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| L'envie de vivre | Halya & Tiam | |
| | Auteur | Message |
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Anorn
Ancien
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| Sujet: L'envie de vivre | Halya & Tiam Mer 30 Mar 2016 - 15:28 | |
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Mouroir des camps elfes, Eraïson Julas de la septième ennéade De la huitième année du onzième cycle.
Lendemain de la Bataille d'Eraïson Les blessés avaient commencé à défiler depuis maintenant quelques heures, et les mages commençaient à s'agiter sérieusement. Anorn au milieu de tout ça triait les arrivants, et prenait en charge les plus mutilés. Quelques apprentis ne tiendraient pas le choc bien longtemps, et il en voyait déjà vaciller. Mais il n'avait désormais plus le temps de les rassurer, parce qu'il avait autre chose à faire, d'autres choses à mettre en place. Ses pensées allaient encore à son épouse, celle qu'il aurait voulu avoir à ses côtés, et la seule qu'il laisserait approcher une fois que tout ceci serait terminé. Il avait encore le temps, et l'esprit assez clair pour qu'elle l'obnubile totalement. Les quelques os qu'il remit rapidement en place, les organes qu'il reforma, les plaies béantes qu'il referma sans réellement y penser, finirent par devenir de plus en plus contraignants à soigner. Il restait ouvert au Flux sans jamais se refermer, et il savait que son corps ne tiendrait pas jusqu'au bout. Il n'avait aucune idée de sa nouvelle limite, mais elle ne dépasserait sûrement pas les deux jours d'affilé. Il enchaînait les blessés depuis un moment maintenant, et des convois affluaient sans cesse. Il passait son temps à faire des allers retours entre l'intérieur des mouroirs et l'extérieur, tantôt pour trier les estropiés, tantôt pour essayer de sauver les mourants, jusqu'à ce qu'un convoi bien particulier arrive. Il n'eut pas vraiment le temps d'y réfléchir, et il reconnut rapidement Halyalindë, et Estiam, tout deux inconscients, tout deux blessés, et sans doute en meilleur état qu'il n'osait l'espérer. Il avait devant lui deux elfes qu'il estimait grandement, et de penser un seul instant que Tari avait pu les leur enlever était immensément douloureux. Mais cette idée s'évapora avec leur rythme cardiaque, parfois lent, parfois trop saccadé, mais bel et bien présent. Les sondant rapidement, il sut que la dame protectrice d'Ardamir était celle qui nécessiterait le moins de soin, aussi demanda-t-il à ce qu'elle soit rapidement portée vers un lit, là où il pourrait s'occuper de son corps. Il ne sentait pas la présence de son esprit, mais avec ce qui venait de se passer dans les murs d'Eraïson, et sa perte de conscience, il ne s'en inquiéta que très peu. Un mage de l'esprit s'en occuperait lorsqu'il aurait remis son physique d'aplomb. Inspirant profondément, faisant rapidement craquer les vertèbres de son cou, il s'attela à la tâche. On avait délacé les attaches de son armure, sans aucun doute de très bonne facture puisqu'elle n'était que très peu abîmée. Elle s'était cependant enfoncée à certains endroits, notamment au niveau de ses côtes, et il pouvait sentir qu'une ou deux avait cédé sous la pression. L'une effleurait à peine son poumon gauche, tandis que l'autre perçait le lobe moyen du droit. Soulevant doucement l'acier, il put entendre assez distinctement un grognement franchir ses lèvres. Instinctif. Et sourd. Une réponse automatique à la douleur qui devait envahir désagréablement son corps. Il savait qu'elle n'était pas de ceux qui souffraient le plus, mais la sensation restait tout de même assez désagréable. Doucement, il remit sa première côte en place, ressoudant l'os aussi rapidement qu'il le put. La seconde demanda un peu plus de précision, parce qu'elle bouchait le trou qu'elle avait fait dans le poumon, et il ne fallait pas que ce dernier reste béant trop longtemps. Les chaires finirent par se refermer, non sans mal, et le plus gros fut fait. Anorn passa rapidement le reste en revue, soulageant quelques ecchymoses et quelques égratignures, désengorgeant quelques inflammations bénignes, puis attrapa un mage qui passait par là. - Il s'agit d'Halyalindë Yasairava, la Dame Protectrice d'Ardamir. Désormais, la seule chose qui t'importe est son rétablissement. Veille sur elle comme si tu veillais sur ton enfant. Rien n'est, à ce jour, plus important qu'elle pour toi.Le jeune mage acquiesça sans broncher. Il était sans aucun doute fatigué, et qu'on lui ordonne de ne plus soigner, seulement de veiller, devait lui paraître assez doux pour qu'il ne se rebelle pas. Ou bien le ton autoritaire du Régent n'autorisait aucune contradiction. Peu importait, il allait la surveiller, et c'était tout ce qui comptait. Parce qu'il n'avait aucune envie que son état empire soudainement, ni même qu'elle panique lorsqu'elle se réveillerait. Il ajouta quelques recommandations quant au moment où elle ouvrirait les yeux, et il le pria de rester attentif. Il ne l'avait pas mis à ce post pour qu'il s'endorme, ou pour qu'il se repose. Malgré tout, il devait rester alerte. Et c'était sans doute ce qui serait le plus difficile dans cette tâche.
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| | | Halyalindë
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Mer 6 Avr 2016 - 13:34 | |
| Un pas.
C'est tout ce qui me séparait de cette porte ce jour là.
Je n'ai pas hésiter. Pas un instant. Pourquoi aurais-je hésiter d'ailleurs ? Il faisait froid, la pluie tombait drue sur mes épaules, s'infiltrant désagréablement sous ma cape de voyage. Mes cheveux collaient à mon dos, se prenant une fois de plus dans la maille de mon armure. A l'époque je ne connaissais rien de plus désagréable. Alors pourquoi aurais-je hésiter à pousser la porte d'un ami pour rester une nuit de plus avant mon départ ?
Et pourtant j'aurais dû remonter ma capuche, sauter en selle et tourner le dos à ce petit village d'éleveurs humains qui sentait aussi fort la boue que le purin.
A ce moment précis, j’aurais dû prêter attention à toutes ces voix, tous ces hurlements, tous ces gémissements qui s'annonçaient. J'aurai du comprendre que le frisson qui m'avait traversé des pieds à la tête n'était pas seulement lié au froid.
Pendant longtemps j'avais revu cette porte close. Toujours la même malgré le passage du temps. Un gros battant lourd et sans gravure. La pluie l'avait gonflée, obligeant à pousser de toute ses forces pour la faire bouger d'un pouce. Ou bien le gel grippait ses gonds, demandant encore plus de force pour pouvoir passer.
Chaque nuit, à peine les yeux fermés, je m'obstinais à me planter devant cette porte. Faut-il être bête pour s'infliger ça ! Dès que j'essayai un tant soit peu de reprendre pied, pendant près de deux siècles, nuit après nuit, c'était le seul souvenir que je ne pouvais pas occulter : moi, la main à mi-distance de la poignée. Je ne l'ai jamais ouverte. Pas besoin. Je savais exactement ce qu'il y avait derrière : les gens que je voulais revoir le plus au monde.
Maintenant que j'y pense, se priver du plaisir de voir ma famille pendant mon sommeil doit paraître encore plus stupide. Mais j'en étais incapable. Les quitter encore, et encore, et encore m'aurait détruite peu à peu. On dirait le destin tragique d'une héroïne d'épopée antique, mais c'est comme ça. S'il le faut, je parlerai d'une voix traînante et exagérée mais ne comptez pas sur moi pour les rimes.
En tout cas, après avoir passé plusieurs siècle a regarder une porte, je peux certifier qu'on en reconnaît chaque détail, chaque fissure, chaque dessin du bois, chaque tâche indélébile, même quand cela fait plusieurs années qu'on ne l'a pas vue. Et je peux aussi certifier que la porte qui se trouve en ce moment même devant moi, ici et maintenant, correspond bien à celle-là.
Mais pour une fois, il n'y a rien de pressant, rien de stressant ou de lourd. Pas d'angoisse. Pas de regret. Je n'ai même pas envie de l'ouvrir. Nan. Me laisser avoir comme ça ne me ressemble pas. Je ne me réfugierai pas à l'intérieur de cette demeure. Pas tout de suite. J'ai déjà essayé par le passé. J'aurais tout donné pour avoir cette occasion qu'on me donne aujourd'hui sur un plateau d'argent. Je suis certaine d'avoir oublié quelque chose d'important.
Assise dans la neige devant le perron, le froid me transit peu à peu. Bon… en même temps la neige, c'est pas ce qui réchauffe le plus. Mais j'allais pas rester debout à attendre durant cent-six ans. Et puis tout compte fait, le froid et l'humidité ne me dérangent plus vraiment. Je me sens plutôt calme, un des effets de l'hiver. Tout est calme en hiver. Même la Symphonie se fait plus ténue. Des silhouettes commencent à déambuler autour de moi. Le bruit de leur pas étouffé par la poudreuse. Quelques unes semblent vouloir engager la conversation, mais je les salue simplement de la tête. Pas envie de parler. Je les entends à peine. J'ai besoin de réfléchir.
C'est quelque chose d'important… Il me manque quelques chose d'important. Mais quoi… ?
J'attends. J'attends là depuis longtemps. Je n'ai pas envie de passer la porte qui me fait face. Je n'en ai plus envie... Mais pourquoi ? Un souvenir semble se débattre au creux de ma conscience sans trouver son chemin... comme un fichu mot que j'aurai eu depuis des heures sur le bout de la langue sans réussir à penser à autre chose. Plus j'essaie de me focaliser dessus, plus il me parait flou... et plus j'ai l'impression qu'il est à porté de main, plus je me focalise, coincée dans un entre-deux permanent.
Soudain, un passant me frôle.
Ma concentration vole en éclat. Enfin je m'aperçoit que la cour est bondée. Du coin de l'oeil, un visage connu m'appelle. Je me relève d'un bond.
« Maman ?! »
Je fait deux pas en avant. On me bouscule. Aëdil… Emeric… Tous… Je les connais. Je tends la main pour arrêter Ahna. Une main se referme sur mon poignet. Glaciale.
De plus en plus proches, de plus en plus resserrées autour de moi, leurs yeux me scrutent. L'état de sérénité dans lequel j'étais disparaît. Oppressée, opprimé… Quelque chose me pousse soudain. J'ai beau me débattre, rien n'y fait. On me tire sans un bruit vers la porte que je ne voulais pas franchir. Je sais qu'il ne faut pas. Cette chose qui me manque n'est pas derrière. Je n'ai pas le droit. D'autres ont encore besoin de moi. Je l'entends grincer. Elle est ouverte. Je refuse de regarder. Des bras me ceinturent.
Paniquée, je m'agrippe aux linteau. Mes ongles crissent sur le bois. Je sens le froid s'intensifier. Je hurle. Je refuse. Je me débat de plus belle. Il n'est pas question que j'abandonne. Jamais ! Mes griffes se plantent plus fermement sur le seuil. Je hurle de nouveau. Que quelqu'un m'entende. Que quelqu'un m'aide…
En face de moi, deux yeux jaune m'observent.
Un espoir fou me traverse. Je le connais.
Il approche pas à pas.
Je lâche prise avec un glapissement de terreur.
Il bondit dans ma direction.
Un fin filet d'air glissait entre ses lèvres sèches. Même les yeux clos, la lumière lui semblait insoutenable. Les bruits étaient lointains. Peu à peu, les souvenirs reviennent. Eraison. Le mage drow. Les ombres. Il y avait d'autres personnes.
Elle du s'y prendre à plusieurs fois pour rouvrir les yeux. Autour d'elle, d'autres corps. D'autres elfes. D'autres blessés. L'air sentait le sang, les herbes et la faiblesse… Mais pas le loup. Elle tourna la tête. Quelqu'un voulait lui parler. Elle ne comprenait pas vraiment. Le froid l'étreignait jusqu'au fond des os et pourtant elle suait à grosses gouttes.
« Randil… -Calmez-vous. Vous êtes en sécurité maintenant. Je suis sûr que votre ami va bien. »
Les yeux de l'elfe croisèrent les siens… Il y avait quelque chose. Elle reposa la question… Qui fut de nouveau éludée.
>>> Déraison |
| | | Lœthwil
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Ven 8 Avr 2016 - 11:15 | |
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Au beau milieu du vide absolu, une main danse une valse bien connue. Des doigts familiers sans propriétaires griffent l’obscurité jusqu’à la déchirer. Les ténèbres crépitent, secouées par l’invisible, se tordent puis s’affaissent, laissant naître en leur sein une fébrile lumière. Tremblante sous le poids de l’étoile nouvelle née, la première se voit dans la panique, contrainte d’en appeler à sa jumelle et maintenant deux à s’ourler autour de l’astre, communiquant sans le moindre contact direct une attention semblable à celle d’inquiets parents, les paumes d’abord serrées s’écartent lentement, invitant les murs de la sphère à occuper l’espace laissé libre. Il grandit lentement le chérubin, exhorté par ses mères à l’agile doigté, et en récompense à leurs efforts, vient les illuminer de ses doux rayons. Nouveau venu qui dévoile les anciens, au fur et à mesure qu’il prend de l’ampleur, il chasse le sombre voile d’autour du visage de la créature qui lui fournit anciennement son premier souffle. C’est dans une veine d’or que l’éclat diamantin trouve écho, et dès lors que ses premiers rayons s’y seront échoués, un second soleil se détache du drap d’huile. Tenant entre ses jeunes mains son étoile se trouve un enfant à la peau d’or, s’appliquant envers et contre tout à ne pas perdre sa lumière. Même lorsque son propre éclat menace de l’aveugler.
Tu es cet enfant, cet enfant perdu au plus profond de sa solitude, s’accroche désespérément à un rêve qui ne fait que grandir malgré lui. Tu es cet enfant partagé entre la panique et l’émerveillement, attendant de l’aide sans oser la demander. Tu es cet enfant qui ses rêves au bout des doigts, court sans direction ayant la conviction d’avancer. Tu es cet enfant qui trébuche sur un obstacle invisible et pleure alors que ses rêves sont sur le point de s’écraser juste devant lui, à jamais brisés en un million de morceaux. Tu es ce petit être se blessant dans sa chute, impuissant devant l’image d’une mère lâchant son étoile pour sauter à ta suite et rattraper la tienne.
Les visages face à face de deux êtres au sol, se relevant ensemble, soulevant ensemble maintenant un astre dont l’accrétion refuse de s’arrêter. Les visages souriants d’une mère sacrifiée et d’un fils sur lequel repose dorénavant l’espoir de sa génitrice… bonheur éphémère. D’un instant à l’autre les mains d’Uìnen s’effacent, son visage souriant s’étiole, et tu n’as plus avec toi qu’un rêve trop lourd pour tes petits bras. À nouveau te voilà les larmes aux yeux, croulant sous le poids de l’astre qui pulse au rythme de tes sanglots. Seul, rongé par la douleur, et pourtant l’enfant borné que tu es refuse d’abandonner ce pourquoi sa mère s’est donnée.
Les dents serrées, tu fais un pas en avant, puis un autre, et le rythme cet éternel allié prend possession de tes jambes convulsées. C’est toi qui la portes la lumière, elle avancera avec toi. Jamais tu ne la rattraperas, mais sans la lâcher, tu continues d’essayer de la rejoindre. Elle est ta motivation, elle est à la fois ton but et ton guide. Elle brille un peu plus à chaque pas, elle est un peu plus légère au fur et à mesure de ton périple, mais s’éloigne dangereusement, utopie provocante, au fur et à mesure que ton corps prend en âge et que tes bras s’allongent. Elle finit par t’échapper, s’élève vers la voûte, loin de toi, assez loin pour que sa lumière s’étale et te dévoile celui qui pour te délivrer te l’a dérobée. Lòmion t’adresse un rictus complice, te regarde d’un œil plein de malice et tend la main. Pas vers toi non, vers les autres. Les autres étoiles de ce monde. Les elfes ayant déjà rattrapé leur lumière. Les plus comme les moins brillants d’entre eux. Tu laisses tes pupilles admiratives s’égarer sur les mirages peuplant le monde que tu pensais de vide infini, tu cours vers les silhouettes à la fois si proches et si lointaines, tentes de les saisir pour comprendre comment, sans succès. Ils sont là, mais ils sont ailleurs. Ils sont là où tu vas, et tu ne rêves plus que de les rejoindre. Tu désires leur éclat. Tu désires son éclat.
Tes doigts d’adolescent pointent le plus brillant des mirages, arrachant un soupir d’inquiétude à Lòmion. Les images s’effacent, toutes sauf celle de Caranthir, qui s’élève loin au-dessus de vous, perd consistance, perd forme, s’écrase sur elle-même pour ne plus devenir qu’à son tour une immense sphère lumineuse. La lumière du plus puissant des mages se met en mouvement, tournoie sur elle-même à une vitesse impossible, la vieille étoile meurt et de son immensité naît le vide qui dévore le vide. L’anomalie aspire tout jusqu’à ton propre astre, se gorge de ton monde en monstruosité qu’elle est. L’ancienne étoile dans une telle démonstration de puissance ne fait que te rappeler à quel géant tu as décidé de t’attaquer.
Tu résistes un temps à son appel, refuses de te laisser dévorer par tes propres rêves. Si tu marches vers le centre du trou noir, c’est de ton propre chef, à la fois luttant contre l’attraction et suivant sa direction dans un paradoxe que seul toi pourrais expliquer. Loin derrière les turbulences attendent les spectres de lumière des deux qui t’ont porté jusqu’ici. Dans le silence absolu de tes cauchemars tes parents attendent le résultat de ta bataille contre tes rêves ; et dans l’épreuve tu grandis, ton corps est déformé par les marques de l’âge et de l’effort. Le bras fin de l’adolescent prend une nouvelle consistance, le tombé d’épaule du chérubin s’élargit pour mieux porter les responsabilités vers lesquelles il se jette. Retrouvant ta figure des temps présents, tu te sens fin prêt, et alors tu plonges le bras là où s’affaissent ombre et lumière, décidé à te faire vainqueur sur l’antimatière.
Tu es tout près du but.
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| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Ven 8 Avr 2016 - 16:20 | |
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Estiam était sa prochaine priorité. Alors qu'il se dirigeait vers l'endroit où on l'avait déposé, parvint à ses oreilles le bruit que le Seigneur Protecteur d'Eteniril était là aussi. Evidemment. Où avait-il la tête ? Comment était-il possible qu'il ne l'ait pas senti, qu'il n'ait pas même pensé qu'il était ici ? Laissant une grimace apparaître sur son visage, il ordonna au premier venu de lui faire un rapport au plus vite quant à l'état physique de ce dernier, précisant bien que son état mental ne l'intéressait pas. Ou plutôt, cela ne lui était d'aucune nécessité. Certes cela l'inquiétait, et certes il aurait voulu savoir s'il allait bien ou non. Mais il était guérisseur, et le physique était sa priorité. La seule et l'unique. Quand le mage s'en alla quérir des informations, Anorn continua son chemin, arrivant bientôt aux côtés d'Estiam. Passant une main sur son visage, son cœur se serra un peu plus quand il revit son état une seconde fois. Il allait certes nécessiter plus de soins qu'Halyalindë, mais ce n'était pas de très bon augure. Passant une main sur son front, il vérifia s'il était conscient ou non, puisqu'on lui avait dit qu'il était difficile de le savoir. Il était probable qu'il le soit quelques instants, avant de s'évanouir de nouveau pour un petit moment. Il se pouvait que son esprit revienne à la réalité, avant que la douleur ne le submerge ensuite soudainement, et le renvoie où il ne pouvait la sentir. Le cerveau était une chose fascinante, qui préservait les âmes et les corps, et s'il n'y avait pas une certaine urgence, il aurait certainement pris un peu plus de temps pour s'en émerveiller.
- Tu n'as pas intérêt à me claquer dans les doigts, et comme je t'ai promis, je vais tout faire pour te remettre sur pied. Excuse moi si je te fais souffrir, ce qui risque fortement d'être le cas, mais ce sera uniquement pour ton bien.
Il ne savait s'il était conscient ou non, mais il pensait qu'il l'était. S'il n'ouvrait pas encore les yeux, il était persuadé que cela arriverait bien vite. Et quand cela arriverait, il verrait sans aucun doute la mine à moitié défaite, et à moitié concentrée d'Anorn. Le tutoiement s'était imposé naturellement, et ce dernier n'avait même pas cherché à se corriger. L'absence de répondant avait sûrement joué, mais à vrai dire, ce n'était pas ce dont il se souciait actuellement. Ses côtes étaient un peu abîmés, quelques fêlures et quelques fractures étaient apparues, et ses articulations en avaient prises un coup. Mais ce n'était pas le plus impressionnant, et de loin. Ce qui l'inquiétait énormément, c'était la faiblesse affolante de ses muscles, l'impression qu'ils avaient été broyés, et les brûlures importantes de ses chaires les plus profondes. Il reconnaissait là les dégâts liés à une utilisation trop poussée, trop importante de la magie. Son corps n'avait sans doute pas supporté sa demande, et il avait comme fondu sous la demande trop importante d'Estiam, et il allait devoir réparer les dégâts. La première chose qui lui passa par la tête fut qu'il allait devoir être extrêmement précautionneux. Parce que les dégâts avaient été causés par le flux, et qu'il allait devoir les réparer avec le flux. Il n'avait jamais eu à faire à une telle destruction, et Anorn savait combien le mage élémentaire devait souffrir actuellement. Alors, même si ce n'était pas une chose qu'il avait l'habitude de faire, il commença par étouffer ses nerfs sensitifs, soulageant la douleur, minimisant celle qui viendrait. Et qui pouvait le tuer. Parce qu'il allait souffrir, c'était certain. Plus qu'il n'avait déjà souffert, et sans doute plus qu'il ne souffrirait jamais.
Quand l'elfe montra un semblant de conscience, quand la douleur ne le renvoya pas là où il ne sentait rien, là où il était en sécurité, Anorn avait ôté tout ce qui pouvait le gêner dans l'effort qu'il ferait pour le soigner. Son torse était à nu, et ne lui restait sur les cuisses qu'un bout de tissu, préservant son intimité. L'archimage avait commencé par rendre leur efficacité aux articulations de ses jambes, mais ce n'était pas celles qui étaient le plus touchées. Ses doigts, ses mains, et ses bras demandèrent plus de temps. Il devait reconstruire certains tissus, et replacer certains os qui s'étaient démis de leur emplacement initial. Quelques craquements résonnèrent, mais ce n'était rien. Ce n'était rien comparé à ce qui l'attendait. Et quand il posa une main sur son torse, il put sentir la chaleur inhabituelle qui se dégageait de son torse. Sa peau était brûlante, et pourtant, des frissons parcouraient son corps.
- Allez, tiens bon, ça va aller. Je vais remettre tes côtes en place. Ca risque de faire un tout petit peu mal. Mais ce ne sera pas comme d'ordinaire, si jamais tu t'es déjà cassé les côtes. J'ai étouffé la douleur, c'est pour ça que tu dois te sentir engourdi. C'est bien mieux comme ça, et c'est bien mieux pour la suite. Je ne veux pas que tu rejoignes Tari, sous prétexte que la douleur sera insupportable. Je vais faire vite, d'accord ? Parle moi, si ça peut t'aider. Raconte moi, n'importe quoi. Ou ne me dis rien. Mais reste avec moi, essaye de rester avec moi.
S'il s'évanouissait alors que ses nerfs étaient engourdis, la douleur allait le tuer. Il le savait, et pour la première fois aujourd'hui, la peur serra désagréablement le cœur d'Anorn. Parce qu'il avait non seulement en face de lui un frère, mais aussi quelqu'un qu'il estimait réellement. Et au delà de son père, il voulait tenir sa promesse pour lui. Il voulait qu'Estiam s'en retourne en vie, parce qu'il ne pouvait être responsable de sa mort. Il savait qu'il ne se le pardonnerait jamais, et il savait qu'il n'avait pas le droit d'ôter une telle figure à son peuple. La mâchoire du régent s'était serrée, et cela, on pouvait sans peine le remarquer. Ouvert au flux, son focalisateur brillant doucement, l'archimage réparait les os un à un, infligeant toujours plus de douleur qu'il ne l'aurait voulu. Les côtes se remettaient doucement en place, et il solidifiait au mieux les fêlures qui les avait fragilisées. Tout ce qui lui importait maintenant était qu'Estiam reste en vie. Et alors, il pria Kÿria pour qu'elle guide sa main.
Dernière édition par Anorn le Dim 10 Avr 2016 - 17:06, édité 1 fois |
| | | Lœthwil
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Ven 8 Avr 2016 - 21:01 | |
| Vaincre, vaincre, vaincre. Tu n’as que ce mot à l’esprit. Rien ne t’importe plus que les défis que t’impose ton monde psychologique. Ce que t’inflige le monde empirique, les peines et les mouvements de ta carcasse sont au bonheur des guérisseurs et au malheur des porteurs les derniers de tes soucis. Poupée de chiffon, ta respiration saccadée et tes frissons comme seuls signe de vie, tu livres loin de leurs consciences une bataille qui pourrait te coûter la tienne. Sous leurs yeux aveugles tu vis le plus féroce combat auquel il t’a jamais été donné de participer. La lumière noire entre les mains, hurlant dans un monde de silence, prêt à faire le plus grand des sacrifices pour renaître meilleur, te voilà donnant tout, tout ce que tu as et tout ce que tu es…
Ça fait mal. Horriblement mal. Tu avais été prévenu, tes oreilles l’ont laissé entendre à ton cerveau malgré toi, et c’est presque la surprise de ne pas être surpris par la souffrance qui t’arrache à ton univers intérieur. Manquant d’étouffer, ravalant difficilement la bile qui faillit trouver refuge dans ta trachée, tu regrettes instantanément la nature éthérée de ton songe. Ici sur la Terre ferme la gravité pèse aussi douloureusement sur chaque parcelle de ton corps que le faisait la tempête de tes rêves là-bas. Tes yeux papillonnent sans te laisser le temps de rien observer, tes doigts tentent vainement de s’accrocher aux aspérités à portée de tes mains inertes. Etais-ce là l’ampleur de tes blessures ? Etais-tu déjà dans un si déplorable état il y a quelques temps encore ? L’adrénaline et la rage de vivre avaient-elles été à ce point de bons boucliers ? Est-ce le moment de te poser de telles questions ?
Les sensations se comparent et se mélangent. Où est la vérité et où est le mensonge. Quelle réalité est la plus importante ? Dans quelle réalité es-tu le moins impuissant ? Le contact de la main d’Anorn aurait dû te rassurer, mains sa paume glaciale ne faisait que te souffler la plus sincère des paniques. Cet endroit ne pouvait pas être la réalité. Si cela avait été la réalité, alors sa voix ne t’aurait pas inspiré de sueurs froides, et sa main t’aurait apaisé… à moins qu’elle ne soit annonciatrice de souffrance. Dans ton état il n’y a plus de réflexion qui tienne. Ton corps réagit pour te protéger, tes intuitions sont exacerbées et tes expériences n’ont plus aucune valeur. Tu vas souffrir qu’il t’a dit, alors tu as peur. On te sépare de ta dernière protection. On te dénude, on te fait plus vulnérable que tu ne l’es déjà. Quoi de plus naturel que d’avoir peur.
Ton corps se crampe et ton torse se gonfle violemment quand le régent y pose la main. Tes paupières sous le sursaut trouvent la force de t’autoriser un filet d’image floue. Anon. C’est bel et bien Anorn qui se trouve en face de ta pitoyable dépouille. Le mage à qui tu as refusé une promesse se voyait obligé de tout faire maintenant pour respecter la sienne… et son angoisse est réelle. L’intérêt qu’il te porte est aussi vrai que la peur qu’il a de te voir partir. Aucun besoin d’intellectualiser pour que sa voix réussisse à te le communiquer. Pas besoin de jouer de ta mémoire pour qu’elle vienne te rappeler qu’en plus de celle qu’il t’a faite, il y avait aussi celle qu’il avait faite à ton père. Et devant la réminiscence fut de trop, les larmes se mirent à couler. Parle qu’il te disait, parle pour survivre, parle pour te soulager. Les larmes à elles seules ne suffiront pas à tout expier, mais tenter d’émettre le moindre son est presque comme marquer tes cordes vocales au fer blanc. Les autres douleurs sont tellement plus intenses de toute façon, une de plus, une de moins, le coût de quelques murmures n’est qu’une goutte d’eau de plus dans l’océan que déversent tes paupières. À la simple idée de l’inquiétude que connaîtrait ton père s’il te voyait ainsi, tu es à nouveau un petit enfant. Mais ne sommes-nous pas tous de petits enfants devant la face de Tari ?
- Je… je pensais que je pouvais. C’était impossible mais je pensais que je pouvais. J’y suis allé Anorn, j’y suis encore allé. J’y vais toujours, je ne peux pas m’en empêcher. Il faut toujours que j’y aille tu comprends ? J’ai laissé maman pour pouvoir y aller. Je lui ai promis que je ne la laissais pas pour rien. Maman était triste, les autres ne voulaient pas, mais elle l’a fait pour moi. Maman m’a laissé avec Papa, et elle est repartie. Papa a pleuré. J’ai pas souvent vu papa pleurer. Papa sourit tout le temps, mais ce jour-là il a pleuré, quand maman m’a laissé. Il a dit que c’est parce qu’il savait que maman pleurait aussi. Je lui ai dit qu’elle ne pleurait pas, qu’elle était heureuse, mais il savait…Papa m’a tout appris pour ne pas que maman ait pleuré pour rien. Même ce qu’il ne savait pas il me l’a appris. Papa il ne pouvait pas tout me dire alors que Maman ne cachait rien. Je voulais savoir Anorn. Papa me disait que seulement les meilleurs avaient le droit de savoir. J’étais loin d’être des meilleurs, mais je voulais pas attendre. J’y suis allé pour la première fois, et je n’ai jamais arrêté. Je pars. Tout le temps je pars. Même quand je dois rester. Je peux pas m’empêcher de partir Anorn, j’ai besoin de partir. Quand je serai le meilleur je saurai. Quand je serai le meilleur les gens m’écouteront. Je leur dirai ce qu’ils doivent savoir Anorn, et ils m’écouteront. Tu comprends Anorn ? Tu comprends ? C’est pour ça que je vais là où je ne dois pas aller. Je dois leur dire.
Dans un incroyable effort que seule t’autorisait la magie de ton confrère… de ton frère, ton poing s’est refermé, et avec toute la force que tu étais capable de déployer, tu as frappé le sol. Pas un grain de poussière n’aura été soulevé par ta maigre protestation, mais la conviction y était. La rage y était. La peur y dominait.
- Je suis tout près Anorn. Je suis tout près.
Tes yeux larmoyants se sont enfin ouverts, et tes pupilles d’or, éclatante comme jamais, sont venu percer celles de l’ancien Protecteur.
- J’ai mal Anorn. Dis. Je vais mourir ?
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| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Mar 12 Avr 2016 - 13:54 | |
| Il lui avait dit de parler, et il parlait. Avec une certaine difficulté au début, mais il parlait. Et cela soulagea momentanément Anorn. Parce qu'il pouvait encore être clair et cohérent dans son discours, parce qu'il était encore compréhensible, et qu'à ce stade, c'était essentiel. Vital. S'il se laissait aller, s'il laissait la douleur l'emporter, alors il n'y aurait qu'une mince, très mince chance, pour qu'il revienne. Il lui racontait ses ambitions, sa détermination, et ses rêves. Il lui racontait combien il avait été difficile pour lui de construire et d'avancer dans son avenir. De réaliser ce qu'il s'était fixé comme objectif, et ce qui l'avait finalement amené ici. L'archimage portait une attention certaine à ses propos, mais il se concentrait surtout sur la suite des événements. Les côtes une fois réparées, il allait devoir s'attaquer au plus dur. Au plus éprouvant. Et surtout au plus dangereux. Faire parcourir le flux dans son corps une seconde fois, alors que sa sensibilité était au plus haut, alors qu'il venait justement de faire une sorte de rejet suite à une surexposition, risquait d'avoir des conséquences non négligeables. Des conséquences qu'il ne pouvait prévoir, par ailleurs, et cela le freinait, quelque part. Parce qu'il pouvait le tuer, parce qu'il ne connaissait pas les limites d'Etsiam, et parce qu'il avait déjà vu quelques cas dans cet état, qui soit n'en étaient pas revenus, soient n'avaient jamais pu en guérir complètement. Mais il avait eu un millénaire pour s'entraîner. Un millénaire pour apprendre, pour se perfectionner. Pour être parmi les meilleurs, au sommet de son Art. Ce n'était vraiment pas le moment de douter, et l'effort surhumain que fit le mage élémentaire pour démontrer sa rage, et son envie de se battre, le lui rappela. Il était tout près, lui disait-il. Et il n'avait pas le droit d'abandonner. Pas maintenant. Pas alors qu'il pouvait le sauver. Lorsque ses pupilles percèrent les siennes, lorsque les larmes vinrent embuer son regard, Anorn serra sa mâchoire, exprimant clairement sa détermination, et refrénant son angoisse. Il hésita un instant, avant de répondre. Parce qu'il ne savait pas. Il n'avait aucune idée de la réponse, il n'avait aucune idée de la suite des événements. Il ne savait pas comment se terminerait cette journée, et il ne savait pas si Estiam serait encore en vie.
- Tu as mal ? C'est encore supportable, je crois. Je ne peux pas faire mieux, j'ai déjà engourdi tes sensations. Les endormir complètement, dans ton état, c'est te mener droit dans les bras de Tari. Mais ce n'est pas ce que tu me demandes, j'entends bien, reprit-il après une courte pause. Je ne sais pas si tu vas mourir Estiam. Je n'espère pas, et je ferai tout pour que ce ne soit pas le cas. Mais cela va dépendre essentiellement de toi. De ta résistance à la douleur, et de la manière dont tu vas gérer le flux, dans ton état. Tes chaires sont comme brûlées, certains de tes muscles commencent déjà à se nécroser. Tes organes seront bientôt touchés si je n'agis pas rapidement. Sauf que je ne peux pas privilégier la rapidité au détriment de la qualité. Alors je vais faire de mon mieux, en espérant que tu sois assez fort pour supporter la douleur, et surtout l'exposition beaucoup trop rapide, et beaucoup trop importante au flux.
Sa voix n'était plus si posée, plus si sereine qu'elle pouvait l'être au début. Tandis qu'il essayait d'expliquer le plus objectivement à Estiam ce qui allait se passer, il faisait des centaines d'hypothèses dans sa tête. Sans réellement en trouver une qui le satisfaisait suffisamment. Elles étaient toutes plus hasardeuses les unes que les autres, parce qu'il lui manquait une donnée essentielle. La manière dont il réagirait à tout cela, la manière dont son corps allait répondre à ses soins. Mais il allait devoir s'y mettre rapidement, sans quoi les dégâts n'allaient qu'empirer. Quand il reprit la parole, les yeux toujours dans ceux de l'élémentaliste, son ton était plus ferme, plus décidé, même si sa voix trembla légèrement, trahissant sans qu'il le veuille son inquiétude.
- Je vais d'abord reconstituer les muscles nécrosés. Je vais recréer la partie manquante, et détruire celle qui est déjà morte. Tu vas avoir mal. La douleur va être plus puissante que tout ce que tu as jamais pu connaître. Mais si tu passes cette étape, il est fort probable que tu survives au reste. Essaye de ne pas me lâcher en cours de route. Une fois que j'aurai commencé, je ne pourrai pas m'arrêter. Cris, pleure, dissocie ton esprit de ton corps, peu importe, fais ce qui te soulage. Mais reste avec moi. Reste conscient. Ne t'enfonce pas dans les limbes de l'inconscience, ou tu risques de ne jamais en revenir.
Le sérieux avait gagné son visage, et l'inquiétude sincère et profonde brillait dans ses yeux. S'il se laissait aller, s'il n'arrivait pas à garder son esprit présent, si son cerveau décidait de l'éloigner de la souffrance, alors son pronostic vital n'était plus seulement engagé, il devenait inexistant. Tari finirait par le prendre, parce que cette alternative était bien plus douce, et bien plus facile que de réintégrer un monde de peine et de douleur. C'était peut-être égoïste de sa part de vouloir le garder en vie, et ce n'était peut-être qu'une profonde envie de ne pas trahir sa promesse, mais si cela lui permettait de se dépasser, et de le garder parmi eux pour encore quelques siècles, quel mal y avait-il à cela ? Sa concentration était désormais à son comble, et il sentait son focalisateur comme chauffer contre sa poitrine. Glauriel lui revint à l'esprit, puis Aldartha. Ceux qu'il avait aimés plus que tout, et qui comptaient d'une manière incommensurable pour lui. Et s'il avait la possibilité de ramener Aldartha, maintenant, n'essayerait-il pas tout pour que cela réussisse ? Ne ferait-il pas tout pour sauver un frère ? Ses mains se déplacèrent instinctivement vers les zones les plus lésées, et bientôt commença le long périple, pavé de souffrances, d'Estiam. Anorn avait les yeux mi-clos, ses paupières ne laissant apparaître que leur blanc. Il sentait le flux le transpercer de part en part, et s'il n'en souffrait pas encore, il savait que cela viendrait. S'exposer si longtemps n'était pas sans conséquence physique, et il s'occupait essentiellement de ceux qui nécessitaient des soins assez lourds. Morceau par morceau, il commença à détruire les parties nécrosées. Et il put sentir nettement le corps d'Estaim se tendre, avant de trembler. Ce n'était que le début, et pourtant, il pouvait déjà presque sentir la douleur qui commençait à l'envahir.
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| | | Lœthwil
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Mar 12 Avr 2016 - 22:27 | |
| Les mots rebondissent en une légion d’échos différents, mais ton oreille habituée à l’omniprésence de sons arrive encore à distinguer les bribes d’un discours intelligible. Veux-tu réellement l’entendre ? Là est la question, parce que l’ancien Protecteur ne te passera aucun baume avant de verser le vinaigre dans tes plaies ouvertes. Anorn lui aussi est épuisé, Anorn lui aussi a beaucoup donné, et le voilà face à toi, le mage à la témérité égoïste, prêt non seulement à faire mentir celui dont la parole est serment, mais à dérober son énergie au passage. Coupable. Tu es coupable et tu ne fais qu’en payer le prix, semant au gré de ton passage tes dettes à qui voudra bien t’aider à les honorer.
Douleur, souffrir, mourir, flux. Douleur, souffrir, mourir, flux. Les bras de Tari. Toi, moi, qualité, fort. Moi, toi, espérance. Toi, fort, résistance, moi, qualité, rapidité, toi, douleur, souffrir, flux, mourir, Tari. Pas de phrase entière, juste des syllabes, des mots, des notions. Juste des intonations et des silences. Le discours a toujours été la force d’Anorn. La voix du guérisseur commence à trembler, et si le doute t’avait déjà envahi plus tôt, tes craintes en sont d’autant plus fortes. Si l’archimage lui-même commence à s’inquiéter de ce qu’il ne saurait te tirer de ton état, c’est que la gravité des choses dépasse le domaine de compréhension que t’autorise ton état mental précaire. Ton cœur accélère, ta respiration se coupe. La peur te plonge dans une suite d’apnées tranchée de soubresauts. Tu te noies dans un verre d’eau, et il le voit très bien. Alors pour te rassurer, Anorn joue de sa capacité à se créer une façade. La fermeté l’emporte sur l’anxiété.
Constituer, nécrose. Manquante, détruire. Mort. Douleur. Mort. Puissante, survivre. Toi, inconscience, moi, reste. Jamais revenir. Toi, puissante, douleur, reste, moi, survivre. Moi, détruire, nécrose. Constituer, toi. Risque, inconscience, jamais revenir.
Le flot de larmes se fige avec le reste de ton corps, laissant ta tête seule part mouvante, acquiesçant lentement à ce qu’elle n’a en réalité pas compris. Le maître mot est confiance. Que soit fait ce qu’il pense être le mieux, tu te contenteras d’encaisser, de continuer d’encaisser et de t’accrocher à lui. Ta bouée de sauvetage. Voilà face à toi l’elfe qui, il y a quelques ennéades encore voyait en toi un impoli. Voici en ton possible sauveur celui qui t’a ramené à la réalité en détruisant le lien affectif que tu avais avec son nom. Aujourd’hui mourrait définitivement en ton cœur le Anorn qui ne t’aime pas. Aujourd’hui naît ton frère aîné en Kÿria. Et malgré l’idée de la souffrance prochaine, tes lèvres se laissent aller à un timide sourire. Les traits d’Anorn forcés hors de leur façade habituelle te sont une vision qui, si elle ne présage rien de bon, gonfle ton orgueil.
L’eau s’échappe à nouveau de tes yeux, et pourtant tes paupières te semblent plus sèches que le désert Zurthan. Tu hurles à en perdre l’âme, tu cries à en perdre ta gorge. Tes cordes s’auto-lacèrent dans un sonore suicide. La plainte est large, puis stridente au point d’en vriller les tympans les plus résistants, et lorsque le traitement finit par s’allonger, ce n’est plus qu’un raclement âpre qui s’échappe de ton gosier. Résister, résister, résister… tu dois tenir, mais tu voudrais tellement abandonner. La magie te brûle plus que ne t’apaise Anorn, tu veux fuir, tu veux échapper à la douleur. Tu en as assez de tes chairs de mortel, livrées aux caprices des arcanes, impuissantes face au mal qui les ronge. Tu voudrais aider Anorndellon, t’aider toi-même, te sortir de cette impasse. Tu entends les murmures de l’éther parasite qui t’empoisonne, tu sens le mouvement créé par l’Archimage, et tu voudrais l’aider, l’aider pour ne pas qu’il s’épuise et se tue pour toi.
Puisant dans la force que tu n’as pas, tu recroquevilles des doigts. Tu aurais serré les poings à t’en faire saigner si tu le pouvais, mais tu ne peux en réalité que crisper tes paumes aplaties. Et puis tout s’est arrêté. Absolument tout. Le monde a trouvé une pause. Tu es mort. Tu es à la fois mort et vivant à la fois. Mais qu’es-tu au juste ? Tu ne sais pas, mais la sensation est agréable. Les paumes d’Anorndellon sont brûlantes… ou n’est-ce pas toi qui est froid ? Avec une facilité déconcertante, tu portes tes mains à ton visage pour ne rien y trouver d’inhabituel, mais une fois devant tes yeux, tes doigts opalins deviennent une évidence. Tu es glace, elfe des neiges à la chevelure d’onde. Tu es devenu ta magie pour lui échapper. Tes instincts ainsi ont cru te sauver.
« Pourquoi ? Comment ? Que faire ? » Tu aurais aimé demander, mais de tes lèvres verglacées, aucun son ne saurait échapper.
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| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Lun 18 Avr 2016 - 14:56 | |
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Sa concentration était à son summum, et sa précision plus fine que jamais, lorsque qu'une sensation de froid intense s’immisça dans ses mains, et remonta le long de ses bras. Sous le flux, la matière qu'il redessinait n'était plus vivante, mais totalement figée. Retirant subitement les doigts du torse gelé, ses yeux s'ouvrirent alors brusquement, et il resta un instant interdit. Une pâleur mortuaire avait envahit la peau d'Estiam, et son corps semblait figé, comme dans de la glace. De la glace, oui. C'était cela. Il avait devant lui un bloc d'eau complètement durcie. Et s'il se refusa un temps à l'admettre, il ne put que se rendre rapidement à l'évidence. Il n'avait aucune idée de ce qui était entrain de se passer, et comme la patience l'avait quitté depuis un moment déjà, il appela un des mages qui l'entouraient.
- Vas me chercher un Artisan de la magie élémentaire. Un de ceux qui tiennent encore debout, et prends celui qui a le plus d'expérience, et le plus d'habileté dans son Art. Maintenant.
L'elfe ne se le fit pas dire deux fois, et il ne lui fallut pas bien longtemps pour exécuter ce qu'on venait de lui ordonner. Quand le mage élémentaire fut à ses côtés, il lui demanda s'il savait ce à quoi tout cela rimait. Le pauvre, bien en peine de répondre, ne put se contenter que de marmonner quelques hypothèse, craignant sans doute le courroux de son Régent qui paraissait tout de même assez irritable actuellement.
- Très bien, j'ai compris, tu n'en sais pas plus que moi. Ecoute, ne penses-tu pas qu'il serait possible que ce soit là simplement un mécanisme de sauvegarde de son être ? Ma question va certainement paraître assez stupide, mais penses-tu qu'il soit possiblement là l'expression de son inconscient, qui vise à vouloir garder l'intégrité de son corps ? Je suis entrain de détruire certaines parties de ses muscles, et...
Oui. C'était tout à fait plausible. Probable même. D'un geste, il congédia celui dont il avait requis la présence, et il revint vers Estiam. Il était sans doute encore conscient, et chose assez étrange, son cœur battait toujours. Et si ce n'était que d'une manière infime, il était toujours vivant. Un long soupir franchit les lèvres de l'archimage, qu'il mordit presque aussitôt, lorsqu'une ride apparut sur son front, entre ses deux yeux. Il n'avait aucune idée de la manière dont il allait chasser la glace, et à vrai dire, il n'avait pas réellement envie de devoir ramener l'elfe brutalement à la douleur.
- Bon, Estiam. Je n'ai pas idée de la façon dont tu as pu faire cela, mais je crois que tu as gelé entièrement ton corps. Je n'ai pas de moyen de savoir si tu m'entends, alors je vais faire comme si en espérant que ce soit le cas. Actuellement, je ne peux plus continuer à te soigner, tu me bloques l'accès à ton corps. C'est sans doute un réflexe instinctif, dans le but de sauvegarder ton intégrité, mais il va falloir que tu le supprime. Au moins le temps pour moi de terminer ce que j'ai commencé. La plupart de tes chaires nécrosées sont détruites, il ne me reste qu'à les remplacer. Je sais que c'est très douloureux, et je sais que tu ne veux pas souffrir. C'est humain. Mais si tu restes dans cet état, si tu ne me redonne pas rapidement accès à ton corps, alors je crains que Tari ne finisse par t'enlever sans que je ne puisse rien faire. A cet instant, il n'y a que toi qui peux te sauver. Personne d'autre.
Il se savait impuissant face à cette situation, et il n'aimait pas cela du tout. Il fallait qu'Estiam inverse la tendance, sans quoi il n'allait pas pouvoir le sauver. Et le pire était qu'il n'avait aucune idée du niveau de conscience du mage, ni même de sa faculté à l'entendre ou non. Passant une main sur son visage, l'archimage implora Kÿria un instant, la priant de lui laisser une chance de le guérir. Et de laisser une chance à l'elfe des noss de continuer son chemin parmi les vivants. Alors bravant le froid, et la sensation étrange qu'il lui procurait au niveau des doigts, il attrapa d'une main la sienne, posant l'autre sur son épaule. D'un ton ferme, presque autoritaire, il annonça :
- Il faut que tu reviennes. Maintenant. Chasse la glace, et fais face à la douleur. Puise l'énergie nécessaire à travers moi si tu ne peux le faire seul. Mais fais vite. Chaque instant compte. Tu dois le faire. Reviens.
Anorn emmagasinait en lui une énergie faramineuse, comme s'il se préparait à lancer un sort d'une ampleur gigantesque. S'il le devait, il allait devenir la source d'Estiam, et peu importait combien il devait puiser, le régent allait le lui donner.
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| | | Lœthwil
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Lun 18 Avr 2016 - 15:44 | |
| Laisser librement la magie traverser ton corps au point de ne plus en devenir toi-même qu’une simple expression. Sentir les flux couler à travers ce que tu pourrais assimiler à tes veines. Devenir toi-même une note dans la mélodie chaotique composée par la magie ambiante. La sensation est grisante. Tu aimerais rester ainsi pour toujours, ne plus jamais avoir à revenir à ton corps de chair, mais tu n’as pas besoin d’écouter ton instinct pour te rendre compte qu’il est impossible pour un être vivant de se faire élémentaire pour l’éternité. La puissance magique déployée pour constituer les êtres de minéraux dans la nature est colossale, et d’autant plus dans ton cas, puisque mieux que d’avoir été érigé à partir de rien, c’est une instable métamorphose que tu maintiens. Tu peux aisément sentir les flux t’échapper petit à petit, le temps qu’il te reste à passer sous une telle forme t’est étonnamment évident. Le profond désir de faire courir la magie pour te protéger, voilà ce qui t’a mené là, t’en voilà convaincu.
Les mages qui te font face ne sauraient de toute façon expliquer la tournure des événements, ils n’ont comme solution que d’émettre des hypothèses, de la plus saugrenue à la plus exacte, et d’en appeler à toi. Parce que c’est à toi seul qu’appartiennent les clefs de ton corps. C’est toi seul qui détiens les clefs de ta magie. C’est toi seul qui détiens les clefs de ta vie. Prendre cette forme ne fait que retarder l’inévitable, et ce faisant, forcer le guérisseur à s’épuiser dans le vide. Anorn n’a d’autre moyen s’il veut que tu survives que de convaincre et de persuader. Et c’est bien aisément qu’il y parviendra, parce que sous cette forme tu n’as plus mal. La douleur ne perturbe plus ton esprit. C’est au plus loin de ton humanité que tu en es finalement le plus proche, car ainsi tu comprends finalement entièrement chaque mot. Tu entends chaque mot auquel tu ne peux répondre.
Il te faut comprendre, comprendre et vite, pour ne plus dépendre du compte à rebours de l’horloge d’éther. Il te faut apprendre à manipuler les flux sous cette forme, comprendre comment tout fonctionne lorsque l’on est non plus le chef d’orchestre, mais une note de la partition. Tu dois sonner de manière à faire vibrer les autres, et de la bonne façon. Tu en veux au destin de ne t’avoir offert une expérience si fascinante qu’en des temps aussi troubles, tu maudis la trame du temps de ne pouvoir t’accorder plus de son rouleau pour en profiter. À contrecœur sans vraiment que ce le soit, partagé entre une myriade d’émotions, tu tâtonnes, te concentre sur la chaleur des mains d’Anorn. La chaleur, de la chaleur pour dégeler, retrouver la fluidité, retrouver le mouvement… créer le mouvement. La glace perd de sa blancheur et le froid perd de son mordant. Tu glisses maintenant, prenant la forme première de l’élément de Tari pour mieux lui échapper. Tu es eau, ton premier amour. Eau, première étape de la vie.
Ta main reprend lentement consistance au creux de celle d’Anorn, la douleur remonte le long de tes membres au fur et à mesure que le fluide se fait organes. La métamorphose avait été soudaine quand il fallait s’échapper, mais revenir en une fois aurait été un véritable suicide, alors ton corps par lui-même a choisi de faire autrement. Un nerf après l’autre, tu te replonges dans la dure réalité, et juste au moment de signer définitivement ton retour, profitant de ce qu’il reste des efforts d’anesthésie d’Anorn et de l’idylle glacial, et porté par la rage de vivre, tu te rapproches du guérisseur, sépare ta main de la sienne pour le prendre dans tes bras, croisant les poignets dans son dos et le serrant contre toi avec une force presque à lui écraser les côtes. Le visage dissimulé dans son dos, tes larmes coulent à nouveau.
Le message que tu lui adresses dans cette étreinte est d’une telle force que seule la pression que tu fais subir à sa cage thoracique pourrait l’expliquer. De la honte, de la gratitude, de l’espérance, de la confiance, de la peur, de la colère et de l’admiration. Tant de choses que savent communiquer l’étreinte d’un enfant. Mais parce qu’Anorn aime les mots, avant de serrer les dents, tu fais l’effort de lui en offrir deux, et pas un de plus.
- Pardon, Anorndellon.
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| | | Anorn
Ancien
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| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Lun 18 Avr 2016 - 19:43 | |
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Ce fut un grand soulagement pour Anorn de sentir le corps d'Estiam revenir à la normale. Il l'avait donc entendu, au moins l'imagina-t-il, et il avait vaincu la douce idée de rester dans cet état jusqu'à rejoindre Tari. Ou à se perdre complètement dans le flux. Il savait qu'il revenait par étape, et c'était une bonne chose. La douleur ne pouvait pas le submerger entièrement d'un coup sans quoi son cerveau ne supporterait pas la surcharge. Il aurait voulu l'aider, en atténuant au fur et à mesure ce qu'il pouvait bien ressentir, mais il était beaucoup trop occupé à donner l'énergie nécessaire à Estiam pour qu'il puisse opérer son changement. Il le sentait puiser en lui, et il était de plus en plus conscient de l'énergie qui passait à travers son propre corps. Il ne servait alors qu'à concentrer l'énergie, pour permettre au mage de saisir ce qui était beaucoup trop volatile en ce moment pour lui. Cela ne lui demandait pas tant de concentration, mais plutôt de la résistance physique, et il sentait bien que cette dernière était mise à rude épreuve. Puis la sensation qu'on lui arrachait quelque chose s'étiola peu à peu, et disparut bientôt. Il sentait les doigts du mage de l'élémentaire bouger et s'assouplir au creux de sa main, et alors qu'il se préparait à reprendre ses soins, on l'attire vers soi, et on l'étreint si vigoureusement qu'il reste coît. La proximité soudaine entre lui et Estiam l'avait mis un instant mal à l'aise, et il mit un instant avant de passer sa main dans son dos. Et alors qu'il tentait de reprendre une certaine contenance, le souvenir de Glauriel l'envahit complètement. Cette étreinte lui rappelait celle qu'elle avait l'habitude de quémander, et l'elfe put sans aucun doute sentir le dos du régent s'affaisser un instant.
Il se sentait de nouveau important, il se sentait à nouveau être quelqu'un, être une figure. Comme si on s'accrochait à lui, comme si on remettait en lui tout ses espoirs, et toutes ses craintes. Un sentiment de fierté et d'amour fraternel l'envahit, avant que son visage ne s'efface, et qu'il redonne à Estiam toute la légitimité de cette sensation. Il ne serait jamais plus tant un frère qu'il aurait pu l'être pour Glauriel, ou pour Aldartha. Plus tant un modèle, une figure de référence. Et aujourd'hui, on le lui redonnait cette chance, cet espoir, de revivre à nouveau ce qui lui avait tant manqué, sans réellement qu'il le sache. On venait de lui redonner le rôle qu'il avait depuis longtemps perdu, et l'espace d'un instant, il redevint l'elfe qu'il avait été, celui qui n'avait jamais été départi de sa fratrie. Son cœur se serra, et sa gorge se noua, et alors qu'il allait ouvrir la bouche, pour réprimer sans doute ses sentiments qui se faisaient trop envahissant, la voix du mage résonna à ses oreilles. Il sentait bien dans sa voix, qu'il ne pouvait pas en dire plus. Qu'il ne pouvait pas s'étendre plus longtemps sur son ressenti, et sur sa requête.
- Allons, qu'aurais-je à te pardonner ?
Sa voix tressaillit bien malgré lui, mais il ne s'en formalisa pas réellement. Après tout, il ne pouvait contenir tant d'émotions, et vouloir le faire n'avait aucune forme de logique. Il n'était pas là dans un débat politique, une discussion d'intérêts, ou un échange sur une quelconque affaire. Il n'était pas là en tant que Régent, ou en tant que Protecteur. Il était là en tant que mage de la vie, et en tant que fils de Kÿria. Au même titre que tout les autres. Alors vouloir faire bonne figure n'avait réellement aucun intérêt. Alors doucement, il se détacha d'Estiam, l'allongeant à nouveau en face de lui, il reprit relativement rapidement sa tâche. Mais avant que ses paupières ne recouvrent partiellement ses yeux, Estiam put apercevoir sans trop de difficulté une larme rouler le long de sa joue. Les chaires se reconstruisaient à une vitesse raisonnable, même s'il savait qu'il en perdait. Le rassemblement considérable du flux qu'il avait du effectuer l'avait partiellement vidé de son énergie, et il savait qu'il ne la récupérerait pas de sitôt. Mais tant que son corps ne tremblait pas de façon incontrôlable, tant que ses yeux ne brûlaient pas, il savait qu'il pouvait continuer sur sa lancée. Qu'il devait continuer. Parce qu'il ne mettait pas sa santé en péril, et parce qu'il devait sauver ses frères et ses sœurs. Parce que c'était là son devoir, et parce qu'il savait pouvoir donner sa vie pour les sauver. Son focalisateur brillait maintenant d'un éclat indéfinissable dans son esprit, et il savait qu'il ne soignait plus seulement un enfant de Kÿria, mais véritablement un frère.
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| | | Lœthwil
Ancien
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Personnage :.: MANUSCRIT :.: Âge : 966 ans Taille : 2m08 Niveau Magique : Archimage.
| Sujet: Re: L'envie de vivre | Halya & Tiam Mar 19 Avr 2016 - 1:51 | |
| Ton manque de respect des premiers jours ? Tes inutiles tentatives de raisonner un elfe n’en ayant pas besoin ? Ton incapacité à faire preuve d’empathie lorsque les mots seuls portaient le poids de l’information ? Il est ton aîné, et s’il n’a peut-être pas eu l’occasion de voir plus que toi, il est des expériences qu’il a vécu avant toi et plus intensément que toi. Tu aurais dû l’écouter, tu aurais dû faire confiance à la figure de modèle que représentait son nom plutôt que de tout mettre de côté simplement parce que lui l’avait fait. Encore une fois tu as agi au cœur et sans réfléchir ; et c’est vrai, grâce à cette attitude tu as vécu des choses merveilleuses, mais à cause de cette attitude tu as aussi plus d’une fois failli perdre la vie et mis en danger celle d’autres.
Si tu demandes pardon, c’est avant tout pour l’inquiétude dans lequel ton égoïsme le plonge aujourd’hui. Tu ne réalises que maintenant. Il aura fallu l’angoisse du régent en personne pour que tu réalises la place que tu tiens au sein de la fragile construction qu’est votre société. Tu n’es peut-être qu’un enfant illégitime, un mage parmi tant d’autres, un anonyme dans un monde où le renom fait la force… mais tu es un mage de talent. Tu es un mage de talent qui malgré des débuts explosifs a fait ses preuves à l’Académie. Un mage talentueux qui pour le temps que cela aura duré a pu retenir l’un des plus puissants des Archimages Sombres. Un explorateur qui aura amené d’importantes clefs pour la guérison de l’Uraal. Un combattant qui vient de donner de son corps et de son sang pour la reprise d’Eraïson. Qu’ils choisissent de l’ignorer, de ne pas voir tes actes, puisqu’il y en a tant d’autres qui méritent tout autant, ou même bien plus les lauriers, tu n’en restes pas moins le fils de Lòmion et Uìnen.
Le fils d’un père qui a fait promettre à un autre de te garder loin de Tari tant il ne supporterait pas de te voir quitter ce monde avant lui. Le fils d’une mère qui a failli trouver le rejet d’une Noss dont elle est l’un des piliers au jour de ta conception, et qui malgré tout a toujours fait ce qu’elle pensait être le mieux pour toi, quel que puisse être l’avis des autres. Tu es le fils de deux personnages importants dans leurs mondes respectifs et de deux elfes qui ne survivraient pas s’ils te savaient défunt. Si le doyen du Chapitre Blanc et l’Aînée des tisseurs venaient à perdre goût à la vie, alors avec ces deux piliers s’effondreraient tout un pan de deux sociétés. Tu es un anonyme, mais tu es un anonyme qui compte.
Alors dents serrées et sourcils froncés, tu t’accroches à la chance que t’offre ton frère aîné.
La douleur est atroce, mais elle en vaut la chandelle. La peine est immense, mais le baume que tes dernières pensées t’ont mis au cœur effacerait tout. L’excédent de magie n’est plus là. Les chairs infectées sont parties. Te voilà sur une pente ascendante, fort d’une nouvelle expérience, retrouvant lentement les forces qui t’ont été prises pour te sauvegarder. Tes muscles se reconstituent maintenant, le pire est passé. Le pire est passé, et au doux tintement du focaliseur d’Anorndellon, tu as gagné le droit de fermer les yeux à nouveau. Ou presque. Il te reste encore une question à laquelle répondre, parce que s’il est une leçon que l’elfe en face de toi t’a appris, c’est que le moindre mot peut être aussi plein de sens que le plus long des discours. Pourquoi devrait-il te pardonner… et bien parce que...
- Tu pleures Anorn.
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