Un simple hommage [PV Harald]

Les corbeaux ne sont pas un mauvais présage. Ils sont simplement les messagers de notre monde, leurs yeux d’une profondeur insondable et leur plumage d’un noir de jais trahissait l’intelligence de ces animaux, capable de faire attention à son paquet des jours voire des ennéades durant. Je n’imaginais animal plus adéquat pour porter une nouvelle importante.

Pourtant, la nouvelle qui m’arriva me rendit plus sombre que la plume charbon que le volatile laissa sur son passage. Un tremblement, au sein d’un velin. On aurait dit que la vie s’était arrêtée, lorsque le nain en possession de la missive commença à la lire, sa voix se brisant en chemin. La dernière fois que j’avais reçu une missive venant de la Couronne, c’était la mort du fils de Harald. Décidément, un mauvais esprit semblait maudire ses proches, et ne voulait causer que de la tristesse et de la désolation dans son cœur. La mort de son fils m’avait touché, ayant longuement conversé avec lui pendant le mariage royal, mais Thorgrel était comme une sorte de monument nain vivant. Les nains n’avaient pas besoin de mourir pour devenir des légendes. Ni même être vieux, j’en étais l’étrange exemple. Toutefois, leur mort était comme l’effondrement d’une statue, que dis-je, d’une montagne. Inconsolable. Irréparable. Le guerrier était mort dans l’exercice de son art, au combat. C’est un petite consolation à sa perte. Il aurait été encore plus triste qu’il ait succombé à une quelconque maladie.
J’avais déjà réfléchi à offrir quelque chose à Harald, pour la perte de son fils. Pas en tant que sujet, mais comme un ami ? Je n’avais pas été convaincu par cette idée. C’était différent maintenant. L’idée se réimposa à moi, et ne s’enleva point de mon esprit.

Alors un soir, je l’ai fait. J’y avais consacré toute une nuit, et il avait fallu encore un jour et une nuit supplémentaire pour qu’il soit terminé. Une fine chaînette, en or massif, qui n’avait rien de spécial en elle même. C’était l’élément qui y était attaché qui sera, symboliquement, d’une grande valeur pour lui. Au bout, un médaillon, recouvert d’or lui aussi. Dessus était gravé une couronne, assortie de divers reliefs. Lorsque l’on passait son pouce dessus, on pouvait sentir la finesse de la gravure. Dans son dos, une autre gravure, un texte. En l’honneur de Thorald Brise-Os. Un simple texte, qui évoquait beaucoup. De toute façon il n’y aurait pas eu plus de place sur ce disque doré, tenant dans la paume de ma main. C’était important pour moi, qu’il puisse être serré dans la pogne, complètement. Peut être sentirait-on les reliefs s’enfoncer dans la peau, mais je ne connaissais que peu de nains n’ayant pas des mains rugueuses, usées au travail manuel.

Pour ne pas attirer l’attention, je fourrais ce médaillon dans un petit sac en cuir, accompagné d’un velin. Je le nouais avec une ficelle, de sorte à écarter les mains curieuses. Enfin, après quelques jours, j’attendis qu’un voyage soit organisé vers Kirgan afin de confier mon précieux présent. L’hiver était toujours mordant au dehors, bien qu’il allait se terminer. Je ne pouvais pas m’engager pour un si long voyage, seul, dans un mauvais temps probable, surtout dans la montagne. Et je n’en avais pas envie aussi, de sortir de ma grotte. Alors il fallait bien me résoudre à faire confiance. C’est ainsi que je l’ai laissé partir.