Hommage et Allégeance

Enrico se tenait dans la magnifique salle d'audience du palais, bondée par la noblesse de Soltariel. Mais pas seulement par celle-ci, remarqua bien vite le capitaine. Nombre d'artistes, d'intellectuels, de militaires de haut rangs étaient conviés au sein même de l'édifice palatin. Lui-même était accompagné de ses amis les plus fidèles, le soutenant avec loyauté; Ignacio de Perrigione, capitaine dans la marine soltarie; Felipo Sacrizi, ancien mentor, à présent ami; Niallad Montoya, un officier marin récemment promu, mais dans lequel Enrico plaçait de grands espoirs; Piezarre Montecale, son frère qui choisit la même voie que lui; Hernán Montecale, membre éminent de la Compagnie du Ponant, et père du noble capitaine. Bien entendu, ils n'étaient pas que six officiers de la Marine à être présents. Mais la plupart ne venaient qu'individuellement, accompagnés d'aides de camp. Enrico préférait la compagnie d'amis de longue date et de membres de sa famille, bien qu'il ait dû laisser Lazaro à Boniverdi. Il était conscient que certains des anciens académiciens le regardaient encore avec une once de dégoût. Le "parvenu" qu'ils l'avaient appelé. S'il avait gagné le respect de beaucoup et l'amitié de la plupart, il n'était pas bien vu des puristes. Le mépris qu'ils lui vouaient n'était pourtant que peu important pour Enrico; il savait ce qu'il valait, et cela seul comptait.

La duchesse s'était faite remarquer, avec sa tenue digne d'une reine et son éloquent discours sur les événements survenus en Ydril. Le capitaine ne se rappelait que trop bien le pesant et silencieux voyage de retour qui s'en était suivi. Puis, ce fut au duc Maciste de se prononcer. Il était dans un état de faiblesse visible, son visage tiré par la maladie et la fatigue. Enrico était attristé de voir un homme de cette trempe alité et plus vulnérable encore qu'un enfant. Une fois son discours terminé, il retomba sur son trône, comme s'il sortait tout droit d'une bataille ayant duré du matin au soir. Ensuite, une file se forma rapidement alors que les renouvellements des serments passés par les vassaux se déroulaient en une cérémonie toute particulière; deux paumes, deux soleils. Un blanc, Soltariel, et un noir, Ys. Enrico savait exactement lequel embrasser. Et les six autres hommes l'accompagnant feraient de même.

Alors que son tour approchait, di Montecale remarqua qu'un autre homme s'était joint à Felipo et à Hernán, discutant à voix basse avec eux. Cet homme, il le reconnut; Armando di Varigine, un autre de ses confrères de l'Amirauté. Son retard était extrêmement embarrassant; en effet, on ne peut être en retard à ce genre de cérémonie. Prenant place dans la file de nobles renouvelant leur hommage, il salua tout de même Enrico tout en souriant. Ce dernier souffla, mais lui rendit son salut. Arrivait bientôt l'heure du serment...

Lorsqu'il arriva en face de la jeune duchesse, le capitaine se mit à genou et, embrassant la paume marquée du Soleil blanc, décréta d'une voix solennelle:

"Je renouvelle ma fidélité au Soleil blanc."

Enrico attendit alors que Kahina réponde, toujours à genou, ses sept amis et proches parents derrière lui.