Comment faire ? [Aline]

De retour à Serramire, Jérôme repassa par Froissart. Il ne pouvait pas faire l'impasse sur son fief alors qu'il avait des devoirs et surtout des attentes. Aline de Montévlin s'y trouvait et il n'imaginait pas partir sans l'avoir vu. Il chevauchait en compagnie de Jared, les deux hommes ayant beaucoup parlé bien que ce dernier ne soit guère porté sur les mots avec ce qui était arrivé à sa soeur. Jared se demandait sans doute l'état dans lequel elle était. Faisant route vers Froissart en compagnie des troupes, ils avançaient vers leur destination, trop lentement au gout du baron. Les mots se tarirent au fur et à mesure de leur approche, laissant aux autres le soin de rire et de raconter leur façon de fêter la gloire de leur retour.

Le château en vu, Jared et Jérôme étaient bien silencieux, les deux hommes scrutant devant eux tout en réfléchissant. Paradoxalement, la fin de la route fut étonnement courte, sans doute le stress et l'envie que ça n'arrive pas finalement ? la crainte d'un rejet ou la terrible frustration de ne pas savoir comment faire. Arrivés dans l'enceinte, Jared et Jérôme donnèrent les rennes de leurs chevaux aux palefreniers avant de monter les marches de la citadelle. Le baron demanda ce qu'il en était de la dame de Montévlin et si elle se sentait bien puis il fit annoncer le retour de son frère. Il laissa bien entendu Jared retrouver sa soeur seul, ils avaient sans doute beaucoup de choses à se dire. Il attendit pour sa part à la porte, à l'étonnement de l'intendant qu'il congédia d'un signe de la main. Non qu'il désirait épier mais il voulait entrer afin de voir celle qui lui avait ravit son cœur. Il luttait pour ne pas ouvrir cette porte et aller serrer contre lui Aline. Il se posait mille et une question sur son état, si elle s'en remettrait, si elle accepterait un homme après ce qui lui était arrivé et est ce qu'elle l'accepterait lui. Sa présence ne serait elle pas toujours un rappel à ce qui lui était arrivé puisque c'était lui qui l'avait secouru et "assisté" durant les jours qui suivirent, ce qui pouvait être humiliant. Allez essayer de connaitre la façon de penser d'une femme ? alors une qui avait eut ce genre de sévices...

Il faillit s'avancer pour se coller à la porte et déprimer tout son saoul mais il resta à la place qu'il était, comme paralysé par la situation et ses sentiments lui donnant des informations et des ordres contraires.

Cela faisait longtemps qu'elle était à Froissart. Depuis que l'éthernien de Clairssac l'avait ramenée dans cette ville, la confiant au bon soin de ses gens. Puis il était reparti pour la guerre, la laissant là, seule. Pas seule physiquement, loin de là, beaucoup de personnes faisaient attention à prendre soin d'elle. Mais psychologiquement... elle ne s'était toujours pas remise de ce qui lui était arrivé, que ce soit par rapport à sa captivité comme par le fait d'avoir dû voir de ses propres yeux des êtres chers mourir. Thiev... Meivèn... C'était comme si tout ce qui avait pu lui rester de part d'enfance s'était envolé. Et le silence dans lequel Aline s'était cloîtrée n'était pas pour aider à une quelconque guérison.

La Pieuse d'Or fit lentement descendre la brosse dans ses longs cheveux blonds, jusqu'à ce que les pointes de ses cheveux ne soient plus entravés par le crin, et recommença d'un geste lent et méticuleux. Lorsqu'elle eut fini elle prit un peigne et répéta le même mouvement, inlassablement, donnant l'impression qu'elle n'avait que faire du temps qui défilait sans elle. Puis elle posa l'objet à côté d'elle, sur le lit. Son visage triste se tourna un instant vers la fenêtre de la chambre qui lui avait été attribuée depuis quelques mois, ses yeux se perdirent dans la noirceur de la nuit. Puis, au bout de quelques minutes, elle prit une barette et attacha ses cheveux de sorte à ce qu'elle ne puisse pas être gênée par ceux qui étaient les plus proches de ses yeux. Une fois cela fait, elle replia les jambes contre son torse et resta là, sans rien dire. La nuit était là... et elle n'aimait pas la nuit. Lorsque ce ce moment de la journée arrivait, même le plaisir de broder la quittait, sans savoir pourquoi. Peut-être tout simplement parce qu'elle avait peur. Peut-être parce qu'elle savait que fermer la porte à clef ne servait à rien. Et peut-être parce qu'elle n'avait que trop peu écouté pour savoir que les deux hommes à qui elle tenait le plus étaient en train de rentrer.

Après un bon moment où elle ne fit rien, hormis penser à la guerre et à d'autres choses, les bras serrés autour de ses genoux et la tête posée sur ces mêmes articulations, on frappa à la porte.

"Aline ?

Sa tête se releva subitement. Cette voix... Non, ce n'était pas possible, il... Il était venu jusqu'ici ? S'il n'était plus en Oësgard, c'est que la guerre était enfin terminée ? Elle eut la réponse à ses questions lorsque celui qui l'avait appelée se permit d'entrouvrir la porte. Aussitôt l'eut-elle reconnu qu'un grand sourire orna le visage de la jeune femme alors que ses jambes se dépliaient pour pouvoir courir.

- Jared !

Il n'eut le temps de faire que deux pas avant que sa soeur ne lui saute dans les bras, se lovant contre lui et explosant en sanglots. Le châtelain l'encercla doucement de ses bras, en un geste protecteur, la berçant tout en caressant ses cheveux comme lorsqu'ils étaient enfants. C'était fini maintenant. Ils allaient pouvoir rentrer à Montévlin et il la protègerait. Maintenant qu'il savait ce qu'il devait faire sur le plan politique, il allait pouvoir s'occuper de sa chère soeur qui avait besoin plus qu'auparavant de lui. Restant ainsi un bon moment, il finit par prendre la parole en chuchotant. Lui parler, la faire parler, c'était certainement ce qu'il y avait de mieux à faire. Debouts non loin de la porte à demi-ouverte de la chambre, ils restèrent un long moment ainsi, à discuter ; à rattraper le temps perdu. De nombreuses minutes plus tard, lorsque la montagnarde se fut calmée, elle se recula et reprit un peu de prestance. Un fin sourire se dessina sur son visage : elle était vraiment heureuse de le revoir. Mais maintenant qu'elle s'était reprise, elle avait plus de mal à rester si proche de lui... elle avait désormais du mal avec le contact humain, que ce soit avec des hommes ou des femmes. Jared était pour tout dire le premier à avoir pu la serrer dans ses bras depuis qu'elle était arrivée ici.

- Et... et Jérôme, comment va-t-il ?
- Il va bien. Lui aussi est de retour. Il désirerait même te parler, si tu l'acceptes.

Aline fit un signe timide de la tête pour signifier qu'elle était d'accord. Alors Jared se retourna et ouvrit la porte, et ne fut aucunement surpris de découvrir le baron qui n'était pas très loin. C'était qu'il avait appris à connaître cet homme... et qu'il avait également appris à déchiffrer certaines de ses réactions. Aussi, même s'il ne l'avait aucunement laissé transparaître tout au long du chemin, Jared avait deviné quels étaient les sentiments de Jérôme pour Aline. Il espérait juste, s'il ne s'était pas trompé, que cet amour était ou sera réciproque.

- Je vous laisse. On se retrouve tout à l'heure, Aline ?"

La concernée refit un signe affirmatif de la tête, plus assuré - ou surtout moins timide - que le dernier. Lorsque le châtelain fut parti, Aline ne put s'empêcher de serrer nerveusement ses doigts entre eux tout en regardant celui qui l'avait secourue. Elle ne savait pourquoi, mais elle avait l'impression à l'instant présent de ne pas l'avoir assez remercié pour ce qu'il avait fait. Qu'elle... qu'elle quoi ? Qu'elle était désolée d'avoir perdu dans cette histoire l'anneau pour cheveux qu'il lui avait offert il y a presque un an. Qu'elle y avait tenu. Et plus compliqué à se l'entendre dire encore, Jérôme lui avait manqué. Vraiment.

Jérôme se trouvait dans le couloir après l'entrée de Jared dans la chambre d'Aline. Il aurait dû partir et les laisser tranquille mais quelque chose l'empêchait de le faire. Heureusement il n'y avait personne à l'étage outre un garde qui était justement à cette porte pour veiller sur la dame (ordres de Jérôme car il savait que les murs ne la protégerait pas de l'archimage) mais il avait été renvoyé sitôt qu'ils étaient arrivés et il attendait à l'étage inférieur. Il aurait été cocasse et plein de questions seraient survenues si l'on avait surpris le baron à la porte en train d'écouter. Alors ce n'est pas ce qu'il faisait même si la porte n'avait pas été refermé, c'était ses sentiments qui le clouaient sur place, tellement l'envie de la revoir était forte en lui.

Il n'eut pas à attendre longtemps finalement et vu qu'il ne s'y attendait pas il sursauta lorsque Jared ouvrit la porte en grand, un peu comme un enfant surprit à faire une bêtise. Heureusement qu'il n'avait pas l'oreille collée puisque justement ce n'était pas la curiosité qui le tenait. Le frère de la dame de Montévlin lui fit signe d'entrer, ce que Jérôme fit sans se faire prier. Il fut étrangement...maladroit en avançant, rattrapé par une timidité qui n'était pas coutume chez lui. Surement que Jared rirait bien de son suzerain et s'il n'était pas bête, ce qui n'était pas le cas, il ne serait pas dupe longtemps, s'il n'avait pas déjà compris. Le châtelain les laissa seul et un silence s'installa rapidement. Aline se tortillait les doigts comme si elle voulait dire quelque chose qui ne sortait pas. Jérôme s'était avancé pour se rapprocher,il avait failli lever les bras pour la serrer contre lui mais il s'était ravisé, se demandant la réaction qu'elle aurait avec le contact et même si elle le voulait, encore plus que l'étiquette ne le permettait pas normalement.

Il se rappelait les jours qui avaient suivis sa délivrance mais il n'avait pas encore compris ses sentiments qui étaient alors naissant. De toute façon il ne se serait pas permit de profiter de la situation mais ces moments la, il les avait gravé en lui et même si ce n'était pas les meilleurs pour la dame, il devait honteusement s'avouer qu'aujourd'hui il les gardait en lui. Il fallait rompre ce silence, il aurait voulu lui dire mille choses et lui avouer son amour mais cela il n'avait pas le droit, pas aussi tôt. Ce fut une phrase terriblement plate et ridicule qu'il regretta immédiatement qui sortit de sa bouche

"Bonjour Aline, la guerre est finie et nous sommes de retour, comment allez vous ?"

C'était bête mais c'était quelque chose

"J'espère que tout le monde s'est occupé de vous comme il le fallait et que vous avez été traité du mieux possible"

La glace était rompue

"Les sombres ont été repoussé loin d'ici et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'ils ne reviennent jamais"

Ce n'était pas une promesse car c'était impossible d'être certain de la tenir. Mais il s'était engagé et avec la régence d'Oësgard il avait un pouvoir en main afin d'y parvenir. Plus que tout, il ferait ce qu'il pouvait pour remonter la baronnie, qu'elle retrouve sa puissance au moins militaire et que son rôle de bouclier soit efficient, qu'elle ne soit plus un point faible et que la seule allusion à son statut empêche de venir lui chercher querelle. La tâche était ardue et pire encore, il allait partir de presque rien.

Aline eut un faible sourire face aux paroles de son sauveur, ne sachant pas trop comment faire. Déjà répondre à ses questions, peut-être. Ensuite lui dire qu'elle était contente de savoir la guerre finie et les deux hommes de retour... oui, ce serait peut-être une bonne façon de commencer. Aussi répondit-elle, n'arrivant malheureusement pas à soutenir le regard de Jérôme.

"Je vais bien, merci. Vos gens se sont beaucoup occupés de moi malgré mes... mes aversions, si je puis dire. Il faut croire que je ne suis pas une femme facile."

Elle eut un fin rire, lui permettant plus de faire baisser l'idiote tension qu'elle ressentait en elle que par amusement suite à son autodérision. Elle inspira profondément mais doucement, reprenant le contrôle d'elle-même. Elle s'aperçut alors qu'elle manquait à toute politesse en laissant le suzerain de son frère debout, ce à quoi elle remédia tout en sentant de légères chaleurs piquer ses joues habituellement blanches.

"Mais assayez-vous, je vous prie ! Je... je manque à toute politesse, j'espère que vous accepterez de me pardonner cela. Elle tendit grâcieusement une main vers l'un des fauteuils de la chambre. Je suis heureuse de savoir la guerre terminée et... que vous soyez sain et sauf, ainsi que Jared, bien sûr. Ces derniers temps n'ont pas été facile, j'ai eu peur qu'il ne vous arrive malheur. Malheureusement personne ne peut prévoir ce qu'il adviendra en temps de guerre. Mais il semblerait que de meilleurs aupices s'annoncent, n'est-ce pas ?"

Tout ceci était loin d'être évident à dire... Aline s'en mordrait volontiers les doigts ! Elle se sentait bête, ridicule face à cet homme. Il fallait qu'elle arrête de se triturer les doigts, vraiment. Et depuis quand elle avait cette manie ? Pourquoi son corps ne voulait-il pas arrêter alors qu'il lui fallait prononcer les mots qui étaient dans sa tête depuis le début de cette entrevue ? Elle dut se faire violence pour, une fois que son interlocuteur ait terminé de parler, qu'elle dise enfin cette pensée à laquelle elle tenait temps.

"Jérôme, je... je voulais une nouvelle fois pour tout ce que vous avez fait pour moi. Je ne crois pas que j'aurais survécu si vous n'étiez pas venu me chercher et que vous... enfin vous m'avez aidée à tourner une nouvelle page, même si vous n'avez pu rester longtemps. Je vous en serai éternellement reconnaissante."

Un sourire, le visage d'Aline avait un sourire de dessiné, cette simple constatation remplie le baron de joie, sentiment qu'il garda enfuit en lui afin de ne pas choquer la dame. Celle-ci passait un cap extrêmement compliqué et même certaines femmes n'y parvenaient jamais, il devait donc jouer de patience même s'il mourait d'envie de lui crier son amour. Aline parla et Jérôme se laissa bercer par cette voix qui le mettait en émoi, même si elle était fragile depuis son enlèvement. Elle ne semblait pas capable de le regarder dans les yeux mais elle fit allusion à ses problèmes récents avec les gens, ce qui n'était pas une mauvaise chose, voir même un progrès significatif. Jérôme ne la lâchait pas du regard, voulant accrocher le sien mais vu qu'elle regardait sans cesse vers le bas c'était impossible. il profita tout son saoul de ce petit rire qu'elle eut même s'il ressentit que c'était nerveux. Lui même était tendu et perdu dans ses réflexions, cherchant comment faire pour parvenir à attirer son attention. Il savait qu'il devrait jouer de patience s'il voulait la séduire car elle devait se remettre de son traumatisme, si jamais elle s'en remettait. Il se souvenait d'une lettre de sa soeur Mathilde qui lui disait d'être très patient mais de passer à autre chose si elle ne se remettait pas. Facile à dire mais pas à faire quand votre cœur battait pour cette personne. Jérôme ne s'était pas rendu compte non plus qu'il était toujours debout, il sourit aussi lorsque la dame lui proposa un siège

"Il n'y a aucun manquement, ni rien à pardonner" il s'assit sur le fauteuil qu'elle lui présenta et il se rendit compte qu'à part la phrase bateau sur son état de santé, il n'avait parlé que de la guerre "c'est moi qui manque à tous mes devoirs en parlant immédiatement de la guerre, c'est moi qui m'excuse, dites moi vraiment comment vous allez et ce qu'il s'est passé durant mon absence."

Il se sentait bête, alors il écouta ce qu'elle lui disait, cherchant des mots qui pourraient l'aider. Il constata qu'elle continuait de se triturer les doigts, était ce à cause de ce qu'elle avait subit ou pour une autre raison inconnue ? avait elle eu un autre soucis qu'elle n'osait pas lui dire ? il était étonnant de les entendre parler, s'appelant par leurs prénoms et non par des titres ou des dames/sire alors qu'ils se vouvoyaient

"Il n'y a pas de merci à faire Aline, tout chevalier qui se respecte se doit de porter secours à une dame en détresse, encore plus quand elle est importante"

Une phrase ridicule qu'il regretta au moment ou elle franchit ses lèvres mais un mot à double sens. Celui-ci pouvait signifier qu'elle était sa vassale et qu'il avait un devoir envers elle, et surtout son frère qui serait plus loyal s'il savait que son suzerain faisait son devoir ou alors importante parce qu'il l'aimait, ce qui n'était pas pareil du tout. Oubliant soudain ce qu'elle avait subit, sous le coup de la tension et de sa maladresse en sa présence, il s'avança et lui prit les mains dans les siennes

"Je suis heureux de vous avoir retrouvé et sauvé, je m'en serais voulu d'avoir échoué. C'est plutôt à moi de m'excuser d'être repartit si vite alors que vous aviez besoin de soutien. D'ailleurs, si vous avez besoin de quoi que ce soit, dites le moi et si c'est en mon pouvoir, je le ferais."

Sa vengeance l'avait poussé mais dès qu'il avait comprit la profondeur de ses sentiments, il n'avait pensé qu'à une seule chose, c'était d'aller la retrouver et la revoir. Et pourtant il avait risqué sa vie par haine, risquant de la perdre ainsi que de manquer à tous ses devoirs envers sa famille en rejoignant le royaume de Tyra. Il l'avait échappé belle à Amblère et cela à plusieurs reprises. Il se confia alors un peu, maladroitement encore une fois

"Ces...instants...que nous avons partagés...resteront ancrés en moi. Je suis heureux d'entendre que je vous ai aidé, mais je suis tellement désolé de n'avoir pas pu faire plus. Je suis à votre écoute pour vous aider à écrire les lignes de cette nouvelle page"

Ridicule, voila ce qu'il ressentait et ce qu'il pensait de lui, pathétique et idiot.

"Vous n'avez pas à vous excuser... je ne sais même pas ce que je pourrais avoir à vous pardonner ! Elle sourit, d'un sourire à la fois sincère et gêné. Il ne s'est rien passé depuis votre départ ici, du moins pas grand chose. On s'est occupés de moi, j'arrive désormais à voir des gens, ne plus avoir peur du moindre bruit. Sinon je me porte bien, Julia m'aide dans ce sens. Elle apporte beaucoup d'importance aux tenues vestimentaires, j'ai l'impression d'aller au bal tous les jours avec elle. C'est une fille adorable."

Elle ne savait pas vraiment quoi dire. Elle allait bien mieux et la dame de compagnie qu'on lui avait attribuée suite à la mort de sa nourrice était une jeune fille tout à fait adorable avec qui elle s'entendait très bien. La conversation continua donc, Jérôme n'étant pas forcément plus à l'aise qu'elle dans cette conversation. Il laissa quelques mots surprendre Aline, qui répondit tout en triturant ses doigts qu'elle n'avait aucune importance, du moins pas d'assez grande importance pour influencer sur une quelconque rescousse. Enfin bon... la discussion continua, et encore une fois ce fut un échange d'excuses entre ceux qui n'osaient encore faire part de leurs sentiments l'un pour l'autre. Au bout d'un moment, Jérôme prit parti de se confier à son interlocutrice, peut-être plus qu'un homme n'aurait dû le faire.

"Ces...instants...que nous avons partagés...resteront ancrés en moi. Je suis heureux d'entendre que je vous ai aidé, mais je suis tellement désolé de n'avoir pas pu faire plus. Je suis à votre écoute pour vous aider à écrire les lignes de cette nouvelle page."

Aline eut un sourire triste à ce douloureux rappel. Bien sûr qu'elle se rappelait de ce qui s'était passé... elle n'arrivait toujours pas à franchir certaines barrières psychologiques à cause de cela, comme par exemple le fait de manger de la viande rouge. C'était idiot, elle en avait bien conscience, mais c'était ainsi. Cet immonde drow avait assez su la traumatiser pour qu'elle ne puisse pas totalement continuer à vivre normalement. Mais Jérôme avait été là... et elle se souvenait encore de cette étrange nuit où il avait accepter de rester dans la chambre parce qu'elle craignait plus que tout que le sombre revienne. Il avait eu énormément de patience avec elle et, dans le fond, elle se demandait comment il faisait pour la considérer avec tant d'empathie. Un moment particulier qui restait gravé dans sa mémoire et, bizarrement, qu'elle appréciait. Ce qu'elle ne s'imaginait, par contre, était que les lignes de la nouvelle page de sa vie dont parlait Jérôme s'écriraient de concert avec une certaine personne... personne qui se trouvait juste en face d'elle.

"Je n'oublierai pas ces moments non plus, et encore moins la patience et la gentillesse que vous avez eues à mon égard. Je vous dois la vie, Jérôme. J'aimerais que ces lignes dont vous parlez signifient que la dette que j'ai envers vous ait été payée, d'une façon ou d'une autre. Je sais que je ne suis pas une femme possédant une forte influence, mais peut-être pouvez-vous avoir une idée de comment je pourrais vous rendre service à mon tour ? Elle rit, gênée. Enfin... je vous demande cela peut-être trop tôt, ce n'est pas le genre de choses qui doivent être discutées dans la précipitation. C'était juste une question qui me passait par l'esprit..."

C'était compliqué à énoncer ; surtout lorsque le coeur se demandait vraiment quel pourrait être le service qu'elle pourrait rendre et qui soit à la hauteur des agissements du baron.

Aline semblait vraiment sur la voie de la guérison, à moins qu'elle ne joue un rôle en s'enfermant dans le déni. En tout cas, les sourires s'affichaient sur son visage les uns après les autres et cela faisait plaisir à Jérôme qui sentait son cœur battre à un rythme anormal. Elle avait fait des progrès et la dame de compagnie qu'on lui avait fournit semblait bien s'occuper d'elle. Puis sa maladresse et le rappel qu'il fit sur ce qu'elle avait vécu voila son sourire, la tristesse faisant son apparition, quel imbécile il faisait. Il cherchait comment se racheter, lui changer les idées mais rien ne venait, il avait l'impression qu'elle le vidait de son intelligence et qu'il était tel un enfant qui ne savait pas quoi faire. Ce fut donc elle qui continua, demandant alors une chose qui entrouvrit la bouche du baron devant sa surprise. Lui se souvenait très bien aussi de cette nuit ou ils avaient partagé la chambre mais aussi et surtout du bain qu'elle avait prit et ou il était resté car elle ne voulait pas être seule. Il chérissait au fond de lui ces moments qui lui étaient chers. Il avait toujours les mains d'Aline dans les siennes et il ne se rendait pas compte de ce contact qui pourrait être préjudiciable pour la jeune femme tellement il était perdu. Voila qu'elle lui avait offert une opportunité énorme de lui demander sa main mais était il temps de le faire ? c'était sans doute trop tôt et il savait qu'il allait repartir pour Etherna et la laisser encore toute seule, ce qui le chagrinait beaucoup. Il ne savait pas non plus quelle serait sa réaction, ni celle de son frère, Jared. Beaucoup d'interrogations mais il ne devait pourtant pas laisser passer cette occasion

"La patience était naturelle, vous aviez besoin de ce temps avant de pouvoir être transporté et il est naturel d'avoir veillé sur vous. Qui serais je si je n'avais pas fait cela ? je ne pourrais plus me regarder en face. Vous ne me devez rien, je vous l'assure, il n'y a pas matière à réclamer sur ce genre de situation. Si vous y parvenez, vous pouvez dors et déjà tourner la page et commencer à écrire les nouvelles lignes." C'était maintenant qu'il devait tenter quelque chose mais il n'arrivait pas à le faire de manière discrète. "Je serais ravis de vous aider à les étaler, votre influence m'indiffère, cela n'a aucune importance à mes yeux. Vous savez...Aline...vous m'êtes chère, plus que vous ne le pensez...et même s'il n'y a pas de service à donner en retour...si j'osais..."

Il marqua une très brève pause, prenant du courage dans son inspiration

"Je dois malheureusement retourner à Etherna, ma mère est décédée durant la campagne contre le drow et je me dois de lui rendre hommage en me recueillant sur sa tombe. De même, Aymeric m'ayant nommé régent, je n'aurais guère le temps de diriger ma baronnie et je dois régler certaines choses. Aussi, si vous le voulais...et si vous le souhaitez...m'attendriez vous encore une fois, accepteriez vous de rester jusqu'à mon retour ? Alors, j'aimerais discuter plus longuement avec vous, de ces lignes dont nous parlions et de l'avenir qui s'ouvre"

Voila une façon détournée de lui expliquer qu'il avait des sentiments envers elle et qu'il désirait plus. ne voulant pas la laisser après l'avoir demandé en mariage, si elle l'acceptait, et ne voulant pas lui infliger un long voyage alors qu'elle devait encore avoir quelques difficultés, sans parler du fait qu'elle refuserait peut être et qu'il n'avait parlé à personne de cela, il préférait attendre son retour et être disponible pour elle. Si elle n'était pas bête, et Jérôme savait qu'elle ne l'était pas, elle comprendrait sans doute les intentions du baron à son égard.

Elle ne s'était même pas rendue compte du contact qui s'était établi entre elle et lui. Si au départ elle avait laissé les mains du baron prendre doucement les siennes, elle avait par la suite complètement oublié qu'un homme était au plus proche d'elle. Ils se parlaient, à la fois distants et proches, gênés autant par leurs sentiments que par l'événement qui les avait liés. Puis il prit son courage et laissa des paroles naître entre ses lèvres, mots sincères qui signifiaient bien plus que ce à quoi la jeune femme aurait pu s'attendre. Au début, même, elle ne les comprit pas. Ecrire de nouvelles lignes, tourner dès à présent la page, avancer à nouveau malgré le traumatisme... Mais les mots continuèrent, et le sous-entendu qui berçait ce rêve éveillé devenait de plus en plus clair. Ecrire de nouvelles lignes, oui... mais ne pas les écrire seule. Attendre qu'il ait réglé certaines choses, le laisser revenir, parler à nouveau, tourner la page... et écrire ces lignes ensemble.

Ce contact sur ses mains, ces mains calleuses par le port régulier des armes. Maintenant elle le ressentait et, étrangement, elle l'acceptait. Pour tout dire, c'était même une sensation simple qu'elle recherchait. Alors qu'il terminait de parler, lui demandant si elle voulait bien l'attendre pour pouvoir rediscuter de leur avenir, elle serra fermement mais avec douceur ces mains qui lui redonnaient un peu de chaleur. Elle ne savait pas que dire, ni que faire. Elle comprenait mais son esprit ne voulait pas y croire. Pourtant, ces mots tous juste voilés...

Elle serra encore plus les mains de Jérôme et, sans voir ce fait venir, elle ressentit des larmes perler le long de ses joues. Larmes de joie ? Elle-même n'en savait rien. Quoi qu'il en soit, Aline ne fit aucun geste pour les effacer. Elle continua à serrer les mains de son interlocuteur et, sans prononcer aucune parole, baissa la tête avant de faire un fin hochement affirmatif de la tête. Elle l'attendrait, oui. Comme elle l'avait plus ou moins consciemment attendu. Voilà tout ce que son coeur désirait.

Etonnement, Aline ne répondit pas, enfin pas verbalement, à la demande de Jérôme. elle lui serra les mains, ce qui le perturba, se demandant si elle acceptait ou plutôt si elle le détestait d'avoir demandé cela. Au bout d'un petit moment, des larmes commencèrent à couler le long du visage de celle qui lui avait ravis son cœur. Une grande crainte s'empara du baron qui pensait avoir l'offensé, il se demandait alors ce qu'il allait bien pouvoir faire pour qu'elle cesse de pleurer, chose qui le désespérait au plus haut point, ne lui voulant que du bien. Puis soudain, elle ajouta un signe de tête, indiquant qu'elle acceptait. De nombreux sentiments envahirent alors Jérôme, la joie, la tension qui le quittait, la peur qu'elle accepte alors qu'elle n'avait pas tout compris et qu'elle refuserait à son retour, la peur de ne pas être à la hauteur de ses promesses et de la décevoir. Tout cela se mêlait en lui mais la gestuelle prit le pas. D'abord avec son pouce qui vint écraser une larme et l'essuyer d'un bref mouvement puis ses bras qui l'entourèrent afin de la serrer contre lui

"Il ne faut pas pleurer Aline"

Il lui prit la tête du creux de sa main droite et il la posa sur son torse, très délicatement

"Vous faites de moi un homme heureux en acceptant de m'attendre. Il me répugne de vous abandonner encore une fois et j'espère que cela sera la dernière. La politique est malheureusement cruelle et elle ne laisse pas le temps à celui qui a des responsabilités. Je vais tout faire pour avoir le temps nécessaire afin de bien m'occuper de vous et de vous aider du mieux que je le peux pour écrire ces lignes qui seront importantes pour votre avenir"

Que ce soit avec lui ou pas. Il préférait que ce soit avec bien entendu mais il s'était promit de l'aider à retrouver la joie de vivre malgré ses épreuves et il s'y tiendrait. Il la relâcha afin de la regarder bien en face, ses mains sur les épaules de sa belle

"Je vais faire le plus vite possible pour régler ce qui doit être et je reviendrais vers vous dès que c'est possible. Il me tarde de discuter plus avant mais je m'emporte, excusez moi."

Il ne voulait pas non plus la brusquer, voir la braquer.

» Lorsqu'il convient de faire connaissance avec ses vassaux [PV Aline]
» On n'est jamais sali que par la boue. [Aline]
» Sur la route de Montvélin [Aline]
» Le Vieil Ennemi [PV Aline]
» Il était temps de se décider [Aline]

Rechercher

Résultats par : Messages Sujets
Recherche avancée