[MdO2017]Le Poids des Siècles | Libre

Ce rp est un RP Libre. Quiconque souhaite s'y incruster est la bienvenu.
Le but de ce rp est de jouter à l'amiable
Spectateurs accueillit bras ouverts !

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Harald d’Outremont

Au 10ème jour du mois de Karfias, an 9 du 11ème cycle.

Le ciel était nuageux mais les 21° à l’ombre compensaient largement cette légère grisaille. Le palais venait de vivre une fête somptueuse en l’honneur de l’heureux gagnant du tournoi. Celui-ci s’était déroulé hier soir ce qui expliqua grandement les couloirs déserts qu’on pouvait trouver au matin. Les rares personnes qu’on croisait se rendaient à leurs chambres pour enfin s’enquérir un sommeil réparateur.

Pourtant, un homme marchait d’un pas vif et certain, titubant toutefois un peu. Harald d’Outremont se rendait à la lice, bien déterminé à enfourcher son cheval et à défier d’autres chevaliers. Il était un homme peu connu de Serramire, frère du père de l’actuelle Dame, il se contentait que de la régence au nom de sa nièce. Grand, avec une panse à bière plutôt bien développée, Harald était le genre d’homme à avoir « bien » vieillit. Un gros bide ne pouvait que signifier fastes repas, et il fallait l’avouer, il ne s’en privait pas.

Arrivé à lice, il fut étonné de n’y trouver personne ou alors quelques serviteurs qui s’occupaient encore de nettoyer.

« Pfhouah ! Ils sont encore tous avec leurs culs dans leurs lits ! Je le savais ! »
Harald n’eut pas le temps de maudire ces chevaliers plus longtemps qu’une voix familière vint l’interpeller.

« Mon oncle ? Que faites-vous donc ici ? » Maélyne s’était levée de bonne heure, elle qui était parmi les seules à ne point avoir tardé au banquet organisé en l’honneur du champion.

Le vieil homme se retourna et son regard en disant long. Il appréciait sa nièce mais n’était jamais de son avis, il aimait la fille de son frère mais répugnait qu’elle lui ait prit son dû. Outremont aurait dû lui revenir mais elle s’était imposée, laissant un goût amer sur bon nombre de nobles à Outremont.

« Je m’apprêtais à jouter ! Mais mes invités semblent avoir préférés de rester au lit ! Sans doute ont-ils très bonne compagnie ! Il faudrait une bonne paire de cuisses pour ne point venir m’affronter ! » Il éclata d’un franc rire, surtout après avoir admiré la belle expression de dégoût qu’avait affiché Maélyne.
« Eh bien je pense qu’ils ne devraient pas tarder. » finit elle par réussir  à formuler.
« Et donc, qu’allez-vous faire ? Les chercher ? »
« Par tous les dieux, hors de question ! Je m’en vais de ce pas préparé ma vieille mule et je vais m’entraîner un peu. Il est loin le temps de mon premier tournoi, je m’en languis ! Rhaaa si je n’étais pas si vieux… » La fin de sa phrase n’était qu’un murmure qui disparut dans une faible brise alors que l’homme se dirigea vers les écuries. Maélyne de son côté gravit les marches des gradins et prit place. Si des chevaliers devaient venir défier son oncle, il était hors de question qu’elle manque une miette de ce spectacle.

A peine Harald était-il revenu que d’autres gens avaient pointé le bout de leurs nez.

« Monseigneur, je vous le répète, c’est de la pure folie ! »

« Pousse-toi donc, Bauer ! Place ! Je te l’ordonne ! »

Jorgen Bauer, encore vêtu de ses oripeaux de nuit, s’écarta du chemin d’Arnoul de Stern, à contrecœur. Le vieillard avançait d’un pas déterminé, tout en armure rutilante. On pouvait remarquer sur les rivets qu’elle était gravée de l’épervier, blason des Ruy-Selan. A dire vrai, Arnoul avait remarqué que son ancien harnois n’était malheureusement plus à sa taille. Au fil des ans, il avait fini par perdre en taille et masse musculaire. La vieillesse, c’était vraiment moche… Fort heureusement pour lui, l’un des fils Ruy-Selan était doté de la même carrure que lui. Le jeune garçon lui avait cédé les protections sans mot dire, fier de pouvoir aider le suzerain de son père.

Pourtant, tout autour de lui, personne n’était d’accord.

Une demi-douzaine de ses chevaliers l’entourait, tentant de le raisonner depuis le moment où il avait annoncé ce qu’il comptait faire. Et alors qu’il avançait à grands pas vers la lice, ils marchaient à côté de lui, employant leur rhétorique à faire changer d’avis le Vieux Bouc. Mais tout comme l’animal ceignant son blason, Arnoul de Stern était une forte tête. Il avait décidé qu’il jouterait, alors même si sa nuque devait se briser, il jouterait. Voir la lice s’enflammer comme lors de sa jeunesse l’avait enhardi. Et le récent éveil d’Arnaud lui avait apporté comme un second souffle. Il se voyait déjà revenir un demi-siècle en arrière, à l’époque de son apogée. Il se rappelait encore le faide des Magster, ou celui des Quat’ Fils Kardheim… Il frappait fort en ce temps-là. Et il se demandait si son bras se souvenait encore de son ancienne force.

Dehors, le temps était très bon. La grisaille était son élément, un ‘beau ciel du Nord’ comme le disait souvent son ancien ami Othmar. Le brouhaha incessant de ses affidés commençait à l’ennuyer. Il s’arrêta net, les forçant également à stopper leur marche. Ils le regardèrent un instant, sans mot dire. Quelques secondes plus tard, Arnoul soupira.

« Ha, enfin. Un peu de silence… »

Ils se regardèrent tous.

« J’ai décidé de jouter aujourd’hui. Les joutes d’hier m’ont mis le feu au ventre. Rien dans la joute n’est prudent, que l’on soit jeune ou aussi croulant que moi. Chaque jouteur risque une mauvaise chute, ou une lance plantée dans le gosier. Je me souviens même d’Osborn le Céciteux, susnommé pour ne pas avoir relevé la tête alors qu’une lance se brisait, et ainsi récolté des myriades d’éclats dans les yeux. Peu importe contre qui je jouterai aujourd’hui. Il y a encore des Stern mâles en vie, et l’un deux désire prendre sa revanche sur le poids des siècles ! »

Encore une fois, les chevaliers se regardèrent. Peu étaient d’accord avec ce genre de discours, même s’ils avaient, lors des guerres et des faides, poussé des vivats à l’écoute de ce genre de monologue passionné. Soudain, Gothor de Welm frappa sa poitrine de géant.

« Moi j’vous suis, messire Arnoul. »

Certains acquiescèrent, d’autres non. Jorgen Bauer et Hudgar le Pieux s’éloignèrent, prétextant qu’ils ne souhaitaient pas voir leur seigneur se prendre un vilain coup. Les fils Dagg hésitèrent, mais finirent par suivre le vieux seigneur. C’est à six, Arnoul compris, qu’ils pénétrèrent alors sur la lice, y croisant bien plus de monde qu’ils n’en attendaient à cette heure matinale. Arnoul sourit en voyant le vieux seigneur Harald. Il l’avait déjà croisé, il y a bien longtemps. Il fit quelques pas en avant, plus sûr de lui que depuis des années. Il s’arrêta à quelques pas du bedonnant aristocrate.

« Outremont… Alors comme ça, vous avez réussi à vous lever ? Je dois avouer que je suis impressionné. »

Il vit que le Serramirois se tenait à côté de sa monture. Il la toisa un instant, alors qu’un sourire naissait sur ses lippes vieillies.

« Dites-moi, Harald, fils d’Albérik. Il me semble que vous vous préparez à briser quelques lances ? Je vous propose un adversaire à votre taille. »

Déjà, l’un des fils Dagg allait chercher le cheval d’Arnoul dans les écuries.

« Qu’en pensez-vous ? Un Stern comme adversaire. Hm ? »

De retour des écuries, Harald venait de faire préparer son plus fidèle canasson. Son étalon était assez âgé et affichait la même panse que son propriétaire mais c’était un fidèle ami avec qui il partagea de nombreuses batailles. Aujourd’hui, il allait lui demander de jouter en sa compagnie, même si l’animal semblait avoir le regard vide et plus préoccupé par son sceau de nourriture que de la selle qu’on venait de lui mettre sur le dos.

En chemin, Harald parlait dans sa barbe, ou peut-être parlait il à son cheval ? C’est une fois de retour à la lice qu’une voix familière, quoi qu’un peu plus vieillie vienne l’interrompre dans son monologue.

« Outremont… Alors comme ça, vous avez réussi à vous lever ? Je dois avouer que je suis impressionné. »

« Messire de Stern ! Ah quelle belle surprise que vous me faites là. Mais dîtes moi… vous n’avez pas perdu votre humour à ce que je vois ! Vous avez néanmoins raison… » Dit-il en tapant d’une main l’armure qui recouvrait non sans peine sa bedaine imposante. « le secret, c’est de rouler hors du lit, tout simplement ! » Il ria, pensant que le vieux Stern parlait sans doute de sa grosse bedaine, cela pouvait être toute autre chose, mais la réaction d'Harald ne faisait que prouver le mal-être qu'il vivait à cause de ce surplus graisseux. Il écouta la proposition que lui fit le vieil homme. Harald n’avait même pas remarqué que celui-ci était en armure, trop préoccupé par sa propre panse. « Messire… Mais voilà un grand honneur que je ne puis refuser ! » Néanmoins, son air sérieux revint vite envahir son visage. Celui cachait en réalité une certaine angoisse. Déjà qu’il se trouvait lui-même trop vieux pour s’adonner à ce genre… d’exercices, alors un homme qui avait une trentaine d’années de plus que lui ? Mais allait-il savoir ne serait-ce qu’enfourcher son cheval ??

Il lança un regard aux chevaliers qui avaient accompagnés le vieux Stern, tentant désespérément de trouver une quelconque aide pour le dissuader de jouter, mais en vain. « Bon, eh bien, je vous propose de nous échauffer quelques peu, puis nous pourrons prendre place et jouter ensemble ! »

Dans les gradins encore vide, Maélyne observa la scène de loin. Ne pouvant entendre la conversation qu’entretenait son oncle avec l’homme qui venait de le rejoindre, elle put néanmoins se rendre compte d’une chose : ils étaient vieux, et l’un bien plus que l’autre. La jeune femme étouffa un petit rire, d’un geste de la main qu’elle porta à sa bouche. Au fond, elle était toutefois un peu inquiète. Pourquoi les hommes ressentaient ils sans cesse ce besoin de se montrer en spectacle ? La sensation forte de se dire qu’une simple chute pourrait les envoyer dans leurs cryptes familiales ? Le souvenir du bon temps ? Ou alors peut-être à cause de la concurrence de la jeunesse qui éclipsait peu à peu leur gloire passé ? Qu’importe, ils étaient là et comptaient bien profiter de la matinée pour jouter.

La dérision d’Harald plaisait beaucoup à Arnoul. Lui qui avait placé l’humour sur un piédestal durant toutes ses années de vie, il avait vu que parfois, les gens n’appréciaient pas les blagues dont ils faisaient parfois l’objet. Il avait fait déclencher plusieurs faides avec pour seul motif l’humiliation en public… mais ce n’était jamais la sienne.

Le seigneur de Stern fut ravi que l’obèse d’Outremont accepte son offre. En fait, il était même surexcité. Une joute… il n’avait plus vécu ça depuis des temps immémoriaux ! Sa dernière passe avait désarçonné un chevalier du Médian, Johan de Rochenoire, le proclamant champion du Tournoi d’Erac ! Mais c’était il y a près de quarante ans… Et alors qu’il prenait la mesure de son âge, il se demandait s’il pouvait encore réellement monter sur un cheval et tenir le choc d’une lance. Mais pour rien au monde il ne laisserait passer une occasion de répondre à cette question.

Harald proposait un échauffement. Ce ne serait pas trop de mal pour Arnoul, qui reprenait à peine la voie de la lice après presque un demi-siècle d’absence. Il pestait d’ailleurs contre le sommeil des jeunes gens, sûrement alourdi par l’alcool. Ils ne pouvaient donc point voir deux hommes de la vieille école se mesurer dans un duel féroce et légendaire ? A moins qu’ils n’aient juste pas l’envie d’observer la charge plus ou moins glorieuse de deux grands-pères arthritiques… Après tout, c’était une excuse qui tenait la route.

Une fois bien étiré et correctement échauffé, en compagnie de ses chevaliers, il se hissa au sommet de son cheval, tonnant sur le moindre de ses vassaux tentant de l’aider. Une fois juché sur l’animal à l’allure athlétique, il fit dextrement tourner la bride du hongre pour qu’il aille dans la direction voulue. C’était une bête qui savait écouter les cavaliers d’expérience. Et les faits d’armes d’Arnoul pouvaient sans doute faire pâlir n’importe quel chevalier se qualifiant d’homme d’exception, ici, au fameux Grand Tournoi. Il eut soudain la vision de sa première charge montée, à seize ans. C’était face aux reîtres du seigneur Moritz, que son père appelait alors ‘Messire Tête-de-Veau’. Ils avaient été coriaces. Mais les Stern méritaient bien le blason qu’ils arboraient fièrement…

Après avoir promené son cheval aux alentours de la lice, suivi de près par ses chevaliers fieffés (et à son grand dam), il se présenta face au gros Harald d’Outremont, casque dans le creux de son bras et main sur la bride de son puissant animal.

« Assez d’échauffement, mon garçon. Prouvez-moi donc que Serramire n’enfante pas que de la soldatesque d’infanterie ! Yah ! »

Il fit trotter son cheval vers son côté de la lice. La vitesse lui manquait déjà, il voulait aller au galop. Mais il savait qu’il ne fallait pas trop brusquer l’animal. Il galoperait bien assez tôt, lorsqu’ils devraient s’affronter dans une joute endiablée, Harald et lui. Ha, qu’il était tout excité à l’idée de s’élancer contre le vent, la lance à la main, le bouclier dans l’autre ! Et rencontrer un… ‘féroce’ adversaire ! Il avait soif de ses sensations de jeunesse. Son passé le hantait à chaque instant. Il était prêt à le revivre.

Le fils Dagg qui lui avait apporté son cheval lui donna sa lance d’arçon. Arnoul la trouvait trop légère à son goût, le garnement avait sûrement sous-évalué la force encore vigoureuse du vieillard.

« Peste, fiston ! Va me chercher une plus lourde, maudit bastardion ! »

Il donna quelques coups de pieds dans le vide, en direction du fils Dagg. Ce dernier, blanc comme un linge, accourut dans la remise chercher une autre lance. Almun de Helver haussa les sourcils, avant de chuchoter à Gothor :

« Plutôt fort pour son âge, le vieil Arnoul… »

Sur sa monture, Arnoul patientait. Le second fils Dagg lui avait donné son bouclier, et le regard d’Arnoul était rivé sur son adversaire, qui devait se préparer également. C’était que les yeux du vieil homme commençaient à fatiguer, et il ne distinguait plus Harald qu’avec du flou.

Impatient de jouter, il tourna sa tête vers l’arrière.

« Prestement, jeunot ! Je veux ma lance avant le midi ! Trainasson ! »

La lice, auparavant si tranquille lorsque Maélyne y posa le pied en compagnie de son oncle, commençait doucement à attirer de plus en plus de monde, curieux de venir vérifier si les on-dit qui avaient déjà conquis le palais étaient vrais ; Arnoul de Stern comptait jouter contre Harald d’Outremont. Ou dit moins poliment ; deux vieux croutons qui risquaient leurs vies pour amuser la galerie.

« Fiston ! Apporte-moi donc ma lance ! Je vais faire un dernier tour de piste. » Dit-il fièrement à son jeune fils, le cousin de Maélyne, âgé de seulement seize ans et qui avait déjà jouté quelque fois durant ses entraînements d’apprenti chevalier.

« Allez Allégresse, vas-y. Yah ! » Cette phrase aurait dû avoir l’effet d’un coup de fouet à la bête, mais il n’en fut rien. L’animal resta plutôt planté là, la tête baissée en quête de quelconques brindilles à se mettre sur la dent. Deux coups de talons vinrent ensuite arracher la jument à ses doux rêves de verts pâturages à pertes de vue.  Harald mena donc son Allégresse au trot, passant devant les nouveaux spectateurs alors qu’une fois de plus, sa monture montra d’une manière bien peu conventionnelle son désaccord par rapport à cet exercice physique en pétant sans vergogne et sans arrêt. On pouvait facilement entendre les rires des uns et les moqueries des autres. Car il fallait avouer ; le cavalier et sa bête étaient en parfaite synchronisation si bien qu’en pratiquant un trot levé, à chaque assise, sa jument ne pouvait s’empêcher de relâcher la pression.  

Maélyne ne put s’empêcher de lever discrètement sa main en direction de son nez, prouvant qu’en plus du bruit plutôt désagréable, l’odeur était également au rendez-vous.

« Par Néerra, rappelez-moi de lui offrir un autre cheval dès notre retour. C’est infecte, pfah… » La Dame ressentit ensuite un haut le cœur et un soudain envie de vomir mais réussit à le contrôler une fois le cheval  de l’autre côté de la lice.

« Tenez père, voici votre lance. »

Harald l’agrippa mais faillit chuter de son cheval avant que son fils ne vienne in-extrémis lui venir en aide.

« Bon sang de bon soir, elle est trop lourde ! Va m’en chercher une plus légère, et vite ! »

Il tourna de l’œil vers Arnoul et l’assemblée en espérant que personne n’avait assisté à cela. Un cheval à gaz qui manquerait peu d’exploser était déjà assez gênant comme cela. Quelques minutes passèrent et Harald empoigna sa nouvelle lance puis se plaça sur la lice.

« Allégresse, je compte sur toi. Nous sommes peut-être gras mais le gras enveloppe toujours le tas d’os ! »

Il ne reçut en réponse qu’un nouveau pet, bien plus important toutefois ce qui eut pour effet d’arracher un rire à Harald.

« QUE LE MEILLEUR GAGNE, MESSIRE DE STERN ! »

Le fils Dagg revint enfin avec une lance digne de ce nom. Certes, elle n’était pas aussi lourde qu’un véritable arçon officiel, néanmoins, Arnoul était content de ressentir à nouveau ce poids sur son bras. Coiffé de son casque, la visière relevée, il prit une grande inspiration et étudia la posture d’Harald, du plus loin que le pouvaient ses vieux yeux, et ne vit pas grand-chose d’autre qu’une masse informe au loin. Il devait se tenir droit sur son cheval, mais avec une panse bien désavantageuse. Le vieillard se souvint alors d’un tournoi, au cours duquel un chevalier aussi gras qu’une couenne de porc avait défait un autre homme, bâti tout en muscle. Il s’était révélé adroit avec une lance, et c’était sur cela que comptait Arnoul : l’expérience et la technique. Du moins, s’il n’était pas si rouillé, c’est sur cela qu’il se serait reposé…

Le seigneur de Stern leva sa lance en l’air.

« Oui, que le meilleur gagne ! Bonne chance ! »

Il murmura pour lui-même :

« Les dieux nous gardent. »

Puis, il se tourna vers ses chevaliers, et leur hurla :

« JUSTE ET FORT ! »

Le cri fut repris en cœur par tous les Sternois présents, certains levant bien haut leurs poings, comme pour toucher les cieux. Ils échangèrent alors quelques paroles, et décidèrent tous de se saisir de leurs épées, et d’aller chercher quelques boucliers d’entraînement un peu plus loin. Une fois fait, ils revinrent à la hâte vers la lice, et se mirent à frapper en cadence leurs armes sur les targes. C’était un rythme entêtant, revigorant… Un rythme à mettre la patate ! Arnoul sourit et rabaissa sa visière d’un coup sec. Sa vue n’était plus aussi bonne qu’autrefois, mais il tenterait de trouver la faille. Avec un dernier mot pour la Dame, et une prière pour Othar, il éperonna sa monture, et cria :

« Yah ! »

Son destrier s’élança sur la lice en piaffant. La vitesse commençait à augmenter, et à enivrer Arnoul. Son cœur commençait à battre bien plus fort, et une sensation étrange s’emparait de lui. Comme si ses os anciens, ses vieux muscles et son corps sénile retrouvaient une fraction de leur gloire d’antan. La lance n’avait plus de poids. L’entrejambe ne faisait plus souffrir. L’armure était seyante et ne pesait presque rien. Même ses doigts arthritiques ne se plaignaient plus de leur prise sur le manche de l’arçon… C’était magnifique. La jeunesse retrouvée, le temps d’une joute, le temps d’une passe…

Et c’est avec fracas qu’il rencontra son adversaire, à la pointe de son arme émoussée !