L'art de briser des rêves | Jinda [terminé]

Rose

La nouvelle qu'elle avait apprise la veille tournait et retournait dans sa tête, se mêlant et s’emmêlant avec les événements de la nuit et la disparition de Maélyne. Il y avait plus grave a penser bien plus grave. Mais rien a faire. Elle avait besoin d'en avoir le cœur net pour se remettre a l'ouvrage…  Ce mariage… C'était impensable… Elle était presque aussi abasourdit que lorsque Cécilie lui avait annoncé que Jindanor demandait officiellement sa main. Dans les couloirs et les escaliers du château, elle guettait les remparts en espérant apercevoir un de ceux qu'elle cherchait… Et ce ne fut pas bien long. « Anthoine ! -Rose ?! Qu'est-ce qu'il y a ? -Rien d'important. Ou est Jindanor ? » Le garde en uniforme marqué du faucon d'or de Beaurivages se renfrogna. -La dernière fois que je l'ai vu, il était dans la cour, près de l'écurie. Il parlait à un palefrenier. Et… -Merci ! Elle fit claquer un baiser sur sa joue et s'enfuit aussi vite qu'elle était venue, laissant au jeune homme le soin de soupirer. -Jin… Messire Jindanor ! M'accorderiez-vous quelques instants ? Elle avait modifié son ton à la volée en s'apercevant que le géant n'était en effet pas seul. Maintenant il était chevalier après tout… Le respect oblige. Elle attendit que les curieux se disperse et invita le géant à la suivre d'un geste. Sa main alla serrer son jupon, sentir le carnet qu'elle y cachait toujours. En silence, ils avancèrent dans les jardins dévastés par la tempête, à l'écart de ceux qui tentaient encore de les remettre en état. Elle inspira à plusieurs reprise, comme pour commencer une longue phrase, mais se repris à chaque fois extrémiste. Après tout était-ce bien sage d'en parler maintenant ? … Oui. S'il risquait sa vie, il devait savoir pourquoi… Rien que la façon dont il avait sauter dans la rivière en cru pour sauver Gaël… S'il avait su la vérité… D'un seul coup, elle attrapa la manche du chevalier pour l'entraîner dans un coin d'ombre. -Je veux que tu dises à Cécilie qu'il n'y a aucun avenir pour vous deux. Après avoir hésiter une dernière fois se plantèrent résolument dans ceux du géant. Allé. C'était comme un grand ver de médecine amère ! D'une traite. « Attend ! Avant de me hurler dessus. Écoute moi jusqu'au bout. Je sais que tu es sincère. J'avoue en avoir longtemps douté, mais personne ne se mettrait dans des situations aussi folles pour une femme qu'il n'aime pas. Et ça a l'air d'être réciproque… Bon…  d'accord : C'est réciproque. Je suis sûre qu'elle a envisager tous les risques et si elle continue a avoir foi en cette idylle, c'est qu'elle tien vraiment a toi. Je la connais. Sous ses airs maîtrisés et calme, c'est un véritable volcan prêt à exploser… comme tous les artistes j'imagine. » Un maigre sourire teinta sa figure mais elle se reprit avec un raclement de gorge, un eu moins précipitée. «  En tout cas ça veut dire qu'elle a du te parler des risques que tu encoures. Tu as beau ne plus risquer l'émasculation ou la mort aux mains de n'importe quel seigneur en tant que roturier, ce n'est pas ton statut de chevalier tout frais qui te protégeras de la morgue des nobles. Que ce soit de notre famille ou de celles d'autres seigneurs qui attendent depuis des années pour faire une alliance juteuse. Tu risques ta vie… Mais tu sais aussi que tu risques la sienne ? En se compromettant avec toi, elle risque d'être purement déshéritée, rayée des documents familiaux, peut-être même d'être déchue de ses prérogatives. Tu feras quoi alors ? Vous vivrez ensemble comme des paysans ? Tu  sais comme moi que c'est impossible. Son esprit est peut-être vif, mais elle n'a aucune idée de la réalité du monde. Elle se complaît avec ses orphelins bien traités, les problèmes des serviteurs du châteaux, ses petits soucis de châtelaine. Mais elle reste aveugle, dans tous les sens du terme. Elle n'imagine même pas que tous les habitants du châteaux n'aient pas un lit aussi confortable que le sien avec deux oreillers de plume et un duvet brodé. Elle est incapable de se défendre ou d'accomplir seule les travaux les plus quotidiens. Alors quoi ? Travailler dans une ferme ? Dans un temple ? Jusqu'à la fin de ses jours ? Alors qu'elle pourrait devenir une dame respectée et apporter la prospérité à des milliers de personnes ? Tu as vu son frère n'est-ce pas… Si son père apprend vote idylle il fera jouer n'importe quelle vieille loi. Si tu n'es pas au courant sache qu'il a déjà été bien assez loin pour déshériter sa propre fille. Si elle n'est pas encore entrée dans les ordres, elle ne le doit qu'au fait qu'il ne la trouve pas digne de représenter ce que leur famille offre au service de la DameDieu. Que fera-t-il a ton avis lorsqu'elle finira par le braver pour épouser un homme de basse extraction ? Jusqu'ici, Maélyne n'a pas eut le courage de la remettre sur le droit chemin. Je sais qu'elle ne pensera pas a elle dans cette situation, alors c'est à moi d'y penser. Je n'ai pas envie de la voir s'effondrer encore. Mais je sais également que mon avis n'aura aucune emprise sur elle. Le seul qu'elle écoutera, c'est toi. Si tu brise ses espoirs, elle s'en remettra. Cela prendra du temps mais elle finira par être heureuse. Elle vivra une vie calme, hors de danger et entourée des siens. Mais si vous restez ensemble, elle souffrira forcément. Et si tu penses une seconde à la déshonorer pour tenter de la garder,au delà du fait que je trouverai le moyen de te tuer, elle se retrouvera avec l'épaule marquée au fer rouge comme les filles de mauvaise vie. » Ses bras retombèrent le long de ses flancs mais le regard de la jeune femme ne se fit que plus perçant. Pour qu'il accepte d'aller mettre un point final à cette histoire, il fallait qu'elle brise ses espoirs. Qu'elle n'en laisse pas un seul. « Tu as fait plus que ce que n'importe qui aurait penser possible. Tu as été adoubé en moins d'un mois. Ta vie viens de changer. Mais tu ne reste que ce que tu es : un chevalier issu de la roture. Tu n'est rien pour eux. Rien de plus qu'un gueux adoubé dans la boue. Vous êtes jeunes tous les deux. Vous ne vous connaissez que depuis quelques ennéades. Vous êtes passionné, très bien. Mais vous n'avez aucune idée de ce qu'il en sera dans dix ou vingt ans. Le mariage c'est autre chose que l'amour. Ne met pas ta vie et la sienne en danger, je t'en prie. Si tu lui donne de l'espoir, le réveil sera douloureux et je ne suis pas sûre qu'elle y résiste, que ce soit de corps ou d'esprit… Sur ça au moins, je la connais encore mieux que toi. Il faut que tu comprennes, Jindanor… Il faut que tu sache qu'hier soir, Gaël lui a annoncer qu'elle était fiancée à un gentil-homme du Langecin. Un Baron. Le mariage est prévu pour la fin du mois prochain. »

Avez-vous déjà cru apercevoir un animal enragé ... ?

Vous aviez tout faux.

Jindanor serra si fort les dents que celles-ci manquérent de craquer, son regard fut baigné de noir, de détresse et de colère, d'une hargne sans pareil d'une rage à vous en faire pâlir le plus courageux des péninsulaires, ou le plus fou des Wandrais.

Il ne répondit rien, il serra simplement son poing dans un craquement de phalanges. Son regard emplis d'une rage presque bestiale vint dévorer Rose... La noyer dans sa plus grande peur.

Son poing s'écrasa dans le bois soutenant le mur à seulement quelques centimètres du visage de Rose... Il y encastra ainsi son poing, dans un choc sourd et violent... Il s'approcha du visage de Rose quasiment prêts à la massacrer, la découper sur place... Elle était la source de son malheur, là tout de suite, il aurait pu la briser, la détruire...Mais...

Il arracha son poing du bois, qui garda une marque de phalange ancrée et rougies du sang qu'il y avait laissé.... Son gants de cuir plaqué avait été sauvé par sa manie de retirer ceux-ci lorsqu'il n'avait pas à manier sa lame, mais sa peau et sa chair, ses phalanges même s'étaient vues maltraités comme jamais. Si un regard pouvait vous effacer de ce monde, Rose n'existerait plus.

Il retint même un grognement bestiale, et s'éloigna... Se retenant d'hurler de rage... Se surprenant d'autant plus à trembler de la main droite qui venait de s'écraser dans le bois, les phalanges ouvertes et le sang en dégoulinant. Alors qu'il passait à côté d'un tonneau sur lequel trônait un drap, il s'empara de celui-ci, le déchirant sans vergogne pour s'entourer la main et endiguer l’hémorragie. Jindanor hurla simplement quelques mots en direction de Rose.

-Ne croises plus mon chemin de la journée !

Nous plaindrons tous le prochain malheureux qui le croisera...

Jindanor observait un instant de rage sans pareil.. Et la femme qui l'aimait... Elle était au courant de ce qu'elle venait de lui dire... Incroyablement : Peu de personnes l'approchèrent sur sa route.

Rose

… Jinda disparut au coin du muret. Rose tomba a genoux. Une expiration incertaine s'échappa de ses lèvres. Elle n'avait jamais vu Jindanor dans un état pareil. Même dans ses prédictions les plus pessimistes, elle n'avait pas prévu ça… Elle l'avait imaginé en colère bien sûr… Mais sentir une pogne aussi large que son crâne s'écraser à quelques centimètres de son visage était tout autre chose. Elle déglutit en essayant de faire passer les tremblements de ses membres. Une main apparu soudain devant son visage, la faisant sursauter. « Tout va bien Rose ? » Le visage de la matrone qui s'occupait des cuisines apparue dans champ de vision, une ride d'inquiétude barrant son front déjà buriné. « Rose ? -Oui… Oui, merci. » Elle attrapa la main qu'on lui tendait pour se remettre sur pied. « Tu es sûre ? Tu as la tête de quelqu'un qui vient de voir Tyra. -Tout va bien Hélène. Je suis juste un peu fatiguée. La journée est longue. -Pour tout le monde… Enfin dans le doute, je vais quand même prévenir mes ouailles d'éviter le Petit Sir Jindanor. -… Vous avez entendu ? -Rien qui ne me concerne. Ne t'en fait pas, les commérages ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Si je savais écrire, je pourrai remplir des bibliothèques avec ce que j'entends ici. Tu ferais mieux de te remettre au travail. Il n'y a rien de mieux pour oublier ses soucis.» La jeune femme soupire. Elle n'était pas vraiment fière de ce qu'elle avait du faire mais elle savait que c'était nécessaire... Si seulement Jindanor pouvait le comprendre une fois calmé, ça n'aurait pas été vain. -Avant que j'oublie. Est-ce que tu pourrais dire à l'Intendante que nous avons de nouveau un chapardeur dans les cuisines? Je ne sais pas encore qui s'amuse à voler du pain et du saucisson, mais quand je lui mettrai la main dessus, elle sera la première au courant... Et si tu découvre quoi que ce soit, tu sais où me trouver. -Comptez sur moi. sourit Rose. De tout ce qu'on aurait pu lui dire, Hélène venait de lui trouver exactement ce dont elle avait besoin : une tache simple pour s'occuper l'esprit. Il ne restait plus qu'à découvrir ou passait les provisions...