Lorsqu'il convient de faire connaissance avec ses vassaux [PV Aline]

"J'aurais plutôt pensé que vous auriez voulu souhaiter votre anniversaire en famille et que la présence d'un étranger vous dérangerait. Ce sera un plaisir pour moi de rester et vous souhaiter un bon anniversaire, même si la tempête se calme. Ce serait un affront que de rejeter une invitation et je ne suis pas un homme sans cœur.

Il s'était tourné vers elle pour lui sourire, sourire qu'elle lui rendit en toute franchise. Aucun d'eux deux ne semblaient être habitués à ce genre de situations et, quoi que le gens puissent en dire, Aline se sentait bien auprès de ce baron plus guerrier qu'il ne le souhaitait ; une personne avec qui elle se lierait volontiers d'amitié pendant bien longtemps, elle en était sûre. Enfin l'ethernien n'avait pas encore eu l'occasion de montrer tous ses défauts mais il lui semblait que sa franchise montrait bien quel genre d'hommes il était. Arrivant devant la porte du baron, elle s'arrêta et répondit à sa remarque avant de se fendre d'une douce révérence.

-Ma mère disait que chaque année se comptait et que les dizaines, quoique cela n'apporte dans le fond rien de bien particulier, marquaient un pan de notre vie. Peut-être suis-je encore trop jeune pour l'affirmer mais je tends à croire qu'elle avait raison, aussi je préfère profiter de ces rares journées. Vous savez il n'y aura pas grand monde, ce sera surtout une soirée entre personnes que j'apprécie..."

Pas besoin d'en rajouter plus, il comprenait certainement qu'elle l'appréciait. Ayant parlé elle laissa Jérôme à ses affaires et s'en retourna vers ses appartements, avant que Meivèn ne vienne la chercher tout en criant sur les toits qu'elle était encore la petite grenouille de quand elle était encore toute petite.

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Au dehors la montagne s'était recouverte d'un épais manteau blanc, transporté pendant la nuit par les nuages et le vent. Les routes étaient bloquées et la vie à Montévlin s'était presque arrêtée, attendant que le vent se calme un peu plus avant d'aller déblayer ce qu'il fallait. Vêtue d'une longue robe bleu roy, une cape de fourrure reposant sur ses frêles épaules, la jeune Aline Frouassier de Montévlin regardait d'un air songeur le vent soufflant encore la neige dans sa chute jusqu'à la terre ferme. Il était encore bien fort mais sans être trop violent, en cette matinée d'hiver, ce qui était parfait pour faire une démonstration à l'ethernien sans pour autant le mettre dans un danger certain. Elle sortit donc de sa chambre, rejoignit sa nourrice Meivèn et ensemble elles descendirent retrouver le suzerain de Jared.

"Bonjour Messire, avez-vous passé une bonne nuit ?

A son aise dans cette pièce qu'elle connaissait depuis presque vingt ans, Aline sourit sans grande intension aucune au baron et se fendit d'une révérence afin de lui dire conventionnellement "bonjour". Puis elle l'invita à la suivre pour aller jusqu'au temple de Néera, lieu qu'ils avaient décidé la veille au soir d'aller voir. Ayant ses propres affaires, Jared n'était pas présent ; il fallait bien qu'il laisse un peu son invité faire ce qu'il souhaitait de temps à autres.

Aline ouvrit la porte du chateau, gardée par deux gardes continuellement en poste, enfin ils étaient régulièrement remplacés. A peine fit-elle un pas dehors que ses longs cheveux presque blancs se mirent à danser en suivant la symphonie dressée par le vent, la faisant à nouveau sourire. Un, puis deux, puis trois. Elle n'y voyait presque rien et le temple n'était d'ici pas visible. S'arrêtant alors, elle se tourna vers le baron ainsi que sa nourrice. Cette dernière n'était pas vraiment en accord avec l'idée de sa protégée mais pour le coup elle avait bien vu l'intérêt qu'avait cette courte balade : si Jérôme voulait connaître le peuple qui s'était rallié à lui, il fallait qu'il comprenne la vie qu'ils menaient. Et fidèle à elle-même, Aline prenait un grand plaisir à faire connaître ces choses-là aux étrangers.

-Venez, vous ne devriez pas vous envoler... Mais restez auprès de nous, il serait dommage que vous vous perdiez."

La jeune femme eut d'abord l'intension de tendre sa main pour qu'il la saisisse, étant sûr de ne pas se perdre alors, mais elle s'en retint et pour deux rainsons : il fallait qu'elle le laisse libre d'apprécier le trajet et la neige, en plus qu'il n'était pas un enfant, et elle ne voulait pas que Meivèn se mette involontairement à croire que la relation qui la liait à lui était bien plus que de l'amitié. Aussi se contenta-t-elle d'avancer de nouveau, faisant attention au noble, et ce jusqu'à ce qu'ils arrivent à l'entrée du temple.

HRP :

Aline arriva en compagnie de sa tutrice, cela amena un sourire complice sur les lèvres de Jérôme. Il espérait que sa réaction à la vue de la dame n'amènerait pas de complications ou de sous-entendus mais il n'avait pas pu s'en empêcher en repensant à la veille, lorsqu'elle était à la recherche de la sœur de Jared. Il se demanda aussi si la jeune femme comprendrait son sourire ou pas du tout. Elle portait une robe bleue et ses cheveux n'étaient pas attachés contrairement aux habitudes de la noblesse, une chose que Jérôme appréciait car il trouvait toujours qu'il était dommage de ne pas laisser une chevelure au vent, surtout lorsqu'elle était jolie. Comme toujours dans ce genre de situation, les politesses ont la primauté

"A vrai dire et pour ne pas mentir donc, fort mal. Comme vous l'aviez dit, le vent à souffler très fort et bien que n'étant pas coutumier d'être embêté par ce désagrément, l'excitation d'une nouvelle aventure pour moi m'a tenue éveillé"

En effet, il n'avait jamais connu la neige à une telle hauteur. L'air était plus rare mais il n'avait pas encore fait de rapprochement avec cet état de fait, surtout qu'il n'avait encore fait aucun effort substantiel. Aline lui sourit et se fendit d'une révérence, celui-ci, de son côté, se plia en deux afin de répondre au salut. elle invita Jérôme à la suivre, ce qu'il fit.

Elle ouvrit les portes du château et aussitôt le vent s'engouffra dans sa chevelure, les faisant onduler au rythme de celui-ci. Le spectacle, car l'on pouvait dire cela était envoûtant. Beaucoup se moquerait en apprenant que des cheveux dansants selon l'envie du vent avait pu fasciner le baron mais il ne se retint pas d'observer. Il s'arracha à sa contemplation lorsqu'elle avança à l'extérieur, il lui emboîta le pas et se focalisa sur ce qu'il voyait, soit pas grand chose. Il y avait bien les maisons immédiatement à côté mais rien de ce qui se trouvait à une certaine distance.

Aline fit une note d'humour sur le fait qu'il ne s'envolerait pas, Jérôme rit en l'entendant, sa voix ne résonnant pas du tout vu le temps. Elle partit ensuite, s'attendant à être suivit. Le baron aurait bien voulu rester un peu mais il ne voulait pas non plus laisser les deux femmes dans de telles conditions, même si elles en avaient plus l'habitude que lui. Aussi il la suivit, les yeux plissés par la neige qui voulait apparemment les lui transpercer et le souffle court en raison du vent qui soufflait assez fort bien que moins que la nuit. Ils se dirigèrent vers le temple qu'ils atteignirent sans parler, avançant d'un bon pas puis une fois arrivée sur place, Jérôme s'arrêta un instant à l'extérieur

"Entrez s'il vous plait, je vous rejoins de suite, je veux profiter un peu"

Sans un mot de plus et sans regarder si elles s’exécutaient, Jérôme reste soumis aux caprices du vent et de la neige. Il leva son visage et ferma les yeux, se prenant les conditions directement dessus et il releva ses mains en croix, entièrement offert aux éléments. Il était si évident que les hommes étaient bien peu de chose face à la nature et il adorait le vent. Bon il était magicien et son élément était le vent, ceci pouvait expliquer cela mais il se gardait bien, surtout ces derniers temps, d'étaler son pouvoir aux yeux des gens. Il était évident qu'il n'était pas bon de se revendiquer mage depuis la disparition du régent et du roi.

Il n'avait pas l'air de ne pas apprécier le vent et sa force, malgré la neige qui semblait vouloir fouetter le visage, entrer dans les yeux et se faufiler sous les vêtements. Ce n'était pas une chose très désagréable en soi, surtout lorsqu'on y est habitué, mais cela pouvait s'avérer dérangeant pour quelqu'un n'ayant jamais passé d'hiver dans cette région. Elle eut un petit sourire à cette idée, heureuse de pouvoir faire connaître à un étranger la beauté de son pays natal, de plus si c'était une personne qu'elle appréciait. Ayant entendu la demande du baron de ne pas l'attendre pour rentrer à l'intérieur, elle le regarda quelques instants se mettre face à la force de la nature, les bras croisés sur sa tête, avant de se retourner et de pousser la grande porte du temple de Néera, précédée par Meivèn.

A l'intérieur fort peu de choses se trouvaient être clinquantes, peut-être juste une partie du cortège de la Déesse Enfant. Pour le reste, la bâtisse en elle-même était sobre avec d'épais murs de pierre et possédant des vitraux ne laissant pas passer tant de lumière que cela. De grandes tapisseries pendaient le long des murs, contant des faits historiques propres à Montévlin, ayant pour beaucoup une connotation religieuse, ou des apparitions et messages de Néera et de ses Gardiennes. Les personnages ne ressemblaient pas forcément aux gens qui avaient vécu, faute que l'artiste ait réellement rencontré une gardienne, mais personne ne s'en formalisait. Le fond restait le même et c'était le plus important. Cependant, il y avait toujours eu une tapisserie, vieille de près de soixante-dix années, qui avait attiré l'oeil de la jeune femme : un enfant ramené sain et sauf vers la ville par Néera alors que la tempête fait rage. Elle ne savait pas pourquoi elle l'aimait tout particulièrement, si c'était la simple beauté de cette oeuvre ou bien le fait que le vieux prêtre de ce temple et ami Yven la considérait historiquement plus que les autres. Quoi qu'il en soit, en entrant dans le temple elle s'inclina respectueusement devant la statue de sa déesse et marcha doucement le long de la petite allée que laissaient apparaître les bancs. Combien de fois l'avait-elle fait depuis qu'elle s'était vraiment tournée vers la Déesse, suite au décès de sa douce mère ? Elle ne chercha pas à compter et, penseuse, parcourut tranquillement sous l'oeil aguéri de Meivèn les quelques allées du temple presque vide de monde.

Alors qu'entrait l'éthernien dans le temple, Aline était arrivée à une endroit où étaient posées des bougies allumées. Sans vraiment réfléchir, elle en prit une encore neuve et l'alluma à l'aide d'une autre et maintint la source de lumière dans ses mains tout en fermant les yeux, confiant cette journée ainsi que les voyageurs à celle qu'elle considérait comme une seconde mère. de Clairssac ne tarda pas à la rejoindre. Sans même tourner la tête en sa direction, la jeune femme chuchotta à son intention, visiblement encore sujette à ses pensées

"J'espère que cette année personne ne sera victime du temps ; si belle soit la tempête, elle n'en est pas moins dangereuse et il arrive que des innocents soient pris entre ses griffes. Rares sont ceux à être retrouvés vivants et ces quelques fois sont souvent marquées d'une manière ou d'une autre, comme le montre cette tapisserie.

Elle montra d'un signe de tête vers la tenture se trouvant juste à leur droite, contre le mur. C'était celle qu'elle aimait plus que toutes autres, celle où on pouvait voir un enfant sortir des montagnes sous une tempête de neige, guidé par une fille d'une douzaine d'années lui tenant la main. De cette enfant partait un grand halo doré, ce qui la faisait paraître bien plus pâle que le petit garçon et les murailles représentant la ville.

-Nous avons la chance d'avoir une Mère qui n'abandonne pas ses enfants, messire. Puisse-t-elle veiller sur vous en cette année qui va commencer, en espérant que cette fois-ci la guerre nous laissera en paix."

Ayant murmuré son voeu, elle posa alors délicatement la bougie sur le réceptacle, de sorte à ce qu'elle tienne jusqu'à ce que la cordelette emprisonnée dans la cire soit entièrement consumée.

Jérôme profita de la violence des éléments qui lui giflait le visage, il était grisé par cette sensation nouvelle pour lui. La neige était froide et sa face était déjà rouge, ses yeux douloureux alors qu'ils étaient clos et il avait un peu de mal à respirer, ses narines étant frappée par le vent et la neige. Jérôme abaissa ses bras et il se tourna, laissant tout cela dans son dos, il rouvrit les yeux et constata que les dames l'avaient écouté et qu'elles n'étaient plus la. Il entra dans le temple et fit un tour d'horizon. La décoration était succincte hormis quelques tapisserie montrant Néera dans plusieurs interprétations. Aline était en train d'allumer une bougie, Jérôme alla la rejoindre. Alors qu'il arrivait à sa hauteur, celle-ci parla sans même tourner la tête à son encontre, ce qu'elle disait pouvant aussi bien s'adresser au baron qu'à la déesse. Elle demandait que la tempête ne prélève pas de vies cette année la. elle termina en indiquant au baron une tapisserie représentant Néera sous sa forme d'enfant, auréolée d'un halo démontrant son statut de divinité en train de guider un enfant à travers une tempête et le ramenant chez lui sans encombre. Jérôme ne répondit pas de suite et Aline reprit, parlant de la chance d'avoir Néera comme déesse et espérant que cette année, elle veillerait à tenir la guerre éloignée.

En entendant cela, Jérôme tomba à genou, fermant à son tour les yeux. Il fit une prière intérieurement, demandant pardon à la déesse pour ce qu'il s'apprêtait à faire. Il savait que retirer la vie n'était pas un acte qu'elle appréciait mais les devoirs et obligations d'un seigneur n'étaient pas toujours de faire le bien autour de lui. Il devait se faire respecter et protéger ceux qui attendaient de lui sa protection et il devait également faire son devoir lorsqu'il était commandé. Il avait été nommé maréchal et comte d'Oësgard par la régente voila peu, il savait donc très bien que la guerre n'épargnerait pas la péninsule cette année, ni même Jared car il devrait suivre son seigneur la ou il avait besoin de lui. Le silence s'installa alors qu'il faisait une prière pleine de dévotion et sincère. Il prit alors la parole et il commença par un passage de leur première rencontre, elle saurait alors qu'il l'avait écouté et qu'il n'avait pas parlé avec elle juste comme cela en oubliant de suite après ce qu'ils s'étaient dit. Il avait toujours les yeux fermés comme s'il cherchait une rédemption ou un assentiment

"Madame, vous souvenez vous de notre première rencontre, pas la première fois ou nous nous sommes vu mais dans les jardins de Bastylle, lorsque nous avons conversé seuls ? Nous avions alors parlé de guerre et du fait que bien que je ne me targuais pas d'être un seigneur de guerre, j'avais bien pris les armes pour prendre ce que je convoitais ?"

Il marqua un bref instant afin qu'elle se souvienne, si elle n'avait pas, de son côté, oublié cela

"Nous avions également parlé des devoirs et des responsabilités qu'un seigneur avait."

Un nouveau silence très pesant cette fois

"Si vous connaissez la situation de la péninsule comme je le crois, encore plus celle de votre voisin immédiat, vous devez donc savoir que la guerre sera malheureusement un passage obligé cette année encore. Nous ne pouvons pas l'éviter et je crains que je sois le noyau dur de ce qu'il va se passer dans un futur proche"

Il avait en effet déjà envoyé des émissaires à Alonna et des espions un peu partout, c'était l'une des raisons qui faisaient qu'il était pressé avant cette chute de neige.

"Pensez vous, madame, qu'il soit possible qu'un homme n'apprécie pas la guerre mais que ce soit elle qui tourne autour de lui, l'empêchant d'être tranquille et le harcelant sans cesse, l'obligeant à mobiliser ses hommes et engendrant par ses actes des veuves et des orphelins ? Pensez vous qu'un tel homme puisse trouver le pardon des actes qu'il a commandé ?"

Il rouvrit les yeux et les tourna vers Aline, plongeant son regard bleu dans le sien. Bien que stoïque, en regardant au fond, l'on pourrait apercevoir qu'ils étaient brouillés par des larmes contenues qui ne couleraient jamais, c'était ancré plus profondément que cela

"L'on me donne le surnom de seigneur de guerre, l'image d'un homme belliqueux, avide de batailles me colle à la peau, quelqu'un d'assoiffé de sang et de violence. Mes actes démontrent que tout cela est vrai et je vais malheureusement une fois de plus bientôt confirmer tout ce qu'il se dit. Et pourtant je vous assure que je ne prends pas de plaisir, du moins pas dans celui de la guerre totale."

Aline écoutait les dires du baron désormais à genoux sur le sol de pierre, elle toujours droite devant les bougies toutes plus ou moins consummées par le feu. Alors qu'il parlait, lui demandant de se rappeler de leur toute première conversation dans les jardins de Bastille il y a quelques ennéades de cela, la jeune femme gardait les yeux fixés sur la bougie qu'elle avait allumée quelques secondes auparavant, ne souhaitant interrompre l'homme qui se trouvait juste à côté d'elle. Mais plus que cela, dans le fond elle n'avait pas envie d'entendre les phrases qui déjà s'annonçaient à ses oreilles, se rappelant très bien de quoi ils avaient discuté assis sur le banc... Oui ils avaient parlé du devoir que chacun avait, des guerres faites jusqu'alors, de la région... Alors il n'avait aucunement besoin de continuer dans sa lancée, Aline savait déjà où il voulait en venir : la guerre les prendrait à nouveau entre ses griffes et cette fois, de Clairssac étant le suzerain de Jared, Montévlin serait certainement appelé à être de la partie. La guerre, encore... Pourquoi ? Tyra n'avait-elle pas assez pris de vies ainsi, que ce soit par les lames, la famine ou tout simplement la fatigue de tant de sévices ? Ce pays ne pourrait-il pas un jour revivre en paix ?

Sans même regarder l'humble baron, la petite noble empêchait ses larmes de naître suite à cette nouvelle qui tombait. Elle se devait d'être forte, comme toujours, et donc ne se laisserait pas aller à exprimer ainsi ses sentiments alors que la guerre contre les voisins du Nord n'était même pas commencée. Si Jared venait à partir elle se doutait fort qu'il la nommerait régente de Montévlin, comme il avait fait une fois depuis la mort de leur père. C'était assez rare dans la noblesse que ce genre de choses arrive, à ce qu'elle savait, mais elle connaissait assez son frère pour savoir qu'il serait capable d'enfreindre cette norme sociale par confiance envers une personne. Aussi elle devait démontrer qu'elle était capable de supporter cela sur ses épaules, d'où son stoïcisme apparente.

"Pensez vous, madame, qu'il soit possible qu'un homme n'apprécie pas la guerre mais que ce soit elle qui tourne autour de lui, l'empêchant d'être tranquille et le harcelant sans cesse, l'obligeant à mobiliser ses hommes et engendrant par ses actes des veuves et des orphelins ? Pensez vous qu'un tel homme puisse trouver le pardon des actes qu'il a commandé ? L'on me donne le surnom de seigneur de guerre, l'image d'un homme belliqueux, avide de batailles me colle à la peau, quelqu'un d'assoiffé de sang et de violence. Mes actes démontrent que tout cela est vrai et je vais malheureusement une fois de plus bientôt confirmer tout ce qu'il se dit. Et pourtant je vous assure que je ne prends pas de plaisir, du moins pas dans celui de la guerre totale.

Aline ferma un instant les yeux, comme pour mieux retenir les dernières paroles de l'homme avant de les rouvrir et de tourner sa tête en sa direction. Il la regardait et elle apprécia toute la sincérité qu'elle put lire dans les yeux de l'éthernien. Mais que pouvait-elle répondre à cela ? Que personne n'y pouvait rien et que la guerre prenait qui elle voulait, sans raisons ? Non. Le mensonge n'était pas pour elle en cet instant. Alors elle s'abaissa pour être à hauteur du baron et, avec toute la délicatesse qui lui était connue, elle prit la main de Jérôme tout en se relevant, lui faisant ainsi signe de se relever. Le poids de la guerre reposait sur ses épaules et elle savait qu'il ne devrait pas fléchir... lui non plus.

-La guerre rôde autour de chaque peuple, de chaque personne capable d'avoir un impact sur elle. Et pourtant, le choix n'appartient qu'à nous seuls de la prendre dans nos bras et de l'accepter, d'obéir ou de désobéir. Vous avez des responsabilités et avez fait le choix de les honorer, de quelque manière que ce soit, si je comprends bien... Personne ne peut vous blâmer pour cela, quelle qu'en soit l'issue.

Se rendant compte qu'elle te nait toujours la main du baron elle l'enleva, gênée, et croisa les bras sur sa poitrine avant de se tourner vers Néera, celle qu'elle considérait comme sa seconde mère.

-Sachez que Montévlin sera avec vous. Puisse notre Mère l'être aussi.

Il y eut un petit temps de silence où, combattive, Aline regarda la statue de Néera avant de mettre sa main devant la bouche, étouffant un rire qui était quelque peu malvenu dans une telle situation.

-Vous devez vous dire que je prends les décisions à la place de mon frère... Rassurez-vous, ce n'est aucunement le cas ! Nous nous connaissons juste trop bien pour savoir en de pareilles situations quelle serait la réaction de l'autre. Et ce depuis que nous avons eu à nous entraider pour pallier un manque il y a de cela dix ans. Pourrez-vous faire attention à lui, s'il-vous-plait ?"

Elle se retourna alors vers lui et lui sourit, de ces petits sourires qui laissaient comprendre que le futur qui s'annonçait n'était pas pour la rassurer.

Alors qu'il fixait Aline, celle-ci gardait son regard sur la bougie qu'elle avait allumé juste avant. Jérôme se doutait que ce qu'il disait ne serait pas très bien accueillit par la jeune noble, encore plus vu que son frère serait impliqué dans les conflits à venir et tout le monde sait que la guerre, on n'en revient pas forcément. IL était clair, même si elle dissimulait admirablement ses sentiments que les mots qui se déversaient de la bouche du baron lui faisait du mal. Elle ferma les yeux à la fin de son monologue. Il était bon de se confier ainsi et de ne plus porter le fardeau à lui seul mais c'était bien cruel d'obliger cette jeune femme à le porter également, à moins qu'à son tour elle le partage. Elle rouvrit les yeux et se tourna enfin vers Jérôme, ce dernier s'attendait à des reproches ou des critiques acerbes. Il les aurait enduré car il savait qu'il les méritait mais il ne s'attendait pas à ce qui allait se passer. Aline se baissa puis elle prit la main du baron dans la sienne qui était si douce au toucher. Elle se releva et par la même occasion, redressa son interlocuteur dans le même mouvement. Jérôme se laissa faire puis il l'écouta alors qu'elle prenait la parole.

La réponse qu'elle fit surprit Jérôme. C'était presque philosophique mais en arrière plan il y avait tout de même une suggestion sur la responsabilité de partir en guerre ou de la refuser. Il devrait honorer son serment et d'après elle, personne ne pouvait le blâmer. elle lâcha ensuite la main du baron qui sentit le froid l'envahir de nouveau car il ne faisait pas chaud dans le temple et il ne s'était pas rendu compte qu'elle l'avait réchauffé par sa seule présence. En digne noble, elle assura que Montévlin serait présente puis elle ajouta qu'elle espérait que ce serait le cas pour Néera. Jérôme ne savait que répondre et un silence s'installa entre les deux nobles, ainsi que la chaperonne mais elle avait été apparemment oublié, du moins par le baron. Aline se reprit alors, assurant qu'elle ne prenait pas les décisions à la place de son frère mais qu'elle le connaissait tellement qu'elle savait comment il se comporterait. Pour finit elle lui demanda de prendre soin de Jared, chose qui serait difficile surtout vu les plans qu'il avait en tête. elle lui fit un sourire contrit, preuve de son soutien mais craintive de la suite des événements.

"Je ne doute pas un seul instant que Montévlin me suivra, mon souhait sera que ce ne soit pas vers un désastre. J'ai toujours à cœur de penser aux conséquences des actes que j'entreprends et je sais que si j'échoue, il y aura de nombreuses vies et destins de touchés. En réalité même si je l'emporte, c'est aussi le cas pour les familles qui n'en sortent pas indemnes."

Pour la première fois, il ne lui rendit pas son sourire, il était très sérieux en ce moment

"Je ne peux vous promettre que votre frère reviendra vivant mais peux vous faire le serment de prier chaque jour pour que Néera veille sur lui"

Il marqua une très courte pause pour changer de sujet

"Si le devoir permet de s'affranchir du pardon des malheureux soldats qui suivent les ordres, je me demande si Néera pardonnera mes actes. L'on me dirait plus proche de Mogar avec les batailles et les victoires ou de Tyra avec toutes les âmes que je lui ai donné en pâture."

Il en revenait toujours à la religion mais il était connu que le baron était pieux et qu'il priait régulièrement. Il était de ceux qui endossait la responsabilité de ses actes même vis à vis du peuple que tant d'autres nobles méprisaient et considérait comme des serviteurs. Il se tourna vers la statue de la déesse

"Néera, puisse tu me pardonner les actes à venir et m'aider afin d'épargner le plus d'hommes possible. Puisse tu également apporter ta sagesse aux hommes et que les conflits finissent par se terminer, permettant aux gens de passer à autre chose comme l'amitié ou l'amour et ainsi te rendre les grâces qui sont tiennes"

Aucune défaillance dans ses mots, une prière pleine de volonté et non creuse.

"Je m'égards dans mes pensées et je pense être de fort mauvaise compagnie pour le moment, veuillez m'excuser. Nous étions venus ici pour profiter du spectacle de la tempête, je vous laisse m'en faire profiter autant que possible, je vous avoue que malgré le danger, j'adore ce que j'ai vu et j'aimerais en profiter encore plus."

"Merci.

Il n'y avait pas d'autres mots, à l'instant, pouvant exprimer ce qu'elle ressentait. Seule cette simple association de deux syllabes, elles-mêmes composées des trois et deux lettres, représentaient aux yeux de la jeune femme l'immensité que représentait le futur. Pas qu'elle souhaitait la guerre, non. Au contraire même. Elle appréciait juste la promesse ainsi que la prière faites par le suzerain de son frère. Elle qui était si fervente envers la douce et tendre Mère, ce qu'il venait de se dire dans le temple de son enfance prenait une importance des plus fortes, sans forcément aller jusqu'à un caractère sacré.

Mais il était temps de parler d'autre chose que de ce futur qui s'annonçait plus macabre qu'espéré. Enfin... Aline se reprit lorsque Jérôme lui avoua qu'il adorait le spectacle de la tempête et qu'il souhaiterait en profiter encore malgré le danger que ces bourrasques pleines de flocons de neige pouvaient représenter. Elle eut un petit sourire et après avoir salué une dernière fois la Déesse-enfant en s'inclinant, elle se dirigea vers l'entrée du temple, marchant doucement et sans aucun bruit pour ne pas déranger quelques fidèles qui semblaient venir d'arriver. Elle repéra facilement Meivèn non loin de la porte et, reconnaissant la tête qu'elle faisait, elle se doutait qu'une fois le baron retourné à des affaires plus sérieuses elle aurait droit à un long sermon de sa part, avec un patois à en faire rougir n'importe quel étranger bien sûr. Comme si cela pouvait la changer... Aline était loin d'être de ces dames qui se feraient une honte d'avoir osé frôlé la main d'une homme et encore, elle était loin d'être la petite fille si extravertie qu'elle était dans sa prime jeunesse, avant la mort de sa mère.

-Je suppose que vous aurez encore quelques jours pour en profiter, messire. Je ne sais quand la tempête se terminera mais rassurez-vous, vous en aurez le temps. Mais je vous conseille de ne jamais vous aventurer bien loin ! Il ne manquerait plus que vous vous perdiez dans Montévlin..."

Ainsi reprirent-ils le chemin pour rentrer au château, la tempête ayant un peu perdu en intensité depuis qu'ils étaient arrivés. Cela n'empêchait en rien aux longs cheveux d'Aline de virevolter au vent et, rentrés en lieu sûr, tous trois pouvaient remarquer de nombreux petits flocons accrochés à leurs cheveux, flocons qui ne tarderaient pas à se transformer en une multitude de petites perles d'eau inoffensives. Jérôme allait devoir retourner à des affaires plus ou moins importantes et Aline, elle, profiterait certainement de la soirée qui s'offrait à elle pour coudre tout en réfléchissant à l'avenir qui se dessinait. Et comme bien souvent, ce fut ce qu'elle fit - en plus du sermon montagnard de sa nourrice - et sa broderie avança très vite, tout comme les idées et les sentiments pouvaient s'enchaîner dans son esprit.

Le lendemain soir était celui du vingt-septième jour de Verimios ; jour qui en soit n'avait rien de particulier hormis pour une certaine partie de la population miradelphienne dont fait partie Aline : elle avait vingt ans. "Vingt ans et toujours pas mariée !" auraient dit certains, alors que d'autres voyaient cela d'un bon œil parce que c'était l'année d'une dizaine. Chacun son point de vue Quoi qu'il en soit, Jérôme fut invité au repas que les proches de la jeune femme, amis ou famille, firent en son honneur. Oh rien de bien compliqué, juste une ambiance chaleureuse sertie de mets faisables en hiver. Lorsque le baron d'Etherna arriva avec Jared, les tables avaient été dressées et déjà quelques personnes s'étaient assis sur des chaises. Aline discutait tout en souriant avec le vieux prêtre de Néera, Yven, ainsi qu'un jeune homme aux cheveux mi-longs et noirs dont la carrure laissant à penser qu'il savait se battre ou faire des travaux demandant de la force.

"Le jeune assis à la droite d'Yven se nomme Thiev, chuchota Jared à Jérôme, est l'ami d'enfance d'Aline et, lorsqu'elle doit quitter la ville, un garde du corps. S'il peut se montrer méfiant envers les étrangers il n'en reste pas moins une personne aimable. La jeune femme blonde à la robe mauve et sa sœur jumelle, Yvelle et Doloréane, sont également de ses amies. Il paraît qu'elles sont spécialistes en broderie mais méfiez-vous toujours de ce que vous leur dites, il paraît également qu'elles aiment les racontars. Sinon je pense que vous connaissez tout le monde.

En effet, contrairement aux grands banquets, peu de gens étaient présents : Jared, Aline, Jérôme, Yvelle, Thiev, Doloréane, Yven, Meivèn et un conseiller proche de la famille, Temred. Jared alla saluer les convives, suivi de Jérôme qui sembla attirer l'attention sur lui sans le vouloir, si bien que tous ceux ne le connaissant pas jusqu'alors eurent diverses réactions : les jumelles eurent toutes deux un sourire jusqu'aux oreilles et saluèrent le baron de belles révérences tout en l'appelant "messire" tandis que Thiev, s'il fut très courtois, resta très distant.

Ensuite, il fut temps de s'asseoir à table. Jared invita son suzerain à s'installer auprès d'Aline qu'il n'avait pas vraiment vue de la journée, et alla lui-même s'installer à la gauche d'Yven. L'ethernien était donc surtout en compagnie de table avec Aline, Yven, Thiev et Yvelle. Aline se tourna vers Jérôme et lui demanda, après avoir réussi à arrêter de rire suite à une bonne blague :

-Veuillez m'excuser messire, je n'ai pas encore eu l'occasion de vous demander si vous avez passé une bonne journée. Avez-vous eu l'occasion de retourner au-dehors, comme hier ou mon frère ne vous a-t-il pas laissé une seule minute de répit ?

Elle dit ces derniers mots avec humour, comme souvent lorsqu'elle parlait ainsi de son frère. Un fin sourire vint s'accorder à la douceur et à la beauté qui émanaient d'elle, beauté accentuée par la robe bleu turquoise aux quelques ornementations d'or qu'elle portait. Ses longs cheveux blonds, quoique cette fois-ci sujets à une coiffure particulière, descendaient au final toujours sur son dos.

Avant que Jérôme ne puisse répondre, Yven se leva avec un peu de mal et tapota son verre avec une cuillère pour réclamer l'attention de chacun. Une fois le silence fait et les regards posés sur lui, il s'éclaircit la gorge avant de parler.

-Maintenant que tout le monde est assis à table et avant que les estomacs déjà fort affamés de certains d'entre vous ne crient haut et fort famine, je me dois, selon la volonté d'Aline, de respecter nos vieilles traditions. En effet, un repas de famille ou de fête se doit de s'accompagner d'un chant. Et je ne remercierait pas la Mère en votre nom pour ce repas tant que ce ne sera pas fait !"

Des rires s'échappèrent des lèvres des montagnards, surtout ceux qui savaient que l'un des grands mangeurs de cette petite assemblée était Yven lui-même, même si aucune grosse bedaine ne venait le prouver. Le grand prêtre abaissa légèrement sa tête et commença à entonner d'une voix grave et presque chevrotante un chant en patois et dont la force ne resterait plus à démontrer, bientôt rejoint par les hommes. Un chœur se formait donc et après quelque minute les femmes entonnèrent une seconde voix, plus douce et aiguë mais tout aussi belle. Un hymne à la montagne et à la neige qui venait la recouvrir d'un superbe manteau blanc qui, malheureusement, n'était pas vraiment compréhensible pour celui qui venait des plaines. Le noble ne pouvait qu'écouter ce que les voix rendaient, sans instruments de musique, et voir comment les gens de ce pays se comportaient en le chantant. Puis, une fois la chanson terminée, Yven enfila le temps de quelques paroles son rôle de prêtre avant que tous ne puissent s'asseoir et que le repas soit servi.

Un simple merci fut la réponse d'Aline à la promesse qu'il venait de faire de prier pour son frère. Il semblait que la jeune femme soit une fervente de Néera, tout comme Jérôme et vu qu'il venait de faire un serment au sein du temple de la déesse mère, ce serait sacrilège que de ne point le faire. Il n'avait, de toute façon, pas l'intention de ne pas prier, bien au contraire, il aurait besoin de toutes les ressources, surtout divine, qu'il pouvait avoir pour son entreprise. Ils prirent le chemin pour ressortir du temple et la châtelaine lui indiqua qu'il aurait surement encore quelques jours pour profiter de la tempête. Jérôme espérait que ce serait le plus court possible, non qu'il se sentait mal en cet endroit, bien au contraire, mais il avait de nombreux projets en tête et en cours et il se devait de tout planifier. Il profita le maximum du vent en colère lors de la route qui les ramena au château.

Le lendemain matin, Jérôme se leva de bonne heure. C'était en effet le jour de l'anniversaire d'Aline et il n'avait rien à lui offrir, chose impensable pour un seigneur invité. Il se fit accompagner par un page de Jared qui fut mit à sa disposition afin qu'il ne se perde pas au dehors ou la tempête perdurait. Le baron lui demanda s'il savait ce qui pouvait faire plaisir à la jeune femme comme cadeau, ce qu'il fut bien incapable de répondre. A force de demander autour d'eux, tout en intimant les gens à la discrétion, il finit par trouver quelque chose qui pourrait suffire. Il sortit donc avec son accompagnateur en direction du marchand qui pourrait le satisfaire et il réussit à trouver quelque chose qui lui plu.

Le soir arriva et ce fut Jared en personne qui vint chercher son suzerain afin de l'amener à la petite fête en l'honneur de sa sœur. Bien qu'invité, il était plus décent de se faire accompagner et introniser que d'arriver comme un cheveu sur la soupe. Le baron portait une tunique et des chausses de couleur violine, faisant ressortir le bleu de ses yeux. Ils entrèrent dans la salle et le châtelain de Montévlin se fit une joie d'expliquer à Jérôme qui étaient les personnes présentes. La moindre des choses à dire, c'est qu'il n'y avait pas beaucoup de gens, ce qui intensifia le petit malaise de Jérôme à avoir été invité de par son statut. Il écouta Jared qui lui expliquait certaines choses

"J'ai bien noté qu'il fallait me méfier de ce que je dis aux deux sœurs, merci pour l'avertissement. Je veillerais également à ne pas boire de trop alors."

Il regarda alors Thiev

"Vous me dites que c'est son garde du corps ? est il noble et sont ils fiancés ? ou alors est-ce un soldat que vous avez assignés à sa protection ?"

Lorsqu'ils entrèrent, il était indéniable que Jérôme ne passa pas inaperçu. Suzerain et étranger, voila deux choses qui avaient focalisé l'attention sur lui. Il avait apprit à gérer cette tension, aussi il suivit Jared qui l'installa aux côtés de sa sœur. Une place d'honneur que certains lui envieraient certainement. Il espérait qu'il ne gâcherait pas sa fête même si elle lui avait dit le contraire. Elle semblait bien joyeuse en tout cas et resplendissante dans sa robe turquoise qui soulignait la couleur de ses yeux, les cheveux attachés et non comme de coutume. Aline lui demanda s'il avait passé une bonne journée ou s'il avait été accaparé par Jared mais il n'eut pas le temps de répondre que Yven, le vieux prêtre se leva et fit un discours avant d'entamer un chant inconnu du baron. Les rires fusèrent en même temps qu'ils débutèrent à chanter, les garçons commençant et les femmes enchaînant, faisant un canon. Jérôme se leva et écouta ce qu'ils disaient, la joie était au rendez vous et c'était bon à entendre. Le prêtre officia alors et tous l'écoutèrent puis, une fois qu'il eut terminé, tout le monde se rassit. Jérôme se pencha alors vers Aline

"Oubliez donc le messire, ce soir c'est votre anniversaire, c'est votre fêtes, appelez moi donc Jérôme"

Ensuite le repas débuta, ce fut le moment que Jérôme choisit, il sortit un morceau de tissu duquel apparu un écrin bleu. Il l'offrit à Aline

"Veuillez accepter ce présent comme cadeau d'anniversaire, j'ai eu peu de temps pour me le procurer, aussi pardonnez moi s'il ne vous plait pas."

En l'ouvrant, du velours tapissait l'intérieur et trônait en son centre un cercle d'or serti de saphirs d'un bleu très proche des yeux d'Aline. Ce bijou servait à attacher les cheveux, le baron se souvenant qu'elle laissait souvent les siens au vent se dit que peut être elle en aurait l'utilité.

"Une fois de plus, je vous remercie de l'invitation que vous m'avez faites. Cette soirée semble très éloignée de ce à quoi j'ai l'habitude et je suis certain que ce sera très réjouissant"

"Vous me dites que c'est son garde du corps ? est il noble et sont ils fiancés ? ou alors est-ce un soldat que vous avez assignés à sa protection ?
-Thiev ne vient aucunement de la noblesse mais possède un don certain pour le combat, notamment au corps à corps. Vous pouvez donc considérer que c'est un soldat assigné à la protection d'Aline.

Jared ne détailla pas plus le cas quelque peu spécifique de Thiev, l'essentiel sur sa personne venant d'être dite. En effet, l'histoire des deux amis remontait à il y a une bonne dizaine d'années : à partir du moment où les deux s'étaient rencontrés lors d'un jour de moisson - la famille seigneuriale venant traditionnellement aider les villages alentours lors de ces quelques ennéades - les deux enfants étaient devenus presque inséparables et, bien qu'ils venaient de milieux différents, grandirent en partie ensemble. Aussi, quand Aline commença à la demande de son père à apprendre à se battre, il ne fut pas étonnant que le jeune garçon trouva à aider Aline à retenir ses quelques leçons, ce qui lui valut une belle rouste de son père quelques jours plus tard, celui-ci voulant comme de coutume que son fils aîné reprenne la ferme une fois adulte au lieu de jouer aux nobliaux ou encore aller se mettre en danger dans l'armée. Mais le pire fut le jour où il se fit repérer par le maître d'Aline ; le gamin présentant déjà un don particulier pour les armes, ses parents durent finalement abandonner leurs projets concernant leur aîné... et payer le maître d'arme, en prime.

La soirée débuta réellement, le chant fit force dans la pièce et après la bénédiction du prêtre, le repas fut servi et gens purent s'adonner à la nourriture. Suite à la question d'Aline, de Clairssac lui anonça que dorénavant elle pouvait l'appeler Jérôme, ne serait-ce qu'en cette soirée quelque peu particulière, ce qui fit sourire la jeune femme. Elle n'était pas habituée à cela de la part d'une personne étrangère à la région, aussi le prit-elle bien. En revanche, elle ne s'était pas attendue à qui allait attendre.

-Veuillez accepter ce présent comme cadeau d'anniversaire, j'ai eu peu de temps pour me le procurer, aussi pardonnez moi s'il ne vous plait pas. Une fois de plus, je vous remercie de l'invitation que vous m'avez faites. Cette soirée semble très éloignée de ce à quoi j'ai l'habitude et je suis certain que ce sera très réjouissant.

Lorsqu'elle ouvrit le carré de tissu en velours et y découvrit l'anneau d'or et de saphirs, elle faillit en rester bouche bée : c'était beaucoup, l'objet ayant une valeur que bien des hommes ne se seraient permis d'avoir. La seule chose qui laissa montrer son étonnement fut le petit temps de silence avant qu'elle ne réponde à voix basse pour ne pas exposer à qui le veut leur échange.

-Il ne fallait pas... Merci beaucoup, Jérôme, je le porterai demain. Elle le gratifia d'un doux sourire. Je pense que vous devriez trouver la soirée agréable oui, enfin du moins je l'espère !

Aline se sentait un peu gênée, ne sachant pas comment le baron avait l'habitude que les gens réagissent suite à un cadeau, si leur éthique voulait qu'ils montrent ledit présent ou bien qu'ils en gardent l'existence pour eux-même. Elle n'était pas du style à crier haut et fort sur les toits même si elle en était capable lorsque la situation l'imposait, préférant parfois jouer aux jeux de femmes discutant autour de broderies. En tout cas elle ne souhaitait aucunement le froisser. Et puis, surtout vu les deux commères que pouvaient être les deux jumelles, il valait mieux qu'elle ne montre aucune précipitation à porter un cadeau provenant d'un homme, encore plus s'il s'agissait du suzerain de son frère... Autant éviter les "On dit" donc !

La suite de la soirée se passa assez simplement dans une bonne ambiance, Yven n'hésitant pas à montrer quelle était l'étendue de son savoir burlesque : blagues et histoires drôles furent nombreuses à être écoutées et si jusqu'alors Jérôme avait pu voir le prêtre comme un vieux sage, là il pouvait remarquer qu'aux tréfonds de l'homme était une âme d'enfant qui n'avait jamais voulu grandir - et il encore il n'avait pas bu. Meivèn y allait également du sien, taquinant plus le vieux prêtre par des anecdotes le concernant qu'autre chose. Les rires allaient bon train pour ceux qui écoutaient attentivement la discussion entre le prêtre et la nourrice, Jared faisait attention à s'assurer d'un regard que tout allait bien du côté de Jérôme. Puis, à un moment, Thiev se tourna vers le baron et lui demanda

-Je suppose que dans les plaines les choses doivent être sensiblement différentes, messire. A quoi ressemblent vos soirées en Etherna ?"

Jared expliqua à son suzerain que Thiev n'était pas noble mais qu'il était un bon guerrier. Ainsi il avait apparemment hérité de la position de garde du corps de la sœur du châtelain. En apprenant cela, Jérôme fut étonné de ne pas l'avoir vu jusque la ou si peu alors qu'il avait passé par mal de temps avec Aline. Passant à autre chose, Jérôme s'était donc installé et la soirée battait son plein. Lorsqu'il offrit son présent à son hôte, celle-ci marqua un silence qui passa inaperçu puisque tout le monde s'amusait. Jérôme pensa un instant qu'elle allait refuser son cadeau ou qu'il avait fait une boulette. Effectivement, elle indiqua qu'il n'aurait pas du mais elle passa de suite à autre chose en lui disant qu'elle le porterait le lendemain. Il nota aussi qu'elle l'appelait par son prénom comme il lui avait demandé et cela lui fit plaisir même s'il ne savait pas pourquoi. Il se demandait si elle était vraiment contente et si elle porterait par devoir ou parce qu'elle le voulait tout simplement. Le lieu et le moment n'était pas propice de toute façon pour ce genre de considération, Jérôme lui sourit de façon bienveillante

"Je ne doute pas que je vais trouver de quoi me divertir et en apprendre encore plus sur la vie qui est la votre. Je vais en profiter pour en apprendre encore plus sur la façon de vivre à la montagne, c'est une joie"

Il était toujours bon de savoir ce qu'il se passait sur les terres de vos vassaux et en connaitre les us et coutumes pouvaient avoir du bon. La coutume aurait sans doute voulue qu'elle montre le présent à tous et il s'attendait surtout à plus enthousiasme mais cela le dépassait, il se dit que peut être, il n'aurait pas dû et que son cadeau choquait. Il espérait ne pas avoir fait quelque chose qui n'était pas adéquat. Il ne fut en tout cas aucunement froissé par la discrétion d'Aline.

La soirée continua, allant de surprises en surprises; Par exemple le comportement du prêtre de Néera était cocasse. L'homme était un joyeux drille qui savait mettre de l'ambiance alors qu'on aurait pu le croire austère de part sa fonction. La nourrice n'était pas en reste non plus, il était étonnant de noter que la noblesse ou son absence n'était pas un soucis dans cette fête et que chacun parlait librement, apportant sa bonne humeur. Jérôme resta relativement en retrait malgré sa position d'invité d'honneur, observant plus que n'intervenant dans la soirée jusqu'à ce que Thiev, le fameux garde du corps d'Aline lui demande comment cela se passait à Etherna

"Tout dépend des circonstances. En tant que baron, il m'est difficile d'avoir une fête ou la politique n'est pas omniprésente, c'est très pesant comme situation et pas du tout aussi agréable que ce soir. Ce sont des longs banquets à n'en plus finir."

Un petit compliment pour la soirée n'était pas désagréable pour le public. Il allait maintenant tenter de mettre une pointe d'humour, en espérant ne pas se craquer

"Enfin, avant que je ne devienne baron, je me souviens des soirées que nous organisions. A l'insu des seigneurs, bien évidemment, il n'était pas rare, du temps ou j'étais écuyer, que l'on finisse tous dans l'eau à barboter, nu comme les nourrissons à la naissance, nageant sous le clair de lune."

l'image serait peut être choquante pour les personnes présentes. D'ailleurs Jérôme rougit un peu en se remémorant ses souvenirs qui semblaient venir d'une autre vie mais l'ambiance actuelle l'avait amené à ne pas s'en tenir à une soirée pompeuse et dénuée d’intérêt.

Thiev eut un petit sourire en entendant les paroles du baron. Ah les jeunes ! Lui-même avait fait des choses dites inconvenables pour des guerriers avec des amis. Avec Jared même, ils avaient réussi à le faire sortir du château où Tanedre passait son temps à inculquer à son fils comment gérer le domaine de Montévlin. Ils s'étaient bien amusés ce soir-là... et le plus amusant avait de loin été la tête du seigneur lorsqu'il arriva sur le lieu de la fête. Ils s'étaient pris une sacrée rouste par la suite mais, d'un point de vue de gamin, le jeune homme pouvait affirmer que ça en avait valu la peine. D'un point de vue d'homme... il fallait dire qu'ils l'avaient quand même bien méritée leur punition.

« Oh vous savez, tous les jeunes font des choses plus ou moins louables... entre aller se baigner dans un lac gelé juste pour prouver qu'on est le plus fort et prétexter de nettoyer une tache venant d'être faite pour savonner tout le parquet en oubliant plus ou moins volontairement de le rincer...

Ah ça, ils l'avaient fait aussi. Le problème était que la personne qui avait glissé sur le parquet et s'était fait mal en tombant n'était autre qu'Aline... ce qui lui avait montré à quel point certaines idées pouvaient être aussi débiles que dangereuses.

La soirée se poursuivit, dans la joie et la bonne humeur, Aline venant au cours du repas à passer d'un bout à l'autre du repas pour discuter avec tous les invités. Thiev fit un effort pour essayer de mieux connaître le suzerain de ses deux amis. C'est au sortir du repas qu'Aline profita que les gens se disent au-revoir – et surtout que Meivèn était trop loin pour l'écouter – pour glisser quelques mots à Jérôme.

-Messire, hum... Jérôme, j'ai pensé à quelque chose durant le repas... J'ai rencontré Naran tout à l'heure, vous savez celui qui est venu prévenir Jared il y a de cela quelques jours de l'arrivée de la neige. Demain il devrait y avoir une accalmie, peut-être même pourriez-vous partir d'ici deux ou trois jours... Cela vous dirait-il d'aller voir le lever du soleil à l'est de la montagne ? Si vous voulez voir à quoi ressemblent les Monts d'Or il n'y a pas mieux. Par contre il faudra se lever tôt.

La jeune dame écouta la réponse du seigneur et sourit brièvement lorsqu'elle comprit qu'elle était affirmative. Elle lui souhaita donc la bonne nuit, en fit de même pour les autres et alla se coucher. Il faudrait qu'elle se lève tôt le lendemain matin, très tôt même. Au passage elle informa Thiev qu'il allait devoir en faire de même. Elle lui expliqua la raison et eut en retour un regard des plus interrogateurs.

-Tu penses faire venir Meivèn au moins ?
-Aurais-tu peur de quelque chose, mon ami ?
-Tu sais pourquoi elle reste souvent auprès de toi... de Clairssac a beau être une personne apparemment courtois et gentil, je préfère que tu fasses attention. On ne connaît jamais assez les hommes, tu sais...
-Tu as certainement raison. Meivèn viendra, et avec son rouleau à pâtisserie !

Thiev rit un bon coup puis la salua avant d'aller lui aussi se coucher. S'il voulait assurer la garde de son amie le lendemain, il allait falloir qu'il soit en forme.

Le lendemain matin, alors qu'il faisait encore noir au-dehors, Jérôme put entendre quelques coups être donnés à sa porte, suivis d'une voix de femme plutôt campagnarde que le baron avait déjà pu entendre à plusieurs reprises.

-M'sire, vous êtes réveillés ? »

Jérôme sourit lorsque Thiev répondit, comme tous les enfants, il avait fait également des bêtises et c'était drôle de s'en souvenir

"Ah les enfants, une telle source de joie comme de soucis, c'est étrange de penser qu'ils peuvent apporter autant de bonheurs que de malheurs"

Le baron avait un sourire très franc alors qu'il repensait aux bêtises qu'il avait fait lorsqu'il était enfant. Il se demandait aussi ce que ses propres enfants lui feraient subir mais encore fallait il qu'il trouve le temps de se trouver une épouse, de se marier et d'en faire, tout comme il devait survivre à tout ce qui se mettait sur sa route.

La soirée continua, la bonne humeur était de mise et tout se passait pour le mieux. Jérôme était heureux en ce moment, il en oublierait presque ce qui se tramait dans l'avenir. La vie était simple en ce moment et il fit tout pour en profiter le plus possible. Il se sentait redevable envers Aline de l'avoir invité à partager ce moment. Thiev lui parlait régulièrement, lui posant des questions et faisant tout pour qu'il ne se sente pas seul alors que Aline allait de personnes en personnes afin de parler avec tous ses invités. Jérôme lui répondit le plus franchement possible chaque fois. La nourriture était bonne mais la quantité modéré, juste comme il fallait et c'était de même avec la boisson, ce qui n'empêchait pas les gens d'être enivré pour la plupart à des degrés différents. La soirée était bien entamée et touchait à sa fin lorsque Aline s'approcha du baron. Elle l'appela par son prénom une fois de plus, c'était une bonne chose. Elle débuta en expliquant que la tempête semblait passer et que les routes allaient bientôt être de nouveau praticable, ce fut une bonne nouvelle mais qui au final (vu la soirée) assombrit le baron qui n'en montra pourtant rien. Elle continua en demandant s'il voulait voir un levé de soleil dans les montagnes en expliquant qu'il faudrait par contre se lever tôt

"Ce sera un vrai plaisir de voir ce spectacle, il parait que c'est grandiose, je vous remercie encore pour tout ce que vous faites. Quand à se lever de bonne heure, vous savez, il m'arrive malheureusement fréquemment de ne pas dormir du tout, je n'aurais pas de mal."

Il était donc temps d'aller se coucher, d'ailleurs tout le monde prenait congés. Jérôme en fit de même et il se rendit dans sa chambre. Il se déshabilla et se coucha mais il eut du mal à trouver le sommeil. depuis combien de temps n'avait il pas passer un aussi bon temps ? cela remontait lorsqu'il était enfant au château de son père avec toute sa famille réunie. Comme le temps avait passé, il lui fallait se rappeler à sa sœur et son frère, il les aimait mais il leur devait plus en tant que chef de famille et peut être qu'il était temps de leur donner un futur. Il espérait surtout qu'il en aurait un avec les campagnes qui se préparaient. Il devait également penser à la dote de Mathilde même s'il serait bien difficile de la marier vu son caractère et les derniers événements. Il finit par trouver le sommeil, une nuit sans rêve, ni cauchemars, ce qui n'était pas un mal, à croire qu'il se ressourçait en ces lieux.

La matin arriva et il fut début très tôt comme c'était prévu même avant l'aube. Il prit le temps de se laver et de s'habiller chaudement car le froid était toujours mordant. Un habit plus pratique que beau mais il s'en moquait et une cape chaude. Il s'assit ensuite sur son lit et attendit jusqu'à ce qu'il entende des coups frappés faiblement sur sa porte. Il se leva d'un coup alors qu'il entendit la voie de la dame d'Aline parler. Il ne put s'empêcher un léger sourire d'amusement alors qu'il ouvrait la porte

"Bonjour madame, comme vous le voyez, je suis non seulement réveillé mais aussi prêt à partir. Laissez moi vous dire que vous êtes très en beauté ce matin. savez vous ou nous allons aller ce matin ? et ou se trouve la dame de Montévlin en cet instant ? j'espère que cela ne vous embête pas que de me faire découvrir les beautés de vos montagnes ?"

Il s'inclina très bas alors qu'il était un seigneur. Non qu'il prenait la dame de haut ou ironiquement mais il ne put s'en empêcher, il avait gardé l'humeur de la soirée et il était heureux en cet instant très simple.

"Bonjour madame, comme vous le voyez, je suis non seulement réveillé mais aussi prêt à partir. Laissez moi vous dire que vous êtes très en beauté ce matin. savez vous ou nous allons aller ce matin ? et ou se trouve la dame de Montévlin en cet instant ? j'espère que cela ne vous embête pas que de me faire découvrir les beautés de vos montagnes ?

Meivèn ne s'était pas attendue à tel bonjour matinal, s'étant plutôt attendue à devoir réveiller un noble pas très matinal. A ce propos elle était plutôt partie pour frapper bien fort à sa porte, comme elle avait l'habitude de le faire, et dut se retenir au dernier moment en pensant à ceux qui avaient encore le droit de dormir. Et cela avait suffi. Le bonhomme était déjà réveillé et en plus prêt à partir, le bougre ! Il n'allait quand même pas oublier de prendre son petit déjeuner, sinon ça n'allait pas aller avec elle !

Meivèn n'eut pas beaucoup le temps de penser au repas tout chaud qui attendait le baron qu'elle sentit un picotement au niveau de ses pommettes qui, sous l'effet des agissements du seigneur, se mirent à rougir. Elle s'inclina maladroitement, peu habituée qu'un étranger lui dise qu'elle était "toute en beauté", et tâcha de reprendre de son tonus en repassant toutes les questions de de Clairssac dans sa tête. Il semblait de bonne humeur, partant pour accompagner sa petite grenouille d'Aline dans les montagnes... il devait y avoir gobelin sous roche (pour ne pas parler d'anguille) !

-Non non ça ne dérange pas ! La tchiote est au temple mais avant, vous faut que vous preniez votre déjeuner !

Sur ce, elle entraîna Jérôme à travers les couloirs, vers les cuisines. Ce n'était pas le meilleur endroit pour accueillir le baron, mais Meivèn n'aimant pas particulièrement les étiques complètements débiles et inutiles de certains nobles, elle s'en était tenue à un côté pratique tout en décorant un peu la table de Monsieur et en présentant de bonne manière les petits pains. Elle avait été cuisinière avant de passer nourrice d'Aline suite à la mort de l'ancienne lors d'une escarmouche de montagne où tous avaient pu découvrir son don pour le rouleau à pâtisseries en tant qu'arme (en effet, quoi de mieux pour une enfant que d'avoir une nourrice douée en plusieurs domaines et étant capable de la défendre ?)... et elle n'avait jamais oublié les rudiments de la cuisine !

Elle laissa le baron se remplir le ventre tranquillement, n'étant pas très loin au cas où puis, une fois repu, elle mit un bon manteau bien épais et emmena le noble jusqu'au temple. Au-dehors il ne faisait pas encore jour, c'était encore nuit noire. Cependant il soufflait simplement une légère brise, avec quelques petits flocons de temps à autres, ce qui signifiait que la tempête était passée (du moins pour le moment). Les lampes n'étaient pas encore allumées, les gens dormant encore pour la majorité, et quelques lumières filtraient des vitraux du temple de Néera. Lorsqu'il y entra, Jérôme put tout de suite remarquer que deux braseros avaient été allumés ainsi que quelques bougies. Devant ces bougies se tenait à genoux Aline qui, fidèle à ses croyances et à ses habitudes, s'était levée très tôt pour avoir le temps de prier. Habillée d'épais vêtements de voyage aux couleurs claires ainsi qu'une cape noire, elle semblait de loin être toute fine, étant plus une femme vivant au sein d'une maison que toujours à l'extérieur. En s'approchant d'elle, l'ethernien put constater qu'elle avait fait attention à se nouer les cheveux avec un certain anneau, celui qu'il lui avait offert la veille au soir. Il lui allait bien.

La jeune femme inclina respectueusement la tête vers la Déesse-Mère en entendant des pas résonner dans le bâtiment et se retourna pour faire face à Jérôme. Au passage elle fit un signe à Thiev qui se décolla du mur de pierre froide pour rejoindre les deux nouveaux arrivants. Yven ne dormant pas très loin, Aline et Thiev saluèrent Jérôme à voix basse pour ne pas réveiller leur vieil ami. Aline lui demanda s'il souhaitait adresser une parole à la Déesse avant de partir. Ce ne fut qu'une fois qu'ils furent sortis du bâtiment qu'elle parla vraiment.

-Veuillez m'excuser de ne pas mieux vous avoir accueilli, les prêtres dorment souvent dans le temple, dans des salles annexes... et certains se faisant vieux, le moindre son serait capable de les réveiller. Avez-vous bien dormi ? Jared ne pourra pas venir avec nous ce matin, il m'a demandé de vous transmettre ses excuses.

En effet, il avait beaucoup à gérer, avec le vent qui était retombé et la neige qui comme toujours avait fait quelques dégâts. De plus, une certaine affaire se devait d'être réglée au plus vite... En somme, s'il savait que son devoir était d'accompagner son suzerain, il n'avait pu s'en tenir à cette règle, en espérant pouvoir rattraper le coup dans la journée - parce qu'il était déjà le nez dans ses documents.

-Allons rejoindre les autres à l'écurie, si vous le voulez bien, Naran nous y attend déjà. Avez-vous pris de vos hommes pour venir avec vous ?"

La rougeur et la courbette que fit Meivèn élargit le sourire du baron, il avait apparemment fait mouche et vu qu'il était de bonne humeur, autant la faire partager. Aline était au temple, elle était donc bien matinale également si elle demandait à Jérôme de se lever très tôt mais qu'elle avait le temps de faire une prière. La nourrice expliqua au seigneur de Bastylle qu'il devait prendre son petit déjeuner

"Vous avez raison, me voila fort déraisonnable, je vous suis."

Elle partit et il lui emboîta le pas en demandant aux gardes à sa porte de reste en place. Ceux-ci n'apprécièrent pas trop mais ils firent ce qu'on leur demanda. Cela faisait un moment qu'ils avaient l'impression de ne servir à rien et cela leur déplaisait. Jérôme fut surpris lorsqu'il se retrouva dans les cuisines, ce n'était pas une pièce qu'il avait l'habitude de côtoyer. En règle générale, il prenait ses repas dans la grande salle ou dans un bureau, voir encore dans sa chambre mais c'était très rare. Cela ne le dérangea par contre pas outre mesure, il faisait des choses qu'il n'avait pas l'habitude et cela lui plaisait et le changeait, le faisant oublier tous les devoirs et obligations qu'il avait. Une fois terminé de manger, il suivit de nouveau la nourrice, lui même habillé chaudement et avec une cape pour se protéger du froid. Ils se dirigèrent vers le temple dans lequel ils entrèrent. Aline s'y trouvait et en s'approchant, Jérôme constata qu'elle avait noué ses cheveux avec l'anneau qu'il lui avait offert la veille. Il était content bien que ne sachant pas si c'était juste par obligation ou si elle l'appréciait vraiment mais il devait admettre qu'il lui allait à merveille.

Jérôme s'approcha et alors qu'il pensait à faire lui aussi une prière, Aline se releva et fit un signe à Thièv qui se trouvait juste à côté. Jérôme eut honte d'avoir été trop occupé à regarder la jeune noble pour voir l'homme qui était contre un mur. C'était une grave négligence qui pourrait lui coûter cher si cela avait été un ennemi. Aline chuchota et lui expliqua que le prêtre habitait le temple et qu'elle ne voulait pas le réveiller. Elle lui demanda s'il voulait faire une prière, ce qu'il accepta. Il s'agenouilla et fit une fervente prière à Néera avant de se relever à son tour et de faire face aux gens. Jared ne serait pas non plus de la partie et il fit des excuses par l'intermédiaire de sa sœur. Jérôme chuchota également

"Je comprends qu'il a des obligations, pas besoin d'excuse"

Aline demanda ensuite d'aller aux écuries pour aller la ou elle voulait emmener le baron. Elle demanda également s'il avait des hommes avec lui

"Allons y, j'ai hâte de voir l'endroit ou vous voulez m'amener"

Il marqua un instant avant de reprendre pour dire qu'il n'avait personne avec lui lorsqu'il entendit du bruit. Se retournant il aperçu les deux gardes qui l'avaient suivit. Il soupira mais ne se mit pas en colère, après tout, ils faisaient leur travail

"Il semble que j'ai deux hommes qui se joindront à nous, si cela ne vous dérange pas ?"

Les mots étaient bien choisit, "semble" voulait bien dire qu'ils n'étaient pas prévu au départ. Jérôme ne voulait pas non plus faire penser qu'il ne se sentait pas en sécurité. Il fit donc signe aux deux gardes d'approcher et de le suivre, ce qu'ils se firent une joie de faire. Tout ce beau monde rejoignit donc les écuries et prirent des chevaux avant de partir en suivant Aline. Jérôme se porta à sa hauteur alors qu'ils chevauchaient

"Vous avez un bien beau pays madame, je ne le connaissais pas et il semble qu'il soit facile d'en tomber amoureux mais les dangers qu'il recèle ne sont pas à négliger."

Une entrée en matière afin de débuter une conversation. Le froid faisait sortir de la buée de la bouche de Jérôme lorsqu'il parlait

"Allons y, j'ai hâte de voir l'endroit ou vous voulez m'amener.

Puis le baron poursuivit en annonçant à la jeune femme qu'aucune garde ne l'accompagnerait, ce qui l'étonna... tout autant que de voir deux guerriers portant les couleurs de Bastylle les rejoindre. Elle eut un doux rire à la question de De Clairssac, n'ayant guère l'habitude d'une telle réaction de la part de gardes personnels. Ainsi donc, aurait-il décidé qu'il n'aurait pas besoin de ses gens ? Amusant, vraiment ! De plus que généralement les nobles ne se séparaient que très peu de ceux qui assuraient leur protection lors de leurs déplacements... enfin du moins était-ce ce qu'elle avait compris des gens de la plaine - et dans le fond sa famille ne faisait pas vraiment exception à cette règle.

-Oh non, cela ne me dérange aucunement ! Au contraire même, il vaut mieux être trop prudent dans les montagnes que pas assez."

Elle accorda un sourire sincère à Jérôme pour lui montrer que sa remarque n'était aucunement faite pour lui donner tort devant ses gens mais plutôt pour relever l'ironie de la situation. Rien de bien méchant en somme et, voyant qu'elle n'avait pas l'air de le blesser, elle enchaîna en lui expliquant que pensant qu'il prendrait des soldats avec lui, qu'elle n'avait pas demandé à beaucoup de monde de les accompagner : Thiev, Meivèn, Naran et deux soldats. Mais il faisait encore nuit, les kobolds ne seraient peut-être pas encore très actifs...

Ils passèrent par l'écurie avant de partir au-dehors de la ville, les portes s'ouvrant sur ordre de la dame avant de se refermer derrière la petite troupe. Ils avancèrent lentement, évitant autant que possible de faire trop de bruit que trop de lumière et faisant attention à leur environnement. La neige venait de tomber et elle n'était pas encore tassée, les flocons s'étaient juste posés les uns sur les autres. Il était mieux d'éviter qu'un animal ne se blesse ou, pire, un homme.

"Vous avez un bien beau pays madame, je ne le connaissais pas et il semble qu'il soit facile d'en tomber amoureux mais les dangers qu'il recèle ne sont pas à négliger.
-En effet, messire, quoi que les gens peuvent dire de cette région il est impossible de ne pas aimer toute cette nature que les Cinq nous laissent admirer. Mais vous n'avez pas encore vu le plus beau, si je puis me permettre. Savez-vous quelle est la principale raison - s'il n'y en a plusieurs - pour laquelle on appelle cette chaîne de montagnes les Monts d'Or ?

Elle n'avait pas parlé bien fort, mais assez pour que Meivèn puisse l'entendre. Il fallait dire que la nourrice faisait très attention à sa petite protégée et qu'elle se méfiait du rapprochement qui semblait se faire entre Aline et Jérôme. Aussi, lui faire comprendre qu'elle ne parlait au baron que de terres qui l'avaient vu naître était un petit stratagème pour la rassurer. Oui elle s'en tiendrait aux principes qu'on lui avait inculqués, non elle ne s'amuserait pas à chercher les limites de l'amitié et de l'amour avec une personne qu'elle ne connaissait pas tant que ça, et non elle ne se permettrait pas de se laisser à l'embrasser si jamais l'envie lui en prenait ! C'étaient des choses toutes bêtes auxquelles Aline ne se laissait jamais aller, mais Meivèn faisait toujours très attention aux tâches qu'on lui donnait et, surtout, à la jeune enfant qu'elle avait vu grandir depuis quinze ans de temps. De plus, Thiev qui était à cet instant à l'avant faisait tout aussi attention à son amie. Il fallait dire qu'il lui arrivait d'avoir peur pour elle... ou d'avoir peur qu'elle vienne à partir.

Une fois que son interlocuteur lui eut donné une réponse, elle s'attela à lui expliquer qu'en raison des levers et couchers de soleil sur les monts, les gens avaient tendance à raconter que cette lumière particulière était l'or que recelait ce lieu, bien plus grand que celui que l'on peut trouver dans les mines. Vérité poétique - qu'il pourrait apprécier ce jour-même, c'était surtout un baume pour le cœur des gens que de raconter cela, Montévlin n'étant pas un fief bien riche. En tout cas cela donnait une raison de se battre pour son foyer et de rire lorsque quelques gens cherchaient cet or si pur qu'était en réalité la lumière du soleil.

Le trajet dura bien une heure pendant lequel quelques anecdotes furent échangées et, déjà, on pouvait voir que le soleil ne tarderait plus à faire son apparition. Thiev, qui était monté à plusieurs reprises avec Aline à cet endroit, stoppa le groupe près d'une montée rocheuse après avoir vérifié qu'aucun danger n'était en vue. Tous descendirent alors de cheval et le jeune homme dégaina son épée avant d'emprunter un chemin couvert de neige où un être humain ne pouvait passer que si personne ne se trouvait à côté de lui. Attendant celui qui avait été un temps un apprenti, Naran commença à s'occuper des chevaux tout en prévenant le baron qu'il valait mieux ne pas monter en lourde armure... si quelqu'un glissait il faudrait qu'il puisse lui-même se relever.

Quelque minutes plus tard, Thiev réapparut et fit signe aux autres qu'ils pouvaient monter. Jérôme put comprendre tout de suite pourquoi Naran l'avait mis en garde : le chemin de pierre était recouvert de temps à autres de neige et, bien qu'une personne avait largement assez d'espace pour ne pas risquer de tomber à chaque pas, tenter d'essayer de doubler son voisin de devant s'avérait suicidaire - vu qu'il avait trop de risques de tomber puis de rouler sur de bons mètres avant de se cogner à un arbre à cause d'une pente assez raide.

-J'espère que vous n'avez pas le vertige, messire ? Le chemin ne sera pas bien long.
-Dépêchez-vous, le soleil ne nous attendra pas.

Aline espérait que cette partie du voyage irait, aussi se retourna-t-elle régulièrement pour vérifier que tout allait bien. Cette petite partie ne fut pas de tout repos et fort heureusement tout le monde arriva sain et sauf à destination. A la fin il fallut passer par une roche naturellement creuse, Thiev se faisant un devoir d'aider qui voulait à passer par le trou qu'elle formait - où seule Meivèn eut un peu de mal à passer à cause de sa corpulence. La vue était tout simplement magnifique : sur ce promontoire enneigé, aucun arbre ou autre n'empêchait à l'homme d'admirer tout l'est des Monts d'Or, les montagnes enneigées ainsi que la forêt étendue en contrebas. Ainsi, "l'or" des montagnes se dévoilaient déjà au sommet des monts et il ne fut pas long à se dévoiler aux yeux de l'étranger. Aline eut un sourire enchanté ainsi qu'un sentiment de fierté à la vue de cette merveille, comme toujours depuis qu'elle avait découvert cet endroit avec son ami lorsqu'ils étaient de jeunes adolescents s'imaginant parcourir les montagnes à l'aventure malgré les interdis. Elle ne put s'empêcher, après un instant, de se retourner vers Jérôme avec toujours ce même air de quiétude et de joie qu'à son enfance.

-Comprenez-vous, Jérôme ?"

HRP :

Le petite troupe était constituée et maintenant qu'on en était plus à savoir qui viendrait ou pas, il était temps de se mettre en route, sinon il serait trop tard pour voir ce pourquoi ils s'étaient levés si tôt. chacun prit une monture et partit en direction de la porte qui fut ouverte sur demande d'Aline avant de se refermer sur eux. Cela faisait un peu penser à un couperet qui tomberait sur eux, comme un bannissement ou l'insécurité serait mit en évidence. Ne faisant pas attention à cela, Jérôme fit suivre à sa monture celle de la sœur du châtelain. La route fut lente en raison du manque de clarté rendant la chevauchée périlleuse, il ne fallait pas qu'un cheval se blesse. Aline et Jérôme chevauchèrent ensuite de concert, la dame lui demandant s'il savait pourquoi on appelait ces montagnes les monts d'or

"Et bien en fait, non, je dois bien avouer que je ne sais pas du tout la raison de cette appellation ? peut être qu'il y a eut de l'or à l'époque dans ces mines pour lui valoir ce surnom ?"

C'était bien naturellement la première raison qui lui vint à l'esprit. Il n'était pas avide, loin de la mais il n'avait pas trouvé d'autre explication. Aline lui répondit alors et il comprit qu'il avait autant raison que tord. En effet il était bien question d'or mais cela ne consistait pas du tout dans le minage du précieux métal mais du soleil qui se reflétait dans les montagnes, en particulier au moment du lever et du coucher

"Voila une bien belle histoire, moi qui pensais naïvement à l'or brut, belle erreur de ma part. Une fois de plus je dois vous dire que j'ai hâte de découvrir cela. Il est indéniable que vous aimiez votre terre en tout cas, c'est plaisant de vous entendre en parler. Je ne doute pas un seul instant de la multitude d'histoires qui doit découdre des montagnes."

En effet, même lui qui était des plaines et du bord de mer avait entendu parler d'histoires de monstres en tout genre en provenance des montagnes. Il échangea avec la jeune femme quelques anecdotes durant le trajet qui dura un certain temps et ils sourirent de leurs histoires. Thièv, qui était à l'avant fit stopper la troupe alors que le soleil pointait le bout de son nez, il ne faudrait plus très longtemps avant qu'il ne se lève. Le garde sortit son épée, preuve que tout danger n'était pas écarté, ce qui amena une certaine tension chez Jérôme et ses gardes qui se préparèrent à toute éventualité. Ils mirent tous pied à terre et le vieux prêtre prit en charge les animaux et expliqua au baron qu'il ne fallait pas emporter d'armure lourde. de toute façon, vu le froid, il n'avait pas prit son armure de plate, bien trop encombrante et fait pour le combat, ni sa maille qui aurait conservé le froid mais une en cuir, plus confortable. Il en fit part au prêtre avec un sourire bienveillant. Thièv revint et il indiqua que c'était bon et que tout le monde pouvait le suivre. Aline s'engagea, puis Thièv et Jérôme juste derrière, ce dernier comprit alors qu'il fallait faire bien attention vu la neige qui recouvrait le chemin. Aline demanda alors s'il avait le vertige

"J'ai de la chance, je ne l'ai pas, cela ira donc, ne vous en faites pas et faites attention à vous, il serait malheureux de chuter alors que vous me conseillez."

Thièv rajouta une couche en demandant de se dépêcher, le soleil n'attendrait pas, c'était certain. L'un des gardes était resté prêt des chevaux pour aider Naran et secrètement s'assurer que les montures étaient prêtes en cas de danger immédiat. Le second suivit, bien qu'étant en dernier, à son grand désarroi. Tout le monde arriva en un seul morceau alors que le soleil commençait à éclairer les cimes des montagnes et à se lever. Lorsque Aline se retourna pour regarder Jérôme et lui demander s'il comprenait, elle trouva un homme qui commença par écarquiller tout grand ses yeux devant le spectacle qui s'offrait à lui avant de les plisser face à la clarté grandissante et l'éclat de l'astre solaire

"Je comprends oui, c'est juste fantastique, fabuleux. Il n'y a pas de mots pour décrire cela et il n'y a que l'expérience personnelle pour bien prendre en compte la véracité de cette beauté. C'est la même chose, bien que complètement différent pour la réverbération du soleil sur la mer. J'espère un jour pouvoir vous faire découvrir cela tout comme vous venez de le faire pour les montagnes."

A aucun moment il n'avait tourné sa tête vers la jeune femme. C'était malpoli mais il était subjugué par ce qu'il voyait.

"Vous avez la un joyau bien plus précieux que de l'or, je vous le concède."

Encore fallait il avoir un public qui soit réceptif à ce genre de choses. Il était navrant de savoir qu'il y avait des gens qui étaient complètement indifférent aux choses qui ne leur rapportait pas.

Jérôme finit par se tourner vers Aline et il vit le soleil qui se reflétait sur sa chevelure, tout comme il devait en être de même sur la sienne. La blondeur était alors accrue en raison des rayons jaunes du soleil, les faisant briller d'une certaine façon et l’embellissant encore si c'était possible. Il en resta d'abord bouche bée avant de se reprendre

"Madame, vous êtes une ambassadrice de choix pour votre terre natale. L'on ne peut que succomber"

Il resta volontairement silencieux sur le fait de parler des montagnes ou de la dame

Jérôme, subjugué par le paysage, mit un certain temps avant de répondre à la dame de Montévlin. Celle-ci ne s'en offusqua pas, prenant le temps en même temps qu'il lui répondait sans tourner la tête de le dévisager sous ce nouveau jour. Les rayons du soleil semblaient vouloir refléter sur ses cheveux et son visage comme ils le faisaient sur les pins parés de neige. Elle trouva que cela lui allait bien, fort bien même.

"Je comprends oui, c'est juste fantastique, fabuleux. Il n'y a pas de mots pour décrire cela et il n'y a que l'expérience personnelle pour bien prendre en compte la véracité de cette beauté. C'est la même chose, bien que complètement différent pour la réverbération du soleil sur la mer. J'espère un jour pouvoir vous faire découvrir cela tout comme vous venez de le faire pour les montagnes.
-J'espère pouvoir un jour voir cette mer qui semble si chère à votre cœur. Comme vous venez de le dire, on ne peut parler de ce que l'on n'a pas vu.

La jeune femme était heureuse d'avoir affaire à une personne étant réceptive aux beautés si simples de la nature et qui ne voyait pas que les aspects économique et matériel. Et malheureusement, ce genre de personnes semblait devenir de plus en plus rare. Alors elle profitait, tout simplement heureuse de pouvoir être là à ce moment précis et de pouvoir partager avec d'autres les merveilles de son pays natal. Elle fut d'ailleurs touchée par la remarque du baron concernant le joyau que pouvait représenter les Monts d'Or.

-Madame, vous êtes une ambassadrice de choix pour votre terre natale. L'on ne peut que succomber.

Aline fut quelque peu surprise par ces dernières phrases, ne s'attendant pas à ce que la conversation dévie sur elle. Elle eut une petite moue timide malgré elle mais se reprit rapidement, comme toujours. Elle laissa tout d'abord le silence peser sur eux deux, chacun pouvant en rester à ses pensées. Concernant Aline, une certaine mélancolie semblait vouloir s'emparer d'elle : elle pensait en cet instant que jamais elle n'arriverait à quitter cet endroit qui, dans le fond, était bien plus que cher à son cœur. Cette terre, ces gens, sa famille, c'étaient sa raison de vivre. Quitter tout cela à cause du mariage ou d'autre chose serait certainement quelque chose qu'elle n'arriverait pas à supporter très longtemps... A ce propos, maintenant que la tempête s'était arrêtée pour laisser place à un temps relativement clément, de Clairssac allait pouvoir repartir... retourner à cette guerre qui s'approchait à grands pas. Au moins aurait-elle pu montrer au suzerain de son frère quelle pouvait être la vie là-haut dans les montagnes, quelle était la mentalité de son peuple et, enfin, ce que recelait réellement cette chaîne de montagnes. Elle avait pris goût à transmettre cette passion de son pays et ne pensait pas le regretter. Malheureusement, mais cela elle ne le savait pas encore, la guerre apporterait pour cette fois son lot de misères sur bien des choses auxquelles elle tenait.

Comme elle s'était retournée un instant vers le soleil levant, commençant à plisser des yeux, elle fit à nouveau face au noble debout à côté d'elle et lui accorda un fin sourire, peu prononcé mais laissant comprendre à son interlocuteur quels pouvaient être ses sentiments.

-Merci, Jérôme."

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