Sang de mon Sang | Lettre à Oschide d'Anoszia

Bien qu'étrangère aux aléas de la diplomatie et des intrigues du pouvoir, Azénor se doutait que le manque de nouvelles venant de son aîné était plus du à ses occupations prenantes qu'à une volonté de silence. Pour sûr il conversait avec leur géniteur, mais cela devait avoir une substance plus officielle que familiale. Longtemps elle avait pris son mal en patience, pour finalement ne jamais oser entreprendre ce qu'elle attendait de sa part ; lui écrire de son chef. Qu'avait-elle à lui raconter, malgré la distance, les années ? Il connaissait Soltariel, et devait se douter du peu d'animation de sa position de Dame de Compagnie. Azénor trouvait toujours des raisons qu'elle pensait valables pour ne pas déranger son frère aimé, qui lui menait la grande existence conquérante à laquelle rêvaient tous les rejetons du Dragon. Elle s'était imaginée rejoindre Diantra sans prévenir personne, mais la réalité géopolitique ayant plus de poids que les désirs d'une donzelle en mal d'escapade, elle se résigna à avertir le Duc de Langehack de sa décision et de son arrivée future. Le pli ne demandait réponse, elle ne s'y attendait pas de toute façon. Il était simplement informatif, tout juste empreint de sentiments. Ceux-là, la belle les gardait pour leurs retrouvailles. Les armoiries d'Anoszia flottant sur le flanc des coursiers, elle laissa partir en direction des anciens domaines royaux les premiers mots qu'elle adressait à son parent depuis des lustres.

Citation :

Mon tendre Oschide,

Je te fais parvenir cette lettre, l'unique depuis bien trop longtemps, pour te signifier mon départ de Soltariel. En effet, je pars, et c'est à Diantra que je me rends, aux côtés de ton Grand Amiral, le Seigneur di Montecale. Je compte sur lui pour me conduire à toi. Enfin nous nous retrouverons, Osh …
Tu as terriblement manqué à ta petite sœur.
J'ai grand hâte de te voir, sang de mon sang.

Azénor.

N'y avait-il aucune chose pouvant venir perturber la monotonie de ses journées ? Ces dernières ennéades s'étaient avérées totalement abrutissantes par la tâche journalière de travail à effectuer. Régler les doléances tout d'abord, s'entretenir avec les notables ensuite, s'assurer de la bonne conduite des travaux et de l'arrivée des provisions, écrire aux nobles voisins pour leur demander de venir en aide aux âmes perdues par les guerres. Voilà ce qu'il se tramait dans l'ombre de ses bureaux, à la lueur de dizaines de chandelles sur le point de disparaître. Pourtant, l'un de ses gardes vint lui apporter une lettre un beau matin et son cœur se mit à battre lorsqu'il y découvrit le nom de sa jeune sœur Azénor. Par tous les dieux ! Comment sa sœur avait-elle réussi à lui faire parvenir une telle enveloppe ?! Curieux de découvrir le contenu, Oschide ne put s'empêcher d'étudier l'écriture afin de déceler un potentiel faux. Sa sœur était captive de l'estréventine depuis tellement longtemps qu'il redoutait même que sa sœur se soit trop éprise de la garce.

Mais lorsqu'il vit la mention de son ancien amiral, Enrico de Montecale, il ne put également s'empêcher d'avoir un petit sourire au coin des lèvres lorsqu'il comprit que son ami Soltaar venait d'effectuer une mission qui n'avait pourtant pas fait partie de ses prérogatives. Heureux comme tout de la savoir bientôt proche de lui, il n'eut alors qu'une seule idée en tête toute la journée qui suivit, celle de revoir sa sœur et de la serrer de nouveau dans ses bras.