n'arrivait aucunement à faire contre ce fait.

-On peut dire que oui, même si la broderie est quelque chose d'autre pour moi... Disons qu'en certains moments je ne peux pas m'empêcher d'en faire, comme si c'était devenu un réflexe.

Elle dit sa dernière phrase d'un ton léger, de sorte à ce qui était véridique n'ait pas trop de poids dans leur conversation, pourquoi pas que ce soit pris pour une simple plaisanterie. Ses pensées, elles, s'attardèrent sur la deuxième question du baron. Que ferait-elle si elle pouvait décider ? Mais décider de quoi ? De sa vie ou bien de tout ce qu'il pouvait se passer en Péninsule ? Bonne question. Elle y réfléchit quelques secondes avant de reprendre, en toute sincérité.

-Je ferais tout pour que ces guerres cessent, je pense, pour que la Péninsule soit une nouvelle fois soudée. Mais cela m'étonnerait que j'y arrive un jour, quelque soit mon rang, si je pouvais décider. Notre race est faite de gens bien différents sous tous les points de vue et, bien que cela peut souvent nous porter à défaut, c'est une force que nous ne pouvons oublier. Mais sans vouloir parler politique, j'ai l'impression que certains haut-placés ont oublié cela.

De nouveau un sourire, confiant. Elle ne voulait aucunement attaquer Jérôme dans sa dernière phrase, se doutant qu'il n'était pas de ce type de personnes. Par contre, elle avait bien des idées sur qui étaient ces haut-placés dont elle parlait. Elle avait entendu bien des choses par rapport à ce qu'il s'était passé suite à la mort du régent et de la petite famille royale et certaines se savaient être véridiques, malheureusement. Elle verrait bien comment les choses évolueraient, mais elle pouvait craindre que cette évolution ne se fasse pas dans le bon sens du terme.

C'est alors qu'elle aperçut son frère, au loin. Il semblait l'attendre sans pour autant vouloir déranger la personne avec laquelle il avait discuté quelques minutes auparavant. Cependant, Aline voyait bien qu'il aimerait s'entretenir avec elle. Du moins, elle le devinait. De plus, Meivèn était à ses côtés à la surveiller, comme toujours... Pourquoi fallait-il que celle qui fut sa nourrice essaie toujours de la sur-couver ? Sentant qu'il était temps pour elle de quitter le jardin de Bastylle, elle se leva tout en regardant son interlocuteur.

-Veuillez m'excuser, Messire de Clairssac, mais il est temps pour moi d'y aller. Je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance. Puissent nos routes se croiser à nouveau."

Elle s'inclina en une douce révérance et, tout en reprenant ses maigres affaires, elle alla rejoindre ceux qui faisaient partie de sa famille, qu'elle soit restreinte au sang de sang parents ou bien au sang du peuple des montagnes. Elle connaissait déjà le sujet de discussion que son frère allait emprunter avec elle et à nouveau, elle serait la conseillère officieuse de Jared, rôle qu'elle aimait avoir tout en le prenant avec sérieux. Meivèn, elle, ne se priva pas de la sermoner un coup, lui répéter une nouvelle fois qu'elle devait faire attention. Mais Aline pensait déjà à autre chose... à une certaine personne même.

La soirée fut chargée en discussions entre Jared et elle, le petit Seigneur ayant à coeur de bien faire les choses : il se doutait bien que s'il refusait de prêter allégeance à de Clairssac, une nouvelle guerre interne risquerait de voir le jour. Et quoi qu'il n'aimait pas particulièrement cette idée, il savait également que dans les montagnes, la chance gagnait bien mieux ceux qui connaissaient l'endroit que les autres... Mais fort heureusement pour tous, la balance finit par pencher en une décision que l'on pouvait qualifier de raisonnable ; Jared fit serment d'allégeance, en échange de petites choses qui paraissaient toutes à fait normales en ces temps troubles. Le baron de Clairssac et les Montévlin étant dorénavant liés par un serment, cesderniers repartirent dans leurs montagnes avant que ne vienne la période des chutes de neige.

La broderie semblait être devenu une habitude, du moins c'est ce que Jérôme comprit, ne relevant pas l'intérêt plus personnelle de la chose pour Aline. Elle arriva ensuite à ses souhaits et il fut touchant de voir sa naïveté, celle que Jérôme appréciait et désirait ardemment lui même mais dont l'innocence fut volée sur les multiples champs de batailles. Faire que les guerres cessent était un crédo des plus intéressant et magnifique. Elle marqua qu'elle n'était toutefois pas dupe en expliquant qu'elle ne pensait pas que cela soit possible, même si elle avait le pouvoir de décision.

"Même un roi se voit trahir par ses vassaux s'il n'a pas l'envergure. La condition humaine est bien étrange en effet, vous pouvez croiser des gens qui sont dénués de toute violence et purs. Puis à l'opposé, il y en a qui sont avide de sang et de carnages, toujours prêt à semer le trouble et bien pire."

Il ne parla pas de viols et pillages en règle car ce n'était pas convenable devant une dame

"Je ne vois qu'un seul moyen pour que votre rêve ne puisse exister...c'est de recueillir suffisamment de puissance et de pouvoir afin d'empêcher les velléités des autres. Mais pour cela, il faut en avoir plus pour affronter même une coalition et c'est la que la chose devient ardue. Surtout que pour arriver à un tel état, il faudrait auparavant réussir à regrouper autant de personnes auprès de vous et connaissant les seigneurs, je ne vois pas comment parvenir à une telle puissance sans les contraindre par la force. Donc en voulant la paix, vous devez faire la guerre. C'est un constat des plus tristes je le conçois mais la réalité vous rattrape malheureusement toujours..."

Aline prit ensuite congés en constatant que son frère était arrivé. Jérôme la salua poliment

"C'était un plaisir pour moi que d'avoir discuté avec vous, madame. J'espère également que nos routes se recroiserons. Que Néera vous garde, ainsi que votre famille"

Jérôme repartit ensuite afin de répondre à toutes les obligations qui étaient les siennes. La soirée passa puis la nuit et le lendemain fit son apparition, un soleil automnale bienveillant baignant le château de sa lueur. Jérôme accueillit Jared comme il se devait, avec tout le protocole. Intérieurement il était tendu et espérait que le seigneur de Montévlin ferait le bon choix, du moins du point de vue de Jérôme. Ce fut en effet le cas, il fit serment d'allégeance, soulageant le baron d'un poids certain, permettant de ne pas devoir planifier un nouveau conflit dont il était las. Il avait dorénavant un allié de plus et pas des moindres. En effet il gardait les frontières avec Oësgard et ce n'était pas une mince affaire. Ils discutèrent longuement ce jour, Jared expliquant le fonctionnement de la protection de la châtellenie dans les montagnes. Jérôme écouta attentivement, il savait qu'il avait face à lui un homme qui connaissait la montagne par cœur et qu'il avait beaucoup à apprendre de lui. La vanité n'était pas dans le vocabulaire du baron qui préférait être bien entouré et attentif aux besoins de ses vassaux plutôt que de "gouverner" de manière despotique. Bon il avait tout de même renvoyé le conseil à Etherna mais ils étaient de mauvais conseil et avaient amené la baronnie à se faire conquérir à deux reprises, aussi il avait des arguments. Jared fit quelques requêtes, expliquant qu'il fallait des hommes pour la défense et des vivres car la montagne, bien que généreuse, ne l'était pas forcément suffisamment. Les kobolds et autres monstres étaient difficiles à traquer et à éradiquer, augmentant les dangers qu'offraient la montagne. Il fut conclus beaucoup de choses entre les deux hommes, c'était maintenant à Jérôme de démontrer au seigneur de Montévlin qu'il n'avait pas fait une erreur en faisant confiance au nouveau dirigeant de Bastylle.

Le temps passa inexorablement mais Jérôme voulait marquer le coup. Aussi avec l'hiver qui approchait, il avait fait réunir des choses à Bastylle. De l'alimentation et des ustensiles utiles avaient été chargé sur des chariots. Le baron, entouré d'une petite troupe car il n'avait pas oublié les avertissements d'Aline sur les dangers en montagne, s'était préparés à escorter le convoi. Jérôme en profiterait pour montrer à son vassal qu'il était présent pour lui et ne le délaisserait pas. Une visite de son domaine permettrait aussi de mieux saisir la réalité des choses et de voir les paysages réputés magnifiques. Ils partirent donc, au rythme des chariots jusqu'à arriver dans un village nommé Nored. Ils trouvèrent la un guide afin de les amener jusqu'au domaine des Montévlin mais il indiqua qu'en montagne, l'hiver arrivait toujours plus tôt et qu'il ferait donc froid. Balayant les avertissements de l'homme, tout en s'assurant que c'était bien possible d'y aller tout de même, ils repartirent donc et gravirent le chemin étroit permettant de se rendre dans la demeure de Jared. Enfin, ils aperçurent le château, ils se présentèrent donc aux gardes, annonçant ni plus, ni moins que le baron d'Etherna et seigneur de Bastylle.

L'hiver était là et ce depuis quelques temps déjà dans les montagnes, apportant ses vagues de froid et de neige. Aussi, en ce vingt-quatrième jour de Verimios, un épais manteau blanc recouvrait déjà les rochers, laissant aux Hommes voir maintes traces de bêtes plus ou moins offensives ayant passé sur le chemin peu de temps auparavant. Et pourtant, tous savaient que ce n'était que le début de l'hiver et qu'il se pourrait qu'un jour les routes deviennent complètement impraticables.

Entourée de Thiev, Meivèn et de soldats, Aline regagnait avec une joie apparante son foyer après avoir chevauché jusqu'à Dameciel pour y retrouver sa plus proche cousine, la prêtresse du culte de Néera Céliann. Leur rencontre s'était déroulée au mieux et le voyage de retour avait été sans trop d'incidents - un éboulement de roches, rien de plus. En somme elle avait une bonne journée de retard sur la date prévue, ce qui n'était pas énorme en soit, et était presque frigorifiée malgré le lourd manteau qu'elle portait sur elle. Le vent, tout simplement : petit, mais glacial. La jeune noble arriva rapidement à l'entrée de Montévlin et parcourut la cour jusqu'à arrivée devant le château où...

"Jared !
-Aline ! Tu as du retard, chère soeur.
-Un éboulement sur le chemin, rien de plus.
-Va te laver, de Clairssac devrait arriver d'une minute à l'autre et j'aimerais que tu sois plus présentable qu'une petite folle ayant passé son temps à galoper sur des routes eneigées et donc étant sale. De l'eau est déjà en train de chauffer pour vous.
-Jared...
-Va, je ne plaisante pas."

Puis le jeune seigneur se détourna de sa soeur, laissant toute interrogation possible en suspend et s'adressant à la nourrice de la jeune femme avant de donner des ordres aux autres. Il avait l'air inquiet, pourquoi donc ? Le Baron d'Etherna avait dû le prévenir d'une quelconque visite, non ? En tout cas elle n'en avait pas été mise au courant... Meivèn arriva et attrappa au passage sa protégée pour l'emmener jusque dans sa chambre où, en effet, se trouvait une bassine d'eau fumante. En très peu de temps, Aline se retrouva aussi nue qu'un vers dans l'eau chaude, trempée des pieds à la tête et savonée avec rapidité et efficacité par sa nourrice. La jeune Humaine protesta, mais l'adulte n'en fit rien : il fallait aller vite et connaissant sa protégée, elle risquerait d'être en retard. Et puis, vu la longueur de ses cheveux, il vallait mieux qu'elle l'aide !

Les minutes passèrent et Aline arriva tout juste à temps pour l'arrivée du suzerain de son frère, ses longs cheveux blonds encore humides tressés pour la rendre "présentable". Ayant juste marché rapidement, elle ne paraissait donc pas essoufflée ni rien, arborant son air calme de bien des jours. Elle s'arrêta à l'entrée du château en lui-même et observa Jared saluer selon l'éthique Jérôme de Clairssac. Aline remarqua facilement les charettes qui avaient accompagné le baron lors de son ascensionet se douta qu'il devait s'agir des réserves promises en échange de la loyauté de Jared. Elle attendit que son frère le mène vers l'intérieur pour s'avancer de quelques pas et le saluer d'une grâcieuse révérence.

"Bienvenue à Montévlin, Messire. J'espère que votre voyage s'est déroulé sans encombres ?"

Une simple question. Si les deux personnes devaient discuter, ce serait plus autour d'une table qu'autre chose.

La neige, Jérôme en avait déjà vu lors d'un hiver très rigoureux mais jamais comme dans les montagnes. Le froid par contre n'avait jamais été aussi vivace près de la mer et il avait fallu les recommandations du guide pour être en de meilleurs conditions. Déjà ne pas mettre son armure avec le fer qui attirait le froid et se munir d'un manteau épais qu'ils avaient (sa troupe et lui) acheté dans le village ou ils avaient trouvé le guide. La route était toujours praticable et il se trouvait donc devant les portes du châteaux. Il franchissait la voute, passant sous la herse et il pénétra dans l'enceinte de son vassal. Il regardait à droite et à gauche, observant un peu tout ce qui l’intéressait. Il aperçu bien évidemment le seigneur de Montévlin qui l'attendait de l'autre côté de la cour et sa sœur qui se trouvait un peu en retrait. Elle avait ses longs cheveux nouées en tresses impeccable. Elle arborait une sérénité plus profonde que son frère qui semblait plus tendu, surement en raison de la venue du baron. Des chariots suivaient, remplis de victuailles et autres denrées importantes. Il n'y avait pas de renforts pour le moment mais lors de leur rencontre, Jared avait expliqué que l'hiver, la neige bloquait nombre de cols et qu'il était plus facile de tenir en cas de tentative d'invasion. C'était dès le dégel que cela devenait plus compliqué mais à ce moment, le seigneur de Bastylle aurait déjà prévu d'envoyer des hommes pour aider à tenir la frontière comme il l'avait promit. Une relève serait faites pour les soldats qui n'étaient pas originaires de Montévlin afin de pourvoir sans discontinuer les positions de défense prévues. Par contre il était bien plus compliqué de trouver de quoi manger si des réserves n'avaient pas été faites au préalable. C'est pourquoi, Jérôme profitait de sa visite pour apporter de quoi subvenir à leur besoin, comme tout seigneur qui se respecte devrait le faire avec ses vassaux.

Les bâtiments et les murs étaient en bon état, ils semblaient bien entretenu, de même que les hommes, qui bien que certains semblant un peu négligés, avaient tous l'air vif et prêt à répondre aux ordres de leur seigneur. Le maitre des lieux, Jared, s'avança aux devants du châtelain de Bastylle alors que lui même continuait sa traversait de la cour du château. Il était content de se trouver la, appréciant de s'instruire comme il se devait sur les subtilités des montagnes. De même que sa rencontre avec la dame des lieux, Aline, avait été très apprécié, il était ravi de la voir de nouveau. S'attardant un peu, il se rendit compte que ses cheveux luisaient, apparemment humides ou mouillés, une folie par ce temps si froid et qui, aux dires du guide, n'étaient qu'un prémisse au véritable hiver qui ne tarderait sans doute plus à cette hauteur. Jérôme arborait un sourire franc car la compagnie de cette famille n'avait pas été désagréable et il souhaitait que cela continue par la suite. Il espérait que sa venue n'était pas vu comme une corvée.

Arrivé au niveau de Jared, le baron descendit de cheval. Un palefrenier vint lui prendre les rênes afin de le débarrasser de sa monture. Les deux nobles se saluèrent selon le protocole, chose que Jérôme détestait mais à laquelle il ne pouvait couper, surtout vu son statut. Ils conversèrent un peu dans la cour, le châtelain montrant les chariots qui le suivaient et revenant sur sa promesse qu'il n'aurait remit en question sous aucun prétexte. Le seigneur de Montévlin indiqua la porte du château, expliquant qu'il faisait meilleur à l'intérieur et qu'ils seraient mieux installés. Arrivant devant la porte, Aline accueillit Jérôme, lui demandant si la route s'était bien déroulée

"En effet, j'ai suivis vos conseils. Comme vous le voyez, je suis venu accompagné en cas de mauvaise rencontre et ce vaillant guide nous a amené jusqu'à vous sans encombre."

Ce n'était pas à Jérôme de demander à ce que le villageois soit bien traité alors qu'il n'était pas dans son château mais il pensait bien que ce serait le cas et ne s'inquiéta pas outre mesure.

"Dans tous les cas, me voila ravis par la vision qu'offre le paysage, surtout recouvert de neige, c'est beau, bien que difficile pour la vu lorsque le soleil tape."

Il avait en effet été surpris par l'éclat de l'astre du jour se reflétant sur la neige et amenant un vrai handicap pour la vue, obligeant presque à fermer les yeux.

Les dires du baron firent sourire la jeune femme qui ne lui accorda pas un regard mystérieux comme la dernière fois mais un empli d'une gentillesse toute sincère : elle appréciait cet homme et le fait qu'il vienne tenir la promesse faite envers son frère aîné n'était que pour lui plaire davantage. Ainsi il l'avait écoutée... et il ne savait que si peu, dans le fond !

"Le paysage des montagnes doit être bien différent de celui de votre région natale, messire. Je suis ravie de savoir qu'il vous plaît ! Mais sachez que vous n'avez encore rien vu.

Une invitation à en savoir plus ? Certainement. Jérôme savait à quel point elle pouvait être fière des Monts d'Or, aussi pouvait-il se douter qu'Aline devait avoir quelque chose derrière la tête. Et pourtant, non, ce n'était pas le cas. Du moins pas encore. Cela dépendrait du temps qu'accepterait de consacrer l'Ethernien à son vassal et aux gens vivant dans ce pays si haut pour n'importe quelle personne originaire des plaines. Si la jeune noble ressentait l'envie de faire découvrir ce si beau pays à celui qu'elle avait rencontré à Bastylle, elle savait très bien qu'il fallait du temps pour tout et que parfois ce temps manquait cruellement. Alors elle laissa les deux hommes à leurs affaires, sachant qu'elle les retrouverait le soir-même.

-Je vais vous laisser à vos affaires, je pense que vous serez beaucoup mieux au chaud."

Sur ce elle s'inclina d'une grâcieuse révérence et se dirigea vers l'extérieur afin de veiller à ce que ceux ayant accompagné le baron aient de quoi se nourrir et se réchauffer, n'ayant certainement pas l'habitude de ce climat, et aussi remercier comme il se devait leur guide. Elle s'avança donc vers la place, les cheveux toujours humides, faisant complètement fi du vent apportant avec lui son lot de neige et de froid.

Jared emmena donc son suzerain dans une pièce où les attendrait un bon feu des plus chauds. En traversant le long couloir menant d'une quelconque pièce à l'entrée d'où il venait, Jérôme put constater que s'il y avait des décorations dans le château, elles étaient loin de rivaliser avec celles des pays plus riches du bord de mer ou encore du sud de la Péninsule : peu de statues, surtout de grandes tapisseries évoquant des scènes plus ou moins historiques (les plus importantes se trouvant dans la grande salle où le châtelain tenait conseil et écoutait les doléances de son peuple), des meubles de bois certes bien confectionnés mais ayant relativement peu de sculptures... Certains se plairaient à dire que le baron se retrouvait là chez des descendants de barbares n'ayant aucun goût, Jared quant à lui préférait parler de modestie et surtout de logique : pourquoi se décarcasser à trouver des meubles venant d'horizons lointains et ayant d'innombrables fioritures alors qu'un simple meuble rectangulaire fait très bien l'affaire et que la différence de prix entre ces deux types de meubles, à force, permet de mieux pouvoir s'occuper de son peuple ? Son père avait fait un choix à ce sujet et Jared n'était vraiment pas du style à faire changer la châtellenie de Montévlin de voie.

En ce qui concernait les gens, Jérôme avait pu en croiser accoutrés en bons montagnards, avec d'épais vêtements et d'autres moins "typés". Dans le château, il y avait surtout des gens habillés assez simplement, notamment les serviteurs ou gens travaillant dans divers quartiers, d'autres avaient des habits beaucoup plus fins sans pour autant être parés d'ors et de bijoux, comme pouvait l'être Jared en cette fin de journée. Et dans tous ces gens habillés simplement, l'Ethernien ne put que remarquer une dame fort bien bâtie qui courait vers l'entrée sans grande rapidité tout en maugréant entre ses dents. Les longs cheveux trépus blond foncé et encore humides, cette femme assez rondelette avait certes un visage bien rond, mais ses traits étaient très fins et pour qui prenait le temps de regarder, ses yeux marrons étaient aussi expressifs que beaux. Par contre, lorsqu'elle était en colère, son langage ne suivait pas... Elle ne prit même pas le temps de s'arrêter en voyant Jared tout en balançant de sa voix forte, coupant net toute conversation entre les deux nobles par la puissance de sa voix.

"Mé v'in ch'te foué ell' s'pas cueillu dun chwoyet ?!
-Si...
-C'te grenouille d'tiote !

Alors que la bonne femme courait de plus belle, Jared eut du mal à réfréner le rire qui le prenait. Ah cette fabuleuse femme... fallait-il qu'elle couve ainsi celle qu'elle considérait comme une fille ? Il se concentra pour se retourner vers de Clairssac, cette fois-ci plus gêné qu'autre chose de par le comportement de la dame.

-Veuillez excuser Meivèn... Elle est la dame de compagnie et anciennement la nourrice d'Aline et se comporte comme un aigle parfois trop protecteur envers ma soeur... et elle a tendance à ne plus parler qu'en patois de la région lorsqu'elle est dans cet état, aussi. Mais surtout ne la sous-estimez pas, cette femme est d'une très grande habileté avec un rouleau à pâtisserie ! Elle a déjà défait nombre de gobelins avec cette arme de prédilection."

Puis il repartit, laissant son suzerain décider de si ces dires étaient une blague ou non ; Jared, à ce moment précis, semblait tout à fait sérieux.

~~~~~~~~

Le soir venu, Jared et Jérôme se retrouvèrent à table dans une salle spacieuse mais pas pour autant très grande, encore assez intime avec ses quelques tapisseries accrochées aux murs, avec les différents conseillers du jeune châtelain et ceux que le baron souhaitait avoir à sa table. Parmi ces premiers était le vieux prêtre de Néera, Yven, qui commençait à avoir du mal à beaucoup se déplacer à cause de son grand âge. Le vieil homme posa nombre de questions à Jérôme, en toute humilité, ayant eu vent des rumeurs allant à son sujet concernant ses conquêtes et le fait que Néera elle-même avait béni cet homme. Il y avait en quantité mais pas en excès, si bien que chaque personne eut pour sa part, voire même plus, mais il ne resta que peu à la fin de celui-ci. Aline ne fut pas présente lors de ce repas mais rejoint les deux hommes plus tard, dans la bibliothèque familliale. L'ambiance était plutôt à la détente, Jared ne voulant aucunement accaparer son suzerain de sujets politiques. Ils avaient eu le temps de parler de ces choses-là, aussi l'avait-il convié à prendre le temps de parler de tout et de rien au coin du feu, un verre de vin typique de la région à la main.

Après avoir rassuré Meivèn concernant le fait qu'elle ne risquerait pas de faire de bêtises avec le nouvel arrivé et que de toute façon son frère était déjà dans la pièce, Aline entra discrètement dans la pièce et vint s'asseoir auprès des deux nobles, les cheveux cette fois-ci secs et complètement dénoués. Jérôme était déjà au courant de ce temps qu'il passerait avec la petite famille.

"Hé bien, les hommes sont déjà au verre de vin ?
-Aline...

La jeune femme sourit à son frère qui avait prononcé son prénom d'un ton où se voyait la plaisanterie puis se tourna vers Jérôme.

-Avez-vous passé une bonne journée messire ? J'espère que mon frère et ses conseillers ne vous ont pas trop fatigué..."

Elle taquinait gentiment son frère, cela se voyait dans son regard ainsi que dans son sourire. Sincèrement, elle était contente de revoir cet homme avec qui elle avait pu discuter dans le jardin de Bastylle, avant que Jared ne prenne la décision de lui jurer allégeance. De quoi parleraient-ils cette fois-ci ? Elle n'en savait rien. Elle avait plusieurs choses à dire à son frère mais elle se voyait mal discuter de Dameciel et de Céliann devant lui, elle ne voudrait pas le mettre mal à l'aise. Elle le laissa donc répondre à sa question tout en acceptant le verre que lui proposait tout bas son frère.

Aline, avec sa chevelure blonde était un véritable rayon de soleil dans cet hiver. Le sourire qu'elle fit à Jérôme était rempli de sincérité et de gentillesse et c'était une bouffée de chaleur. Elle répondit en expliquant au baron qu'il n'avait rien vu et il était prêt à la croire puisqu'il n'avait grimpé que le chemin pour venir voir son vassal

"Je ne doute pas un instant que vous ayez raison, ce sera un plaisir, si vous l'acceptez et que votre frère me l'autorise, d'en apprendre plus sur vos terres"

Il dit cela sur le ton de la bonne humeur, ce n'était pas du tout une insulte dissimulée envers Jared pour dire qu'il était ennuyeux loin de la. Il faisait la montre de courtoisie et au fond, c'était aussi la vérité. Aline s'excusa ensuite, fit la révérence et se dirigea vers ses hommes, leur indiquant ou ils pouvaient se mettre au chaud. Jérôme se retourna et, l'espace d'un instant, oublia Jared. Il regardait cette dame qui semblait si étonnante à ses yeux. Revenant à la réalité, il suivit son vassal à l'intérieur ou il faisait bien meilleur qu'à l'extérieur. Ils se dirigèrent dans une salle ou ils seraient seul ou du moins en comité restreint avec quelques conseillers. Sur le chemin, Jérôme ne manqua pas de regarder de droite et de gauche les décorations du château. La moindre des chose à dire, c'est que c'était austère, pas de luxueuse tenture ou de nombreuses choses afin de surenchérir sur les richesses. Et contre toute attente, le baron apprécia, en effet lui même n'était pas à vouloir toujours en faire plus que son voisin. Il appréciait les tableaux ou tenture historique et narrant les grandes batailles, c'était indéniable et il ne crachait pas non plus sur l'art mais il n'était pas un fin connaisseur et il préférait laisser cela à d'autres. Il en était de même concernant les habitants du château, tout semblait être simple, rien d’ostentatoire, par contre il semblait que tout le monde travaillait ou allait et venait sans montrer de signes de nonchalance ou de désagrément. Le bonheur semblait régner et c'était une chose des plus appréciable et qui ne manqua pas d'être vu par le baron. Une dame approcha, elle faisait son poids et elle semblait fulminer contrairement aux autres, ce qui intrigua Jérôme. Puis il compris qu'elle était la nourrice ou chaperonne d'Aline et elle tira un sourire au châtelain de Bastylle qui était étonné d'entendre quelqu'un se plaindre du comportement de la sœur de Jared mais ne manqua pas de se souvenir de Mathilde et de son don pour faire tourner en bourrique ses précepteurs

"Elle est toute excusé voyons? J'ai une sœur aussi et j'ai quelques souvenirs de ce genre."

Son sourire était encore plus franc et il ne doutait pas de l'habilité de cette femme avec un rouleau. Lui même en avait reçu quelques coups de la part de la cuisinière en chef lorsqu'il tentait de dérober des pâtisseries. Ils discutèrent de beaucoup de choses en commençant par ce que le baron avait amené avec lui, des remerciements pour sa promesse tenue en passant par l'hiver qui se profilait et les dangers qui pouvaient survenir, que ce soit les monstres alentours ou une attaque d'un ennemi.

La journée passa rapidement et le soir arrivant, le seigneur des lieux emmena son invité dans la grande salle afin de se restaurer. Jérôme fut un peu déçu en s'apercevant qu'Aline n'était pas présente mais il fut entreprit par un prêtre qui lui posa de nombreuses questions, en particulier sur ses campagnes et sur la rumeur qui disait qu'il était béni de Néera

"La guerre est une chose épouvantable qu'il faudrait oublier et qui pourtant est un mal nécessaire. J'ai eu beaucoup de chance lors de mes campagnes et j'ai eu la chance jusque la de toujours en sortir victorieux mais le prix à payer en vaut il la peine ? c'est une question qui me revient souvent en tête. Le nord est désuni et c'est un triste constat, il faudra bien que quelqu'un se lève et réussisse à en refaire ce qu'il doit être. Quand à la bénédiction de la déesse Néera, je la prie avec ferveur mais je doute qu'elle ne cautionne les carnages que sont les champs de bataille. Maintenant, s'il lui plait de m'aider dans mes entreprises, je ne la rejetterais pas, c'est une évidence, il faudrait être un sot"

Il répondit à toutes les questions qu'on lui posa, en évitant habilement quelques unes auxquelles il ne voulait pas répondre. Le repas fut bon et lorsqu'il fut terminé, Jared emmena alors Jérôme dans une bibliothèque. Il lui servit du vin ainsi qu'à lui même puis ils discutèrent mais pour une fois, ce n'était pas de politique, ce que Jérôme apprécia. Il était rare de parler d'autre chose entre noble et il fut satisfait de pouvoir s'entretenir d'autres choses, que ce soit de la chasse et des différences entre le sud et le nord ou d'art et bien d'autre. Jérôme ne se rendit pas compte de l'entrée d'Aline, occupé qu'il était à expliquer à Jared ce qu'il avait apprit de la chasse au faucon. Il fut donc surpris lorsqu'elle prit la parole, se trouvant juste à côté d'eux et il se leva maladroitement comme il convenait lorsqu'une dame arrivait. Il comprit la plaisanterie ou espérait qu'il avait bien compris et il répondit avec un sourire sur le même ton

"Je suis désolé pour vous mais ils n'y sont pas parvenu. La journée était protocolaire mais il est malheureusement obligé d'avoir recours à ce genre de réunion afin de discuter de choses importantes et très rébarbatives. Enfin le peuple attend de nous que nous le dirigions comme il se doit et nous ne pouvons lui faire défaut."

Jared tendit un verre à Aline et elle s'assit, le baron en faisant de même

"Puisque nous en étions à discuter de tout sauf politique, puis je me permettre de vous demander si dame Meivèn à réussit à vous mettre la main dessus ?"

Il avait une lueur d'espièglerie en disant cela et il prenait un risque certain en étant aussi direct mais sans savoir pourquoi, il se sentait très bien dans cet endroit.

"Je suis désolé pour vous mais ils n'y sont pas parvenu. La journée était protocolaire mais il est malheureusement obligé d'avoir recours à ce genre de réunion afin de discuter de choses importantes et très rébarbatives. Enfin le peuple attend de nous que nous le dirigions comme il se doit et nous ne pouvons lui faire défaut.

Cette façon si directe de lui répondre alors que le châtelain lui-même était présent en ce moment même amusa la jeune noble qui, si elle se doutait que ces paroles ne seraient pas mal interprétées par Jared - d'autant plus qu'il ne semblait aucunement stressé par cette discussion, elle lui jeta un coup d’œil et en profita pour le remercier du verre qu'il lui tendait. Oh que oui, les journées dites administratives pouvaient s'avérer fort ennuyeuses ! Si elle ne faisait pas partie officiellement du conseil entourant son frère aîné, elle savait à quel point ce genre de réunions pouvait être fatiguant, à défaut d'être intéressant. Au moins le baron n'avait pas passé une mauvaise journée et lui et son frère semblaient s'entendre au mieux, c'était déjà cela.

-Voilà une belle valeur, Messire, que de vous préoccuper de votre devoir et donc de ceux qui vous sont confiés.

Elle aurait pu aller plus avant dans sa pensée mais elle se retint, laissant le soin à son frère de revenir sur ce domaine quand il le souhaiterait. Mais elle ne pouvait qu'apprécier cela, vraiment : cela la confortait la première impression qu'elle avait eue de l'Ethernien ainsi que la décision qu'avait pris Jared de lui jurer allégeance alors qu'il aurait pu choisir d'entrer dans une guerre pouvant mener à tout comme à rien. Elle en reparlerait avec lui plus tard, mais de ce qu'elle pouvait voir de lui tout en le connaissant, il semblait avoir le même avis qu'elle - sinon il aurait été beaucoup plus ferme et aurait fait attention à ne pas se servir un trop grand verre d'alcool.

-Puisque nous en étions à discuter de tout sauf politique, puis je me permettre de vous demander si dame Meivèn à réussit à vous mettre la main dessus ?

Là ce fut plus fort qu'elle, Aline se mit à éclater rire à la mention de sa chère et tendre nourrice. Mettant sa main devant sa bouche par politesse, elle eut du mal à arrêter le son cristallin qui sortait de sa bouche.

-Oh que oui ! La pauvre, j'ai bien cru qu'elle allait faire une crise en me voyant dehors le cheveux mouillés ! Mais bon, c'est une femme adorable, je ne crains rien avec elle."

Un doux sourire accompagna cette pensée, sourire autant adressé à la bonne femme absente qu'au suzerain de son frère. Jared la regarda, l'air pensif ; il venait de voir en elle quelque chose d'inhabituel, quelque chose qui le laissait à réfléchir... Un fin sourire se dessina également sur ses lèvres, mais pas en raison de la discussion que relançait la jeune Aline.

Le soir s'en fut et le jour passa, l'air de rien, demandant aux deux hommes de noble naissance de retourner passer le plus clair de leur temps à quelques réunions concernant le fief de Montévlin et, par extension somme toute légitime, à Bastylle ainsi qu'à Etherna. Il ne faisait pas fort froid - du moins de l'avis des montagnards - aussi pouvaient-ils voir sans problèmes par la fenêtre nombre de gens s'afférer dès le petit matin et sans réticence malgré le vent aux différentes tâches qu'étaient celles liées à un début d'hiver. Cela s'annonçait bien pour le baron qui se devait de repartir vers les plaines pour quelque affaire que ce doit. Cependant, le temps se montre bien souvent imprévisible et facétieux si bien qu'arrivés en début de soirée, un homme trapu et des plus costauds vint voir son seigneur afin de lui faire part de ses observations.

"Monseigneur ?
-Ah Naran ! Entre, que me vaut ta visite ?

Jared sourit en faisant entrer l'homme dans la même salle où se tenait le conseil quelques minutes auparavant. Un vieux de la veille qu'il appréciait tout particulièrement même si celui-ci avait toujours tenu à ne pas l'appeler par son prénom. En effet, Jared avait eu à apprendre pas mal de choses de lui, surtout pendant les temps de moissons où lui et sa famille allaient dans les villages afin de voir et d'aider si besoin.

-Dis-moi, ton baron doit toujours repartir dans les plaines demain ?
-En effet, en espérant que le temps le permette.
-Ben je ne crois pas que le temps sera avec lui, justement... Le vent souffle depuis le nord-est et apporte avec lui les épais nuages de neige. Les tempêtes de neige commenceront au plus tard demain matin, partir maintenant serait folie même pour un vieux fou comme moi.
-Ah... Il fallait bien qu'elle vienne un jour, de toute façon...

Jared sembla réfléchir quelques instants, portant la main à son menton. Si Naran ne se trompait pas - et il avait de quoi lui vouer une grande confiance en ce domaine - il vallait mieux en effet que de Clairssac ne reparte pas le lendemain matin. Ils allaient entrer dans une période où tout serait bloqué, que ce soit du côté des Humains comme de celui des différents êtres peuplant ces montagnes. Qui ne s'abritait se perdait généralement dans les cols pour finir par mourir de froid ou dans une crevasse qu'il n'aurait pas pu voir.

-Je suppose qu'on ne peut encore savoir si cela durera longtemps ou pas ?"

Le chasseur secoua négativement de la tête, ce qui ne l'étonna pas. Tout ce qu'il pouvait faire maintenant, c'était envoyer un pigeon jusqu'à Nored pour prévenir que son suzerain aura un retard dont la durée serait non prévisible et prévenir le concerné. Il remercia l'homme d'âge mûr, rouvrit la porte et sortit à sa suite pour s'en retourner vers la salle où il avait l'habitude de déjeûner en famille - il n'allait quand même pas rester vingt-quatre heures sur vingt-quatre avec ses conseillers, non ? Un peu de vie privée ! - où devait déjà se trouver Aline si ce n'était Jérôme également. Lorsqu'il entra dans la pièce Aline était déjà assise à discuter avec Jérôme, comme toujours plongée dans la description de certains lieux que le baron avait pu apercevoir de loin. Jared eut un petit sourire en coin en la voyant ainsi puis s'avança jusqu'à la table.

"Veuillez excuser mon retard, il faut croire que la journée n'est finalement pas terminée pour moi. Mais il me semble que ma chère soeur n'a pas pu s'empêcher de vous conter bien des choses sur les Monts d'Or ?

Aline répondit à la boutade de son frère par un simple sourire avant de le regarder plus en détail.

-Quelque chose ne va pas, Jared ?
-Rien de très grave, heureusement. Il vaudrait mieux que vous reportiez votre départ, Monseigneur ; une tempête de neige approche à grands pas et s'y risquer même en ayant connaissance de chaque coin que recelle cette région est trop dangereux à ce moment-là. Par contre elle durera certainement plusieurs jours..."

Le devoir, voila une chose qui prenait beaucoup de temps et vous rattrapait tout le temps, du moins lorsque vous étiez un seigneur qui s'en préoccupait. Aline semblait penser que c'était une valeur que de tenir cela à cœur. c'était en effet une chose à laquelle Jérôme pensait quasiment tout le temps mais il faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Le baron salua d'un signe de tête la remarque de la sœur du châtelain. Aline se mit à rire ouvertement à l'allusion de sa nourrice. Elle expliqua que le fait d'être dehors les cheveux mouillés l'avait désespéré mais il semblait bien qu'il y avait une connivence entre les deux femmes. Cela rappela à Jérôme sa sœur Mathilde et toutes les histoires lorsqu'ils étaient enfants. Décidément, cette famille de Montévlin était un vrai régal pour Jérôme qui s'y sentait très bien. IL n'était pas tendu comme souvent lors de rencontres avec certains nobles pompeux, à cheval sur l'étiquette. Ici tout semblait tourner sans devoir donner des ordres, chacun sachant ce qu'il devait faire. Il n'y avait qu'à superviser et prévoir, signe d'un bon seigneur. La soirée se passa très bien entre ces trois personnes qui discutèrent de beaucoup de choses sans en venir à la politique. Jérôme dormit très bien dans ce calme qui était très rare ces derniers temps pour lui, un sommeil profond et récupérateur qui lui serait profitable.

Le lendemain fut une journée similaire à la veille, Jérôme s'entretint avec Jared et ses conseillers sur le domaine de Montévlin. Il voulait découvrir tout ce qu'il ne connaissait pas en rapport avec la gestion dans des montagnes ainsi que les besoins. Il en avait déjà parlé à plusieurs reprises avec le jeune châtelain mais c'était toujours bon de conserver en tête tout ce qu'il fallait. Ils parlèrent ensuite forcément de Bastylle et de la suite logique à la conquête du baron. Ils parlèrent également d'Etherna et Jérôme répondit à toutes les questions légitimes auxquels les nobles pourraient se poser des questions, les rassurant sur l'avenir. Le seigneur d'Etherna avait bien un projet d'envergure en tête qui ne plairait sans doute, à moins que cela soit le contraire car il y aurait alors des querelles en moins mais il le garda pour lui, ayant d'autres impondérables avant de se lancer. En effet Oësgard était un soucis de taille, surtout qu'il y avait une frontière commune avec Serramire et en particulier avec le domaine de Montévlin qui se situait sur la montagne. C'était un problème qu'il faudrait résoudre, d'autant plus que l'ancienne baronnie s'était émancipée. Jérôme avait apporté son soutien au seigneur actuel et il avait espéré avoir bonne entente avec lui mêms s'il trouvait que d'avoir accepté son indépendance était une hérésie de la part de Diantra. Toutefois, la disparition soudaine avait mit un terme à cette idée et l'avenir incertain qui allait découler de cette perte était inquiétante pour les terres limitrophes.

La journée passait et le baron se surprit à penser au lendemain, date annoncée de son départ. Il était partagé entre l'envie de partir au plus vite afin de mettre à exécution ses plans, prouvant une fois de plus qu'il était un seigneur de guerre malgré son dénie et la déception de quitter un endroit ou il se sentait bien, un lieu chaleureux avec des personnes des plus sympathiques. Jérôme laissa également Jared seul avec ses conseillers. En effet le seigneur devait bien s'entretenir avec ses amis et vassaux sans que le baron soit présent à chaque instant, bien qu'il le put mais ce dernier avait préféré ne pas trop s'imposer et donner l'illusion qu'il voulait tout régenter sans faire confiance. Il se promena alors au sein du château et de la cour, regardant tout le monde s'activer. La soirée arriva et il fut convié à rejoindre la sœur du châtelain pour le repas. Lorsqu'il pénétra dans la salle, il fut surpris de la trouver seule, il s'attendait de nouveau à un repas entouré de tant de monde. Il s'attabla et une discussion débuta sur les monts d'or, la jeune femme était toujours pu avare de paroles lorsqu'elle parlait des terres qui l'avaient vu naitre.

Jared fit son entrée, il s'excusa de son retard et fit allusion à la conversation de sa sœur. Jérôme fit un sourire à Aline en répondant à son frère

"Il semble qu'elle ne manque pas de ferveur lorsqu'il s'agit de faire l'éloge de vos terres."

Aline demanda alors à Jared s'il y avait quelque chose qui n'allait pas, Jérôme s'arrêta alors et écouta. Apparemment une tempête menaçait et il était préférable de reporter son voyage de retour. Le baron s'inquiéta alors, prenant peur d'être bloqué tout l'hiver dans ces montagnes. Non que cela l'embêterait au final vu qu'il s'y sentait bien mais il avait malheureusement de nombreuses autres obligations et il voulait mettre tout en œuvre avant le printemps concernant son entreprise. Il fut soulagé lorsque Jared expliqua qu'il ne serait retardé que de quelques jours. cela le retarderait dans ses projets c'était certain mais bon, il avait des gens pour suppléer à ses absences. Finalement soulagé de se souvenir de cela et content de passer un peu plus de temps en ce lieu, il sourit

"Je m'en remet à votre jugement. Si vous dites que partir est trop dangereux, alors je resterais un peu plus, du moins si vous voulez bien de moi."

Une petite note d'humour au passage ne faisait jamais de mal. Jared expliqua qu'il avait déjà prévu d'envoyer un message grâce à un pigeon qui informerait la ville en contrebas qui à son tour enverrait un messager prévenir du retard du baron. Le repas se passa fort bien, en intimité, Jérôme avait limite l'impression de s'imposer et par moment il était gêné mais l'ambiance était très bonne. Une fois qu'ils eurent terminé, Jérôme prit congés et alors qu'il allait regagner sa chambre, Aline et Jared décidèrent de l'accompagner. Toutefois, le châtelain fut rappelé à ses devoirs même en cette heure tardive et il s'excusa, laissant sa sœur et le baron seuls. Il était rare qu'une femme et un homme de noble naissance se retrouvent seuls et Jérôme se trouva quelque peu embarrassé. Il décida pourtant de ne pas le montrer, dans la mesure du possible et il relança donc la conversation sur les monts d'or

"Une tempête de neige doit être une chose courante pour vous mais je n'en connais que des histoires. Sont elles si terribles que cela ? Devrons nous rester cloitré à l'intérieur ou est ce qu'il serait possible de la voir ?"

Il était curieux de voir un spectacle réputé aussi dangereux que beau.

"Je m'en remet à votre jugement. Si vous dites que partir est trop dangereux, alors je resterais un peu plus, du moins si vous voulez bien de moi.

Une petite note d'humour qui fut bien prise. Jared avait quelque peu eu peur que cette nouvelle dérange le baron dans ses affaires, quelles qu'elles fuent, mais visiblement l'homme pouvait prendre le temps de quelques jours... à savoir s'il ne devrait pas rester plusieurs ennéades, pour tout dire, mais le châtelain préférait ne pas supposer une telle chose devant son suzerain. Que le sort en soit jeté, ils verraient bien ce que leur permettrait le temps !

Le repas fut des plus normaux, joignant nourriture et convivialité entre les trois êtres. Comme toujours les cuisinières osaient le "ni trop ni trop peu", si bien que les nobles avaient assez à manger tout en ayant l'occasion de finir les plats de sorte à ce que le minimum ne soit gâché et donc avoir la certitude qu'il y aurait assez de provisions pour tous pendant les dures périodes d'hiver. Si cette manie pouvait étonner l'éthernien qui était peut-être habitué aux somptueux festins organisés dans les cours, les deux jeunes Frouassier emblaient y être habitués depuis fort longtemps, ce qui aurait pu leur porter à préjudices : quel noble se comporte-t-il comme une simple personne de son peuple ? Lequel ne laisserait-il pas de la nourriture au fond du plat pour qu'elle soit donnée à sa meute de chiens ? Peut-être était-ce une simplicité gardée par intérêt autant que par tradition, le peuple des montagnes n'étant au départ qu'un clan parmi tant d'autres...

Alors que le souper se terminait et que Jared allait raccompagner Jérôme jusqu'à ses appartements, il fut appelé par un serviteur à propos d'un problème à l'entrée de la ville : la neige avait commencé à tomber drue et les problèmes liés à cette attaque de la nature s'abattaient déjà dans différents coins de la région - du moins pouvait-on s'en douter. Regardant son frère partant en courant vers l'entrée du donjon, Aline eut un petit sourire avant de raccompagner seule le baron jusqu'à sa chambrée. Meivèn aurait certainement crié en le sachant mais la jeune femme ne se faisait aucun soucis à ce sujet : Jérôme semblait être tout aussi digne de confiance qu'être un homme d'honneur. Elle marcha donc à ses côtés, se tenant droite comme on le lui avait appris sans pour autant perdre de sa souplesse, écoutant l'ethernien reprendre la parole et remarquant avec un fin sourire les mimiques démontrant la gêne qui le prenait.

-Une tempête de neige doit être une chose courante pour vous mais je n'en connais que des histoires. Sont elles si terribles que cela ? Devrons nous rester cloitré à l'intérieur ou est ce qu'il serait possible de la voir ?
-Oh, vous aurez l'occasion de la voir à travers la fenêtre et surtout de l'entendre, messire... alors vous comprendrez qu'il vaut mieux en effet éviter de sortir lorsque le vent gronde en emportant avec les fines fleurs du ciel vous fouettant le visage et vous empêchant de voir où exactement vous mettez les pieds. Sortir dans la ville passe encore mais aller plus loin dans les montagnes devient trop dangereux pour quiconque, alors il vaut mieux rester au chaud chez soi. Ce n'est pas pour autant que la robe hivernale n'est pas belle, vous savez ; j'espère que vous aurez la possibilité de prendre le temps de visiter quelque endroit des monts avant de repartir au bord de la mer chez vous, une fois que la tempête sera passée et le soleil revenu.

Son sourire s'agrandit et, ayant jusque là fait comme si elle n'avait rien remarqué du comportement de Jérôme, elle se tourna vers lui et prit un air taquin.

-Seriez-vous ambarassé, messire ? Serait-ce le fait de devoir rester coincé quelques jours de plus ici ou bien le fait de vous retrouver seul avec une femme ?

Sottises, voilà ce qu'elle pensait. Pourquoi les femmes de noble naissance ne pouvaient-elles pas discuter avec qui elles voulaient, sans pour autant aller jusqu'à la bêtise, y compris avec des hommes ? Une tradition qu'elle n'aimait guère mais, fort heureusement pour elle, était appliquée moins sévèrement ici que dans d'autres contrées humaines. Elle avait encore la chance de pouvoir se ballader à cheval sans être continuellement suivie de nombre d'autres femmes et pouvait encore discuter avec les villageois sans avoir le soucis de faire trop attention à ce qu'elle disait parce que surveillée au moindre recoin.

-Si la tempête s'arrêtait tôt... resteriez-vous quelques jours encore ? ou repartiriez vous de suite ?"

L'on pouvait dire que le châtelain était un homme simple et qu'il ne se formalisait pas de son statut de noble. Cela aurait pu choquer Jérôme, noble de haute lignée, d'une ancienne famille et parvenu à se hisser au titre de baron et ajoutant d'autres titres comme châtelain de Bastylle par exemple. Mais ce n'était absolument pas le cas, et même au contraire, il appréciait cette simplicité qui était une bouffée d'air frais dans le monde méphitique qu'est celui de la pure noblesse. Aline et Jérôme marchaient en direction de la chambre du seigneur d'Etherna et la sœur de Jared répondit. Il semblait qu'une tempête de neige était un spectacle impressionnant et Jérôme aimerait bien le voir autrement que par une fenêtre. Sortir en restant dans le village tait apparemment possible

"Je pense que j'apprécierais de me confronter à une tempête et sentir ce vent sur mon visage. J'ai beaucoup entendu parler de la neige et je me suis toujours demander si c'était aussi beau qu'on le dit."

Aline se tourna vers Jérôme et lui demanda ce qui l’embarrassait. Cette fois il ne sut retenir un rougeoiement sur son visage et il hésita un instant avant de répondre le plus franchement possible et en cherchant à taquiner à son tour la jeune femme

"Il va de soit que cela me dérange de rester car j'ai beaucoup de choses à faire." Il sourit pour indiquer que c'était de l'ironie et enchaina sans s'arrêter "mais votre accueil est tellement parfait qu'au final je ne regrette rien, bien au contraire, cela me permet d'apprendre à mieux vous connaitre."

Il marqua une très courte pause, toujours les joues roses

"Vous avez donc raison, ce qui m’embarrasse est de me retrouver seul en votre charmante compagnie. J'espère que cela ne vous fera aucun tord ?"

Il arrivait en effet que certaines rumeurs circulent lorsque deux personnes du sexe opposé se retrouvaient seul et il ne voulait pas apporter des soucis à la famille de Montévlin. Elle demanda également s'il repartirait aussitôt après la tempête ou s'il resterait plus longtemps

"J'apprécierais de rester un certain temps mais mes obligations m'obligent à partir. Je dois tenir mes devoirs envers tous ceux qui croient en moi, je ne peux pas leur faire faux bond, même si cela doit aller à l'encontre de mes désirs."

Il failli ajouter quelque chose mais il se retint au dernier moment

La jeune noble eut un tendre rire en entendant la réponse de Jérôme qui, si elle était des plus courtoises et également des plus appréciables, ne pouvait être que bien accueillie par elle. Voir rougir le baron l'amusa fortement et c'est avec gentillesse qu'elle répondit à sa crainte que rester seul avec elle lui ferait du tort.

"A croire que les gens ne pensent aucunement à des choses simples et aucunement douteuses... Elle soupira doucement avant de reprendre, le regardant droit dans les yeux. Je ne pourrais dire si le fait que nous discutions tout en marchant dans un couloir et ce le plus simplement du monde me porte à préjudice. Mais normalement cela devrait aller, il faut croire que j'ai plus de libertés que certaines femmes et le fait de souvent discuter avec des hommes doit certainement aider à cela !

Une petite d'humour véridique sur la fin mais dans le fond, cette éthique de la femme noble qui ne doit pas approcher un homme de son rang voire même autre l'énervait plus qu'autre chose. Elle était une femme qui avait besoin de liberté et d'être active et, si elle n'avait pas gardé ce fort lien d'amitié entre elle et Thiev depuis leur tendre enfance, cette liberté relative de parler à beaucoup de monde - y compris des hommes - se serait certainement vue amoindrie. En effet, le fait d'être habitué à la voir discuter et jouer avec un garçon de son âge avait ouvert quelques esprits la concernant, de plus que rien ne s'était jamais rien passé entre eux. Balayant ces pensées de son esprit, elle demanda au baron s'il resterait bien encore quelques jours si la tempête venait à très rapidement se terminer. Cachant une quelconque timidité qui avait voulu poindre son nez alors qu'elle posait cette question, elle avait fait exprès de ne pas dire pourquoi elle avait posé cette fameuse question.

-J'apprécierais de rester un certain temps mais mes obligations m'obligent à partir. Je dois tenir mes devoirs envers tous ceux qui croient en moi, je ne peux pas leur faire faux bond, même si cela doit aller à l'encontre de mes désirs.
-Je comprends bien messire...

Elle remarqua qu'il s'empêcha de continuer sa phrase, aussi ne l'avait-elle pas brusqué. Il irait plus loin dans son raisonnement s'il le souhaitait, aucunement parce qu'elle se serait montrée trop curieuse. Faisant attention à où ils allaient, elle fit signe à l'ethernien de prendre le couloir qui partait sur la gauche et emprunta des escaliers en colimaçon. Pensive, elle s'arrêta un instant au niveau d'une fenêtre donnant vers l'ouest et attendit qu'il soit à sa hauteur. Au-dehors la neige battait son plein, les empêchant de voir les monts ne se trouvant pourtant pas si loin.

-Voilà la neige et encore le vent ne s'est visiblement pas décidé à souffler de toute sa puissance. Si vous le souhaitez je pourrai vous emmener à un lieu précis de la ville demain, si le temps le permet, rester près du donjon serait le mieux. Que diriez-vous du temple ? A moins que vous n'ayez une autre suggestion ?"

Puis elle reprit la montée vers le deuxième étage, les appartements de Jérôme n'étant plus bien loins.

Aline répondit aux craintes du baron par un simple rire. Elle ne semblait pas s'affoler outre mesure des convenances et cela semblait être le cas de tout le monde au sein du château. Les mœurs montagnardes ne sont pas les mêmes qu'ailleurs et ce n'était pas pour déplaire à Jérôme qui ne voyait en effet aucun mal à se promener en si charmante compagnie dans un couloir. Il n'avais pas aperçu la timidité sous-jacente à la question sur le nombre de jours qu'il resterait lorsque la tempête serait passée tout comme il n'était pas au courant de la motivation de la jeune femme qui l'avait poussé à lui poser cette question. Elle lui répondit simplement mais semblant vouloir dire autre chose ou alors attendant quelque chose et cela intrigua le baron mais il ne dit rien. Ils continuèrent leur chemin, Aline lui indiquant le chemin. Le château n'était pas immense et Jérôme aurait pu retrouver son chemin seul mais il laissa la sœur de Jared faire, profitant de sa compagnie. Elle le précéda dans un escalier en colimaçon puis elle s'arrêta devant une fenêtre. Il se porta à sa hauteur et ils regarda par la fenêtre la neige qui tombait drue tout autour. Le spectacle était fantastique et pourtant Aline indiqua que le vent n'était pas encore de la partie comme il se devait. Elle proposa au baron de sortir le lendemain en restant prêt du donjon ou alors de se rendre au temple. Un silence s'installa alors que Jérôme continuait de regarder par la fenêtre, comme hypnotisé par ce qu'il voyait. Il savait que la neige pouvait être un vrai fléau mais c'était d'une pureté époustouflante et il n'arrivait à pas se détacher

"C'est fascinant, la blancheur qui se répand sur le sol, amenant un air de pureté totale. Comment peut on imaginer que cela implique des dangers si grand ?"

Il marqua de nouveau un pause, son visage toujours tourné vers la fenêtre. La neige recouvrait le sol de son manteau blanc, masquant la boue et amenant une beauté sidérante.

"Le donjon ou le temple, comme il vous plaira, je ne doute pas que vous connaissiez mieux que moi les coins et recoins." Il sourit "Si cet endroit ne vous met pas en danger et qu'il permet d'englober le plus possible de détails, cela me conviendra parfaitement."

Aline reprit le chemin de la chambre qui avait été donné au baron d'Etherna. Jérôme lui emboita le pas et la rattrapa, se tenant à ses côtés. Il aurait bien fait encore plusieurs fois le tour du château afin que ce moment ne se termine pas. Il appréciait la conversation d'Aline qui parlait de tout et de rien et surtout pas de politique. Il se demandait d'ailleurs si cela l’intéressait et si elle était redoutable car il ne doutait pas qu'on lui eut inculqué autre chose que juste la façon dont une dame doit se comporter. Ils avançaient le long du couloir puis il se décida à poser la question qui l'avait intriguée

"Dites moi, je me demandais tout à l'heure" Il hésita un peu avant de continuer "pourquoi m'avez vous demandé si je resterais quelques jours après la tempête ou si je partirais de suite ? ma réponse ne semble pas vous avoir satisfaite. Ai je loupé quelque chose ?"

Il espérait soudainement ne pas avoir fait de bêtise ou dit quelque chose qu'il ne fallait pas.

"Le donjon ou le temple, comme il vous plaira, je ne doute pas que vous connaissiez mieux que moi les coins et recoins. Si cet endroit ne vous met pas en danger et qu'il permet d'englober le plus possible de détails, cela me conviendra parfaitement.
-Nous irons donc au temple, vous verrez, il est magnifique ! Enfin à moins que vous n'adoriez les bâtiments couverts d'or et de choses plus inutiles les unes que les autres...

C'était toute naturelle qu'elle parlait ainsi, se permettant de critiquer le goût de certaines personnes sans y mettre le moindre ton, faisant passer cela comme si de rien n'était. Mais Jérôme, en tant que noble des plaines, devait certainement être attentif à ce genre de phrases et devait donc très bien comprendre ce qu'elle sous-entendait. S'il était comme ces gens aux goûts exorbitants tant pis pour elle, mais de ce qu'elle avait pu comprendre de lui, il était du style à aimer la simplicité et n'était pas trop de ce bord-là. Si gentille, innocente et "simple" - oui malheureusement certains voient les montagnards comme des gens d'une simplicité d'esprit fort étonnante... et dans le mauvais sens du terme en plus - que certains pouvaient se permettre de croire... Non, elle était bien loin d'être de la sorte et sa franchise le montrerait certainement à plusieurs reprises au suzerain de son frère.

Etant arrivés en haut des escaliers, l'homme rejoignit la dame et c'est une nouvelle fois l'un à côté de l'autre qu'ils marchèrent, se rapprochant de plus en plus des appartements de l'invité surprise. Comme à son habitude Aline se tenait droite et quoiqu'elle souriait volontiers elle ne prenait aucun air pouvant être attribué à une enfant (comme de grands sourires, des gestes trop amples, etc.), montrant ainsi qu'elle était bien une adulte capable de prendre des responsabilités, même si cela restait de l'officieux. C'était devenu une habitude liée à son éducation, tout comme le fait de ne pas trop montrer ce qu'elle pensait. Et là, si elle n'en disait trop rien, elle aimait beaucoup la compagnie de cet homme venu d'Etherna.

-Dites moi, je me demandais tout à l'heure, pourquoi m'avez vous demandé si je resterais quelques jours après la tempête ou si je partirais de suite ? ma réponse ne semble pas vous avoir satisfaite. Ai je loupé quelque chose ?
-Hum...

Aline sentit la gêne s'installer en elle aussi rapidement qu'indépendamment de sa volonté, si bien qu'elle baissa légèrement la tête lorsqu'elle sentit ses joues devenir plus chaudes qu'elles ne devaient l'être. Oui, sa question de tout à l'heure... Pourquoi fallait-il qu'elle se soit lancée sur le sujet ?

-Hé bien... Peut-être ne devrais-je pas vous le dire, mais il s'avère que dans deux jours je fêterai mon vingtième anniversaire. C'était juste une question, veuillez bien m'excuser.

Elle accéléra le pas, ne souhaitant pas montrer l'embaras qui la prenait des plus sottement. Reprenant une grande inspiration, elle finit par s'arrêter pour se retourner vers de Clairssac, tout rougissement perdu dans le passé. Elle se remit à sourire, sans hypocrisie aucune, et tandit le bras vers le noble de la façon habituelle des dames lorsqu'elles souhaitent un bras pour s'appuyer, plus moins grâce à la galanterie masculine. Mais là, c'était plus pour pouvoir parler sans avoir à vraiment utiliser ses cordes vocales - à croire qu'au final elle ne maîtrisait pas encore ce type de situations.

-Mais maintenant que ce sujet est ouvert, resteriez-vous ? Enfin de toute façon cela ne m'étonnerait pas que la neige continue à tomber jusque là... J'espère que cela ne vous dérangera pas outre mesure messire, j'en serais bien en peine. Sachez que vous serez le bienvenu, soyez-en sûr."

Aline décida que la rencontre se déroulerait au temple puis elle jeta un petit pic, non destiné à Jérôme mais envers ceux qui se goinfraient de richesses. Etherna aurait pu passer pour un territoire du sud pour un nordiste, tout comme elle peut être une terre du nord pour un sudiste. Avant la conquête par Odélian, la baronnie faisant partie des plaines de l'Atral, proche du médian. Malgré cette position et la richesse de ses terres, Etherna n'était pas encore tombé dans le luxe fastidieux des villes du sud. Jérôme n'avait d'ailleurs rien fait pour changer cela, lui même préférant la simplicité et ne s'entourant de richesse uniquement pour ne pas paraitre plus rustre qu'il ne l'est et faire bonne figure mais il n'aime pas plus que cela. aller dans un temple de Néera lui convenait parfaitement, il en profiterait pour adresser une prière à la dame et elle savait qu'il en avait bien besoin avec tout ce qui se profilait dans les mois à venir.

"Les bâtiments auxquels vous faites référence m'indiffèrent totalement, le temple sera parfait."

Ils marchèrent côte à côté, se rapprochant toujours plus de la chambre du baron. Jérôme lui avait demandé pourquoi elle avait parlé du nombre de jours restants avant son départ et s'il resterait au cas ou la tempête s'arrêterait. Il avait répondu franchement et il remarqua que sa question venait d'apporter une gêne. Il se demanda s'il n'avait pas fait une erreur mais il n'osa pas s'enfoncer encore plus ou amener une porte de sortie. En effet elle réfléchit, ne répondant pas immédiatement et en baissant la tête, ce qui n'était pas son habitude jusqu'alors, se tenant toujours très droite. Elle se lança tout de même et apporta la lumière sur sa question. Ainsi donc, ce serait son anniversaire. Elle accéléra le pas, distançant le baron qui fut surprit et qui marqua un arrêt. Aline se retourna et avait apparemment reprit contenance et le contrôle sur elle même. Elle tendit son bras et Jérôme s'approcha afin de lui donner le sien afin qu'elle s'appuie dessus. Elle revint alors au sujet et demanda finalement de nouveau s'il resterait en expliquant qu'il serait la bienvenue.

Jérôme réfléchit quelques instants, une poignée de seconde à peine. Il avait énormément de choses à faire afin de préparer tout ce qu'il avait lancé et pire, ce qui se présageait dans l'avenir proche. Toutefois, il se sentait très bien dans cette famille qui lui rappelait la sienne et au final ce n'était que deux jours, un seul même puisque la tempête était bien partie et encore faudrait il qu'elle se soit calmée, ce qui n'était pas certain. Il tourna son visage vers Aline et lui sourit, l'un de ses sourires chaleureux, plongeant ses yeux dans ceux de sa partenaire de route

"J'aurais plutôt pensé que vous auriez voulu souhaiter votre anniversaire en famille et que la présence d'un étranger vous dérangerait."

Il marqua une courte pause

"Ce sera un plaisir pour moi de rester et vous souhaiter un bon anniversaire, même si la tempête se calme. Ce serait un affront que de rejeter une invitation et je ne suis pas un homme sans cœur."

Demander l'âge d'une dame n'était pas très polie mais maintenant il connaissait celui d'Aline puisqu'elle lui avait dit. Elle était jeune, c'était indéniable mais elle était en âge d'être mariée, il comprenait mieux l'allusion qu'elle avait faite lors de leur premier discussion dans les jardins de Bastylle.

*

Les deux compagnons se séparèrent devant le porte du baron. Il était plutôt d'usage que ce soit l'homme qui raccompagne la dame mais étant l'invité, il s'était plié à cette situation. Ils se souhaitèrent donc la bonne nuit et alors que Jérôme entrait dans sa chambre, se déshabillait et se mettait au lit, Aline regagnait sa chambre ou vaquait à autre chose. La nuit fut mouvementée et il dormit peu, en effet le vent se leva comme Aline l'avait prévenu et la tempête était quelque chose à laquelle il n'avait jamais assisté. il se leva donc très tôt et se prépara pour la sortie prévue. Il avait prévu des habits chauds, sachant qu'en plus de la neige, les temples étaient souvent froids. Il prit son petit déjeuner et se prépara, attendant que Aline vienne le chercher.

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