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 Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions

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Roderik de Wenden
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MessageSujet: Re: Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions   Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions - Page 2 I_icon_minitimeMar 5 Avr 2016 - 18:17


Roderik demeura un long moment seul dans la pièce, à méditer les paroles du marquis. Il était en colère ; oser lui rappeler, à lui, la guerre de l'Atral, était-ce là le seul argument que Saint-Aimé pouvait lui opposer ? J'ai pris les armes aux côtés du comte Anseric car il était mon suzerain, et qu'il n'y avait plus de marquis à Sainte-Berthilde depuis des années. Anseric n'avait trahi aucun serment, et ma maison a honoré le sien. Tout ça pendant que ce gros porc restait dans son coin sans prendre parti, et se permet de donner des leçons aujourd'hui. Cela étant, Roderik n'était pas idiot ; la campagne menée par Anseric n'avait pas été guidée par un quelconque sens de l'honneur, mais par l'ambition et l'opportunisme. Ce qu'il reprochait aujourd'hui à Godfroy de Saint-Aimé, il aurait sans doute pu le reprocher, à l'époque, à Anseric de la Rochepont. Mais il était alors plus jeune, plus immature, et avide de faire ses preuves au combat. Cette guerre l'avait obligé à mûrir, bien plus vite qu'il ne l'aurait dû.
Qu'il se démerde, pensa-t-il finalement en son for intérieur. Qu'il se démerde à négocier avec tous ces tourne-casaques, qui lui planteront un poignard dans le dos dès qu'ils sentiront le vent tourner. Puisqu'il promet la paix, eh bien, cela épargnera au moins mes cavaliers. Mais je ne jouerais pas les hypocrites.

Il quitta la pièce en claquant violemment la porte derrière lui, marchant à grandes enjambées dans le couloir.

« Vous avez un mariage à préparer. »
*  *  *



Septième ennéade de Verimios
Le deuxième jour...


Il régnait ce jour-là dans les rues d'Arétria-la-ville une cacophonie telle qu'on n'en avait plus connu depuis des mois. La rue qui conduisait à l'église était noire de monde, mais la procession de gentilhommes qui cheminait en fendant la cohue n'était plus marquée par le deuil. C'était un jour de réjouissances, et la différence était très nette. Le tintement des cloches retentissait dans toute la capitale arétane, se mêlant, assourdissant, aux chants et aux vivats de la foule.

Roderik, chevauchant un magnifique cheval dont la robe d'un blanc immaculé lui rappelait sa jument regrettée, progressait au milieu d'un groupe de cavaliers en armure. Il était revêtu d'un pourpoint de brocart noir aux longues manches et fendu au milieu, révélant la longue chaîne d'argent qu'il portait au cou. Il avait sur les épaules un large manteau aux couleurs de sa maison, sur-lequel était brodé le cheval cabré des Wenden. C'était le début de l'après-midi ; au matin, il s'était plié à la tradition que devait respecter chaque comte d'Arétria en se mariant, et avait uriné du haut de la plus haute tour du château afin, disait-on, de fertiliser la bonne terre du pays. Nul n'avait su expliquer pourquoi il fallait le faire depuis une position élevée, et surtout à l'intérieur d'une ville, là où rien ne poussait ; mais Roderik n'était pas là pour chercher à comprendre les traditions.
A présent, il allait être uni à la comtesse Iselda sous le regard des dieux et des hommes, et deviendrait comte d'Arétria, le premier que connaîtrait la maison de Wenden.

Il descendit de selle aux pieds des marches de l'église, qu'il gravit seul sous les yeux des témoins. Il parcourut le long tapis rouge à l'intérieur de la bâtisse bondée, et s'arrêta devant l'autel, silencieux sous le regard des prélats, attendant la venue de sa fiancée en faisant face aux deux vieillards en robe de bure qui étaient supposé les unir devant Néera. Le premier prêtre avait le teint cireux et devait souffrir de démangeaisons, à en juger comme il n'arrêtait pas de se gratter. Espérons qu'il ne crève pas en plein milieu de la cérémonie, ça ferait désordre, pensa Roderik. Le second était une femme, comme Roderik s'en rendit compte assez tardivement - rarement avait-il vu vieille dame aussi laide.

Iselda se présenta dans une robe d'un blanc immaculé, criblée de perles et de motifs argentés. Sa taille, déjà fine au naturel, était resserrée d'un corset qui semblait l'étouffer, tout en cherchant à mettre en valeur sa poitrine menue. On l'avait tellement surchargée de bijoux que c'en était presque ridicule, et ses lèvres peintes d'un rouge pourpre témoignaient d'une tentative infructueuse de ses camérières de la vieillir un peu. Elle portait le manteau cérémonial de fourrure sur les épaules, qui semblait, par ce jour d'été, lui donner particulièrement chaud. N'ayant ni père ni tuteur, et son oncle, prêtre d'Othar, ayant refusé de prendre part à une cérémonie honorant Néera, la comtesse était au bras de son suzerain, le marquis Godfroy de Saint-Aimé. Celui-ci croisa le regard de Roderik alors qu'ils longeaient l'allée pour arriver jusqu'à lui. Roderik détourna instinctivement les yeux, tandis qu'Iselda venait se placer près de lui et que Godfroy allait prendre place au premier rang.
Se sentant étroitement surveillé par le marquis, tandis qu'Iselda de son côté ne lui accordait pas le moindre regard, Roderik résolut donc de garder son attention portée sur les deux vieux fossiles de prêtres qui commencèrent à psalmodier leur baratin d'une voix monocorde, soufflant aux deux futurs époux leur haleine nauséabonde.

- En ce moment où Roderik, de la maison de Wenden, et Iselda, de la maison de Karlsburg, se présentent devant vous, ô Dieux d'Amour et de Bonté, nous vous prions, disait le prêtre de Néera. Déjà leurs cœurs sont remplis d'amour l'un pour l'autre mais voici qu'ils veulent vous confier cet amour et vous demandent de les combler de vos bénédictions. Soyez, ô Dieux éternels, la source même de la parole qu'ils se confieront ici, en votre présence et qu'ils auront à garder tout au long de leurs jours. Donnez-leur d'être fidèles, comme vous êtes fidèles ; donnez-leur d'être purs, comme vous êtes purs ; donnez-leur d'être bons, comme vous êtes bons ; donnez-leur de brûler d'amour, comme vous brûlez d'amour et que par la grâce de vos bénédictions, leur union s'en trouve toujours fortifiée. Donnez-leur, dieux de douceur, de s'aimer comme vous nous aimez et qu'ainsi leur amour ne faiblisse jamais.

La prêtresse s'avança et, levant les bras - dévoilant des auréoles de sueur tâchant sa robe de bure sous ses aisselles - elle souleva les mentons des deux futurs époux, les obligeant à se faire face. A voix basse, elle prononça les phrases que chacun d'eux devait répéter à l'attention de tous.

- Moi, Roderik, de la maison de Wenden, prend comme épouse Iselda de la maison de Karlsburg. Je promets de la protéger, de l’honorer, prendre sa famille comme ma famille, pour ce qu'il en reste, et ses intérêts comme mes intérêts. Une seule âme, un seul cœur.

Ce fut le tour d'Iselda, qui fit l'effort de masquer autant que possible le ton monocorde de sa voix et de feindre un certain intérêt pour ce qu'elle disait - après tout, on ne parle pas à la légère devant les dieux.

- Moi, Iselda, de la maison de Karlsburg, prend comme époux Roderik de la maison de Wenden. Je promets de le protéger, de l’honorer, prendre sa famille comme ma famille, et ses intérêts comme mes intérêts. Une seule âme, un seul cœur.

Roderik défit alors le manteau d'Iselda et le laissa tomber à ses pieds, avant de retirer le sien pour le placer sur les épaules frêles de la comtesse. Le manteau aux couleurs de Wenden sembla tout à coup très grand.

La vieille prêtresse lança alors :

- Ô Dieux d'Amour et de Bonté, vous qui avez fait l'homme et la femme, qui avez souhaité leur union et l'avez bénie, nous vous prions pour Roderik et Iselda qui aujourd'hui se consacrent dans l'amour mutuel. Que votre bénédiction descende sur eux, que votre ardeur les enflamme. Qu'ils trouvent le bonheur en se donnant l'un l'autre, qu'une descendance vienne embellir leur foyer. Dans la joie, qu'ils sachent vous rendre grâce, dans les épreuves qu'ils se tournent vers vous et que votre présence les aide dans leurs tâches quotidiennes. Dans la tristesse enfin qu'ils vous trouvent à leurs côtés afin que vous allégiez leur fardeau et que marqués de vos signes, ils soient pour le monde les témoins de votre existence et gardent au loin les impies.

C'était le moment où ils devaient se prendre la main, et, ils le savaient, devraient bientôt se rouler une grosse pelle devant tout le monde. Sentant qu'Iselda n'était pas bien chaude à l'idée, Roderik, qui ne tenait pas à être humilié devant tout le monde, attrapa vivement la main de sa promise et, d'un regard, lui fit comprendre qu'il ne souhaitait aucunement la voir se défiler maintenant.

- Embrassez-vous, lancèrent les deux prêtres à l'unisson, et par ce baiser vous devenez mari et femme. Ce que les Dieux ont béni, nul Homme ne peut le disjoindre, et maudit soit celui qui se met entre eux.

« Maudit soit celui qui se met entre eux. » Les mots résonnèrent étrangement dans l'esprit de Roderik, alors qu'il songeait subitement à Maélyne, tout en posant ses lèvres sur celles d'Iselda, échangeant avec elle un baiser sans saveur.
*  *  *



Le grand hall de la citadelle, une fois de plus, résonnerait bientôt du chant des ménestrels et des fanfaronnades des comédiens, tandis que la bonne société arétane s'empiffrerait de bonne chère et boirait à foison. Dans la salle s'entassaient les prêtres et les nobles qui, tous, avaient assisté au mariage et s'apprêtaient à le célébrer en vidant une fois pour toutes le garde-manger de leur hôte. Mais le festin attendrait l'issue de la seconde cérémonie de cette longue journée. On avait momentanément dégagé l'estrade de la table d'honneur comtale, afin que le marquis et le comte puissent s'y tenir debout sous les yeux de tous. Le moment que le marquis attendait probablement depuis des jours arrivait enfin.

Lorsque Godfroy de Saint-Aimé fut monté sur l'estrade, Roderik mit un genou au sol face à lui, s'abaissant - donnant au marquis l'air d'être encore plus robuste, s'il en était besoin - et tendant vers lui ses mains jointes, il dit :

- Moi, Roderik de la Maison de Wenden, comte d'Arétria, seigneur et chevalier de Wenden, en présence de Godfroy de Saint-Aimé, de Sigvald d'Olyssea, d'Arnoul de Stern, d'Henry de Rimbert et de nombre de vertueux prud'hommes, je me tiens devant vous tous en la Citadelle d'Arétria afin de reconnaître fidélité à Godfroy de Saint-Aimé, marquis de Sainte-Berthilde, seigneur et prieur de Saint-Aimé, seigneur de la Toranne et d'Erignac.

A partir de cette heure et à l'avenir, je te jure aide et conseil et témoignerais d'une fidélité parfaite ; je jure de défendre ta vie et tes intérêts légitimes et sans tromperie aucune, ainsi qu'un homme doit se comporter à l'égard de son seigneur ; et je ne porterai aucune atteinte aux domaines du Berthildois, pas plus que je n'en porterai à ta vie, à ton honneur ou aux honneurs que tu possèdes aujourd'hui ou que tu acquerras à l'avenir avec mon conseil. Rien de cela je ne ferai personnellement, ni par le truchement d'homme ou femme qui sont en mon pouvoir. Et s'il arrive qu'un homme ou des hommes, une femme ou des femmes, s'exploitent à t'enlever ou t'enlèvent aucuns des biens susdits, je te viendrais en aide par l'exercice d'une fidélité parfaite et sans rouerie. Et cette aide et ladite force, je te les offrirai sans tromperie toutes les fois où tu m'en feras demande ; et jamais ne m'en défilerai.

Ainsi aidez-moi, dieux ! Ceci que je déclare et affirme, je le tiendrais sans jamais m'en défiler, envers toi et tes successeurs, pour le comté d'Arétria. Ces engagements, je les tiendrais à compter de cette heure et jusqu'au jour de mon trépas, sauf à en être relevé de ta propre initiative, sans contrainte aucune.
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Godfroy de Saint-Aimé
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MessageSujet: Re: Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions   Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions - Page 2 I_icon_minitimeMer 6 Avr 2016 - 10:18

« Un peu plus, et on sera tous convaincu qu'il l'aime... » Personne dans la salle n'était dupe, l'amour n'était pas compatible avec le pouvoir. La plupart du temps, un choix devait être fait entre les deux. Pour Roderik, Godfroy avait choisi pour lui. Les derniers mots de la cérémonie furent prononcés, et les applaudissements parfois timides de certains nobles étaient couverts par les paluches du marquis, claquant entre elles, le colosse arborant un sourire satisfait. Il se retint de crier « Vive les mariés ! », mais manqua de rire en y pensant.

Puis l'instant tant attendu, tant souhaité, tant chéri de Godfroy parvint. Cela se déroula dans la citadelle d'Arétria, sur une estrade large, là où ils avaient festoyé la veille, et où ils festoieraient le soir même. Le nouveau comte, brave dans sa tenue et ses actes, mit genou à terre, et comme le voulait l'usage, prêta serment. Ses paroles ne manquèrent pas d'émouvoir quelque peu Godfroy, de voir un homme si fier comme Wenden, au cœur sinon l'esprit meurtri par l'union précédente, s'associer à lui. Toutefois le visage de Godfroy était sévère, ne trahissant aucune émotion. Les mains jointes au bas du dos, il se tenait fier, d'allure suzeraine, devant Roderik tandis qu'il récitait, sans grande conviction, son serment.

Lorsqu'il eut finit, Godfroy le releva, répondant comme le voulait la tradition.

« Moi, Godfroy de Saint-Aimé, marquis de Sainte Berthilde, seigneur de Saint-Aimé, de la Toranne et d'Erignac, devant toi et les tiens, accepte ton hommage, et lui rend gloire et grâce, ainsi qu'à toi, noble parmi les nobles. Que jamais la mémoire ou le temps ne trahissent tes dires de ce jour. » Puis, arquant son bras droit et tendant sa main, du revers, il asséna une copieuse gifle du revers, décoiffant Roderik par la même occasion. « Que ceci ne te fasse point l'oublier. » Alors, reprenant le comte par les épaules, le tira avec force et vigueur son son poitrail, et, une fois à gauche, puis une autre à droite, ils se heurtèrent le torse virilement. Godfroy y mit plus de vigueur et de force que la nécessité le voulait, mais il s'amusait intérieurement à couper la respiration à Wenden par ce procédé.

Concluant alors la cérémonie, faisant preuve d'une bestialité typiquement nordique, Godfroy leva sa main en tenant toujours le poing de Roderik. Puis poussant un hurlement féroce, de ceux qui précédent une charge, le marquis montra l'exemple aux nobles d'Arétria, qui reprirent son hymne. Les veines du cou de Godfroy se tendirent, et ses bras se contractèrent dans cette démonstration de force physique, que les vassaux de Roderik accueillirent par en prolongeant l'écho d'un cri de guerre, comme si ce simple cri suffisait à entériner la position de leur nouveau comte.

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MessageSujet: Re: Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions   Entre deuil et ripaille, défiance et bonnes intentions - Page 2 I_icon_minitimeMer 6 Avr 2016 - 15:48


La joue encore endolorie par la gifle cérémonielle, Roderik soupçonna le marquis d'y avoir pris un certain plaisir. Il manqua de dégobiller sur son suzerain lorsque celui-ci le compressa sur son énorme bide, et c'est en suffoquant qu'il se tourna vers l'assemblée qui les acclamait bruyamment.

Le festin qui s'ensuivit devait durer jusqu'à ce que toutes les chandelles se soient consumées, et parut d'autant plus interminable que les convives, n'ayant pas cessé de bouffer ces derniers jours, commençaient vraiment à saturer. La bonne humeur, pourtant, était toujours au rendez-vous. Un poète vint narrer une fable sur les vertus du couple et sur la fertilité, ce qui déclencha moult plaisanteries graveleuses ; cela ne choquait même plus la comtesse Iselda, qui en avait déjà entendu son content les soirs précédents. Elle assistait au banquet d'un air plus désabusé que jamais, sans prendre part aux conversations ; et si elle avait déjà manqué d'appétit au cours des précédents, elle ne se donnait même plus la peine à présent de donner le change, délaissant tout ce qu'on lui proposait.

Roderik, pour sa part, peinait aussi à faire honneur aux aliments, et se contentait de vider de temps à autre une coupe de vin ; l'alcool émoussait sa réserve, et il ne lui en fallait pas beaucoup, à lui qui d'ordinaire buvait très peu. On comprendra néanmoins qu'il se permette une exception - en plus des exceptions des soirs précédents - le soir de ces noces, car c'était maintenant lui qui étais assis à la droite du marquis, coincé entre le mastodonte ambitieux et l'épouse acariatre.
Il lui vint à l'esprit que l'homme à qui il venait de prêter serment de fidélité deviendrait peut-être roi, si ses projets aboutissaient. L'idée lui semblait difficile à envisager ; on ne pouvait pourtant reprocher à Godfroy de Saint-Aimé de manquer de poigne, encore moins d'autorité. Qui sait ? Il serait capable d'y parvenir, l'enfoiré. Buvant verre sur verre, Roderik s'efforçait de suivre les conversations et de garder le sourire et l'air digne en toutes circonstances, mais cela sonnait faux. Maintenant qu'il était comte d'Arétria, il se sentait presque aussi fragile que l'avait été Iselda ; cette idée le mettait mal à l'aise, et il priait intérieurement pour que cette impression ne soit pas celle qu'il donnait à ses hommes. Les effets du vin endormirent pendant un temps ses doutes et ses réserves, mais cette félicité illusoire s'estompa peu à peu à mesure que la soirée avançait, et il finit par avoir l'alcool triste. Ses doutes, peu à peu, décuplèrent, à mesure qu'il passait en revue, dans sa tête, ce qu'il avait accompli ou cru accomplir, et ce qu'il aurait dû accomplir. Tout cela est factice, pensa-t-il. J'ai troqué mon honneur contre un trône de pierre, et renoncé à la femme que j'aime pour en prendre une que je ne mérite pas. Il avait poussé Ewald de Karlsburg à renoncer à la succession, et il savait à présent qu'il ne l'avait pas fait pour le bien du comté, mais dans son propre intérêt, car Ewald l'aurait privé de toute son influence. Il avait trahi Alwin, et il s'était trahi lui-même. Il avait reproché à Godfroy de Saint-Aimé de manquer d'honneur, mais ne valait pas mieux que lui. Si j'avais été homme d'honneur, je serais resté à Wenden et n'aurais pas prit part à cette mascarade. Il sentit monter en lui une espèce de colère, un dégoût de lui-même qui lui donna presque envie de gerber. Il se dit à ce moment-là qu'il avait peut-être assez bu.

Le festin s'acheva et, par la force des choses, on conduisit les deux jeunes mariés jusqu'à la chambre nuptiale, et lorsqu'ils y furent tous deux, on referma derrière eux la porte de chêne, laissant le comte et la comtesse d'Arétria partager l'intimité de leur première nuit commune.
Ils s'observèrent un long moment en silence dans la pénombre ambiante, avant que Roderik ne s'avance lentement vers son épouse et prenne son visage entre ses grandes mains, l'obligeant à relever la tête vers lui. Il ne lut que de l'indifférence dans les yeux sombres d'Iselda ; une indifférence qu'elle ne cherchait plus à dissimuler, car si elle avait - à peine - joué la comédie devant les convives, elle ne se fatiguerait pas à le faire pour son mari. C'était une indifférence ostensible, décomplexée, alliée à une espèce de résignation, comme si ce regard signifiait « puisqu'il le faut vraiment... »
Alors lentement Roderik entreprit de défaire le corsage de la jeune femme. La robe d'Iselda glissa dans un bruissement d'étoffe, et elle se débarrassa du superflu, dévoilant ce qu'aucun autre homme n'était censé voir. Elle était plus fine, à tous points de vue, que les autres femmes que Roderik avait connues. Il les aimait plantureuses, avec des courbes arrogantes, des seins pleins et fiers. Maélyne. Sans doute aurait-il voulu une femme comme elle. Non, pas « comme » elle. C'était elle, elle uniquement, et il venait d'y renoncer. Un voile de tristesse passa sur son visage ; Iselda, sans doute, le prit comme un signe de déception, car elle sembla blessée. Il n'y avait pourtant rien de rebutant dans son apparence ; elle avait une peau claire, un ventre lisse, des hanches présentant malgré tout des courbes séduisantes. Ses seins étaient petits et ronds, couronnés de fines aréoles et de petites pointes rose pâle, et elle avait en bas une fine toison de poils bruns. Elle s'étendit sur le lit tandis qu'il se déshabillait ; il la rejoignit peu après. « Ce sera plus facile pour vous si vous me tournez le dos », dit-il. Elle ne chercha pas à discuter et le laissa faire avec la plus totale passivité.
Alors le comte d'Arétria prit son épouse, et dans les méandres de son esprit embrumé par la fatigue et l'alcool flotta l'image, latente, d'une autre femme.
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