[Où le coeur et l'esprit peuvent mener...] Discussion autour d'un verre

Calimehtarus de la première ennéade de Favriüs, XI° Cycle,
Auberge de l'Aube éteincelante, Eteniril.

Il pleuvait en ce tout début de matinée. Et il pleuvait suffisamment pour que le peu d'elfes qui étaient vraiment réveillés sortent dehors. Certains malgré tout mettaient leur cape et s'en allaient affronter la pluie battante afin d'aller jusqu'à leur lieu de travail ou encore rencontrer ceux qu'ils devaient voir. C'était le cas du conseiller Sebryn Illewen, joaillier de métier. Assez petit et menu pour un elfe des cités, ses fins traits, ses longs cheveux blonds, ses yeux verts et son port altier démontraient pourtant tout d'un citadin. Maugréant quelque peu contre ce temps automnal tout à fait énervant, il se dirigea non pas vers son atelier comme il en avait l'habitude, mais vers une auberge qu'il connaissait bien. Après une dizaine de minutes de marche, il entra sans frapper dans le bâtiment de pierre et ne fut pas surpris d'être accueilli par un aubergiste en train de nettoyer les tables avant que ceux qu'il hébergeait ne descendent prendre leur premier repas du jour. Les torches magiques étaient encore allumées. Sebryn enleva sa cape trempée tout en saluant d'un signe de tête l'elfe, la posa à un endroit où elle ne salirait pas la salle à cause des gouttes qui en tombaient puis se dirigea vers une petite table au fond de la grande salle. S'y trouvait un adulte à la forte carrure aux longs cheveux gris noués à l'arrière, tranquillement assis sur une chaise, un bol dans les mains. A l'approche de Sebryn, l'elfe posa son bol sur la table et alla saluer son confrère d'une manière habituelle en Eteniril : en serrant d'une main l'avant-bras de l'autre.

"Sebryn ! C'est une joie de te voir venir.
- Pourquoi aurais-tu voulu que je ne réponde pas à ton invitation ? Vu les temps qui courent, je ne pouvais que venir... enfin ! Comment vas-tu, Aneldor ?
- Fort bien. Assis-toi, je t'en prie. J'ai appris que tu avais été voir s'ils n'avaient pas trouvé quelques pierres qui t'auraient intéressé du côté des carrières, tu aurais pu ne pas en revenir.
- C'est vrai. Mais cela s'est bien passé, nous n'avons pas croisé un seul de ces noss. Faut dire qu'ils nous laissent tranquilles ces derniers temps. Ca en devient étrange.
- Je sais."

Aneldor leva les yeux vers l'aubergiste qui arrivait. Le joaillier suivit son regard et sourit. Il répondit à la question de l'hôte en acceptant volontiers une boisson chaude puis, en attendant que celle-ci arrive, reprit la discussion.

"Sinon, la forge ? Beaucoup de travail en ce moment ?
- Exact. Eraïson et le front ont fait beaucoup de dégât, plus que pour les autres batailles. Je ne sais pas quelle magie a frappé à Eraïson, mais certains soldats en parlent encore, les plus jeunes notamment. J'crois que certains ne s'attendaient pas à voir ce qu'ils ont vu, et encore il parrait que mis à part les morts inexpliquées ce n'était pas le pire. J'imagine pas la bataille d'Ellyrion, quoi.
- Hum... Pourtant cela a suffit pour qu'un einior comme notre seigneur-protecteur doit rester par la suite à l'Académie d'Alëandir.
Plus d'un mois, et on ne sait pas quand il reviendra ni s'il reviendra. Je parie qu'il est devenu fou. Même s'il l'était déjà.
- C'était encore rattrapable avant la bataille, mais là...
- Après avoir perdu le contrôle de la magie et tué des elfes ? Je comprends que le haut-conseil ne souhaite pas changer de si tôt de protecteur vu l'hécatombe qu'on a vécu ces dernières décennies, mais n'importe qui aurait été éteint pour être devenu un danger pour les nôtres. Ma foi, on dirait bien que cette fois-ci il a caressé l'Aduram !
- Oui... cela fait-il pour autant qu'il soit du sang de Tinùviel ?
- J'en ai bien peur. Ca et surtout le fait qu'il se soit rapproché de qui tu sais depuis qu'il est devenu seigneur-protecteur ne laisse malheureusement peu de doutes. Je suis comme d'autres, j'ai peur qu'il nous perde."

Sebryn soupira. Son ami n'avait pas tort : le protecteur Yeldoreï jouait à un jeu bien dangereux que de s'allier aux noss. Certains disaient qu'il allait même passer beaucoup de temps avec eux et ce plusieurs fois par ennéade, ce qui était loin de le rassurer. Petit à petit, un citadin devenait un noss... et il semblait qu'il désirait entraîner toute la cité avec lui, ce qui était juste inconcevable. Et le pire était qu'il était suivi par le haut-conseil. Le tavernier arriva, déposa la boisson sur la table et repartit en silence. Il y avait du bruit en cuisine et les deux elfes faisaient en sorte de ne pas parler fort. Ils ne savaient plus à qui parler ni à qui se fier.

"Qu'allons-nous faire ?
- Je ne sais pas... mais je crois qu'il serait bon de faire comprendre au haut-conseil dans quelle direction ils vont. Parlons d'autre chose, les gens commencent à venir maintenant."

Tranquillement, les deux artisans burent tout en se racontant quelques anecdotes paraissant purement anodines pour toute personne étrangère à leur conversation.

Hrp :